Pour répondre à la question de madame Cohen, la fermeture de lits remonte à une période assez ancienne. Une technostructure, venant souvent de Bercy, nous expliquait que les lits coûtaient cher et que nous n'en avions plus besoin. Certes, nous n'étions plus à l'époque du président Pompidou, qui a construit un hôpital tous les 100 kilomètres, lorsqu'il a construit l'autoroute 16, car tout le monde se tuait sur la route. La prévention routière a été créée et nous n'avons plus eu besoin d'autant d'infrastructures.
Le problème réside dans la Copermo, une commission d'efficience qui vient de Bercy. C'est elle qui ferme les lits. Beaujon et Bichat vont fermer pour faire l'hôpital Nord. Martin Hirsch se félicitait de constater qu'on lui avait accordé 100 lits supplémentaires mais les deux hôpitaux qui ferment représentent encore la fermeture de 300 ou 400 lits. L'hôpital de Garches, qui est un des fleurons de la médecine de réadaptation pour les grands handicapés, va être fermé pour rejoindre Ambroise Paré. Cela représente encore quelques centaines de lits en moins. Ça n'arrête pas ! Je pensais que nos dirigeants allaient en prendre conscience à travers la crise actuelle. Je comprends tout à fait qu'un nouvel hôpital soit construit en Seine-Saint-Denis, car c'est un des départements les plus pauvres de France, mais qu'on ne ferme pas les autres ! Cette volonté d'efficience est toujours présente. Durant la crise, nous avons proposé de rouvrir des lits à l'Hôtel-Dieu. On nous a dit que ce n'était pas possible car les structures de circulation des fluides étaient cassées. Les syndicats de personnels sont allés voir. Tout fonctionne très bien. On pouvait y remettre des lits mais ils ne l'ont pas voulu.
Le problème est aussi celui de « l'après ». Nous ne savons pas où nous allons, alors que les patients, une fois sortis de réanimation, doivent être réadaptés. Certains feront probablement des fibroses pulmonaires. Les services de soins de suite et réadaptation (SSR) sont peu nombreux. Si l'on y ajoute les personnes âgées et celles qui sont en perte d'autonomie, c'est le jeu des dominos. Nous ne travaillons pas mieux aujourd'hui. J'ai l'honneur de présider la commission d'organisation de la permanence des soins. Je ne suis pas du tout associé à la cellule de crise de l'AP-HP, car cela gêne. Autour de la table, ce sont tous des professeurs prestigieux. Un simple praticien hospitalier, ce n'est pas possible. On décrète alors qu'il faut déprogrammer. Nous leur avons expliqué que ce sont des malades que l'on va retrouver aux urgences, car on a déjà déprogrammé des malades pendant deux à trois mois au printemps dernier. De façon de plus en plus pressante, on déprogramme l'activité chirurgicale. On ne peut faire autrement. Mais les chirurgiens veulent opérer leurs malades. C'est le sens d'une tribune qu'ils ont fait paraître dans Le journal du dimanche. Ils vont partir dans le privé. Je n'ai rien contre le privé mais celui-ci est en train de s'organiser pour les recevoir. Nous risquons d'amorcer la bascule de la chirurgie publique vers la chirurgie privée.
Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale va vous être présenté. Nous avons constaté que 4 milliards d'économies avaient été décidés. 8 milliards nous ont été alloués au mois de juin. Le nouveau PFLSS comporte déjà 4 milliards d'euros de moins, avec - 1,4 milliard sur les hôpitaux publics. Autrement dit, on va nous dire qu'il faut fermer les lits ouverts actuellement. On fait un pas en avant et trois pas en arrière.