Intervention de Olivier Véran

Réunion du 9 novembre 2020 à 16h00
Financement de la sécurité sociale pour 2021 — Discussion d'un projet de loi

Olivier Véran :

Madame la présidente, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) dont nous allons débattre est exceptionnel.

Avec ce texte, l’État s’engage, l’État prend ses responsabilités et l’État se montre à la hauteur d’un défi historique, en accompagnant toutes les forces de la Nation, en soutenant l’activité économique, en donnant des perspectives nouvelles à notre système de santé et, surtout, en ne laissant personne au bord du chemin.

Le texte initial du PLFSS présenté en conseil des ministres prévoyait déjà une augmentation de 10 milliards d’euros de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) 2020 par rapport au niveau que vous aviez voté l’an passé. Ce montant, sans précédent, résulte des surcoûts exceptionnels liés à la première vague de la crise covid et de l’effort que nous consacrons pour soutenir les personnels soignants.

L’Assemblée nationale, à l’invitation du Gouvernement, a déjà voté une augmentation supplémentaire de 2, 5 milliards d’euros de cet Ondam 2020.

Cela permettra d’avancer à décembre 2020 les revalorisations du Ségur de la santé, prévues initialement pour entrer en vigueur en 2021, afin de répondre à la mobilisation massive des personnels de santé, en première ligne dans cette crise. Les soignants qui, pour faire front, seront amenés à renoncer à des jours de congé bénéficieront aussi d’une compensation financière.

Cela permettra, par ailleurs, de financer une provision de 2 milliards d’euros pour nous assurer que les établissements de santé pourront couvrir les surcoûts et les pertes de recettes subies du fait de la deuxième vague à laquelle nous sommes confrontés.

Aujourd’hui, nous devons encore aller au-delà pour intensifier l’appui financier de la Nation à cette crise sanitaire.

Le Gouvernement vous proposera ainsi de relever par amendement de 800 millions d’euros l’Ondam 2020, pour couvrir des charges qui n’avaient pas encore pu être évaluées suffisamment précisément lors de l’examen du texte à l’Assemblée nationale.

Nous vous proposerons ainsi d’inscrire 400 millions d’euros à destination des établissements sociaux et médico-sociaux. Il s’agit de poursuivre, pour le temps de la crise, la couverture des surcoûts liés à la crise sanitaire dans les établissements médico-sociaux tarifés par l’assurance maladie et, demain, par la branche autonomie, notamment les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). Aucun établissement ne doit se priver d’un renfort humain dans la crise qu’il connaît pour des raisons financières.

Par ailleurs, 400 millions d’euros de plus serviront à financer en 2020 la stratégie de tests du Gouvernement : 300 millions d’euros à destination de la médecine de ville, que je sais particulièrement mobilisée, et 100 millions d’euros à destination des établissements de santé.

Je n’oublie pas la mobilisation exceptionnelle des étudiants en santé. Leur engagement n’est pas optionnel, il est indispensable et les rémunérer justement me semble la moindre des choses. Les étudiants en formations paramédicales mobilisés en renfort percevront donc une indemnisation exceptionnelle, à hauteur de 550 euros par mois.

Vous l’aurez compris, ce PLFSS soutient de façon historique notre système de santé. Le Ségur de la santé était attendu depuis longtemps, très longtemps ; il apporte aujourd’hui aux soignants une reconnaissance très concrète.

Dès l’ouverture du Ségur, j’ai parlé sans fausses pudeurs de la case en bas à droite de la fiche de paie. Pendant tout le confinement, il y a eu des applaudissements parce que les Français aiment leurs soignants et savent ce qu’ils leur doivent. Ces applaudissements devaient être suivis d’engagements, pour transformer le quotidien des soignants.

La fiche de paie, c’était indispensable, tout comme il était indispensable d’investir, pour construire et rénover, pour redonner du souffle à des établissements de santé qui, bien souvent, suffoquent sous le poids de la dette, et pour sortir d’un système de tarification à l’activité qui a fait son temps.

Les sommes déployées pour la mise en œuvre immédiate du Ségur de la santé n’ont rien de dérisoire : 6 milliards d’euros du Ségur sur l’investissement et 13 milliards d’euros consacrés à la reprise de dette.

Les soignants réclamaient légitimement des moyens : ils ont été entendus et ce PLFSS doit traduire dans les faits les engagements pris devant eux.

Le principe même de ces engagements avait déjà été pris par le Gouvernement lors de l’adoption du précédent PLFSS. Une augmentation, hors crise, de 2 milliards d’euros au titre de l’Ondam hospitalier était déjà prévue entre 2020 et 2021, soit une hausse de 2, 4 %.

Toujours sur le volet hospitalier, l’Ondam augmentera, à périmètre comparable, de 6, 7 milliards d’euros supplémentaires au titre du Ségur : 5, 9 milliards d’euros pour la mise en œuvre des revalorisations ; 600 millions d’euros pour les dotations d’investissement, dont 500 millions d’euros au titre des fameux investissements du quotidien ; 200 millions d’euros pour les mesures complémentaires, notamment en faveur de la recherche clinique.

Hors Ségur, 300 millions d’euros sont enfin prévus pour des provisions au titre des tests en 2021.

Pour le seul volet hospitalier de l’Ondam, c’est donc une hausse en 2021 de plus de 9 milliards d’euros par rapport à 2020 qui vous est proposée.

Pourront également y être ajoutés les effets des 13 milliards d’euros d’aide au rétablissement de la situation financière des établissements de santé, qui seront engagés sur dix ans, mais qui ne pèseront pas sur l’Ondam, car amortis par la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades).

Ces engagements, au-delà de cette crise, ce sont aussi ceux de la proximité, de l’ordinaire : 150 millions avaient été alloués par ma prédécesseure, Agnès Buzyn, à l’investissement du quotidien dans les hôpitaux, ce qui permet, par exemple, d’investir dans de nouveaux matériels, comme une chaudière plus performante, ou dans des locaux plus accueillants. Cette enveloppe sera désormais augmentée de 500 millions d’euros, pour que chaque soignant, chaque patient puisse constater très rapidement ce changement.

C’est dans ce même esprit d’attention à la vie quotidienne, qui ne doit pas disparaître derrière la crise actuelle, que nous poursuivons notre engagement vers une médecine de proximité, au service de nos concitoyens. Ce PLFSS prévoit ainsi de soutenir le développement des hôtels hospitaliers.

De même, nous vous proposons, comme cela a été souhaité par plusieurs parlementaires sur ces travées, de pérenniser le modèle des maisons de naissance et de les renforcer.

Au chapitre des grands défis de notre système de sécurité sociale, je ne peux pas ne pas évoquer la création d’une cinquième branche de la sécurité sociale pour faire face au mur démographique auquel il faut se préparer.

La crise sanitaire et le confinement ont révélé les lacunes de notre système d’accompagnement des personnes âgées, en confirmant la nécessité de repenser le maintien à domicile autant que l’accueil dans les Ehpad. C’est la raison pour laquelle nous avons introduit dans ce PLFSS une enveloppe de 150 millions d’euros, qui sera pérennisée à 200 millions d’euros, pour soutenir, aux côtés des départements, l’attractivité et la dignité des métiers du domicile.

Enfin, le Gouvernement s’est engagé depuis bientôt deux ans dans une approche radicalement nouvelle de la petite enfance et de l’aide à la parentalité, avec l’extension à vingt-huit jours du congé paternité, dont sept jours obligatoires. Cette extension permettra à la France d’occuper une position médiane dans le classement européen. Cette mesure juste était appelée par l’ensemble des acteurs concernés.

Mesdames, messieurs les sénateurs, c’est donc un PLFSS d’engagement et de combat. Il rappelle à tous ceux qui en doutaient que l’État est là et bien là. J’entends les craintes légitimes qui évoquent des dépenses vertigineuses, mais c’est la situation sanitaire qui est avant tout vertigineuse. Chacune des dépenses engagées répond à une urgence. Il est évident que nous devions revaloriser les soignants, investir pour l’hôpital et faire progresser notre système de protection sociale.

L’équilibre des comptes est une chose, et j’y suis très attaché ; mais répondre à la détresse et construire la protection sociale de demain, ça n’est pas accessoire, c’est indispensable !

La crise sanitaire a été un révélateur et un électrochoc. Une crise comme celle que nous traversons, c’est une épreuve de vérité, qui nous contraint à faire des choix et à savoir quelles valeurs nous mettons au cœur de notre pacte social. Parmi ces valeurs, les solidarités et la santé sont placées avant toutes les autres.

J’entends les doutes, j’entends les craintes et je tiens à le rappeler à chacun sur ces travées et à rassurer ceux qui ne le seraient pas : si la France doit faire face à cette crise et apporter les mesures de soutien nécessaires à tous ceux qu’elle touche, l’équilibre des comptes sociaux demeure un objectif fondamental pour le Gouvernement.

Dans la tempête, nous ne perdons pas de vue certains principes : si la situation exige à l’évidence des dépenses exceptionnelles, nous savons qu’il faudra demain refonder notre système de régulation et inventer de nouveaux outils. Vous conviendrez comme moi qu’on ne pourra pas continuer demain avec les méthodes d’hier !

La situation de nos comptes sociaux ne me satisfait pas et elle ne peut satisfaire personne. Je suis lucide et l’ancien rapporteur général de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale que je suis n’a pas perdu ses réflexes, cher Jean-Marie Vanlerenberghe.

Nous avons pris nos responsabilités à chaque instant depuis le début de cette crise ; mais prendre ses responsabilités, c’est aussi préparer l’avenir sereinement en ne repoussant pas sur nos enfants les déséquilibres d’aujourd’hui.

J’ai confié au Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie une mission importante sur la rénovation de l’Ondam. Au-delà, il faudra que nous puissions réfléchir à l’avenir de nos finances sociales avec les partenaires sociaux.

Dans les débats qui s’engagent aujourd’hui, il ne faudra nous interdire aucun sujet et aucune solution parce que la pérennité de notre système social n’existera pas sans retour à un équilibre financier.

À cet égard, le Haut Conseil du financement de la protection sociale devra jouer son rôle de conseil et de proposition. L’équilibre des finances sociales doit demeurer notre objectif, car il est gage de sécurité pour nos concitoyens, de pérennité pour nos enfants, d’unité pour notre société.

Mesdames, messieurs les sénateurs, nous célébrons cette année les soixante-quinze ans de la sécurité sociale. Dans une société trop souvent divisée, parfois inquiète et dominée par la peur de l’avenir, notre protection sociale est un repère solide derrière lequel tous les Français, sans exception, peuvent se rassembler.

Les défis sont nombreux, mais ils ne sont pas insurmontables. Parmi eux, le ministre que je suis n’oublie pas le défi d’une société, qui, parfois, donne l’impression de se fragmenter.

Notre sécurité sociale n’est pas simplement une gigantesque machine assurantielle. C’est la promesse faite à chacun de pouvoir vivre dignement malgré les aléas, malgré les obstacles, malgré les morsures du quotidien.

Le PLFSS est l’outil qui nous permet de tenir cette promesse. Les temps sont difficiles, très difficiles, mais ils ne l’étaient pas moins lorsque nos glorieux aînés ont construit ce magnifique édifice. Soyons à la hauteur !

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