Intervention de Agnès Ricard-Hibon

Commission d'enquête Évaluation politiques publiques face aux pandémies — Réunion du 14 octobre 2020 à 16h35
Audition commune des professeurs éric maury président de la société de réanimation de langue française hervé bouaziz président de la société française d'anesthésie et de réanimation et marc leone chef du service d'anesthésie-réanimation des hôpitaux universitaires de marseille

Agnès Ricard-Hibon, présidente de la Société française de médecine d'urgence :

Nous avons énormément de postes vacants, en réanimation comme en médecine d'urgence. Vous avez parlé, madame la sénatrice, d'égalité des chances. La répartition des internes et des jeunes seniors devient très hétérogène au détriment des CH périphériques. Un tiers de la promotion des docteurs juniors en médecine d'urgence, en Île-de-France, n'a pas choisi d'affectation. Ceux qui ont choisi ont opté pour le centre de la région, dégarnissant tous les CH. Ce n'est pas le cas dans toutes les régions mais dès lors que l'organisation existante ne permet pas de découvrir l'offre et les qualités pédagogiques proposées dans les CH (donc les perspectives de carrière qui existent dans ces établissements, avec de vrais partenariats entre CHU et CH), nous perdons des professionnels.

Nous essayons de compenser ce déficit par des praticiens étrangers mais la situation est ubuesque pour parvenir à les titulariser, tant les difficultés sont grandes. Nous avons des professionnels, venant de pays où ils ont reçu une formation remarquable, que nous souhaiterions garder dans nos établissements mais nous n'y parvenons pas, tant les contraintes sont grandes. Il ne faut pas que ces professionnels étrangers viennent compenser la pénurie là où l'on organise presque la désertification médicale. Il faut un meilleur partenariat entre CHU et CH et que les CH soient intégrés dans les commissions pédagogiques afin qu'il existe une répartition homogène des professionnels formés. Ainsi pourra être préservée l'égalité des chances dans l'ensemble des régions.

Vous avez évoqué à juste titre, madame la sénatrice, l'aide à domicile. Comme je le soulignais, lorsque la situation se bloque en réanimation, cela se répercute sur les urgences. Nous avons besoin de laisser à domicile des patients qui n'ont pas besoin de l'ensemble du plateau technique. On nous a beaucoup reproché de ne pas laisser des personnes âgées d'EHPAD venir dans les établissements. On s'est au contraire reposé sur la ville de sorte que les prises en charge soient adaptées avec des professionnels de ville plutôt que d'entraîner une maltraitance de personnes âgées dans les couloirs des urgences.

Nous avons des solutions permettant d'améliorer ce travail partenarial entre la médecine d'urgence et la médecine de ville, notamment par le service d'accès aux soins et ses liens avec les CPTS. Nous devons renforcer la coopération et la valorisation de ces professionnels, qui auront alors le sentiment de travailler avec nous (et non seuls dans leur coin) à la pertinence de l'accès aux soins, avec le souci de réserver le plateau technique à ceux qui en ont vraiment besoin. Pour ce faire, il faut organiser la prise en charge à domicile, en amont ou en aval de l'hospitalisation. Nous avons beaucoup d'espoirs à travers cette coopération qui a très bien fonctionné durant la première vague, de même que la mobilisation de la ville dans les centres Covid. La mobilisation des professionnels médico-sociaux peut être d'un précieux secours afin que les patients pouvant être pris en charge en ville le soient. Cela passe par la régulation généraliste et urgentiste. Ce pourrait aussi être une solution pour améliorer l'attractivité de ces métiers, à travers un travail d'équipe.

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