Séance en hémicycle du 9 novembre 2020 à 16h00

Résumé de la séance

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La séance

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La séance est ouverte à seize heures.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Le compte rendu intégral de la séance du jeudi 5 novembre 2020 a été publié sur le site internet du Sénat.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2021 (projet n° 101, rapport n° 107, avis n° 106).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

M. Alain Richard applaudit.

Debut de section - Permalien
Olivier Véran

Madame la présidente, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) dont nous allons débattre est exceptionnel.

Avec ce texte, l’État s’engage, l’État prend ses responsabilités et l’État se montre à la hauteur d’un défi historique, en accompagnant toutes les forces de la Nation, en soutenant l’activité économique, en donnant des perspectives nouvelles à notre système de santé et, surtout, en ne laissant personne au bord du chemin.

Le texte initial du PLFSS présenté en conseil des ministres prévoyait déjà une augmentation de 10 milliards d’euros de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) 2020 par rapport au niveau que vous aviez voté l’an passé. Ce montant, sans précédent, résulte des surcoûts exceptionnels liés à la première vague de la crise covid et de l’effort que nous consacrons pour soutenir les personnels soignants.

L’Assemblée nationale, à l’invitation du Gouvernement, a déjà voté une augmentation supplémentaire de 2, 5 milliards d’euros de cet Ondam 2020.

Cela permettra d’avancer à décembre 2020 les revalorisations du Ségur de la santé, prévues initialement pour entrer en vigueur en 2021, afin de répondre à la mobilisation massive des personnels de santé, en première ligne dans cette crise. Les soignants qui, pour faire front, seront amenés à renoncer à des jours de congé bénéficieront aussi d’une compensation financière.

Cela permettra, par ailleurs, de financer une provision de 2 milliards d’euros pour nous assurer que les établissements de santé pourront couvrir les surcoûts et les pertes de recettes subies du fait de la deuxième vague à laquelle nous sommes confrontés.

Aujourd’hui, nous devons encore aller au-delà pour intensifier l’appui financier de la Nation à cette crise sanitaire.

Le Gouvernement vous proposera ainsi de relever par amendement de 800 millions d’euros l’Ondam 2020, pour couvrir des charges qui n’avaient pas encore pu être évaluées suffisamment précisément lors de l’examen du texte à l’Assemblée nationale.

Nous vous proposerons ainsi d’inscrire 400 millions d’euros à destination des établissements sociaux et médico-sociaux. Il s’agit de poursuivre, pour le temps de la crise, la couverture des surcoûts liés à la crise sanitaire dans les établissements médico-sociaux tarifés par l’assurance maladie et, demain, par la branche autonomie, notamment les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). Aucun établissement ne doit se priver d’un renfort humain dans la crise qu’il connaît pour des raisons financières.

Par ailleurs, 400 millions d’euros de plus serviront à financer en 2020 la stratégie de tests du Gouvernement : 300 millions d’euros à destination de la médecine de ville, que je sais particulièrement mobilisée, et 100 millions d’euros à destination des établissements de santé.

Je n’oublie pas la mobilisation exceptionnelle des étudiants en santé. Leur engagement n’est pas optionnel, il est indispensable et les rémunérer justement me semble la moindre des choses. Les étudiants en formations paramédicales mobilisés en renfort percevront donc une indemnisation exceptionnelle, à hauteur de 550 euros par mois.

Vous l’aurez compris, ce PLFSS soutient de façon historique notre système de santé. Le Ségur de la santé était attendu depuis longtemps, très longtemps ; il apporte aujourd’hui aux soignants une reconnaissance très concrète.

Dès l’ouverture du Ségur, j’ai parlé sans fausses pudeurs de la case en bas à droite de la fiche de paie. Pendant tout le confinement, il y a eu des applaudissements parce que les Français aiment leurs soignants et savent ce qu’ils leur doivent. Ces applaudissements devaient être suivis d’engagements, pour transformer le quotidien des soignants.

La fiche de paie, c’était indispensable, tout comme il était indispensable d’investir, pour construire et rénover, pour redonner du souffle à des établissements de santé qui, bien souvent, suffoquent sous le poids de la dette, et pour sortir d’un système de tarification à l’activité qui a fait son temps.

Les sommes déployées pour la mise en œuvre immédiate du Ségur de la santé n’ont rien de dérisoire : 6 milliards d’euros du Ségur sur l’investissement et 13 milliards d’euros consacrés à la reprise de dette.

Les soignants réclamaient légitimement des moyens : ils ont été entendus et ce PLFSS doit traduire dans les faits les engagements pris devant eux.

Le principe même de ces engagements avait déjà été pris par le Gouvernement lors de l’adoption du précédent PLFSS. Une augmentation, hors crise, de 2 milliards d’euros au titre de l’Ondam hospitalier était déjà prévue entre 2020 et 2021, soit une hausse de 2, 4 %.

Toujours sur le volet hospitalier, l’Ondam augmentera, à périmètre comparable, de 6, 7 milliards d’euros supplémentaires au titre du Ségur : 5, 9 milliards d’euros pour la mise en œuvre des revalorisations ; 600 millions d’euros pour les dotations d’investissement, dont 500 millions d’euros au titre des fameux investissements du quotidien ; 200 millions d’euros pour les mesures complémentaires, notamment en faveur de la recherche clinique.

Hors Ségur, 300 millions d’euros sont enfin prévus pour des provisions au titre des tests en 2021.

Pour le seul volet hospitalier de l’Ondam, c’est donc une hausse en 2021 de plus de 9 milliards d’euros par rapport à 2020 qui vous est proposée.

Pourront également y être ajoutés les effets des 13 milliards d’euros d’aide au rétablissement de la situation financière des établissements de santé, qui seront engagés sur dix ans, mais qui ne pèseront pas sur l’Ondam, car amortis par la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades).

Ces engagements, au-delà de cette crise, ce sont aussi ceux de la proximité, de l’ordinaire : 150 millions avaient été alloués par ma prédécesseure, Agnès Buzyn, à l’investissement du quotidien dans les hôpitaux, ce qui permet, par exemple, d’investir dans de nouveaux matériels, comme une chaudière plus performante, ou dans des locaux plus accueillants. Cette enveloppe sera désormais augmentée de 500 millions d’euros, pour que chaque soignant, chaque patient puisse constater très rapidement ce changement.

C’est dans ce même esprit d’attention à la vie quotidienne, qui ne doit pas disparaître derrière la crise actuelle, que nous poursuivons notre engagement vers une médecine de proximité, au service de nos concitoyens. Ce PLFSS prévoit ainsi de soutenir le développement des hôtels hospitaliers.

De même, nous vous proposons, comme cela a été souhaité par plusieurs parlementaires sur ces travées, de pérenniser le modèle des maisons de naissance et de les renforcer.

Au chapitre des grands défis de notre système de sécurité sociale, je ne peux pas ne pas évoquer la création d’une cinquième branche de la sécurité sociale pour faire face au mur démographique auquel il faut se préparer.

La crise sanitaire et le confinement ont révélé les lacunes de notre système d’accompagnement des personnes âgées, en confirmant la nécessité de repenser le maintien à domicile autant que l’accueil dans les Ehpad. C’est la raison pour laquelle nous avons introduit dans ce PLFSS une enveloppe de 150 millions d’euros, qui sera pérennisée à 200 millions d’euros, pour soutenir, aux côtés des départements, l’attractivité et la dignité des métiers du domicile.

Enfin, le Gouvernement s’est engagé depuis bientôt deux ans dans une approche radicalement nouvelle de la petite enfance et de l’aide à la parentalité, avec l’extension à vingt-huit jours du congé paternité, dont sept jours obligatoires. Cette extension permettra à la France d’occuper une position médiane dans le classement européen. Cette mesure juste était appelée par l’ensemble des acteurs concernés.

Mesdames, messieurs les sénateurs, c’est donc un PLFSS d’engagement et de combat. Il rappelle à tous ceux qui en doutaient que l’État est là et bien là. J’entends les craintes légitimes qui évoquent des dépenses vertigineuses, mais c’est la situation sanitaire qui est avant tout vertigineuse. Chacune des dépenses engagées répond à une urgence. Il est évident que nous devions revaloriser les soignants, investir pour l’hôpital et faire progresser notre système de protection sociale.

L’équilibre des comptes est une chose, et j’y suis très attaché ; mais répondre à la détresse et construire la protection sociale de demain, ça n’est pas accessoire, c’est indispensable !

La crise sanitaire a été un révélateur et un électrochoc. Une crise comme celle que nous traversons, c’est une épreuve de vérité, qui nous contraint à faire des choix et à savoir quelles valeurs nous mettons au cœur de notre pacte social. Parmi ces valeurs, les solidarités et la santé sont placées avant toutes les autres.

J’entends les doutes, j’entends les craintes et je tiens à le rappeler à chacun sur ces travées et à rassurer ceux qui ne le seraient pas : si la France doit faire face à cette crise et apporter les mesures de soutien nécessaires à tous ceux qu’elle touche, l’équilibre des comptes sociaux demeure un objectif fondamental pour le Gouvernement.

Dans la tempête, nous ne perdons pas de vue certains principes : si la situation exige à l’évidence des dépenses exceptionnelles, nous savons qu’il faudra demain refonder notre système de régulation et inventer de nouveaux outils. Vous conviendrez comme moi qu’on ne pourra pas continuer demain avec les méthodes d’hier !

La situation de nos comptes sociaux ne me satisfait pas et elle ne peut satisfaire personne. Je suis lucide et l’ancien rapporteur général de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale que je suis n’a pas perdu ses réflexes, cher Jean-Marie Vanlerenberghe.

Nous avons pris nos responsabilités à chaque instant depuis le début de cette crise ; mais prendre ses responsabilités, c’est aussi préparer l’avenir sereinement en ne repoussant pas sur nos enfants les déséquilibres d’aujourd’hui.

J’ai confié au Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie une mission importante sur la rénovation de l’Ondam. Au-delà, il faudra que nous puissions réfléchir à l’avenir de nos finances sociales avec les partenaires sociaux.

Dans les débats qui s’engagent aujourd’hui, il ne faudra nous interdire aucun sujet et aucune solution parce que la pérennité de notre système social n’existera pas sans retour à un équilibre financier.

À cet égard, le Haut Conseil du financement de la protection sociale devra jouer son rôle de conseil et de proposition. L’équilibre des finances sociales doit demeurer notre objectif, car il est gage de sécurité pour nos concitoyens, de pérennité pour nos enfants, d’unité pour notre société.

Mesdames, messieurs les sénateurs, nous célébrons cette année les soixante-quinze ans de la sécurité sociale. Dans une société trop souvent divisée, parfois inquiète et dominée par la peur de l’avenir, notre protection sociale est un repère solide derrière lequel tous les Français, sans exception, peuvent se rassembler.

Les défis sont nombreux, mais ils ne sont pas insurmontables. Parmi eux, le ministre que je suis n’oublie pas le défi d’une société, qui, parfois, donne l’impression de se fragmenter.

Notre sécurité sociale n’est pas simplement une gigantesque machine assurantielle. C’est la promesse faite à chacun de pouvoir vivre dignement malgré les aléas, malgré les obstacles, malgré les morsures du quotidien.

Le PLFSS est l’outil qui nous permet de tenir cette promesse. Les temps sont difficiles, très difficiles, mais ils ne l’étaient pas moins lorsque nos glorieux aînés ont construit ce magnifique édifice. Soyons à la hauteur !

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt

Madame la présidente, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, comme Olivier Véran, j’ai beaucoup de plaisir à vous retrouver aujourd’hui pour débattre de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021.

Il s’agit, comme l’ensemble des lois financières de cet automne, d’un texte qui ne ressemble pas aux précédentes lois de financement que vous avez eu à examiner par le passé, car la période que nous vivons est sans précédent.

Les chiffres que contient ce projet de loi peuvent paraître vertigineux, mais ils ont un sens.

Ils marquent l’engagement de ce gouvernement pour répondre aux besoins liés à la crise sanitaire et pour soutenir notre système de protection sociale, qui est l’un de nos biens communs les plus précieux.

Je souhaite, dans un premier point, revenir sur trois évolutions que le Gouvernement proposera au cours des débats.

Les nouvelles modifications que nous allons vous proposer dans ce texte, après celles qui ont déjà été défendues à l’Assemblée nationale, témoignent de la volonté d’adaptation permanente dont nous devons faire preuve pour répondre aux enjeux de cette deuxième vague de la crise, mais aussi de notre volonté de transparence et de sincérité des prévisions que nous présentons au Parlement. Cela vaut autant pour les finances sociales que pour les finances de l’État.

Ce texte va évoluer par rapport à celui qui a été présenté à l’Assemblée nationale, pour tenir compte de l’évolution du contexte macroéconomique. Vous le savez, puisque nous l’avons rendu public lors de la présentation du dernier projet de loi de finances rectificative, la nouvelle période de confinement nous conduit à revoir nos prévisions et nous amène à faire l’hypothèse d’une récession à 11 % plutôt qu’à 10 %, et d’un niveau de déficit public à 11, 3 % plutôt qu’à 10, 2 %.

Par rapport au texte présenté à l’Assemblée nationale, la baisse de 1 point de l’hypothèse de progression de la masse salariale représente une perte de 2, 1 milliards d’euros, ce qui fait que, malgré des recettes fiscales affectées à la sécurité sociale améliorées de 500 millions d’euros par rapport à celles qui avaient été initialement envisagées, les recettes se dégradent de 1, 6 milliard d’euros.

Nous allons également proposer, comme l’a souligné Olivier Véran, une évolution des dépenses de l’assurance maladie pour 2020 pour un montant total de 800 millions d’euros, en plus des 2, 4 milliards d’euros adoptés à l’Assemblée nationale par voie d’amendement.

Cette évolution est nécessaire pour deux raisons : premièrement, parce que nous avons réalisé plus de tests que ce que nous avions initialement prévu, ce qui représente un surcoût de 400 millions d’euros, modification qu’il ne serait pas sincère de refuser d’intégrer ; deuxièmement, parce que, de la même manière que nous allons couvrir les besoins des établissements sanitaires, nous allons également couvrir les besoins des établissements médico-sociaux au titre de la deuxième vague de l’épidémie, pour 400 millions d’euros.

Ces évolutions signifient que, in fine, en 2020, l’Ondam aura progressé de 9 % par rapport à 2019. Il s’agit évidemment d’une augmentation historique, mais elle est à la hauteur de la situation exceptionnelle et inédite que nous traversons, et du soutien que l’on doit aux professionnels de santé qui y font face.

Nous allons enfin vous proposer d’adapter notre dispositif d’exonération et d’aide au paiement pour les entreprises, tel qu’il a été adopté à l’Assemblée nationale, pour prendre en compte le reconfinement annoncé le 28 octobre dernier. L’amendement visant à préciser les modalités et les bornes calendaires d’exonération de cotisations patronales est en cours de dépôt par le Gouvernement. Je suis désolé d’un tel retard, mais nous avons dû procéder jusqu’aux derniers instants à quelques réglages particuliers.

Si nous souhaitons apporter un soutien important au monde de l’économie, aux entreprises, nous voulons le faire en écartant toute augmentation des prélèvements obligatoires. Notre objectif est de maintenir un très fort niveau de qualité de nos services publics, mais aussi de permettre aux services les plus essentiels – je pense à la santé – de répondre aux besoins marqués et définis par la crise que nous traversons.

Ces trois évolutions – relatives aux hypothèses macroéconomiques, à la révision du niveau de l’Ondam, aux précisions à apporter au dispositif d’exonération – mais également les dispositions qui figuraient déjà dans le texte initial conduisent à nous interroger sur la trajectoire des finances sociales. C’est le deuxième point que je souhaite souligner.

Avant d’être percutés par la crise, nous nous étions inscrits dans une trajectoire de retour à l’équilibre des comptes sociaux. L’amélioration du solde de la sécurité sociale permettait d’envisager un retour à l’équilibre du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse à l’horizon de 2023. Cette trajectoire positive a été permise par un effort important de maîtrise des dépenses, notamment des dépenses d’assurance maladie pendant plus de dix ans.

La crise sanitaire a engendré une dégradation inédite des comptes de la sécurité sociale comme de l’ensemble des comptes publics. Le régime général et le Fonds de solidarité vieillesse devraient ainsi enregistrer un déficit combiné de 49 milliards d’euros en 2020 et de 27, 1 milliards d’euros en 2021 ; la sécurité sociale subira de façon pérenne des déficits élevés, de près de 20 milliards d’euros par an, si nous n’y faisons rien.

Nous allons nous efforcer d’améliorer cette situation par une reprise progressive de la dette. C’est ce qui a été prévu avec la loi organique du 7 août dernier relative à la dette sociale et à l’autonomie, qui permet aux hôpitaux de transférer une partie de leur dette et, ce faisant, de retrouver des capacités d’investissement.

Comme j’ai eu l’occasion de le souligner au moment de la présentation du projet de loi de finances rectificative, le moment est venu d’engager une réflexion de fond sur le redressement des comptes publics à moyen terme. Il nous faut d’abord travailler sur de nouvelles ancres de finances publiques et sur la trajectoire pour les atteindre.

Il nous faut aussi travailler à des outils de pilotage de nos finances publiques plus efficaces, pour renforcer notre capacité à redresser les comptes en sortie de crise, par exemple pour mettre en œuvre une approche davantage pluriannuelle des finances publiques en donnant de la visibilité aux acteurs de la dépense.

Nous devons également tirer toutes les conséquences de la crise s’agissant de la gestion de notre dette, en sécurisant son remboursement dans le temps et en l’isolant de la gestion courante de notre budget.

Pour organiser ces travaux, nous nous appuierons sur un groupe d’experts et de personnalités qualifiées. Il aura pour mission, comme je l’ai précisé devant la commission des finances du Sénat, d’éclairer le Gouvernement, mais aussi les rapporteurs généraux des commissions intéressées à ces sujets à l’Assemblée nationale et au Sénat.

Nous allons également devoir repenser nos outils de régulation traditionnels. C’est la raison pour laquelle le Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie vient d’engager une mission sur l’Ondam, dont nous tirerons tous les enseignements nécessaires, peut-être dès le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Ce PLFSS est cependant un texte ambitieux parce que notre volonté de transformation et de modernisation de la protection sociale demeure intacte. C’est le troisième point sur lequel je veux insister.

Le plan massif de financement du secteur hospitalier dans ce PLFSS doit permettre aux établissements, là encore, de se moderniser, d’améliorer leur efficience, pour se préparer aux nouveaux enjeux.

Je l’ai indiqué il y a un instant, grâce à la loi organique qui a été votée, nous allons reprendre 13 milliards d’euros de dette aux hôpitaux afin de leur redonner de nouvelles capacités d’investissement. Je sais que vos débats ont été nourris sur ce sujet, mais l’objectif est bien de permettre aux établissements de se désendetter et de retrouver des capacités de financement.

Avec ce PLFSS, 6 milliards d’euros complémentaires, issus du plan de relance, viendront en soutien de l’investissement hospitalier, des établissements sociaux et médico-sociaux, et permettront d’accélérer le virage numérique que doit prendre notre système de santé. Nous réalisons un tel investissement – 13 milliards d’euros de reprise de dette et 6 milliards d’euros de financements –, car nous avons conscience que c’est ainsi que nous allons construire l’avenir et assurer la pérennité des établissements.

Nous le faisons aussi avec la constitution de la cinquième branche.

Plus de 31 milliards d’euros vont venir financer la nouvelle branche autonomie et traduisent l’effort financier de la Nation pour lutter contre la dépendance. Parce que nous avons conscience des enjeux à venir, à compter de 2024, la fraction de CSG (contribution sociale généralisée) qui finance la branche sera augmentée de 0, 15 point supplémentaire. D’autres missions seront confiées à la branche, nous en discuterons dans les mois à venir dans le cadre du projet de loi Autonomie et grand âge.

Il faudra bien sûr – le débat n’est pas simple – veiller à ce que ce nouveau risque soit couvert par des ressources à la hauteur des enjeux et des missions qui sont confiés à cette nouvelle branche de la sécurité sociale, en allant au-delà d’un premier pas notable franchi à l’Assemblée nationale grâce à l’adoption d’un amendement du Gouvernement relatif aux questions d’aide à domicile.

Je sais que vous avez discuté en commission de la réforme des retraites pour compléter les débats à venir. Le Conseil d’orientation des retraites (COR) a été chargé par le Premier ministre de réaliser le diagnostic actualisé de la situation financière du système de retraite. C’est pourquoi, dans l’attente de ces travaux, mais également de ceux qui sont conduits par d’autres instances, le Gouvernement ne propose pas de mesures sur les retraites dans ce PLFSS. Cela ne remet pas en cause notre volonté de trouver les voies et les moyens d’une réforme permettant de rétablir l’équilibre du système de retraite et de conforter la confiance des Français dans sa pérennité.

Au-delà de ces projets portés par le PLFSS, un certain nombre de réformes structurelles doivent être menées ou continuées pour moderniser l’organisation et la gestion des prestations. La crise ne doit en aucun cas nous inciter à les ralentir.

Je pense, par exemple, au chantier de l’unification du recouvrement. Il se traduira par le transfert du recouvrement des prélèvements sociaux autour de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss), avec une mesure de transfert du recouvrement de la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d’assurance vieillesse des professions libérales (Cipav), qui sera intégrée, à l’issue de travaux techniques, dès l’an prochain dans le PLFSS. Cette unification du recouvrement se traduira également par la création d’un portail commun pour recouvrer tous les prélèvements fiscaux et sociaux.

Je pense également aux projets de simplification. Certains font l’objet de mesures cette année, comme la fusion des déclarations sociales et fiscales de revenus des exploitants agricoles ou la création d’une nouvelle modalité déclarative pour les activités accessoires représentant de très faibles montants.

D’autres réformes ne figurent pas dans le texte mais sont tout aussi structurantes. Je pense à l’expérimentation en cours dans les départements de Paris et du Nord pour la contemporanéisation du crédit d’impôt au titre des services à la personne, qui est porteuse de simplifications majeures dans la vie quotidienne de nos concitoyens.

Je pense, enfin, et je sais que nos débats seront nourris à ce sujet, à la lutte contre la fraude, lutte qui progresse, mais à un rythme qui peut encore être accéléré. L’Assemblée nationale a adopté six amendements en ce sens, qui visent à renforcer et à conforter notre arsenal. Nous aurons l’occasion d’y revenir au cours des débats.

Mesdames, messieurs les sénateurs, nous allons donc examiner un projet de loi de financement de la sécurité sociale hors norme. J’espère que nos débats, à défaut d’être tous consensuels, permettront d’apporter les éléments d’éclairage nécessaires au bon exercice de la démocratie. Je souhaite également qu’ils nous permettent de trouver les voies et les moyens d’un maximum de convergence, pour faire en sorte que cette année 2021 soit une année utile à la fois pour les soignants, pour le système de santé et pour le système de protection sociale. Il s’agit de poser les bases de l’avenir et de la pérennité de notre système.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Vanlerenberghe

Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, la sécurité sociale connaîtra, en 2020, le plus lourd déficit de son histoire et de très loin : au moins 49 milliards d’euros pour 429, 8 milliards de dépenses du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV).

Ces chiffres donnent le vertige ! Mais encore une fois, ils traduisent l’intensité de la crise sanitaire, économique, financière et sociale due à l’épidémie de covid-19, qui a bouleversé notre pays et le monde entier. Heureusement, la sécurité sociale a joué à plein son rôle de filet de sécurité pour nos concitoyens, mais à quel prix !

Il y a deux ans à peine, nous saluions le retour à l’équilibre des comptes de la sécurité sociale. Hélas, cette année, l’examen du PLFSS pour 2021 n’est guère réjouissant !

Certes, les premiers articles nous rappellent que la sécurité sociale a enregistré un léger déficit de 1, 9 milliard d’euros sur le périmètre du régime général et du FSV, pour un montant de dépenses de 404, 8 milliards d’euros en 2019. Si le retour à l’équilibre n’a pas été atteint, c’est en raison des mesures de non-compensation adoptées ces deux dernières années contre notre gré. Elles ont coûté 4, 3 milliards d’euros à la sécurité sociale, soit bien plus que son déficit. Nous y reviendrons.

Cette année 2020, face à la crise et à son évolution permanente, les incertitudes sont majeures. Le Gouvernement a déjà révisé les tableaux d’équilibre pour 2020 et pour 2021 à l’Assemblée nationale. Nous sommes de nouveau saisis d’une mesure d’ajustement de 800 millions d’euros par le Gouvernement, pour tenir compte des effets du nouveau confinement.

Toutefois, quelques constats ressortent clairement.

L’ensemble des branches a subi une très forte baisse des recettes, principalement sous l’effet de la chute de l’activité et de la très forte contraction de la masse salariale du secteur privé. Cette baisse est de plus de 32 milliards d’euros par rapport à la prévision de la LFSS pour 2020, malgré une recette exceptionnelle de 5 milliards d’euros provenant des industries électriques et gazières.

Face à ces baisses de recettes, les dépenses de la plupart des branches sont restées relativement conformes à la prévision pour 2020, à la notable exception de la branche maladie.

En effet, les dépenses relevant de l’Ondam ont bondi de 12, 5 milliards d’euros par rapport à la prévision de l’année dernière. Il s’agit bien sûr avant tout des surcoûts liés à la crise du covid-19 – environ 10, 5 milliards d’euros nets – et des premières mesures du Ségur de la santé, qui présenteront, elles, un caractère pérenne et dont le coût en 2020 est estimé à 3, 4 milliards d’euros.

Au total, l’Ondam devrait passer en un an de 200, 2 milliards d’euros en 2019 à 218, 9 milliards d’euros en 2020 : plus de 18 milliards d’euros d’augmentation, soit 9 %.

Par ailleurs, la branche vieillesse, dont les dépenses devraient s’élever à 140, 6 milliards d’euros sur le périmètre du régime général, connaîtrait un déficit de 7, 8 milliards d’euros.

Pour 2021, un fort rebond est attendu, qui devrait améliorer le niveau des recettes, mais les incertitudes sont très fortes. Tout dépendra, bien sûr, de l’évolution de l’épidémie et de notre capacité à remettre l’économie sur les rails.

En toute hypothèse, le déficit du régime général et du FSV devrait se situer à 27, 9 milliards d’euros selon les prévisions actualisées du Gouvernement, pour un montant total de dépenses de 443, 7 milliards d’euros.

En particulier, alors que les autres branches, la famille et les accidents du travail-maladies professionnelles (AT-MP), devraient se redresser, les branches maladie et vieillesse présenteraient toujours un solde très dégradé : leur déficit serait respectivement de 19, 7 milliards d’euros et de 6, 4 milliards d’euros.

Face à cela, messieurs les ministres, je n’ai pas trouvé normal que nous ne soyons pas saisis d’un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale cette année, au vu de l’ampleur des révisions qui ont été opérées. Pour autant, nous avons approuvé majoritairement la création de la cinquième branche de la sécurité sociale, dite « autonomie », opportunément annexée à la loi organique sur la dette sociale du 7 août dernier et dont on attend impatiemment la loi constitutive dite « loi Autonomie et grand âge ».

Sur le fond, la commission ne propose pas au Sénat de remettre en cause ces décisions : elle préconise ainsi l’adoption des articles essentiels de ce PLFSS pour 2021, aussi bien ceux qui ratifient les décisions prises en urgence en 2020 que ceux qui approuvent les différents tableaux d’équilibre.

Messieurs les ministres, le principal point de divergence de la commission avec le Gouvernement, sur ce PLFSS, vient de la trajectoire des comptes sociaux après la sortie de la crise actuelle.

Ainsi, l’annexe B du projet de loi, qui trace des perspectives financières jusqu’en 2024, prévoit à cette échéance un déficit de la sécurité sociale quasiment stabilisé à un niveau très lourd : plus de 20 milliards d’euros chaque année, malgré des hypothèses de croissance du PIB et de la masse salariale relativement optimistes. Vous avez rappelé, monsieur le ministre, qu’un tel niveau ne serait évidemment pas supportable pour la sécurité sociale.

En effet, dès 2024, les déficits cumulés dépasseraient de 50 milliards d’euros le plafond des transferts que nous avons autorisés à la Cades. Pourtant, le montant total des emprunts de la caisse devrait passer de 260 à 396 milliards d’euros d’ici à 2024, dont une provision de 92 milliards d’euros pour couvrir les déficits de la période allant de 2020 à 2023, qui devrait se révéler insuffisante. Autant dire que la dette deviendrait vite perpétuelle, ce qui pose d’évidents problèmes d’équité entre générations et de soutenabilité de notre modèle social.

Je crois donc qu’il importe de préciser, dès à présent, que, quand notre pays sera sorti de la crise, nous devrons, comme après 2010, reprendre la voie de la recherche de l’équilibre des comptes sociaux. Vous l’avez d’ailleurs dit, messieurs les ministres.

Pour y parvenir, nous devrons tout d’abord partir d’un déficit réel des comptes sociaux. La sécurité sociale doit, certes, payer ses dettes, mais elle ne doit payer que ses dettes. Ce serait céder à la facilité intellectuelle que de répéter que tout vient de « la même poche », qu’il s’agisse de l’État, de la sécurité sociale ou des collectivités territoriales. Les budgets de l’État et de la sécurité sociale ne répondent pas à la même logique, n’ont pas les mêmes contraintes et ne sont donc pas interchangeables.

Dans cet esprit, je formulerai, au nom de la commission des affaires sociales, des propositions visant à ce que l’État compense un certain nombre de charges, qui devraient être les siennes, et qui n’ont été transmises que par commodité à la sécurité sociale. Je pense, en particulier, à l’agence Santé publique France, dont le budget est passé de 150 millions à 4, 8 milliards d’euros, dès la première année d’un transfert que nous avions refusé l’année dernière.

D’autres propositions auront pour objet la compensation des pertes de recettes, qui résultent d’exonérations et de réductions intervenues depuis deux ans sans contrepartie, sur l’initiative du Gouvernement.

Je devine que c’est également dans cet esprit que Corinne Imbert abordera la question du financement par la Cades, des 13 milliards d’euros d’investissements hospitaliers, comme le prévoit l’article 27 de ce projet de loi, alors même que ce n’est pas le rôle de cette caisse.

Pour autant, mes chers collègues, un tel réajustement ne nous exonérerait pas de devoir prendre des décisions difficiles, pour maîtriser à moyen terme l’évolution des dépenses des différentes branches.

Les branches vieillesse et maladie, dont les déficits prévisionnels sont les plus lourds, seront principalement concernées, car il faudra, d’une part, supporter les conséquences financières du Ségur de la santé, et, d’autre part, rétablir l’équilibre en matière de retraites, en concertation avec les partenaires sociaux, comme René-Paul Savary nous le rappellera.

Messieurs les ministres, je tiens à vous livrer, sans attendre, quelques pistes que vous connaissez certainement déjà, mais dont le Gouvernement, me semble-t-il, ne parle que trop timidement.

Ainsi, le Sénat propose, depuis longtemps, de réduire les 25 % d’actes médicaux inutiles et redondants, et dont personne ne conteste le pourcentage. Nous attendons aussi la généralisation du dossier médical partagé (DMP), prévue pour 2022. Enfin, la Cour des comptes a récemment rendu son étude sur la fraude aux prestations sociales : ce PLFSS doit marquer l’intensification de la lutte contre les erreurs et les délits.

Nous veillerons pour notre part à ce que chaque caisse de sécurité sociale estime, dès l’année prochaine, le montant de cette fraude et mette en œuvre les moyens d’y remédier.

Il nous faudra sans doute trouver d’autres sources de financement qui n’aggravent pas la charge sur le travail, en mettant à contribution tous les producteurs de richesses sur notre sol.

Messieurs les ministres, mes chers collègues, telles sont les perspectives auxquelles nous ne pourrons nous soustraire très longtemps, pas plus que nous ne saurions négliger la réorganisation des soins et celle de la gouvernance de la sécurité sociale, qui ne relèvent pas d’une loi de financement de la sécurité sociale, mais dont la crise souligne ô combien l’urgence.

Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes Les Républicains, RDSE et SER.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Imbert

Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, l’année 2020 a donné le premier rôle, à leurs dépens, à des équipes soignantes déjà proches de l’épuisement. Au moment où nous abordons le financement hors normes de l’assurance maladie, je tiens à saluer leur dévouement à toute épreuve et à leur réaffirmer notre soutien.

Les débats sur ce PLFSS sont hors normes, en raison du degré d’incertitude qui les entoure. L’Ondam pour 2021 est fondé sur une hypothèse de retour à la normale, déjà battue en brèche par la force de la deuxième vague épidémique. S’il nous faut composer avec cette réalité, il n’en reste pas moins que vos prévisions semblent optimistes, messieurs les ministres. Or nous n’accepterons pas que le Parlement soit durablement tenu à l’écart, en cas de nouvelle dérive des équilibres votés.

Les dépenses de santé, portées à 225 milliards d’euros, traduisent un niveau d’engagement inédit. Cette bouffée d’oxygène a toutefois pour corollaire un déficit abyssal et durable de la branche maladie. La tâche est colossale que nous confère la responsabilité d’assurer la soutenabilité d’un système de soins, dont la crise nous rappelle la valeur collective inestimable tout comme les fragilités bien connues.

Ce PLFSS contient des avancées intéressantes dans le champ de l’assurance maladie ; mais, de manière plus globale, sa portée déçoit, car le texte procède davantage de la précipitation que d’une réelle vision de l’avenir.

Si l’heure n’est pas encore venue de faire le bilan de la crise sanitaire, quelques principes méritent d’ores et déjà d’être rappelés.

Je voudrais tout d’abord insister sur l’exigence de lisibilité qui doit entourer nos débats : en effet, certains éléments ne la favorisent pas, comme la répercussion sur l’Ondam des mesures salariales du Ségur de la santé ou bien la réflexion, encore inaboutie, sur la définition du périmètre de la nouvelle branche autonomie.

Alors que le Gouvernement a décidé de conduire une réflexion attendue sur l’avenir de l’Ondam, les propositions formulées, l’an passé, par mes collègues Catherine Deroche et René-Paul Savary, auxquelles je souscris, sont plus que jamais d’actualité pour redonner à cet outil, un rôle de pilotage stratégique de la dépense de santé : il s’agissait, en effet, d’inscrire nos débats dans une dimension pluriannuelle plus structurante.

Au nom de ce même principe de lisibilité et en cohérence avec notre approche constante du budget de la sécurité sociale, la commission a refusé la trajectoire financière incertaine du nouveau fonds de modernisation et d’investissement en santé. En effet, nous n’acceptons pas de faire peser sur l’assurance maladie une partie du plan de relance.

Nous persistons également, au nom des mêmes principes, à rejeter le financement par la Cades de la reprise de la dette hospitalière, qui devrait revenir à l’État. Vous noterez dans ses positions, messieurs les ministres, une certaine constance.

Nous proposerons, en outre, d’associer les élus locaux aux décisions d’investissement en santé. Il ne s’agit pas seulement, monsieur le ministre, comme vous l’avez soutenu lors de votre audition, de considérer les collectivités territoriales comme d’opportuns financeurs ; mais notre volonté est aussi d’ancrer les projets dans un cadre concerté avec les acteurs qui connaissent les territoires et les besoins en santé.

Ensuite, la crise sanitaire nous rappelle le rôle crucial de la prévention et de la coordination des prises en charge. À cet égard, si nous ne contestons pas le fait que les investissements du Ségur de la santé soient ciblés sur l’hôpital, acteur clé de notre système de santé, nous regrettons que certaines mesures prévues dans ce PLFSS constituent de mauvais signaux adressés à d’autres acteurs, tout aussi importants.

Tel est le cas de la convention médicale, reportée à 2023, alors que devaient se tenir des discussions essentielles sur l’organisation des parcours de soins en ville. De même, les mesures sur la téléconsultation ne traduisent pas, en l’état, une logique de santé publique. D’autres dispositifs à l’ambition limitée ne sont pas non plus à la hauteur des enjeux de décloisonnement entre la médecine de ville et l’hôpital ou des attentes partagées d’une diversification des financements hospitaliers.

Certaines réformes vont néanmoins dans le bon sens ; nous les soutiendrons, moyennant quelques ajustements. Si nous regrettons des réflexions inabouties, comme l’absence de financement pérenne des maisons de naissance, nous sommes favorables à la refonte de l’accès précoce aux médicaments et nous espérons qu’elle ouvrira enfin la voie à une plus grande stabilité de notre modèle.

En ce jour du cinquantième anniversaire de la mort du général de Gaulle, dont le gouvernement institua la sécurité sociale, en octobre 1945, comme vous l’avez rappelé, monsieur le ministre des solidarités et de la santé, ce texte laisse encore nombre d’interrogations en suspens. Nos débats permettront, je l’espère, d’en lever certaines ou de faire le jour sur le calendrier d’autres réformes structurantes, aussi attendues que nécessaires. Notre système de santé en a besoin et nous avons besoin de lui.

Par conséquent, sous réserve de l’adoption des amendements que je présenterai au nom de la commission des affaires sociales, celle-ci vous demandera d’adopter ce projet de loi dans son volet assurance maladie.

Applaudissements sur les travées d u groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.

Applaudissements sur les travées d u groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, l’année 2020 heurte les comptes de la sécurité sociale d’une manière brutale, soudaine et majeure. Aucune branche n’est épargnée et, malheureusement, je me dois de constater avec vous la dégradation considérable du solde de la branche vieillesse.

En 2020, le déficit du régime général atteindra 7, 8 milliards d’euros, là où l’on prévoyait 2, 7 milliards d’euros. Cela résulte principalement d’une plongée des recettes du fait du recours à l’activité partielle, d’une part, et des reports de cotisations, d’autre part. Ce creusement des déficits concerne l’ensemble des régimes de base et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV), et l’ensemble atteint 12, 8 milliards d’euros.

Ce solde négatif de 7, 8 milliards d’euros pour le régime général est pourtant estompé par la soulte de la Caisse nationale des industries électriques et gazières (Cnieg) à 5 milliards d’euros, de sorte que le déficit « brut » atteint en réalité près de 13 milliards d’euros.

Malheureusement, force est de constater que la trajectoire ne s’améliore pas sur les prochains exercices, puisque le déficit de l’ensemble des régimes de base et du FSV est estimé à 11, 6 milliards d’euros, en 2024. Or le COR considère qu’à cette date la part conjoncturelle liée à la crise sera nulle. Face à ces perspectives, le PLFSS pour 2021 ne prévoit, disons-le, rien du tout.

Concernant la modération de l’évolution des pensions, aucune mesure de sous-revalorisation n’est prévue cette année, mais l’inflation basse conduira pratiquement au même effet.

Quant aux changements paramétriques, seuls à même de résoudre ces déficits, le Gouvernement ne donne aucune ligne directrice. J’entends dire que la crise économique ne permet pas de telles mesures et que, dans le contexte actuel, la priorité va à l’emploi. Personne ne remet cela en cause, et surtout pas nous !

Toutefois, en responsabilité, nous estimons qu’il est nécessaire d’engager ce travail. C’est la raison pour laquelle la commission des affaires sociales présentera un amendement avant l’article 48. Il s’agit non pas de prendre brutalement des mesures, dès le 1er janvier 2021, mais de relancer la concertation avec les partenaires sociaux, comme vous le demandez, monsieur le ministre, et tel que c’était prévu. Il s’agit de prendre date, d’acter, aujourd’hui, des mesures progressives qui devront s’enclencher dès la sortie de la crise, sans attendre.

Repousser la concertation à l’après-crise reviendrait, au mieux, à prendre des mesures en 2025 : en avons-nous les moyens ? Je ne le pense pas.

L’amendement de la commission est raisonnable : notre priorité est que les partenaires sociaux fassent des propositions. L’acceptation des mesures incontournables qui s’imposeront dépend de la réussite de cette concertation.

Pour autant, la commission a aussi clairement établi que, en cas d’échec, des mesures devraient entrer en application, par défaut, dès 2022.

Nous proposons ainsi un âge de départ à la retraite reporté progressivement à 63 ans, en 2025, encore en deçà de la moyenne européenne, et une accélération du dispositif Touraine – ce n’est pas nous qui l’avons inventé ! –, avec un objectif de 172 trimestres pour la génération de 1965. Il faudra aussi des mesures pour prendre en compte les seniors en emploi.

Mes chers collègues, vous l’aurez compris, nous ne pouvons pas nous contenter de constater des chiffres ni nous résoudre à anticiper leur dégradation sans proposer de mesures de redressement des comptes.

Concernant les autres enjeux de la branche, nous aurons aussi l’occasion de discuter de différents articles, notamment relatifs à la pension de réversion du conjoint survivant auteur de violences conjugales et à la simplification de l’affiliation des proches aidants à l’assurance vieillesse des parents au foyer.

Enfin, en vue de renforcer la lutte contre la fraude et de simplifier les démarches des assurés résidant à l’étranger, je présenterai des amendements visant à modifier les dispositions sur la preuve de l’existence.

Monsieur le ministre, vous nous invitez à réfléchir avec les partenaires sociaux pour que la branche vieillesse revienne à l’équilibre. Nous vous avons entendu et nous vous ferons des propositions concrètes !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, cette année, la situation financière de la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) se détériore sous l’effet de la crise sanitaire, bien que sa situation reste enviable par rapport à celle d’autres branches.

La branche AT-MP serait ainsi déficitaire, pour la première fois depuis 2012, de 239 millions d’euros en 2020, essentiellement du fait de l’effondrement des recettes. Les excédents devraient être toutefois de retour dès l’an prochain, et les capitaux propres de la branche devraient tout de même se porter à 3, 9 milliards d’euros, à la fin de 2021. À long terme, toutes choses égales par ailleurs, les recettes de la branche AT-MP restent structurellement plus dynamiques que ses dépenses.

Dans ce contexte, le PLFSS pour 2021 se veut « neutre » pour la branche et ne contient aucune réforme, en recettes ou en dépenses, modifiant son équilibre.

En réalité, la principale mesure de ce texte, au sujet de la branche AT-MP, est particulièrement irritante. Alors que nous attendions, cette année, le rapport de la commission chargée d’évaluer tous les trois ans le coût réel pour l’assurance maladie de la sous-déclaration des AT-MP, l’article 46 en reporte la publication au 1er juillet 2021.

L’enjeu de ce rapport est pourtant important pour la branche AT-MP, car c’est sur le fondement de la fourchette proposée par cette commission qu’est fixé, chaque année, le montant du versement à la branche maladie du régime général au titre de cette sous-déclaration.

Or il nous est indiqué que la commission n’a pas pu mener à bien ses travaux en raison de la crise sanitaire. Nous sommes bien obligés de prendre acte de leur report.

Ainsi, pour la septième année consécutive, le montant du versement inscrit au PLFSS reste fixé à 1 milliard d’euros, soit aux alentours du milieu de la fourchette de 800 millions à 1, 5 milliard d’euros, qui a été proposée par la commission de 2017.

Cette somme ne représente pas moins de 7 % des prévisions de dépenses de la branche pour 2021. À titre de comparaison, le budget du Fonds national de prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles ne représentera, en 2021 que 2, 7 % des dépenses.

Le maintien de ce transfert à un niveau aussi élevé laisse entendre qu’aucun progrès n’a été accompli sur ce sujet, ce qui est faux : plusieurs des recommandations de la commission de 2017 ont été mises en œuvre ou sont en passe de l’être. Il serait d’ailleurs bienvenu d’évaluer également les AT-MP qui relèvent de la vie privée mais qui sont déclarés dans les entreprises.

Tout porte à croire que ce versement, dont le montant est pris en compte dans la détermination de la tarification AT-MP, sert principalement au rééquilibrage d’une branche maladie dont le déficit est désormais vertigineux. Ce n’est pourtant pas là la vocation de la cotisation AT-MP, censée responsabiliser les employeurs sur la sinistralité des accidents du travail et des maladies professionnelles.

J’ajoute que les troubles musculo-squelettiques et les risques psychosociaux sont en constante augmentation, ce qui nécessite des financements pour accompagner les entreprises, souvent désemparées, afin qu’elles puissent réduire ces risques.

La commission des affaires sociales a donc adopté un amendement qui tend à minorer le montant du versement pour 2021 à la branche maladie, à la hauteur du déficit de la branche AT-MP en 2020, et qui prévoit de le porter à 760 millions d’euros.

Les causes de la sous-déclaration sont d’ailleurs bien identifiées et soulignent l’importance de la médecine du travail et des services de santé au travail pour améliorer le système de déclaration. À ce sujet, nous attendons la réforme du système de santé au travail.

L’expérimentation prévue à l’article 34 ouvre une piste d’amélioration, car elle met en place des transferts de compétences aux infirmiers, dans des services de santé au travail relevant de la mutualité sociale agricole. La commission présentera un amendement pour encadrer les modalités d’évaluation du dispositif, afin d’en préciser les objectifs.

Les mesures de simplification prévues à l’article 46 bis sont également bienvenues et peuvent contribuer à favoriser les déclarations.

Sous réserve de l’adoption des amendements que je présenterai au nom de la commission, celle-ci vous invitera à adopter les objectifs de dépenses de la branche AT-MP, au sein du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021.

Monsieur le ministre, nous attendons aussi avec impatience le décret précisant les conditions de fonctionnement du fonds d’indemnisation des victimes de pesticides, qui tarde à être publié, ainsi que la réforme du système de santé au travail, sur laquelle mon collègue Stéphane Artano et moi-même avons travaillé.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et RDSE.

Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Elisabeth Doineau

Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, pour atténuer les conséquences économiques et sociales de la crise sanitaire, des dépenses exceptionnelles sont intervenues, cette année, dans le périmètre de la branche famille. Je tiens à saluer ces mesures, qui ont permis de soutenir les familles, avec la revalorisation de l’allocation de rentrée scolaire intervenue cet été, et les acteurs du secteur de la petite enfance, par des aides exceptionnelles des caisses d’allocations familiales.

En parallèle d’une diminution des recettes de la branche du fait de la contraction de l’activité économique, ces dépenses ont affecté les comptes de la branche famille, qui devraient afficher un déficit de 3, 3 milliards d’euros cette année. Bien que le Gouvernement présente une prévision d’excédent de 1, 1 milliard d’euros pour 2021, la situation sanitaire actuelle et ses conséquences économiques et sociales nous invitent à envisager cette hypothèse avec beaucoup de prudence.

Le PLFSS qui nous est soumis comporte peu de mesures en faveur des familles. Je regrette, cette année encore, que la politique familiale manque cruellement d’ambition, alors que les objectifs fixés pour la création de places d’accueil du jeune enfant ne seront pas tenus et que la situation des familles se fragilise à mesure que la crise s’aggrave.

Cependant, les quelques avancées qui nous sont proposées pour les familles vont dans le bon sens et la commission vous proposera de les adopter. Elles concernent principalement le congé paternité et la prime à la naissance.

Ainsi, l’article 35 prévoit d’allonger le congé paternité de onze à vingt-cinq jours et de rendre obligatoires quatre de ces jours, en plus des trois jours du congé de naissance également rendus obligatoires. Au total, le père ou le conjoint de la mère bénéficiera donc de vingt-huit jours de congé, dont sept seront obligatoires. Cela permettra d’accroître le recours effectif à cette prestation et de favoriser l’égalité entre les femmes et les hommes, ainsi que le développement et la santé des jeunes enfants.

En effet, cette mesure tire les conséquences des conclusions de la commission sur les 1 000 premiers jours de l’enfant, présidée par Boris Cyrulnik, que je vous invite à lire et qui ont montré l’importance de la présence des deux parents, dès la naissance, pour le développement du nouveau-né.

Si l’allongement ne va pas aussi loin que le recommandait le rapport, qui proposait un congé de neuf semaines, l’article 35 me paraît bien calibré pour s’adapter aux besoins et aux attentes des jeunes parents, sans déstabiliser les entreprises par des absences trop longues.

Quant à la prime à la naissance, l’article 35 ter propose d’en rétablir le versement avant la naissance de l’enfant. Il a été introduit à l’Assemblée nationale, après l’adoption, en juin dernier, de la proposition de loi présentée par notre ancien collègue député Gilles Lurton.

Le Sénat avait regretté, en 2014, que le Gouvernement procède par décret, pour des raisons budgétaires, au décalage du versement de cette prime après la naissance de l’enfant. Cette décision était à la fois contraire à la loi, qui prévoit un versement de la prime avant la naissance, et surtout à l’objectif du dispositif, qui est d’aider financièrement les parents à préparer l’arrivée de l’enfant dans le foyer.

La commission vous propose donc d’approuver le rétablissement du versement de cette prime avant la naissance, mais elle tient à souligner que le Gouvernement aurait très bien pu le faire par décret. Nous déplorons donc le temps perdu pour les familles qui comptent sur cette prime pour améliorer les conditions dans lesquelles elles pourront préparer l’arrivée du nouveau-né dans le foyer.

La commission vous proposera d’adopter les quelques articles relevant du périmètre de la branche famille. Néanmoins, les dispositions proposées ne sont pas à la hauteur de ce que devrait être la politique familiale dans notre pays.

En effet, la baisse de la natalité depuis dix ans et les difficultés économiques et sociales liées à la crise devraient conduire à soutenir plus largement l’ensemble des familles, alors que ces dernières ont été trop souvent sacrifiées par des mesures d’économies budgétaires, telles que les sous-revalorisations des prestations familiales intervenues ces deux dernières années.

À cet égard et au-delà du PLFSS, qui n’est pas le seul texte à concerner les politiques publiques en faveur des familles, je proposerai de relever le plafond du quotient familial, dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances.

Il me paraît, en effet, essentiel de renouer rapidement avec une politique familiale ambitieuse et universelle pour la soutenabilité de notre modèle social, qui s’appuie sur la solidarité entre les générations.

Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Mouiller

Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, malgré les annonces faites par le Gouvernement, lors de la création de la branche autonomie, le 7 août dernier, ce projet de financement reste bref, sur ce volet.

L’objectif de dépenses de cette nouvelle branche est de 31, 6 milliards d’euros, auxquels il faut ajouter les 400 millions d’euros que vous venez d’abonder, monsieur le ministre.

Pour faire court, cet objectif représente les dépenses actuelles de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), augmentées de celles de l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH) et des mesures de revalorisation salariale, ou du moins de rattrapage salarial, issues du Ségur de la santé.

Si l’on tient compte des dispositions exceptionnelles liées à la crise de la covid-19, l’objectif global de dépenses en faveur des établissements et services médico-sociaux reste inférieur à celui de 2020.

Toutefois, il suit, bon an mal an, la dynamique impulsée dans les chantiers en cours depuis quelques années, qu’il s’agisse de la convergence tarifaire en Ehpad ou des plans nationaux et solutions d’accueil pour le secteur du handicap. Le budget de la CNSA ménage même une petite place à la PCH parentalité, c’est-à-dire la prise en compte d’une aide à la parentalité au sein de la prestation de compensation du handicap, promesse issue de la Conférence nationale du handicap de février dernier.

L’article 16 du texte clarifie le rôle et les modalités d’intervention de la CNSA. Il en intègre la gestion dans le patrimoine commun de la sécurité sociale ; il simplifie l’architecture budgétaire de la caisse ; il la dote enfin de ressources propres, composées, pour l’essentiel, de recettes de CSG en remplacement des crédits d’assurance maladie. Cette avancée donnera à la caisse les moyens de gérer la branche, conformément à la mission que le législateur lui a confiée, dans la loi du 7 août dernier.

Le deuxième et dernier article significatif en matière d’autonomie est l’article 25 A, que le Gouvernement a introduit à l’Assemblée nationale. Il permet, en effet, de recourir, comme pratiquement chaque année, à la « combine » qui consiste à saupoudrer quelques millions d’euros sur les départements, en cours d’examen du PLFSS, pour les services d’aide à domicile. L’an prochain, l’enveloppe sera certes un peu plus épaisse que d’habitude, avec 200 millions d’euros en année pleine, mais les modalités de son attribution restent à préciser. Malgré ce rattrapage, les acteurs du secteur et le personnel du monde du handicap ne se sentent pas suffisamment reconnus et valorisés par le Gouvernement.

J’en viens à ce que ce PLFSS ne contient pas, et qui nous importe davantage.

Il manque d’abord une trajectoire pérenne, puisque le texte ne prévoit même pas l’équilibre à court terme de la branche. À l’issue de son examen à l’Assemblée nationale, il en fixe le déficit à 0, 3 milliard d’euros, et le maintient jusqu’au nouveau transfert de 0, 15 point de CSG, qui ne sera effectif qu’en 2024.

De toute façon, pour trouver l’équilibre en 2021, la version initiale du texte misait sur la contribution des crédits communautaires au volet médico-social du plan de relance.

Il manque ensuite une idée claire du rôle de la branche que l’on vient de créer. Le rapport de préfiguration de Laurent Vachey faisait de nombreuses propositions, qui auraient pu conduire, au sein d’un périmètre élargi, à déployer une politique plus efficace. Le Gouvernement a fait un choix prudent en n’élargissant les dépenses de la CNSA qu’à l’AEEH.

Ce qui manque surtout, c’est une politique digne de ce nom pour l’autonomie, politique dont les grandes lignes ont été tracées par des travaux récents et même, déjà, par le rapport Politique de la vieillesse de la commission d’étude des problèmes de la vieillesse, dit « rapport Laroque », de 1962. Voilà plus de deux ans que le Gouvernement nous promet une telle réforme. Or les circonstances du moment ne poussent pas forcément à l’optimisme… Concrètement, monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer un calendrier précis pour l’examen du projet de loi sur le grand âge et l’autonomie ?

Quoi qu’il en soit, la commission propose de maintenir le sujet à l’ordre du jour et de « catalyser » la réflexion sur, d’une part, le financement, en invitant les financeurs de cette politique à faire, sous l’égide de la CNSA, des propositions, et, d’autre part, la gouvernance, en proposant dès maintenant d’expérimenter la délégation de la compétence de la tarification des Ehpad aux départements, comme nous l’avions fait il y a deux ans pour les établissements accueillant des personnes handicapées. En effet, des rapports sénatoriaux récents l’ont montré et la crise sanitaire l’a confirmé, nous avons plus que jamais besoin de cet échelon de proximité pour accompagner les plus vulnérables.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Klinger

Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, aux termes du projet de loi qui nous est transmis, la crise sanitaire et économique devrait se traduire, en 2020, par un déficit agrégé du régime général et du FSV de 46, 6 milliards d’euros, ce qui représente une augmentation de 44, 7 milliards d’euros par rapport à 2019. Toutes les branches du régime général sont concernées par cette détérioration.

La crise sanitaire puis économique a eu un effet de ciseaux sur les recettes et les dépenses de la sécurité sociale. À ce stade, les recettes ont été amoindries de 27, 3 milliards d’euros par rapport à ce qui était prévu, les dépenses étant, quant à elles, majorées de 14, 2 milliards d’euros.

Le constat est à la fois sombre et imprécis.

Il est sombre parce que le déficit agrégé du régime général et du FSV reste largement supérieur à celui qui a été enregistré en 2010, après la crise.

Il est imprécis, parce que ces chiffres n’intègrent pas, pour ce qui concerne les recettes, les effets du deuxième confinement ; en l’absence de réévaluation de ces chiffres, le présent projet de loi de financement semble même caduc… Cette imprécision vaut aussi pour les chiffres relatifs à 2021 ; le PLFSS prévoit que le déficit agrégé du régime général et du FSV sera ramené à 27, 9 milliards d’euros.

Pour y parvenir, le Gouvernement table sur un net rebond des recettes : 8, 7 %, soit 33, 4 milliards d’euros. Ce scénario repose sur une hypothèse de relance volontariste de l’activité. Or cette perspective s’éloigne de jour en jour, à mesure que l’aléa sanitaire s’accroît. La progression de la masse salariale, sur laquelle sont assises les cotisations, ne sera donc pas aussi importante que prévu.

Au-delà des recettes, l’aléa sanitaire devrait également déterminer le niveau des dépenses sociales en 2021, en particulier celui des dépenses d’assurance maladie. Nous pouvons le comprendre, tant la lutte contre la pandémie, la revalorisation du traitement du personnel hospitalier ou encore l’investissement dans les établissements de santé ne constituent pas des dépenses négociables.

Néanmoins, le Gouvernement a fait le choix de ne pas proposer de réformes structurelles en compensation de cette progression ; la réforme des retraites est ainsi reportée. Le PLFSS pour 2021 ne contient pas non plus de mesures pour renforcer la lutte contre la fraude, véritable gisement d’économies ; rappelons les chiffres en la matière : il y a chaque année 771 millions d’euros de fraude aux prestations et 6 milliards à 8 milliards d’euros de fraude aux cotisations. Le ministère des solidarités et de la santé a simplement engagé une réflexion sur l’avenir même de l’Ondam, en vue de renouveler cet outil de régulation.

L’absence de réforme induit l’absence du retour à l’équilibre à moyen terme. La précédente loi de financement de la sécurité sociale tablait sur un retour à l’équilibre global du régime général en 2023. Cette perspective est désormais largement repoussée, le Gouvernement prévoyant un déficit du régime général et du FSV de 20, 2 milliards d’euros à l’horizon 2024.

Au regard de l’ampleur des déficits des comptes sociaux en 2020 et à l’avenir se trouve de nouveau posée la question de la gestion, par la Cades, de la dette sociale, qui devrait atteindre, rappelons-le, plus de 396 milliards d’euros en 2024.

La trajectoire de reprise de la dette semble aujourd’hui inadaptée. Aux 136 milliards d’euros de dette reprise par la Cades s’ajouteront 50 milliards d’euros de dette supplémentaire non reprise à l’horizon 2024. C’est d’ailleurs à cette date que cette caisse devrait disposer de moins de moyens pour amortir la dette sociale, une partie de ses ressources devant financer une cinquième branche, la branche autonomie, qui a les allures d’une coquille vide, faute de nouveaux financements. Dans ces conditions, la dette sociale est-elle encore soutenable ?

Pis, le Gouvernement accélère cette fuite vers l’endettement, en faisant de la reprise de la dette des hôpitaux par la Cades la première étape d’un plan d’investissement des hôpitaux. La contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) financera donc l’endettement futur des hôpitaux ; l’État se défausse, de la sorte, de ses obligations d’investissement. La commission des finances a souhaité déposer un amendement tendant à revenir sur la création de ce cercle vicieux.

Toutefois, indépendamment de cet amendement, un vote favorable sur l’ensemble du texte semble difficile. En effet, faute de précisions du Gouvernement sur la trajectoire des comptes en 2020 et en 2021 intégrant les effets du deuxième confinement, il a semblé à la commission des finances que ce texte était caduc et qu’il ne respectait pas le principe de sincérité budgétaire. Dans ces conditions, la commission a émis un avis défavorable sur ce texte, cette position pouvant néanmoins être révisée à l’aune de l’amendement que vient de déposer le Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, les temps sont difficiles et les métaphores que nous convoquons peinent à décrire l’incertitude et l’étrangeté de l’époque. Dans cette période incertaine, quel est le rôle du projet de loi de financement de la sécurité sociale ?

Cet objet législatif hybride et parfois épouvantablement technique n’est pas l’affaire des seuls spécialistes – je rends d’ailleurs hommage au travail des rapporteurs –, car il traduit les choix politiques structurants qui façonnent notre modèle social : quelle solidarité souhaitons-nous face aux risques ? jusqu’à quel degré considérons-nous cette solidarité comme notre bien commun ? quel effort demandons-nous à chacun pour la protection d’autrui ? quelles formes cette protection doit-elle prendre ? Ces questions sont au cœur de la période que nous vivons aujourd’hui.

Dans cette période, le PLFSS doit répondre aux urgences du moment, tout en traçant des perspectives pour l’avenir.

La commission des affaires sociales donne acte au Gouvernement, monsieur le ministre, de ce que ce texte répond aux urgences du moment présent.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

En ce temps de crise, la solidarité nationale est au rendez-vous pour protéger les malades, conforter les soignants et soutenir ceux que la crise prive de leurs moyens d’existence.

Aussi ne contestons-nous pas les conséquences de cette mobilisation sur les comptes sociaux – un déficit de près de 50 milliards d’euros – ni même le caractère approximatif et sans doute évolutif des chiffres qui nous sont soumis dans un contexte changeant.

Il semble en revanche à la commission que ce texte est frappé d’une certaine myopie et qu’il peine à dessiner, non pas le détail, mais à tout le moins les grands traits de ce que devra être notre modèle de protection sociale dans les prochaines années et la façon dont se prépare la réponse aux défis de demain. Cela nous semble d’autant plus essentiel que la sécurité sociale souffre non seulement de l’épisode aigu du covid-19 mais encore d’un mal chronique : le déficit structurel des plus importantes de ses branches, la maladie et la vieillesse.

Quand les temps sont difficiles, il faut, plus que jamais, tenir sur les principes. Le premier d’entre eux est que chaque génération doit assumer ses risques et assurer l’équilibre de ses prestations par les recettes correspondantes. Ce principe est mis au défi de la démographie. Notre pays est confronté au vieillissement de sa population, et, à très court terme, au financement des retraites des nombreuses classes d’âge issues du baby-boom, avec une croissance faible et une situation dégradée sur le marché de l’emploi.

Sur les retraites, nous l’avions indiqué, il faudrait agir sans attendre une réforme très ambitieuse, qui, peut-être, ne viendra pas. Comme les années précédentes, la commission des affaires sociales invite le Sénat à prendre ses responsabilités sans tarder davantage, conformément à ce que notre collègue René-Paul Savary a présenté.

Pour certains, le vieillissement est aussi le risque de la perte d’autonomie et du besoin d’assistance pour les gestes de la vie quotidienne. La prise en charge de ce risque peine à accomplir sa mue entre l’aide sociale et l’assurance, et à prendre place dans l’architecture et les financements de notre modèle social. Malgré les annonces de l’été dernier, ce PLFSS ne dégage pas un euro d’argent frais pour financer une cinquième branche, dont la mise en place est toujours différée. Dans ces conditions, cette nouvelle branche, consacrée à la perte d’autonomie, est loin des attentes et des espoirs qu’elle a fait naître.

En matière de santé, les défis sont nombreux. Malgré un système solidaire, les inégalités sociales et territoriales restent trop importantes. Le financement de traitements innovants doit trouver sa place aux côtés de la prise en charge des pathologies chroniques, alors que, comme le montre la crise actuelle, les maladies infectieuses n’ont pas disparu. Cette crise agit comme un révélateur des réformes structurelles à conduire pour renforcer la prévention, pour casser les cloisonnements et pour questionner le rôle et les missions de chacun des acteurs du système. Le PLFSS peine à traduire ces orientations.

Ce projet de loi ne dessine pas davantage la façon dont devra se réaliser la résorption des déficits colossaux d’aujourd’hui et de demain. La protection sociale ne saurait pourtant être durablement financée par la dette, legs empoisonné pour les générations qui suivent. C’est pourquoi nous demandons chaque année un effort de 17 milliards d’euros à nos concitoyens pour détruire de la dette sociale.

Dans ces conditions, comment comprendre qu’une partie de cet effort finance l’investissement des hôpitaux et que la dette finance de la dette ? Nous ne pouvons l’accepter et c’est pourtant ce que ce texte nous propose.

Face à ce tableau clinique, était-il indispensable d’alourdir nos charges de 500 millions d’euros par an pour le congé parental – il s’agit d’un avis personnel, puisque la commission ne s’est pas opposée à cette mesure –, alors que la principale préoccupation de nos concitoyens est l’emploi ? Est-il compréhensible de poursuivre les débudgétisations engagées, la sécurité sociale constituant l’abri commode d’une part des déficits de l’État ? Était-il nécessaire de promettre l’accomplissement de la mise en place du risque dépendance, là où les gouvernements précédents, confrontés à une crise de la même manière, avaient renoncé ? Nous aurons à en débattre au cours de l’examen du texte, car l’enjeu est crucial.

Par ailleurs, nous attendons également, monsieur le ministre, un nouveau projet de loi relatif à la santé, mettant notamment en œuvre les conclusions du Ségur de la santé. Cette mise en œuvre ne saurait en effet prendre la forme de propositions de loi éparses inspirées par le Gouvernement. Les attentes du Sénat sont fortes en la matière, si j’en juge par le nombre d’amendements que j’ai dû déclarer irrecevables au regard de la LOLF.

La protection sociale, c’est l’identité même du pays, c’est par exemple une solidarité qui permet à un malade du cancer de ne pas être contraint de vendre sa maison. Prenons garde à ce qu’elle ne soit pas sapée dans ses fondements, sous l’effet non seulement de la crise mais aussi de notre inaction collective.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC, RDSE et RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Je suis saisie, par Mmes Cohen, Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, d’une motion n° 1057.

Cette motion est ainsi rédigée : En application de l’article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2021 (101, 2020-2021).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 7, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour dix minutes, un orateur d’opinion contraire, pour dix minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas deux minutes et demie, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à Mme Laurence Cohen, pour la motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, lors de la discussion des projets de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 et pour 2019, le groupe communiste républicain citoyen et écologiste s’était mobilisé contre l’absence de compensation des exonérations de cotisations sociales. Nous avions dénoncé la volonté du Gouvernement de ponctionner les excédents de la sécurité sociale pour financer le déficit des dépenses sociales de l’État.

Le contexte a changé, à l’échelon tant national qu’européen et mondial, avec la pandémie de la covid-19. Être ministre de la santé, c’est être au cœur de la tourmente ; aussi, sachez-le, monsieur le ministre, les critiques de mon groupe portent non sur les individus mais sur les choix politiques que font ces derniers.

Alors que nous allons examiner, la semaine prochaine, le quatrième projet de loi de finances rectificative (PLFR), avant d’en examiner un éventuel cinquième au mois de décembre, nous n’avons jamais eu, semble-t-il, de projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale. Pourtant, avec la pandémie de covid-19, les hôpitaux ont dû faire face à l’arrivée de milliers de malades en réanimation, les professionnels de santé ont dû quitter leur service pour prêter main-forte aux hôpitaux saturés et l’économie a été stoppée par le confinement.

Par conséquent, les comptes de la sécurité sociale se sont dégradés, en raison de pertes de recettes, liées notamment à une baisse record des cotisations sociales, d’où un déficit de 44, 7 milliards d’euros. Le budget de la sécurité sociale présente donc un déficit élevé et le Gouvernement décide de transférer à la Caisse d’amortissement de la dette sociale certaines dépenses assumées jusqu’à présent par l’État. Ainsi, la Cades devra assumer un investissement immobilier de 13 milliards d’euros dans les hôpitaux, autant d’argent en moins pour la sécurité sociale et qui sera payé par les assurés jusqu’en 2023, via la CRDS.

En gonflant artificiellement la dette de la sécurité sociale, le Gouvernement justifie ses choix de baisse de dépenses, auxquels adhère la majorité du Sénat. Le budget de la sécurité sociale, c’est un peu devenu le compte commun de l’État, qui décide de piocher dedans quand ça l’arrange, alors qu’il appartient non pas à l’État mais aux assurés sociaux.

Covid oblige, le budget de la sécurité sociale pour 2021 est, il est vrai, une exception en comparaison des moyens dépensés pour la santé depuis vingt ans. Cela dit, ne nous y trompons pas : les 8 milliards d’euros supplémentaires financent l’accord du Ségur de la santé et concernent l’augmentation de 183 euros nets par mois pour les personnels paramédicaux et non médicaux. Si toute augmentation de salaire est positive, elle ne rattrape qu’en partie le gel, depuis dix ans, du point d’indice dans la fonction publique. En outre, cette mesure laisse de côté certains membres du personnel ; je pense notamment au personnel du médico-social hors Ehpad.

On le voit, ce budget demeure insuffisant au regard de l’état réel de notre système de santé, des revendications du personnel et des véritables besoins pour l’accès aux soins. À force de limiter la progression des dépenses de santé à chaque PLFSS, depuis près de trente ans, les économies réalisées ont fini par désosser l’hôpital et par l’affaiblir. Malheureusement, la pandémie de la covid-19 est un cruel révélateur des effets indirects de ces funestes politiques d’austérité sur les hôpitaux…

On aurait pu espérer que cette crise serve de leçon pour l’avenir, mais le Gouvernement et la majorité du Sénat répètent déjà l’urgence à revenir, après 2020, aux politiques de réduction des dépenses de santé, afin de rééquilibrer les comptes publics. Mais de quoi parle-t-on ? De 30 milliards d’euros de dette hospitalière, à mettre en perspective avec les 120 milliards d’euros consentis pour financer le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) ! La dette de la sécurité sociale nourrit donc en réalité les marchés financiers !

Mes chers collègues, il serait temps de vous rendre compte que votre logiciel libéral est dépassé, et ne nous dites pas que notre système de protection sociale est fragile ! Face à l’ampleur de la crise, la sécurité sociale, qui fête cette année ses soixante-quinze ans, a joué pleinement son rôle de filet de sécurité pour nos concitoyennes et nos concitoyens. Elle a fait la démonstration de sa solidité, en prenant en charge jusqu’à 13 millions de salariés supplémentaires en chômage partiel, en remboursant à 100 % la téléconsultation et les tests de dépistage, et en assumant le versement aux plus précaires de l’aide d’urgence, dans des délais très courts. Ainsi, elle a réussi non seulement à maintenir ses missions mais également à les élargir, malgré les pertes de recettes liées à l’arrêt de l’activité économique.

Monsieur le ministre des solidarités et de la santé, vous avez démontré que la sécurité sociale n’avait pas besoin des assurances privées ni des complémentaires santé pour assurer la prise en charge des soins et des prestations sociales. Ce bel aveu apporte de l’eau à notre moulin : la prise en charge à 100 %, par la sécurité sociale, des soins pour toutes et tous ; à quand sa mise en œuvre ?

La crise est structurelle ; il ne faut donc pas des rustines financières ni des mesures temporaires, comme le propose le PLFSS pour 2021. Il faut un financement pérenne de la santé, à la hauteur des besoins d’une politique de prévention et d’accès aux soins, d’autant que l’Unesco (Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture) prévoit des pandémies mondiales plus nombreuses et plus intenses.

Messieurs les ministres, il me semble difficile d’écouter à la fois l’oratrice et le rapporteur général…

Sourires sur les travées des groupes CRCE et SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Malheureusement, en fixant l’augmentation des dépenses de santé, à périmètre constant – en neutralisant les mesures pour 2021 liées à la covid et au Ségur de la santé –, à 2, 5 %, ces dépenses seront maintenues au-dessous de leur évolution naturelle, estimée à 4, 4 %. Cela revient à imposer à la santé des coupes budgétaires de 4 milliards d’euros, dont 800 millions d’euros pour l’hôpital. C’est incompréhensible et intolérable !

La covid-19 fait rage et, croyez-le bien, nous en sommes conscients, car les membres de mon groupe se rendent souvent auprès du personnel de santé de leurs territoires ; nous étions encore, vendredi dernier, à l’Hôtel-Dieu, où les urgences ont été fermées afin que le personnel y travaillant aille renforcer les équipes de Cochin. Indépendamment de l’ineptie d’une telle décision pour un hôpital situé au cœur de Paris, en pleine pandémie et en pleine menace terroriste, l’ordre est tombé sans aucune concertation. Avec de telles méthodes de direction, appliquées un peu partout sur le territoire, comment s’étonner que le personnel soit écœuré et quitte l’hôpital, voire la profession de soignant ?

Ce projet de budget est loin d’être historique, ce qu’imposerait pourtant la crise que nous vivons. La création de 15 000 postes, dont seulement 7 500 supplémentaires par rapport à ceux qui étaient prévus par votre prédécesseur, n’est pas à la hauteur des besoins. L’argument avancé à l’appui de cette décision repose sur le fait que, aujourd’hui, faute de volontaires, des postes sont vacants ; mais à qui la faute, si ce n’est aux choix politiques qui ont été faits et qui perdurent ?

Il faut en urgence développer un véritable plan de formation et de recrutement de personnel, à hauteur de 100 000 postes pour les hôpitaux et de 300 000 postes sur trois ans dans les Ehpad, sans oublier les aides à domicile. Cela passe nécessairement par l’augmentation des moyens alloués à la formation et par l’amélioration de l’attractivité des métiers. Nous avons des propositions qui permettraient amplement de financer cela, messieurs les ministres ; n’hésitez pas à piocher dedans…

Enfin, que dire de la création d’une cinquième branche de la sécurité sociale, pour la perte d’autonomie, dont le financement se fera non par des cotisations mais par des recettes fiscalisées, dont la CSG et des transferts entre branches ? C’est la porte ouverte aux assurances privées et c’est un coup supplémentaire porté à notre système de protection sociale tel que créé par Ambroise Croizat, ministre communiste.

En réalité, le Sénat examine aujourd’hui un budget de la sécurité sociale comme s’il n’y avait pas de rebond de la pandémie de covid-19. Les projections ayant conduit seulement à une enveloppe pour l’achat de matériel de protection et au financement d’une éventuelle campagne de vaccination sont dépassées, et l’on attend toujours la prise en charge à 100 % des masques devenus obligatoires pour tous dès l’âge de 6 ans.

Le reconfinement du pays pour une durée minimale de quatre semaines entraînera nécessairement un nouveau ralentissement de l’économie et, par conséquent, de moindres rentrées de cotisations sociales et une augmentation des dépenses de santé liées à la prise en charge des patients.

Le ministre de l’économie lui-même a chiffré à 15 milliards d’euros le coût pour l’État d’un mois de reconfinement et il a présenté un nouveau projet de loi de finances rectificative. Accepter de débattre de ce budget de la sécurité sociale pour 2021 reviendrait à accepter de discuter de chiffres largement sous-évalués, même en tenant compte de votre amendement de révision de l’Ondam de 2020, à hauteur de 800 millions euros, monsieur le ministre. D’ailleurs, vous auriez dû être favorable à nos amendements de l’an dernier visant à réévaluer cet objectif, au lieu de clamer que c’était impossible…

Pour toutes ces raisons, le groupe communiste républicain citoyen et écologiste a déposé cette motion tendant à opposer la question préalable, afin de dénoncer l’insuffisance des moyens destinés à notre système de santé et un budget caduc au regard des récentes décisions prises face à la pandémie de la covid-19.

Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Mme la présidente. Personne ne demande la parole contre la motion ?…

Exclamations ironiques sur les travées du groupe CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Vanlerenberghe

La commission a émis un avis défavorable sur cette motion, parce que nous voulons débattre du texte. Nous avons des propositions et des marqueurs à faire valoir, qui, mais vous le savez, ne sont pas forcément les mêmes que les vôtres, ma chère collègue.

Il ne nous paraît donc pas souhaitable d’adopter cette motion.

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt

Le premier argument développé par Mme Cohen consiste à qualifier le PLFSS de caduc et d’insuffisant.

Il n’est pas caduc, puisque, conformément à nos annonces, nous avons déposé des amendements permettant de le rendre sincère, en tenant compte de la révision des hypothèses macroéconomiques et de l’augmentation de l’Ondam, ainsi que nous l’avons fait à l’Assemblée nationale. Du reste, vous en conviendrez, madame la sénatrice, nous sommes dans une période particulière, qui nécessite des révisions assez nombreuses, auxquelles nous procédons au fil de l’examen des textes.

Par ailleurs, vous parlez d’insuffisance, mais cela paraît paradoxal ou quelque peu surprenant, puisque le PLFSS que nous examinons acte un Ondam de plus de 9 % pour 2020 et de plus de 6 % pour 2021, afin de consacrer encore plus de moyens pour faire face à la crise.

Pourquoi n’avons-nous pas déposé de projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale ? Pour deux raisons. En premier lieu – c’est peut-être un peu basique, je l’avoue bien volontiers –, cela tient au manque de temps parlementaire et à notre volonté de privilégier les débats relatifs aux projets de loi de finances rectificative (PLFR), qui sont obligatoires. En second lieu, le PLFSS et l’Ondam ayant avant tout des vertus indicatives – ce sont des outils de pilotage mais qui restent indicatifs –, nous n’avons jamais été empêchés de financer autant que nécessaire, pour faire face à la crise, les hôpitaux et le système de santé.

J’en profite pour souligner que nous n’envisageons pas de cinquième PLFR, car le quatrième, que l’Assemblée nationale examinera demain, sera le collectif de fin de gestion et comportera des crédits qui, associés aux crédits non consommés du PLFR 3, nous permettront de faire face à la pire des hypothèses, que nous ne souhaitons pas : la prolongation du confinement. Nous aurons donc les moyens de déployer le même niveau d’intervention économique qu’en novembre jusqu’à la fin de l’année si cela était nécessaire, ce que, je le répète, nous ne souhaitons pas.

Je soulignerai deux points pour terminer.

D’une part, il est un peu dommage à nos yeux de faire le procès des non-compensations de certaines exonérations de cotisations – celles qui ont été adoptées l’année dernière n’étaient pas les premières du genre, nous avions eu l’occasion d’en discuter –, dans la mesure où le présent PLFSS prévoit justement des compensations intégrales, sous réserve des précisions que nous apporterons au cours de la séance, tant pour la prorogation du dispositif des travailleurs occasionnels-demandeurs d’emploi (TO-DE) que pour les exonérations de cotisations adoptées par l’Assemblée nationale au travers du PLFR 3 et du présent PLFSS, en première lecture.

D’autre part, vous avez déclaré, de manière très affirmative, que le PLFSS appartenait non pas à l’État mais aux assurés sociaux. Vous le déplorez, je le sais, mais cette affirmation se heurte à une réalité : la part des recettes fiscales est de plus en plus importante dans le budget de la sécurité sociale. Encore une fois, vous pouvez le regretter, mais cet état de fait contrecarre l’idée que le PLFSS appartiendrait aux seuls assurés sociaux, pour reprendre votre formule.

Vous avez d’ailleurs illustré votre propos en mentionnant le chômage partiel et le financement des salaires de presque 13 millions de salariés ; or nous engageons, en 2020, quelque 34 milliards d’euros au total sur le PLFSS, dont les deux tiers relèvent directement du budget de l’État et un tiers de l’Unédic. C’est bien la démonstration que l’étanchéité que vous affirmez n’existe pas et que le budget de l’État et celui de sécurité sociale ont des liens importants.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement a émis un avis défavorable sur cette motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Poncet Monge

Au-delà de la controverse politique ou sémantique sur l’intentionnalité de l’insincérité, cette motion, présentée par le groupe CRCE, pose la question du risque réel de sous-budgétisation des dépenses et des ressources allouées.

En effet, nous sommes malheureusement confrontés à une situation inédite et deux risques majeurs de dérapage des déficits coexistent.

Le premier facteur résulte du reconfinement national, pendant plusieurs semaines – cela a été évoqué –, non prévu au moment de l’élaboration du projet de loi et encore moins de son étude d’impact. Cela contractera fortement les recettes, nécessitera des dépenses de soutien aux acteurs économiques et provoquera une forte hausse des prestations sociales. Les amendements du Gouvernement présentés au fil de l’eau, tant à l’Assemblée nationale que, aujourd’hui, au Sénat, en témoignent. Il n’y a qu’à constater la dynamique des demandes journalières de revenu de solidarité active (RSA) : 3 000 inscriptions par jour, selon vos propres chiffres, monsieur le ministre.

La deuxième vague de la pandémie se traduira par la dégradation de l’état de santé – somatique, psychique et social – de la population, par l’élargissement et l’intensification de la crise sociale et par les effets prévisibles qu’aura l’augmentation de la pauvreté, de la précarité et des inégalités sur la santé et sur la cohésion sociale.

Le deuxième facteur est déjà présent dans le projet initial : la cinquième branche de sécurité sociale est créée, sans la traduction budgétaire des dispositions du futur projet de loi sur le grand âge et l’autonomie, promis pour 2021.

Quelles que soient les pistes du rapport Vachey qui seront retenues, cette adoption va nécessiter d’allouer des ressources dès 2021, alors que la prévision se borne à la seule prise en compte du Ségur pour les Ehpad.

Sauf si vous reportez encore le projet de loi Autonomie, cette branche seule pourrait être qualifiée d’« insincère », à moins qu’il ne s’agisse là d’un aveu de votre manque d’ambition à ce sujet, voire d’un nouveau report.

De ces deux facteurs, il nous paraît raisonnable de déduire des prévisions faussées, tant en recettes qu’en dépenses. Il était donc très légitime de poser la question préalable quant à la sincérité de ce texte budgétaire, comme l’ont fait nos collègues du groupe CRCE.

Néanmoins, nous pensons que le Parlement ne doit pas être privé de débattre de ce projet de loi et demandons en conséquence que, par respect de la transparence nécessaire à la démocratie parlementaire, le Gouvernement s’engage à présenter un projet rectificatif au cours de l’année 2021.

Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires s’abstiendra.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Chasseing

Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, la pandémie du covid a été brutale, inattendue, massive, avec une deuxième vague très importante.

Il a pu y avoir, au début, des difficultés dans les approvisionnements – je rappelle que la consommation quotidienne de certains médicaments a été multipliée par plus de 100. Toutefois, nous avons pu constater que la sécurité sociale a permis à nos concitoyens d’être traités avec le maximum de sécurité. Avec la solidarité des régions, tous les malades ont pu être soignés. Atteindre cet objectif est déjà formidable.

La situation est difficile et la crise continue, mais la mobilisation du personnel s’organise et, comme je l’ai constaté à la fin de la semaine dernière dans mon département, le matériel a fini par arriver, permettant d’augmenter le nombre de places en réanimation.

Le problème est que le personnel n’a pu être complètement formé en quelques mois. Des primes ont été versées et une augmentation des salaires de 183 euros par mois a été décidée en Ehpad et à l’hôpital. On peut, à son sujet, parler de « rattrapage » : avec un Ondam à 2 % entre mai 2012 et 2017, les hôpitaux n’avaient pas les moyens d’augmenter les salaires ni d’investir.

Grâce à la sécurité sociale, cette pandémie sera vaincue et tous les malades seront soignés.

Les déficits sont importants, et il faudra bien sûr les rembourser.

Il faudra également financer la cinquième branche de l’assurance maladie, ce que ne fait pas ce PLFSS. Alors que nous sommes engagés dans un combat contre une pandémie, il ne conviendrait pas que nous ne débattions pas. Nous devons proposer un financement de la sécurité sociale, pour garantir la poursuite de son action et pour soigner tous les malades.

Je rejoins le groupe CRCE sur le fait qu’il faudra former massivement à l’hôpital et en Ehpad, mais je voterai contre la question préalable.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Je mets aux voix la motion n° 1057, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.

Il va y être procédé dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 17 :

Le Sénat n’a pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Mme la présidente. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Bernard Jomier.

Applaudissements sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Jomier

Vous nous présentez, messieurs les ministres, un budget social dont les tableaux ne s’exécuteront pas comme il est prévu, non qu’il soit insincère, mais simplement parce que la situation économique, sociale et sanitaire est tellement mouvante qu’il est très difficile de présenter un PLFSS exact. Nous ne vous reprocherons pas cette inexactitude liée aux fluctuations de la situation.

En revanche, ce budget traduit une certaine impréparation et une persistance dans des erreurs antérieures. Pour tout dire, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale est largement un rendez-vous manqué.

C’est d’abord un rendez-vous manqué avec les finances, parce que la dette que vous faites encore une fois porter sur les comptes sociaux, via la Cades, est un mauvais choix politique – nous l’avons amplement expliqué l’été dernier – et un mauvais choix financier. De fait, il va falloir rembourser cette dette au fil des années, en payant capital et intérêts, alors que, si elle avait été assumée par l’État, elle aurait été amortie sur le très long terme. L’État ne se prive pas par ailleurs de réemprunter du capital, parfois d’ailleurs à des taux négatifs, ce qui est un bon calcul financier.

Vous allez donc priver le budget social d’une dizaine de milliards d’euros chaque année. Ce faisant, vous affaiblissez l’amortisseur social.

C’est un rendez-vous manqué avec les engagements financiers nécessaires pour affronter la crise. Certes, vous provisionnez 4, 3 milliards d’euros pour 2021 pour des tests, des vaccins et des masques, mais le Haut Conseil des finances publiques estime que ce montant sera largement insuffisant.

Vous affichez, monsieur le ministre, des chiffres flatteurs de hausse de l’Ondam, mais, comme vous en aviez fait le choix l’an dernier, vous y avez inclus le budget de l’Agence nationale de santé publique, lequel, avec 4, 8 milliards d’euros sur un an, représente près de la moitié de cette augmentation.

C’est aussi un rendez-vous manqué avec l’hôpital public, qui reste sous-financé pour les missions qui lui sont actuellement confiées.

À cet égard, les 2, 4 milliards d’euros que vous avez ajoutés à l’Assemblée nationale et les 800 millions d’euros que vous allez ajouter au Sénat, par voie d’amendement, sont surtout le marqueur de votre niveau d’impréparation de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.

D’ailleurs, les personnels votent avec leurs pieds. Dès la phase épidémique du printemps passée, ils ont quitté l’hôpital et repris leur mouvement de départ. On ne doit qu’à leur professionnalisme de se mobiliser actuellement.

C’est un rendez-vous manqué avec les soignants de ville, pour lesquels ce texte ne changera pas grand-chose.

Votre mesure la plus significative consiste à vouloir reporter de deux ans une échéance du dialogue social. Il semble que reporter de deux ans les échéances démocratiques devienne une habitude…

C’est un rendez-vous manqué avec l’aide au domicile. Vous en avez d’ailleurs probablement conscience, puisque, lors de l’examen du texte à l’Assemblée nationale, vous avez, là aussi à la dernière minute, proposé d’ajouter une mesure dotée de 250 millions d’euros, laquelle, fondamentalement, ne changera pas la donne.

Enfin, c’est un rendez-vous manqué avec une meilleure territorialisation de la politique de santé.

Nous avions soutenu les intentions relativement justes de Ma santé 2022. N’était-ce donc qu’un catalogue, transformé par votre Gouvernement en une multiplicité de dispositions technocratiques et largement inefficaces ?

Messieurs les ministres, tous ces rendez-vous manqués traduisent, au fond, un défaut d’adaptation structurelle aux enjeux sanitaires et sociaux. Cela nous inquiète particulièrement. Cette crise sanitaire est une épreuve pour notre pays, d’autant qu’elle se double d’une crise sociale profonde. Elle devrait donc être l’occasion de changer ce qui doit l’être : une gouvernance trop verticale, trop cloisonnée et appropriée par quelques-uns dans un État centralisé à l’excès et trop satisfait de lui-même.

Un pays ami proche, l’Allemagne, recommence à recevoir des patients venant de France. Voilà quelques jours, l’éditorialiste d’un grand quotidien allemand, le Südddeutsche Zeitung, résumait ainsi la vision du fonctionnement actuel de notre pays : « On peut parler d’une faillite de l’État […] Nulle part ailleurs, on ne voit un tel fossé entre les ambitions des élites et leur management de crise. »

Oui, le système est inefficient, car la compréhension par l’État de ses citoyens est largement dépassée. Le sommet a toujours raison, même quand il a tort. C’est pourquoi il s’améliore peu et ne tire que beaucoup trop lentement des leçons de ses erreurs, en tout cas pour ce qui concerne ce virus.

Pour combattre celui-ci, le chef de l’État a choisi de recourir à des lois d’urgence et substitue au conseil des ministres le secret-défense. La transparence et la démocratie seraient-elles gênantes ? Messieurs les ministres, je vous le dis très clairement : cette attitude ne favorise pas le soutien de la population.

Je crois que la France a besoin d’un vrai progrès démocratique et d’un État plus moderne pour sa direction. On est loin d’en prendre le chemin avec le présent budget social, qui ne porte aucune inflexion structurelle en la matière.

Votre pilotage n’a pas changé. Il est inadapté. Plutôt que de vous en prendre tantôt aux Français, tantôt aux parlementaires, admettez que votre gouvernance et votre budget social sont de même nature : marqués par l’impréparation. Ils produisent de l’incompréhension, ils produisent de la défiance et, au fond, ils finissent par produire du rejet de la part des Français.

Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Chasseing

Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, c’est dans un contexte de crise sanitaire et économique que nous examinons le PLFSS 2021, dont je félicite les rapporteurs. La situation nous rappelle combien le rôle des soignants et de l’hôpital est vital pour la prise en charge de toutes les pathologies, au-delà du covid.

Des lits ont été fermés depuis de nombreuses années. Les personnels soignants n’ont pas été revalorisés. En cinq ans, la production de soins a augmenté de 15 %, mais le personnel de seulement 2 %, 34 % du personnel des hôpitaux étant du personnel administratif. Les 35 heures, insuffisamment compensées par de l’emploi, ont réduit le relationnel au strict minimum et conduit à une dégradation des conditions de travail. À ce jour, 30 % des postes de praticiens sont vacants. Des milliers de postes d’infirmières de manipulateurs radio ne sont pas pourvus.

Nous devons réagir en agissant sur plusieurs leviers : le renforcement des effectifs, le financement des investissements, l’augmentation des salaires et la formation.

Le nombre de passages aux urgences a doublé en vingt ans. Nous pouvons comprendre la volonté du Gouvernement de désengorger les urgences avec un forfait payant, mais, si nous ne développons pas et ne coordonnons pas l’offre de soins dans les territoires sous-dotés, cette pénalisation n’aura aucun impact.

Le budget 2020 se caractérise par un déficit de la sécurité sociale qui s’élève à 49 milliards d’euros, dont 32 milliards d’euros pour la branche maladie et 10 milliards d’euros pour la branche retraite, des cotisations en baisse, un surcoût lié au covid et une augmentation de 9 % de l’Ondam.

En 2021, le déficit sera de 28 milliards d’euros, dont 19 milliards d’euros pour la maladie et 7 milliards d’euros pour les retraites. Le PLFSS assure la prise en charge des mesures issues du Ségur de la santé, à hauteur de 8, 8 milliards d’euros, et améliore la rémunération des soignants à l’hôpital et en Ehpad.

Je rappelle que l’Ondam n’a augmenté que de 2 % entre 2012 et 2017, alors que le rythme naturel de la hausse des dépenses était supérieur à 4 % par an. Cela a entraîné un surendettement des hôpitaux, confrontés à la nécessité d’investir. L’aide de l’État est très attendue dans de nombreux établissements : elle s’élèvera à 13 milliards d’euros, auxquels s’ajouteront 6 milliards d’euros du plan de relance.

Concernant la cinquième branche de l’assurance maladie, nous trouvons légitime que le financement soit pris en charge par la solidarité nationale, pour une équité sur tout le territoire. Elle sera dotée de 31 milliards d’euros et portée par la CNSA. Elle financera l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé. En 2024, 0, 15 point de CSG lui sera affecté.

Cela nous paraît très insuffisant. Nous savons combien les pensionnaires des Ehpad sont dépendants. Le GIR moyen pondéré (GMP) s’élève, partout, à 750 environ. Déjà en 2006, Philippe Bas, alors ministre de Jacques Chirac, estimait que le nombre d’emplois devait doubler en cinq ans dans les établissements dont le GMP avoisinait 800. L’affectation de 0, 15 point de CSG devrait, dès 2021, apporter 2 milliards d’euros pour 10 % de personnels soignants supplémentaires. Elle s’élèvera à 6 milliards d’euros en 2024.

La prise en charge de la dépendance doit être améliorée, avec une augmentation des crédits dédiés au maintien à domicile et à la formation en établissement, parallèlement à une valorisation des acquis de l’expérience et un développement de l’apprentissage. Le Gouvernement a proposé une revalorisation de 15 % et un cofinancement avec les conseils départementaux, mais la forte augmentation du RSA entraînera pour ces derniers des difficultés budgétaires.

Le nombre de personnes en perte d’autonomie va passer de 2, 5 millions à 5 millions en 2050. Il est nécessaire de proposer un grand plan national d’adaptation des logements.

Nous espérons, monsieur le ministre, que les 92 milliards d’euros affectés en provisions pour couvrir les déficits de la sécurité sociale suffiront, même si la perspective d’un déficit à 20 milliards d’euros nous inquiète.

S’agissant de la dégradation de la branche retraite, nous sommes favorables à une concertation des partenaires sociaux, comme le propose notre collègue René-Paul Savary.

Nous sommes également favorables aux propositions d’Élisabeth Doineau concernant le soutien aux familles.

Nous souhaitons que l’amendement tendant à obliger les jeunes médecins à exercer six mois en désert médical, adopté par le Sénat et en CMP en 2019, soit retenu. Nous présenterons un amendement tendant à ce que les personnels travaillant en services de soins infirmiers à domicile (Ssiad) et dans le secteur du handicap bénéficient eux aussi des propositions du Ségur de la santé.

Monsieur le ministre, nous saluons votre engagement quotidien dans la crise du covid, que personne n’avait vu venir, tout comme l’ampleur de cette deuxième vague.

Je veux féliciter le personnel pour ses capacités d’adaptation et pour l’anticipation dont il a fait preuve dans les hôpitaux, ainsi que j’ai pu le constater dans mon département à la fin de la semaine dernière.

Permettez-moi de vous poser une double question : pourquoi ne décide-t-on pas l’utilisation massive de tests antigéniques par les professionnels, y compris les pharmaciens, afin notamment de détecter les cas asymptomatiques – ils sont nombreux chez les jeunes –, que l’on pourrait ainsi isoler ? pourquoi refuser l’utilisation de ces tests par les agences régionales de santé (ARS) pour les personnels et les pensionnaires des Ehpad ?

Outre les crédits affectés au covid, ce PLFSS marque quelques avancées : augmentation de 183 euros mensuels pour les soignants, hausse du nombre de lits d’hospitalisation, modification de la tarification à l’activité (T2A), notamment aux urgences, maisons de naissance, congé paternité, augmentation de l’allocation de rentrée scolaire, intensification de la lutte contre la fraude…

Cependant, je regrette que la cinquième branche, consacrée à l’autonomie, ne soit pas financée davantage en 2021. Pourtant, en Ehpad, l’augmentation du nombre de soignants est une urgence ! Ce projet de loi ne doit pas être une loi d’adaptation de la société au vieillissement (ASV) bis.

Il est également nécessaire de continuer à soutenir fortement l’hôpital et son personnel, afin de prendre en charge non seulement la covid, mais aussi toutes les autres pathologies chroniques et les urgences chirurgicales et médicales qui ne peuvent être différées.

Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, RDSE et UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Poncet Monge

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, du fait de l’impact de la crise sanitaire, l’examen de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale s’avère particulièrement complexe.

Il convient d’analyser si ce texte amorce une rupture ou, pour le moins, une inflexion – « la santé quoi qu’il en coûte » – par rapport à l’austérité budgétaire dont les précédents PLFSS ont été l’outil et qui, entre autres conséquences délétères pour notre protection sociale, ont sinistré l’hôpital public. Force est de constater qu’il n’en est rien, car, déduction faite du coût de la pandémie et du Ségur de la santé, l’objectif national de dépenses d’assurance maladie se révèle de nouveau inférieur à l’évolution mécanique des besoins de santé. J’y reviendrai.

Avant toute chose, je tiens à dire que nous saluons l’extension de l’expérimentation des maisons de naissance et l’allongement du congé de paternité.

Par ailleurs, notre groupe défendra plusieurs mesures qu’il estime capitales.

Il convient de mettre un terme, fût-ce progressivement, à la politique massive d’exonérations des cotisations sociales, qui pèse à hauteur de dizaines de milliards d’euros sur le budget de l’État et de la sécurité sociale du fait de la non-compensation intégrale en 2019. Accordées sans contreparties ni conditionnalités, tant sociales qu’environnementales, alors que l’on n’ignore plus la cause environnementale des pandémies, ces exonérations ont montré leur inefficience. Au reste, ce n’est pas à la sécurité sociale de soutenir la rentabilité du capital.

Nous soutiendrons les mesures de financement du secteur de l’aide à domicile, notamment le financement intégral par la branche de leurs accords de branche.

Le sujet d’un plus grand soutien aux hôpitaux et au système de santé est incontournable.

Ainsi, depuis des années, le taux de croissance prévisionnel des dépenses de santé oscillait autour de 2, 2 %, alors que la croissance naturelle des besoins était estimée entre 3 % et 4 %. Provoquée par ce décrochage sur le temps long, la dette des hôpitaux s’est substituée à la dette sociale. Vous demandez aujourd’hui à la Caisse d’amortissement de la dette sociale d’en reprendre un tiers pour redonner des marges d’investissement à l’hôpital.

On marche sur la tête depuis des années : il serait grand temps de remettre le modèle à l’endroit, en définissant d’abord les besoins à long terme et la trajectoire de financement solidaire !

La dette des hôpitaux doit être intégralement reprise par l’État en regard de sa responsabilité.

Nous connaissons les conséquences dramatiques des milliards d’économies exigées – elles s’élèveront à 800 millions d’euros supplémentaires rien que pour l’hôpital en 2021 – et du déficit cumulé des ressources allouées. Un tiers des hôpitaux publics se trouvent en situation d’endettement excessif malgré le décrochage des effectifs. En cinq ans, les effectifs hospitaliers ont crû de 2 %, alors que la production de soins progressait de 15 %. Cela explique la dégradation de la qualité des soins et des conditions de travail, l’épuisement professionnel, l’explosion des démissions, qui concernent jusqu’aux chefs de service, la perte d’attractivité, les mouvements sociaux et les postes vacants, qui représentent 30 % des postes de praticiens hospitaliers et 400 postes d’infirmiers à l’AP-HP.

Nous assistons, même en pleine pandémie, à une politique active de fermetures d’établissements et de services, après celles de 7 600 lits depuis le début de votre quinquennat. Désormais, l’hôpital fait face à des fermetures faute de personnel : 1 100 lits à l’AP-HP sont ainsi fermés par manque de soignants.

D’ailleurs, la moitié de vos annonces de création de lits correspondent en fait à la réouverture de lits fermés par vacance de personnel. À ce niveau, il ne s’agit plus d’un « virage ambulatoire maîtrisé » : c’est un « dérapage austéritaire non contrôlé »…

Et, si le Gouvernement veut désengorger les urgences surchargées, où le nombre de passages a doublé en dix ans, la création du « forfait patient urgences » ne répondra pas aux recours à l’hôpital provoqués par l’urgence sociale ou l’insuffisance de l’offre alternative en ville.

Enfin, la création de la cinquième branche, relative à l’autonomie, quasiment par transfert de crédits existants, souffre du report depuis deux ans du projet de loi Grand âge et autonomie, qui devait définir notamment son besoin de financement, estimé à plusieurs milliards d’euros annuels par le rapport Libault.

Monsieur le ministre, vous ne pouvez plus uniquement compter sur la résilience dont l’hôpital a jusqu’ici vaillamment fait preuve pour compenser l’insuffisance de la capacité en lits et effectifs. Les soignants demandent désormais des mesures fortes pour inverser la tendance.

Le PLFSS dont le pays a besoin devrait amorcer un plan inédit de recrutement et de formation à long terme, y compris de formation professionnelle, à côté de la première étape de revalorisation salariale, laquelle ne répare que partiellement et pour le seul secteur sanitaire et les Ehpad des années de déflation salariale.

Selon nous, il est impératif que la dette sociale due au coût de la pandémie soit isolée et prise en charge par le budget de l’État, posant avec acuité la question d’un impôt exceptionnel de solidarité sur les grandes fortunes et les patrimoines les plus élevés pour ne pas obérer les comptes sociaux pendant la décennie à venir.

Enfin, contraints par l’exercice législatif et les différents motifs d’irrecevabilité susceptibles de frapper les amendements au PLFSS, nous regrettons de ne pas pouvoir aller plus loin sur le congé paternité ou sur la prise en charge des surcoûts liés à la covid.

En conclusion, ce PLFSS n’est pas à la hauteur des enseignements que nous tirons de la crise sanitaire et sociale. Espérant son amélioration par l’adoption d’amendements, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires devrait toutefois voter contre ce projet.

Applaudissements sur les travées du groupe GEST.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Martin Lévrier

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, lors du vote de la loi de financement pour la sécurité sociale de 2019 était prévu un retour historique à l’équilibre des comptes. Nous y étions presque : 1, 9 milliard d’euros, c’est le montant du déficit enregistré en 2019 sur le périmètre du régime général et du FSV, soit une progression notable au regard des prévisions révisées pour 2020, lesquelles faisaient craindre un déficit supérieur à 5 milliards d’euros.

C’était sans compter sur la crise provoquée par la pandémie, qui a fait plonger les comptes sociaux, comme l’ensemble des comptes publics, dans des profondeurs jusque-là inconnues.

Au-delà des polémiques, la crise permet de mettre en lumière nos préférences communes. Nos concitoyens ont à cœur d’avoir, à côté des fonctions régaliennes de l’État, un haut niveau de protection sociale pour assurer les soins à tous les malades. Ils ont rappelé leur attachement à une prise en charge solidaire et équitable sur tout le territoire.

Mes chers collègues, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 constitue l’un des exercices les plus singuliers depuis la création du PLFSS en 1996, tant au vu de la crise sanitaire et de son impact sur les finances sociales qu’en raison des transformations structurelles qu’il porte.

Dès lors, même si quelques-uns, par simple posture politique, diront que ce texte manque d’ambition, voire est insincère, bon nombre d’entre vous y trouveront une réponse forte tant à la crise sanitaire qu’à la crise économique et la soutiendront, comme le font la majorité des Français.

Cette réponse forte se traduit tout d’abord dans les comptes par un renforcement inédit de l’Ondam pour 2020 – à l’article 8 – et 2021 – à l’article 45.

Si les Ondam votés lors des précédentes lois de financement étaient déjà volontaristes – +2, 5 % en 2019 et +2, 45 % en 2020, avant la crise – en comparaison de ceux qui avaient été votés ces dix dernières années, sous les gouvernements précédents, les niveaux qui seront atteints en 2020 – +7, 6 % – et en 2021 – +6 % hors covid – témoignent d’un effort sans précédent depuis sa création.

Cet effort ne cesse d’être ajusté au plus près des besoins, puisque le Gouvernement propose aujourd’hui, par le biais d’un amendement, de relever l’Ondam de 800 millions d’euros supplémentaires pour couvrir les nouveaux surcoûts liés à la pandémie de covid-19.

Ce renforcement inédit de l’Ondam a permis en 2020 et permettra en 2021 de faire face à la pandémie, de protéger les Français, mais aussi de mettre en œuvre l’accord historique qu’est le Ségur de la santé.

Le Gouvernement a annoncé cet été un montant de 8, 2 milliards d’euros en faveur des personnels des établissements de santé et des Ehpad, un renforcement de l’attractivité des métiers et un plan d’assainissement financier et d’investissement massif pour l’hôpital chiffré à 19 milliards d’euros.

Sous ce quinquennat, il faut le rappeler, beaucoup avait déjà été engagé : je pense notamment à la réforme du financement à l’hôpital, pour sortir du « tout-T2A », largement engagée dès 2018, mais aussi à la réforme d’ampleur de l’organisation des soins déjà adoptée avec la loi Ma santé 2022.

Aujourd’hui, le Ségur permet de franchir un nouveau cap en donnant les moyens d’une accélération de ces transformations dont le PLFSS donne, outre les objectifs de dépenses, une traduction législative concrète.

Plusieurs autres défis seront relevés dans ce PLFSS pour 2021 comme, par exemple, la création de la cinquième branche, le congé de paternité, le renforcement de l’accès aux médicaments innovants, le développement de la télémédecine, le déploiement des maisons de naissance… Je ne doute pas que nos débats permettront certaines améliorations, à la condition que chacun se souvienne de ce qui a été voté par le passé et qui, au-delà de la crise, a conduit notre système de santé à se fragiliser.

Je terminerai donc, mes chers collègues, en rappelant le rendez-vous important que constituera la sortie de crise pour garantir la pérennité du financement de notre système et l’impérieuse nécessité de dresser une perspective de retour à l’équilibre des comptes, une fois que la crise sanitaire sera derrière nous et que la situation économique se sera améliorée. Aussi, je compte sur vous non seulement pour ne pas faire l’impasse sur la maîtrise de nos dépenses, mais également pour renforcer nos outils de régulation.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.

Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Artano

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ces deux dernières années, les perspectives financières nous laissaient espérer un prochain retour à l’équilibre des comptes de la sécurité sociale, après une vingtaine d’années de déficits, parfois abyssaux.

Toutefois, par son ampleur, la crise sanitaire qui nous frappe a fortement affecté les finances sociales, mettant notre système de sécurité sociale à rude épreuve. Le déficit devrait désormais s’élever à 46, 6 milliards d’euros pour cette année : jamais la sécurité sociale n’avait subi une détérioration aussi brutale et rapide de ses comptes, qui ont atteint un niveau jamais observé depuis l’après-guerre.

En juillet 1945, Alexandre Parodi déclarait devant l’Assemblée nationale : « La sécurité sociale est la garantie donnée à chacun qu’en toutes circonstances il disposera des moyens nécessaires pour assurer sa subsistance et celle de sa famille dans des conditions décentes ». Force est de constater que, soixante-quinze ans après sa création, notre système a permis de protéger les malades et leurs familles et s’est révélé un véritable amortisseur économique et social.

Aujourd’hui, c’est donc dans un contexte inédit que nous examinons ce PLFSS. Contrairement à ce que j’ai pu lire ou entendre, je ne pense pas que nous puissions parler de budget « insincère ». Avec le rebond épidémique et les mesures de couvre-feu, puis de reconfinement, il est clair en revanche que le texte adopté par l’Assemblée nationale est déjà obsolète.

Vous avez d’ailleurs annoncé, monsieur le ministre, le dépôt d’amendements pour tenir compte de la majoration supplémentaire de l’Ondam pour 2020 et de la dégradation des hypothèses macroéconomiques ; mais nous ignorons réellement l’impact économique et social de ces mesures et même leur durée. Comme aurait pu le dire Socrate, face à cette pandémie, tout ce que nous savons, c’est que nous ne savons rien.

Il est en effet très difficile d’avoir une réelle vision prospective des évolutions de recettes et de dépenses dans un environnement sanitaire qui reste plus qu’incertain. Comme l’a très justement reconnu le ministre des solidarités et de la santé : « Nous sommes sur la face nord de l’Everest en plein hiver. La visibilité est vraiment mauvaise ». Sans doute, ne pourrons-nous pas faire l’économie d’un ou de plusieurs PLFSS rectificatifs.

La pandémie de la covid-19 a surtout mis en lumière l’ampleur de la crise de l’hôpital, que les soignants dénoncent depuis bien trop longtemps – dégradation des conditions de travail, manque de moyens et d’effectifs… Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a récemment parlé d’un système de soins « à bout de souffle ».

Certes, le Ségur de la santé a permis de débloquer plus de 8 milliards d’euros, notamment pour les revalorisations salariales en faveur des personnels des hôpitaux et des Ehpad, ce qui permettra de rattraper en partie le retard accumulé par rapport aux pays de l’OCDE. Et je salue, monsieur le ministre, votre décision d’avancer au 1er décembre 2020 la mise en œuvre de la hausse prévue en mars prochain.

Pour autant, alors que nous devons affronter une deuxième vague, les soignants sont en souffrance, épuisés, à bout de forces, et certains démissionnent. Sans un « choc d’attractivité » rapide, l’hémorragie risque de se poursuivre. Pour que le système de santé se porte bien, nous devons être attentifs à ce que les personnels de santé, eux aussi, se portent bien – la santé au travail est un thème qui m’est cher, ainsi qu’à ma collègue Pascale Gruny.

Ce texte contient néanmoins de bonnes mesures, qui ne concentreront peut-être pas l’essentiel de nos débats, mais qui méritent d’être saluées. Je pense notamment au développement des maisons de naissance, qui apportent une véritable diversité dans l’offre de soins et la prise en charge des accouchements.

Leur déploiement répond à une demande grandissante des femmes, qui souhaitent accéder à des pratiques respectueuses du déroulement physiologique de l’accouchement. Un rapport de novembre 2019 a d’ailleurs montré que les maisons de naissance en France avaient un niveau de sécurité satisfaisant et une très faible fréquence d’intervention ; elles sont comparables aux maisons de naissance à l’étranger, qui ont, depuis des années, démontré leur sécurité.

Dans le même esprit, nous soutenons le développement des hôtels hospitaliers, qui permettent l’hébergement non médicalisé de patients à proximité des établissements de santé. Je sais l’attachement depuis plusieurs années du ministre des solidarités et de la santé à cette alternative à l’hospitalisation complète.

Nous nous réjouissons également de l’allongement du congé de paternité de quatorze à vingt-huit jours, dont sept jours obligatoires. C’est une bonne mesure, réclamée de longue date par de très nombreux pères. Actuellement, environ 67 % des pères prennent un congé paternité, avec de fortes inégalités selon le type d’emploi.

En fait, les pères qui ne prennent pas leur congé de paternité invoquent souvent des raisons professionnelles. Il s’agit parfois d’une autocensure de la part de ceux qui appréhendent le jugement de leurs collègues ou de leurs supérieurs.

C’est pour cette raison qu’il est nécessaire de maintenir le caractère obligatoire du dispositif. Les spécialistes l’ont montré : les relations précoces parents-enfants et la présence des parents pendant les premiers mois de la vie ont une incidence positive, durable et déterminante sur la santé et le développement des enfants.

Le texte comporte d’autres mesures qu’il convient de saluer : la prolongation d’une année du dispositif « travailleurs occasionnels-demandeurs d’emploi », ou TO-DE, prolongation bienvenue pour soutenir notre agriculture, qui est durement touchée par la crise sanitaire ; l’aide au secteur viticole, qui est également fortement touché ; le remboursement intégral des téléconsultations ; le versement anticipé de la prime de naissance ; ou encore le contrôle renforcé du médicament.

Nous nous réjouissons enfin que vous ayez introduit à l’Assemblée nationale un nouvel article visant à favoriser l’attractivité des métiers de l’aide à domicile. Ces métiers sous-valorisés sont en effet indispensables au maintien des personnes fragilisées, qui sont en perte d’autonomie, mais qui souhaitent pouvoir vieillir chez elles.

Nous notons avec satisfaction que le PLFSS concrétise la création de la branche autonomie, annoncée dans la loi relative à la dette sociale et à l’autonomie du 7 août dernier. Les sénateurs du groupe RDSE plaident depuis de très nombreuses années pour une cinquième branche fondée sur la justice sociale et la solidarité nationale. Nous saluons donc cette avancée majeure, même si nous regrettons que l’équilibre de la branche ne soit pas assuré à court terme.

Nous attendons donc avec impatience que vous nous présentiez le projet de loi relatif au grand âge et à l’autonomie. Nous appelons de nos vœux une réforme de grande ampleur, à la hauteur de ses enjeux financiers et surtout humains, pour accompagner au mieux nos cinés. Le défi est considérable.

Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Cathy Apourceau-Poly

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je regrette bien évidemment l’absence de monsieur le ministre des solidarités et de la santé pour entendre les groupes politiques, alors que nous étudions le PLFSS. Nous lui enverrons notre copie ! Il s’était également absenté très tôt lorsque nous avons étudié ce texte en commission, ce que je ne puis que déplorer.

Ma collègue Laurence Cohen a présenté, en début de séance, une motion tendant à opposer la question préalable. Nous pensons, monsieur le ministre, que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 que vous êtes venu présenter et que vous avez qualifié de très beau texte, « ambitieux », n’est en réalité absolument pas à la hauteur pour faire face à la crise que nous subissons tous.

Nous soutenons le congé paternité et les maisons de naissance, mais ce n’est pas suffisant. Vous nous présentez les 12, 5 milliards d’euros d’augmentation des dépenses de santé comme une mesure exceptionnelle ; du « jamais vu », avez-vous dit. Mais n’oublions pas que ces 12, 5 milliards d’euros vont essentiellement servir à couvrir le coût de la crise sanitaire et sociale et celui du Ségur de la santé, lequel a mis sur le devant de la scène l’ampleur de la colère des personnels et du grand public, ainsi que les pénuries constatées à tous niveaux, en termes de personnels comme de moyens matériels.

La principale avancée du Ségur de la santé est l’augmentation de 183 euros net par mois des personnels soignants, oubliant au passage les personnels des établissements médico-sociaux et les sages-femmes, pour ne citer qu’eux. Faut-il rappeler qu’il ne s’agit en réalité que du rattrapage partiel du gel des salaires depuis dix ans dans la fonction publique hospitalière, et que le compte n’y est pas ?

Ce que vous reprochent les soignants, qu’il s’agisse des syndicats ou des collectifs, notamment « Notre santé en danger », c’est de n’avoir écouté personne. On voit le décalage entre les mesures du Ségur de la santé que vous avez prises et la dégradation des conditions de travail des personnels qui démissionnent chaque jour, fatigués, usés, et qui quittent le secteur de la santé, écœurés du peu de considération que vous et votre gouvernement leur témoignez.

Alors que les hôpitaux et les Ehpad doivent faire face à la seconde vague de covid-19, le personnel manque partout. Vous auriez dû anticiper : dès le mois de mars dernier, il aurait fallu mettre en œuvre un plan d’embauche et de formation. Nous connaissions alors l’éventualité d’une deuxième vague.

Dans les Hauts-de-France, ma région, un premier patient a été héliporté hier vers l’Allemagne et deux aujourd’hui. Comment en sommes-nous arrivés là ? Du fait d’une gestion calamiteuse, qui génère des souffrances ! Quelles souffrances supplémentaires pour les familles, inquiètes et quel désaveu terrible pour les personnels, qui alertent depuis des années contre la réduction des moyens !

Les politiques d’austérité menées depuis vingt ans sont responsables de cette situation, à laquelle vous avez participé. En vingt ans, ce sont près de 100 000 lits qui ont fermé, dont 7 600 pour les seules années 2018 et 2019.

Vous annoncez l’investissement de 19 milliards d’euros dans l’hôpital, avec 6 milliards d’euros prévus dans le plan de relance et 13 milliards d’euros de reprise de la dette des hôpitaux. Toutefois, permettez-moi de rappeler que cette dernière est en réalité une dette immobilière à la charge de l’État, et non à celle de la sécurité sociale. En faisant supporter à cette dernière ce qui devrait être du ressort de l’État, vous creusez encore plus son déficit. Sans proposer de mesures de ressources pérennes, vous tuez notre système de solidarité à petit feu.

Si l’on examine le budget de la santé à périmètre constant, hors covid-19 et Ségur de la santé, l’augmentation du budget n’est finalement que de 2, 7 %, alors même que la Cour des comptes estime que l’évolution naturelle des dépenses est de 4, 4 %. La différence, c’est l’austérité ! Vous refusez de changer de logiciel. Pour le Gouvernement et la majorité du Sénat, le budget pour 2021 est purement conjoncturel : dès que la pandémie de la covid-19 sera finie, la logique de réduction des dépenses devra reprendre.

La création d’une cinquième branche de la sécurité sociale pour la perte d’autonomie ne nous rassure pas davantage. Financée uniquement par l’impôt et gérée par la CNSA, cette cinquième branche est une nouvelle étape vers une étatisation de la sécurité sociale.

Néanmoins, plus que tout, alors qu’il manque des dizaines de milliers d’aides à domicile, il serait juste de revaloriser le salaire de ces dernières et de revoir le mode de financement de ce secteur.

Enfin, où sont les mesures pour la médecine de ville ? Nos médecins généralistes et spécialistes sont déjà très peu nombreux et mal répartis selon les territoires. Cette crise a fait la démonstration que l’hôpital, seul, est dépourvu.

Il faut absolument redévelopper l’offre de soins de ville, ce qui passe par l’augmentation des moyens des facultés de médecine – à défaut, l’abandon du numerus clausus n’est qu’un affichage de plus – et par le développement de maisons de santé, car nombre de jeunes médecins souhaitent aujourd’hui un statut de salarié.

Selon les prévisions de la sécurité sociale, la pandémie de covid-19 a fait perdre 32 milliards d’euros de recettes. Encore une fois, vous n’en tirez aucune leçon.

Nous vous proposerons de dégager 50 milliards d’euros de recettes en revenant sur les allégements de cotisations patronales sur les bas salaires, sur la branche famille et en supprimant la taxe sur les salaires des hôpitaux.

Avec la crise, notre pays compte un million de pauvres en plus, mais vous avez fait le choix de continuer d’exonérer les plus riches et d’affaiblir la sécurité sociale. En effet, vous refusez catégoriquement de prendre l’argent là où il se trouve, c’est-à-dire dans la poche des plus riches ! L’argent existe ; seules les ambitions manquent !

La sécurité sociale a soixante-quinze ans cette année. Elle n’a jamais été plus utile à notre pays qu’aujourd’hui. Voilà soixante-quinze ans qu’Ambroise Croizat, ministre communiste, faisait de la sécurité sociale la priorité du gouvernement de l’époque devant l’Assemblée nationale : soixante-quinze ans de solidarité, soixante-quinze ans de batailles pour les droits sociaux et pour faire en sorte que la sécurité sociale dure encore soixante-quinze ans et s’adapte aux besoins nouveaux de la population.

Il est indispensable de faire preuve d’ambition pour garantir ce modèle unique au monde. Il faut revoir votre copie ! Monsieur le ministre, il est encore temps. Autrement, le groupe CRCE votera contre ce PLFSS.

Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.

Applaudissements sur les travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Henno

M. Olivier Henno. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux tout d’abord rendre hommage à notre rapporteur général, à sa maîtrise des dossiers, à sa connaissance analytique du budget de la sécurité sociale, à son savoir-faire politique, à son sens du compromis et à sa volonté de faire consensus.

Marques d ’ approbation sur les travées des groupes UC et Les Républicains. – Exclamations ironiques sur les travées du groupe CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Henno

M. Olivier Henno. Au nom du groupe Union Centriste, je veux lui exprimer toute notre gratitude.

Applaudissements sur les travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Henno

Mes chers collègues, je disais à cette même tribune, l’année dernière, que les projets successifs de loi de financement de la sécurité sociale avaient tous leur singularité. Je ne pensais pas si bien dire ! Je ne songe pas seulement au montant du déficit, mais surtout à la crise sanitaire que nous traversons.

Cette crise a, une nouvelle fois, révélé toute l’importance d’un système collectif de protection sociale assurant contre les risques de la vie et jouant le rôle d’amortisseur économique. La sécurité sociale a servi de rempart, protégeant non seulement les malades et leurs familles, mais aussi la société tout entière. Qui aurait pu imaginer un contexte si terrible ?

Voilà deux ans – cela ne fait pas si longtemps –, nous débattions ici même de l’amélioration de nos comptes sociaux. Nous étions proches de nous féliciter de la fin du déficit. Aujourd’hui, bien évidemment, tout est différent : nous connaissons une crise sanitaire sans précédent et notre système de santé, mis à rude épreuve, affronte sans doute sa crise la plus profonde depuis sa création par l’ordonnance du 4 octobre 1945.

Néanmoins, force est de constater que, même s’il connaît des difficultés structurelles – c’est l’objet de notre débat –, notre système de santé tient. Il nous permet de faire face à la maladie et peut compter sur l’abnégation sans faille et l’engagement de l’ensemble des personnels soignants. À l’heure où nous entamons notre débat sur un texte qui les concerne directement, je tiens à leur rendre l’hommage qu’ils méritent.

Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 traduit la réponse publique face à la crise sanitaire au travers du déploiement massif des tests – je n’y reviens pas –, des vaccins et des masques. Il permet aussi de mettre en place les accords du Ségur de la santé, signés le 13 juillet 2020, qui sont une première réponse à l’engagement du personnel soignant. La revalorisation de leur rémunération était une nécessité. Depuis trop longtemps notre personnel hospitalier était en attente de ce geste.

Le coût de toutes ces mesures exceptionnelles et nécessaires pèse sur notre système de protection sociale. Le déficit de la sécurité sociale s’aggrave très fortement, à un niveau jamais vu depuis 1945 : initialement prévu à 5, 4 milliards d’euros en 2020, il pourrait finalement s’établir à plus de 44 milliards d’euros, sinon encore davantage, sans compter la réévaluation de l’Ondam que le Gouvernement a présentée devant l’Assemblée nationale et les conséquences du deuxième confinement.

Ce déficit est dû autant à des baisses de recettes qu’à l’augmentation des dépenses.

Toutes les branches sont touchées : l’Ondam, pour ce qui concerne la branche maladie, bondit à 7, 6 %, au lieu des 2, 45 % attendus, soit un déficit de plus de 30 milliards d’euros ; la branche retraite, qui se préparait à une réforme structurelle importante, est en attente – nous espérons rétablir l’équilibre du système actuel d’ici à 2027, mais nous avons très peu d’informations sur la suite que le Gouvernement veut donner à la réforme ; la branche accidents du travail et maladies professionnelles est aussi fortement touchée, ce qui est inhabituel ; enfin, la situation financière de la branche famille, comme l’a très bien expliqué Élisabeth Doineau, s’est aussi profondément dégradée en 2020.

Toutefois, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout ne doit pas être considéré uniquement sous le prisme budgétaire. Le groupe Union Centriste souhaite travailler à l’adoption du meilleur PLFSS possible pour nos concitoyens.

Nous saluons ainsi le versement de la prime à la naissance avant la naissance de l’enfant – cette mesure, que nous réclamions depuis longtemps, va dans le bon sens. L’allongement du congé paternité constitue aussi une réforme sociétale importante, qui correspond aux aspirations nouvelles de nos concitoyens quant à une meilleure conciliation entre vie familiale et vie professionnelle. Nous saluons encore la pérennisation et le développement des maisons de naissance, une initiative – les plus anciens s’en souviendront ! – qui revient à notre ancienne collègue et présidente de la commission des affaires sociales, Muguette Dini.

Toutefois, notre groupe regrette vivement que plusieurs milliers de soignants soient exclus des revalorisations issues du Ségur. Cette différence de traitement, incomprise des personnels, risque d’entraîner une désaffection de leur part à l’égard des établissements sociaux et médico-sociaux.

Cet oubli concerne aussi les agents de services de soins infirmiers à domicile : ce sont 40 000 salariés ainsi oubliés alors que près de 100 000 personnes sont accueillies dans ces services. Avec ma collègue Valérie Létard, nous avons déposé un amendement sur ce sujet.

Pendant cette crise, le recours à la téléconsultation médicale s’est considérablement accéléré. Cette expérience doit contribuer à la réflexion sur la solution complémentaire d’accès au parcours de soins qu’offre ce dispositif dans le monde médical de demain. J’ai déposé, au nom de notre groupe, plusieurs amendements tendant à réguler ces nouvelles pratiques.

Je voudrais enfin évoquer la fraude. Nous n’avons pas le droit de faire preuve de mollesse sur cette question. Les différents rapports sur ce sujet nous obligent à agir – le dernier rapport de la Cour des comptes est particulièrement éloquent. Agir fermement est une obligation de justice et de respect de l’argent public. Il s’agit aussi, et ce point est très important pour nous, de sécuriser l’existence de notre modèle social. Les amendements de notre rapporteur général, mais aussi de nos différents collègues, méritent donc toute notre attention.

Humilité et conviction sont les deux mots qui symbolisent l’état d’esprit du groupe Union Centriste à l’aube de la discussion de ce PLFSS.

Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

M. Alain Milon . Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’ai fait un rêve.

Exclamations amusées.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Non, je ne me compare pas à celui que vous imaginez. J’ai simplement pensé que vous auriez pu, monsieur le ministre, à la lumière des événements de la crise du covid et de ses conséquences sur notre système de santé, nous présenter un PLFSS différent des précédents.

Ce texte aurait pris en considération les résultats de l’observation sur le terrain de l’organisation médicale, telle qu’elle s’est mise en place en période de crise, avec des professionnels de santé responsables agissant en coordination avec une administration au service de la santé et non plus d’un improbable équilibre financier.

Or, quand j’analyse ce PLFSS et que j’examine les différents articles le constituant, mis à part certains éléments comme le congé paternité, qui est sympathique, mais qui ne présente pas d’intérêt pour l’avenir de notre système de protection sociale – ma collègue Chantal Deseyne y reviendra –, je ne vois rien d’autre qu’une proposition de financement subie par la crise, plutôt qu’un financement choisi, prometteur de jours nouveaux et ambitieux.

Je ne vois qu’une succession d’articles déjà vus des dizaines de fois dans les PLFSS précédents, actualisés certes, mais non novateurs, sauf l’article obèse sur les autorisations temporaires d’utilisation des médicaments, les fameuses ATU, et l’introduction de l’accès compassionnel bien venu. J’y vois donc beaucoup plus de tactique que de stratégie.

Quand j’analyse les tableaux financiers et que j’entends le Gouvernement s’enorgueillir d’un Ondam à un peu plus de 6 % pour 2021 et à 7 % en 2020, il me suffit d’examiner les chiffres de plus près les chiffres pour constater que ces Ondam ne sont que la conséquence de la crise du covid et des avantages obtenus – à juste raison – dans le cadre du Ségur et qu’ils ne constituent qu’un rattrapage des années de blocage liées au respect de l’orthodoxie financière.

Une fois ces conséquences prises en compte, l’Ondam revient à des normes plus proches de ce qui a déjà été fait, et même inférieures à ce qui a été déclaré les années précédentes dans le cadre de cette mandature.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

En somme, pas de projet permettant d’espérer consolider, moderniser et pérenniser notre système de protection sociale.

Pourtant, monsieur le ministre, l’occasion du renouveau était bien réelle. Je pense, par exemple, au financement de ce système : pourquoi ne pas proposer un organisme central de collecte des différents types de financement – cotisations patronales, CSG, taxations diverses, cotisations payées par nos concitoyens aux différents organismes d’assurance maladie, mutuelles comprises ?

Pourquoi ne pas créer une assurance maladie universelle qui prendrait tout en charge et qui, l’année passée, redistribuerait les excédents aux cotisants ou augmenterait les cotisations pour éviter des emprunts qui pénalisent les générations suivantes, tout cela bien entendu sous le contrôle du Parlement ?

Pourquoi ne pas repenser l’organisation sur le territoire de notre système de santé, en commençant par les ARS, dont la direction, nommée par le ministre, serait contrôlée par un conseil d’administration présidé par le président du conseil régional, ce qui permettrait une adaptation de la politique de santé nationale au niveau régional ? Et pourquoi ne pas penser, à côté de l’Ondam, à la possibilité d’un « Ordam », financé par la région en fonction de ses propres demandes ?

Pourquoi, dans le médico-social, ne pas accéder à la demande des départements d’assumer l’entière responsabilité de la gestion des Ehpad ? Pourquoi ne pas intégrer dans la sphère des groupements hospitaliers de territoire, les GHT, ces établissements médico-sociaux, afin d’éviter des déplacements intempestifs de personnes âgées dépendantes vers les hôpitaux le vendredi soir, faute de moyens médicaux suffisants sur place ?

En ce qui concerne les hôpitaux, mis encore une fois – je regrette de le dire – au régime sec, hors mesures covid et Ségur, pourquoi ne pas prendre des mesures toutes simples pour améliorer les conditions d’exercice de leurs personnels soignants, comme la suppression des pôles au profit des services, avec la possibilité, pour les personnels, de se spécialiser dans le service concerné ?

Pourquoi ne pas remettre en place le conseil d’administration, présidé par l’élu local ? Pourquoi ne pas donner à nouveau du pouvoir au corps médical, associé au pouvoir de direction ? Pourquoi ne pas avoir introduit, dès 2021, un financement plus adapté aux missions de l’hôpital, tenant compte en particulier des patientèles en difficulté ?

La Cour des comptes a souligné que la plupart des GHT, dont la suppression n’entraînerait d’ailleurs aucune manifestation sur le territoire national

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

S’ils sont fragiles, c’est probablement la conséquence de l’hyperadministration mise en place durant des années, ainsi que de l’orthodoxie financière qui a conduit les hôpitaux à moins dépenser et à privilégier les activités rentables. Cette orthodoxie a mis en danger l’existence même des hôpitaux, comme on le voit aujourd’hui. L’urgence sanitaire a bon dos ! En réalité, elle n’est que le reflet de l’insuffisance de l’offre publique de soins, consécutive aux restrictions de plus en plus fortes imposées – je le reconnais – depuis des décennies.

En ce qui concerne les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), pourquoi ne pas favoriser l’introduction volontaire des praticiens hospitaliers ?

Pourquoi ne pas proposer aux hôpitaux volontaires de changer de statut pour celui des établissements de santé privés d’intérêt collectif (Espic), tout en permettant au personnel de garder leur statut, lequel pourrait, toujours de manière volontaire, évoluer dans le temps ?

Il est nécessaire également – c’est une proposition que je formule depuis 2010 avec notre ancien collègue du groupe socialiste Jacky Le Menn – de ne plus faire payer à la santé les investissements immobiliers hospitaliers. Ou alors, au nom du principe d’égalité, il faudra faire payer un loyer à l’éducation nationale pour les écoles, les collèges ou les lycées !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Bonne idée !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

C’est pour cette raison que la Cades ne doit pas se voir affecter la reprise partielle de la dette des hôpitaux. Pourquoi donner une rente aux organismes de complémentaire santé en leur laissant la prise en charge du « forfait patient urgences », qui ne résoudra en rien l’engorgement de ces services ? Est-ce une contrepartie à la contribution exceptionnelle que vous présentez dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, après l’avoir rejetée, l’année passée, lorsque la majorité sénatoriale la proposait ?

Pourquoi aucune vraie mesure nouvelle pour la prévention, la lutte contre les addictions, la nutrition, la lutte contre l’obésité chez l’enfant, en coordination avec l’éducation nationale et les collectivités locales, comme ce fut le cas il y a déjà plusieurs années ? De nombreux autres sujets nécessitent une prise de conscience de nos concitoyens. La santé est un bien essentiel, et la bonne santé participe activement à une activité économique prospère, la crise du covid nous en apporte la preuve tous les jours.

Enfin, pourquoi avoir mis de côté la médecine libérale ? Ma collègue Florence Lassarade reviendra sur ce point.

Si mon propos s’éloigne largement, je le reconnais volontiers, du champ strict du projet de loi de financement de la sécurité sociale – mais contrairement aux amendements, il ne peut pas être déclaré irrecevable, du moins je l’espère, madame la présidente de la commission ! –, c’est parce que je considère que l’organisation de notre système de santé aurait dû bénéficier d’un traitement de choc dans un projet de loi distinct.

Pour conclure, je tiens à saluer le travail de nos collègues rapporteurs, qui ont eu la volonté d’agir dans différents domaines que j’approuve totalement.

Je rejoins les principes qui les ont guidés, à savoir le refus de la porosité entre le budget de l’État et celui de la sécurité sociale, en s’opposant à la non-compensation des pertes de recettes de la sécurité sociale, la proposition de mesures structurelles, notamment pour ce qui concerne la branche vieillesse, la transformation du « rameau en branche » – j’espère que M. le rapporteur général ne m’en voudra pas de reprendre sa métaphore –, s’agissant de la prise en charge de l’autonomie, et, enfin, la clarification et l’amélioration des mesures présentées pour la branche maladie.

Pour conclure, monsieur le ministre, permettez-moi de citer un penseur chinois : « La stratégie sans tactique est le chemin le plus lent vers la victoire. Mais la tactique sans stratégie est le bruit avant la défaite ».

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jocelyne Guidez

Madame la présidente, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, tout d’abord, sur les grandes lignes du financement et la nécessité d’aboutir à un équilibre budgétaire, je ne puis que partager l’analyse de M. le rapporteur général.

Les défis à relever sont encore immenses. Notre système de santé tient, pour l’instant, grâce à l’abnégation de l’ensemble des professionnels. Je profite de l’occasion qui m’est donnée pour leur rendre un hommage appuyé.

Toutefois, revenons-en au concret. Ce PLFSS 2021 introduit quelques évolutions. Je ne reviendrai pas sur ses aspects financiers généraux, mon collègue Olivier Henno s’étant employé à les détailler. Pour ce qui me concerne, je souhaiterais m’attarder sur la création de la cinquième branche de la sécurité sociale, dédiée à l’autonomie par la loi du 7 août 2020 et qui prend corps au travers du présent texte.

Je crois au bien-fondé d’une telle mesure. En effet, notre pyramide des âges montre que la place des personnes âgées dans notre société sera de plus en plus importante d’ici à 2040. Par conséquent, on ne peut que saluer la prise en considération, par la sécurité sociale, de ces questions.

Néanmoins, je me dois ici de dire que les doutes émis sur le financement du PLFSS sont encore plus importants s’agissant de cette branche autonomie.

Bien évidemment, dans la mesure où cette dernière se verra fixer un objectif de dépenses de 31, 6 milliards d’euros, la question d’un financement pérenne se posera. Alors que des besoins supplémentaires de l’ordre d’une dizaine de milliards d’euros sont prévus à l’horizon de 2030, on peut s’interroger sur l’origine des futures recettes de cette branche.

En effet, si les autres branches sont bénéficiaires de cotisations propres assez importantes, le Gouvernement propose, dans ce PLFSS, d’affecter une part de CSG à cette nouvelle branche. Une branche sans guichet et sans ressources spécifiquement dédiées : le législateur de 1945 en serait interloqué !

Il est donc plus que nécessaire d’imaginer dès à présent les solutions envisageables pour remédier à une telle situation. Le rapport Vachey a mis en lumière de nombreuses pistes de financement possibles. De la réduction de certaines niches fiscales ou sociales à la mise en place d’éventuels nouveaux prélèvements obligatoires, en passant par des mesures d’économies ou des financements privés, de très nombreuses possibilités sont à envisager.

Il est évident que, dans la période sanitaire que nous traversons, la contribution de chacun se révèle plus qu’essentielle pour tenter d’éviter une fracture générationnelle.

Cependant, toutes les pistes proposées sont loin d’être pertinentes. Certaines d’entre elles sont plus qu’inquiétantes pour l’ensemble des acteurs liés à la sphère de l’autonomie.

Les réflexions qui invitent à repenser le calcul de l’allocation personnalisée d’autonomie, notamment en y intégrant la valeur de la résidence principale du bénéficiaire, ou encore la volonté de renforcer les contrôles des procédures d’attribution de l’allocation aux adultes handicapés, ne sont pas acceptables et constituent des limites à ne pas franchir.

Je souhaiterais revenir plus largement sur les paramètres de cette nouvelle branche.

Il convient tout d’abord de se pencher sur son périmètre. Aujourd’hui encore, celui-ci ne semble pas être totalement défini, en dépit de nombreux et récents rapports. De multiples questions se posent et, de toute évidence, le champ sera amené à évoluer. Je pense bien évidemment à la seule nouveauté de ce texte, à savoir le transfert de l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé de la branche famille à celle de l’autonomie.

Je rappelle que l’AEEH constitue une prestation familiale correspondant à une situation de famille. Elle prend en compte la situation particulière d’une famille dont l’enfant est en situation de handicap. Une telle mesure reviendrait à exclure les parents du droit commun que constituent les prestations familiales. Vous le savez tout autant que nous, ce sujet sensible mérite une véritable concertation.

J’évoquerai maintenant les articles 16, 18 et 35 du texte relatifs au secteur médico-social, que nous voterons. L’article 16 vise à définir le rôle et les modalités d’intervention de la CNSA, la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie. Il s’agit d’une présentation exhaustive de son architecture budgétaire.

Quant à l’article 18, il présente les principaux financements de la branche, qui se voit dotée, pour l’essentiel, de recettes provenant de la CSG. Un tel choix laisse planer le doute sur un fléchage pérenne des ressources en faveur de la branche.

L’article 25 A, qui est dédié aux services d’aide et d’accompagnement à domicile, prévoit pour sa part de confier à cette même CNSA la distribution d’une enveloppe de 200 millions d’euros, en année pleine, pour restructurer l’offre des services d’aide à domicile.

Bien que ce montant se révèle plus élevé que par le passé, il ne fait pas oublier que ce secteur constitue, comme chaque année, le parent pauvre du PLFSS.

Certes, je salue cette mesure, qui va dans le bon sens, mais je me dois de m’interroger sur le procédé. En effet, à chaque exercice budgétaire, le Gouvernement prend des mesures d’abondement des fonds de restructuration des services d’aide à domicile. Plutôt que d’« enveloppes de secours », un véritable soutien, voire une réforme systémique, est souhaitable.

Le secteur médico-social mérite bien mieux que cela ! Aujourd’hui plus que jamais, il doit être revalorisé. Pensez à la question de l’accueil des adultes et enfants handicapés. Que cela concerne leurs structures d’accueil, les salaires des personnels ou encore la simple question des frais de transport, l’État se doit de faire davantage pour eux et de répondre à leurs besoins.

Vous le constatez, mes chers collègues, si la création de la branche autonomie représente une avancée, de nombreuses interrogations demeurent sur son contenu réel et la pérennité de son financement.

Si nous ne pouvons qu’approuver sa création, nous nous devrons de veiller à ce que les moyens qui lui seront consacrés soient à la hauteur des missions que le Gouvernement entend lui confier. À ce titre, nous devrons être particulièrement vigilants aux paramètres que s’attachera à définir la future loi Grand âge et autonomie.

Enfin, monsieur le ministre, permettez-moi de conclure en reprenant les mots du président Macron, s’inspirant lui-même du général de Gaulle. Il ne suffit pas de sauter comme des cabris sur une chaise en disant « progrès social, progrès social » si vous n’êtes pas en mesure de financer ce dernier.

Debut de section - PermalienPhoto de Jocelyne Guidez

Je l’ai dit en introduction, même s’il est loin d’être à la hauteur, ce PLFSS présente quelques avancées. S’opposer n’est autre que proposer, car « une opposition sans proposition n’est qu’un mouvement d’humeur », pour reprendre les mots de Robert Sabatier. J’espère que nous serons écoutés.

Par conséquent, le groupe Union Centriste votera le texte issu de nos travaux.

Applaudissements sur les travées du groupe UC.

Applaudissements sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Lubin

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la crise sanitaire induit des bouleversements dont on trouve la marque dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021. Mais cela ne saurait faire oublier que la pandémie est survenue dans un contexte en partie dégradé par les précédentes lois de financement votées sous ce gouvernement.

Ces dernières ont en effet contribué à affaiblir les piliers de la sécurité sociale, qui a pourtant été, une fois de plus, le meilleur rempart contre les conséquences de la crise. La sécurité sociale s’est révélée un recours pour la gérer : elle a financé les congés maladie des personnes vulnérables, tout comme les congés pour garde d’enfant. Elle n’a donc pas uniquement assuré la prise en charge des soins et des congés des personnes effectivement malades. En ce sens, elle a parfaitement joué son rôle d’amortisseur social et a permis à l’économie de continuer à tourner.

L’exécutif n’a pas pour autant renoncé aux pratiques qui la fragilisent, comme en témoigne le présent texte. Celui-ci comporte, certes, une avancée qui doit être saluée, à savoir l’allongement du congé paternité rémunéré, qui passe de quatorze jours à vingt-huit jours.

Toutefois, indépendamment de cette mesure bienvenue, le présent projet de loi nous préoccupe à plusieurs titres. Je pense à l’évolution de l’Ondam, aux contours de la cinquième branche et à la manière dont ce texte traduit le choix de gestion du Gouvernement concernant la dette de la covid-19.

Nous nous souvenons très bien avoir ferraillé l’année dernière contre la décision gouvernementale de s’attaquer à l’autonomie budgétaire de la sécurité sociale. Vous aviez en effet opéré, monsieur le ministre, une rupture avec la pratique de la compensation intégrale des exonérations de cotisations sociales héritées de la loi Veil, laquelle garantissait cette autonomie budgétaire.

La sécurité sociale est alors devenue une variable d’ajustement du budget de l’État, ce qui témoigne d’un recul de la solidarité collective. Le Gouvernement a ainsi inauguré une politique revenant à faire supporter par la sécurité sociale le poids de ses choix de gestion erratiques, notamment lors de la crise des gilets jaunes.

Une telle logique de vampirisation, qui vise à faire porter par la sécurité sociale des dettes et des dépenses qui ne sont pas les siennes, se poursuit encore aujourd’hui, comme en témoigne le choix du Gouvernement concernant la dette liée à la gestion de la crise sanitaire. Ce dernier a en effet chargé la Cades d’assumer le paiement de cette dette, alors que celle-ci est financée non seulement par la CRDS, mais aussi par la CSG, initialement destinée à financer la sécurité sociale.

Le remboursement accéléré de la dette sociale conduit de fait à priver les caisses de la sécurité sociale de recettes courantes qui lui servent à payer ses dépenses de tous les jours. Vous avez aggravé cette logique en faisant adopter cet été des lois organiques et ordinaires relatives à la dette sociale et en organisant de nouveaux transferts vers la Cades, aux dépens de la sécurité sociale, pour un montant total de 136 milliards d’euros.

La Cades devait s’éteindre en 2024, et tout le monde comptait sur la manne des cotisations CRDS et CSG pour financer l’hôpital ou la dépendance.

Venons-en maintenant à la création de la cinquième branche de la sécurité sociale. Au demeurant, c’est une bonne nouvelle, mais elle n’est accompagnée d’aucune ressource nouvelle, alors que les besoins évalués par le rapport Libault oscillent entre 11 milliards et 25 milliards d’euros.

Au contraire, c’est un jeu de bonneteau auquel se prête le Gouvernement dans le cadre de la mise en place du cinquième risque ou, plus charitablement, un travail de tuyauterie. L’exécutif fait en effet le choix de réorienter, au sein de la sécurité sociale, des recettes qui alimentaient, via la CSG, d’autres branches, pour les injecter dans la gestion de l’autonomie.

Ce sont notamment la Caisse nationale d’assurance maladie et le Fonds de solidarité vieillesse qui sont les victimes de cette entreprise. La CNAM s’en tire particulièrement mal, car ses recettes détournées vers la nouvelle branche ne sont pas intégralement compensées.

Toutefois, ces jeux de transferts de CSG fragilisent aussi l’architecte du Fonds de solidarité vieillesse. On est loin de la sanctuarisation de ses ressources, alors même que l’ampleur de la crise sociale qui se profile menace de le mettre en difficulté.

Par ailleurs, le Gouvernement s’attaque également aux principes de la sécurité sociale par le biais des modalités de création de la cinquième branche. Il est en effet significatif que l’organisme destiné à gérer le cinquième risque, la CNSA, ne soit en rien paritaire.

Je rejoins ici certains économistes ou collègues, qui dénoncent une cinquième branche ressemblant à un système de sécurité sociale, mais sans obéir à sa logique. La CNSA est en effet une caisse, mais aucun représentant des partenaires sociaux ne siège à son conseil d’administration. Elle est par ailleurs financée par une contribution sociale qui n’a pas le statut de cotisation.

Je m’inquiète aussi de la promotion par la majorité sénatoriale d’une réforme des retraites paramétrique visant à accélérer les mesures Touraine sur l’allongement de la durée de cotisation. Nous aurons sans doute l’occasion d’en débattre. Pour nous, cette question n’a pas lieu d’être. Toucher aux retraites dans le contexte actuel, ce serait ajouter de la division dans une période de crise intense, où la confiance, pourtant indispensable, est déjà mise à mal.

Nous n’avons aucune visibilité sur le point d’atterrissage de cette crise, et il est impossible de naviguer à l’aveugle dans le cadre de réformes qui nous engagent pour des décennies. On ne revient jamais sur des réformes qui amputent des droits !

J’en appelle donc à la plus grande vigilance, pour éviter que le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 ne devienne un instrument de fragilisation supplémentaire de la sécurité sociale.

Par ailleurs, M. le ministre de la santé vient de l’assurer, personne ne restera sur le bord du chemin. Mais ils sont nombreux ceux qui restent sur le bord du chemin ! Je pense notamment aux jeunes de moins de 25 ans, aux intermittents de l’emploi et aux salariés des services d’aide à domicile. Nous ne manquerons pas d’en reparler.

Applaudissements sur les travées du groupe SER.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Deseyne

Madame la présidente, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, depuis 2014, les familles ont subi la modulation des allocations familiales, dont l’effet cumulé s’élève à 3, 4 milliards d’euros.

Je veux parler de la suppression de la prestation partagée d’éducation de l’enfant majorée, qui représente 490 millions d’euros non perçus entre 2014 et 2019, de la modulation de l’allocation de base de la prestation d’accueil du jeune enfant, dont l’effet cumulé depuis 2014 s’élève à plus de 900 millions d’euros, et de l’alignement du montant et du plafond de l’allocation de base sur le complément familial, qui représente 260 millions d’euros non perçus entre 2018 et 2019.

L’accumulation de ces mesures fait perdre à la branche famille son rôle essentiel de compensation des charges de famille. Certes, le gouvernement actuel n’est pas à l’origine de toutes ces mesures, mais il n’a pas renoncé à l’héritage et n’a fait que poursuivre la dégradation de la politique familiale.

Pour mémoire, le PLFSS pour 2019 prévoyait un excédent significatif pour la branche famille de 1, 2 milliard d’euros. Pour autant, cette situation financière favorable ne s’est pas accompagnée d’un véritable renforcement du soutien apporté aux familles. Au contraire, la principale mesure visait à sous-revaloriser l’ensemble des prestations familiales à 0, 3 % pour une durée de deux ans.

Dans le PLFSS pour 2021, il aurait été opportun de donner un coup de pouce aux familles, plutôt que de prévoir l’allongement du congé paternité, qui est une mesure certes sympathique, mais qui n’apparaît pas comme essentielle.

L’allongement du congé paternité participe au développement de notre politique familiale, tout en favorisant l’égalité entre les hommes et les femmes, ce dont je me réjouis.

Toutefois, dans sa rédaction actuelle, l’article 35 du texte tend à instituer le caractère obligatoire du congé pour naissance et d’une partie du congé paternité. Aux termes du projet de loi, l’emploi du salarié pendant le congé de naissance et la première période de quatre jours du congé paternité serait interdit.

L’interdiction d’emploi pendant le congé paternité ne semble pas nécessaire. Cette mesure trop contraignante risque d’être parfois difficilement applicable dans certaines entreprises. De surcroît, une telle obligation contrevient à la liberté de choix du père.

Le fractionnement du congé paternité pèsera sur le fonctionnement des entreprises. Les absences courtes et répétées seront source de difficultés au sein des entreprises, notamment dans les PME et TPE, qui, à l’heure actuelle, ne sont pas épargnées par la crise. C’est pourquoi je proposerai le fractionnement de ce congé en deux périodes. Ce nombre pourra éventuellement être augmenté avec l’accord de l’employeur ou lorsqu’une convention ou un accord collectif le prévoira.

Je tiens à saluer le retour du versement de la prime à la naissance avant le septième mois et me réjouis de constater que l’Assemblée nationale a voté à l’unanimité le versement de la prime de naissance avant la naissance de l’enfant.

Je me réjouis également de constater que l’actuelle majorité rejoint l’ancien monde, tout en regrettant que cette mesure intervienne si tardivement, alors que le Gouvernement aurait très bien pu la prendre par décret, pour revenir à la situation antérieure. Que de temps perdu, au détriment des familles modestes, qui comptent sur cette prime pour l’arrivée de leur enfant dans de bonnes conditions !

Dans ce PLFSS, mes chers collègues, il manque des propositions courageuses. Des mesures pour lutter contre la fraude aux prestations sociales auraient mérité d’être introduites. Depuis plusieurs années, des voix s’élèvent pour alerter le Gouvernement sur l’ampleur considérable de cette fraude. Plusieurs parlementaires et la Cour des comptes ont produit des rapports accablants.

À la demande de la commission des affaires sociales du Sénat, la Cour des comptes a réalisé une enquête sur la lutte contre les fraudes aux prestations sociales. Ces fraudes, qui gangrènent notre pays, représentent à la fois une atteinte au principe de solidarité et un coût financier élevé.

En 2019, les principaux organismes sociaux ont détecté un milliard d’euros de préjudices à ce titre. Toutefois, il ne s’agirait là que de la pointe émergée de l’iceberg, puisque ce chiffre d’un milliard d’euros est celui de la fraude détectée. Le préjudice lié à la fraude « non détectée » serait de l’ordre de 14 à 45 milliards d’euros.

Seule la branche famille procède à une estimation de la fraude aux prestations. La Cour des comptes s’est déclarée incapable de chiffrer précisément l’ensemble des détournements, mais estime que, pour la seule branche famille, la fraude s’élève à 2, 3 milliards d’euros, soit 3, 2 % des prestations.

La lutte contre la fraude aux prestations sociales est un impératif d’efficacité économique et de justice sociale. Avant tout, il est urgent d’estimer le montant de cette fraude, non seulement pour la branche famille, mais aussi pour l’assurance maladie, la branche vieillesse et Pôle emploi, afin de lutter plus efficacement contre la fraude et les irrégularités.

Monsieur le ministre, le Gouvernement entend-il faire des propositions en ce sens ?

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Théophile

Madame la présidente, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, la crise sanitaire qui a frappé et frappe encore notre pays a balayé d’un revers de main les prévisions et les objectifs des précédents exercices et écarté en conséquence la perspective d’un retour rapide à l’équilibre des comptes sociaux.

Alors que le dernier PLFSS annonçait pour 2020 un déficit prévisionnel de 5, 1 milliards d’euros, les prévisions d’exécution pour l’année 2020 font apparaître cette année un déficit de 49 milliards d’euros, chiffre jamais atteint, qui demeure à ce jour encore incertain.

Une telle détérioration s’explique à la fois par une baisse des recettes du régime général, provoquée par le recul de la masse salariale, et par des dépenses exceptionnelles s’élevant à 15 milliards d’euros environ, engagées par l’assurance maladie pour répondre à la crise de la covid-19.

La branche maladie devait ainsi enregistrer cette année, avant que les chiffres révisés du Gouvernement ne nous parviennent, une baisse de 4, 8 % de ses recettes par rapport à 2019, et voir dans le même temps ses dépenses augmenter de 9, 4 %, pour s’établir à 237 milliards d’euros.

Néanmoins, ce texte traduit surtout dans la loi les engagements du Ségur de la Santé. En réponse à l’urgence économique et sociale, il est ainsi prévu des revalorisations inédites pour le personnel des établissements de santé et des Ehpad, et l’ajout en conséquence de plus de 8 milliards d’euros à la trajectoire de l’Ondam pour 2020-2023.

Il comprend en outre un plan d’investissement de 19 milliards d’euros correspondant, entre autres, au programme d’aides à l’investissement en santé. Enfin, 4, 3 milliards d’euros seront intégrés à l’Ondam à titre préventif.

L’article 13 prévoit, pour soutenir la compétitivité des entreprises de la production agricole, le prolongement du dispositif d’exonération lié à l’emploi des travailleurs occasionnels-demandeurs d’emploi, les TO-DE.

Ce texte entérine enfin la création d’une cinquième branche consacrée à l’autonomie. Nous en avions débattu longuement en juillet dernier, avant d’en adopter le principe. Les articles 16 et 18 déterminent sa gouvernance et les prémices de son financement. Nous nous félicitons de voir se concrétiser une réforme attendue et maintes fois retardée.

Au-delà des chiffres, ce texte prévoit un certain nombre de mesures sociales concrètes, qui amélioreront la qualité de vie de nos concitoyens et que le manque de temps m’oblige à évoquer rapidement.

L’article 30 tend à pérenniser et développer l’offre de maisons de naissance. Les structures existantes ont démontré que cette nouvelle offre de santé périnatale répond à une demande sociale forte et à de réels besoins. Cet article nécessite néanmoins quelques ajustements, que nous vous soumettrons par voie d’amendement.

L’article 35 prévoit l’allongement du congé paternité de quatorze à vingt-huit jours, dont sept obligatoires, conformément aux travaux de la Commission d’experts pour les 1 000 premiers jours. Citons également la prolongation de la prise en charge intégrale des téléconsultations ou le soutien au développement des hôtels hospitaliers.

Mes chers collègues, le moment présent nous invite à la plus grande humilité. Cette situation sanitaire nouvelle et dramatique, pour laquelle il n’existe pas de mode opératoire connu, réclame plus que jamais notre unité.

Ce PLFSS 2021 marque ainsi, dans notre pays, un tournant historique de l’approche budgétaire des dépenses sanitaires. Nous devons, en toutes circonstances, veiller à ce que la part des dépenses de santé laissée à la charge des ménages reste la plus faible possible. Rappelons ici que notre pays consacre près de 11, 5 % de son PIB pour ses dépenses courantes de santé, bien au-delà de la moyenne européenne.

Voilà, en quelques mots, un rapide survol du PLFSS pour 2021. Le RDPI soutiendra ce texte, qu’il juge exigeant, sincère et, dois-je le souligner, ambitieux et courageux.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Mme la présidente. La parole est à Mme Florence Lassarade.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Florence Lassarade

Madame la présidente, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, le contexte dans lequel nous examinons ce PLFSS n’est pas anodin.

Le 29 janvier 2020, l’OMS publiait ses premières recommandations concernant le port du masque dans les établissements de santé, pour les soins à domicile et dans les lieux publics. Les réponses tardives apportées par l’État depuis le début de la pandémie donnent le sentiment que l’exécutif est régulièrement pris de court, et qu’il est dépassé par la propagation du covid-19. Pourtant, selon le verbatim du Président de la République, « nous sommes en guerre ».

Dans cette guerre, les soignants ont été envoyés au combat contre la covid-19 sans armes, sans masques et sans surblouses. Des milliers d’entre eux ont été contaminés à l’hôpital et dans les cabinets médicaux. Plus de cinquante médecins sont décédés. Au mois de mars dernier, 4 000 médecins libéraux ont dû faire l’objet d’un arrêt de travail en raison de la covid, privant ainsi les Français de nombreux médecins de proximité au moment où l’épidémie se propageait.

Le Gouvernement a sous-estimé l’ampleur de la crise sanitaire et il a perdu la bataille des masques. Je le rappelle, plusieurs ministres considéraient les masques comme inutiles, et affirmaient de façon péremptoire que les Français ne sauraient pas s’en servir !

Le Gouvernement a aussi échoué dans la mise en œuvre de sa stratégie de dépistage.

Mes chers collègues, la question qui se pose aujourd’hui est la suivante : le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 est-il à la hauteur de la crise ?

Ce texte intègre les conclusions des accords du Ségur signés en juillet dernier avec les partenaires sociaux. Il prévoit 8, 8 milliards d’euros pour la revalorisation des traitements des personnels des établissements de santé et des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes.

Néanmoins, le Ségur de la santé a été en réalité le Ségur de l’hôpital, dont les médecins et les soignants de ville ont malheureusement été écartés. Si le Ségur de la santé soutient l’hôpital public, qui en a vraiment besoin, il ne prévoit en revanche aucune mesure susceptible de rassurer la médecine libérale.

Bien entendu, je soutiens les mesures prévues pour augmenter la rémunération des soignants et investir dans les hôpitaux. Mais je regrette que, dans ce PLFSS, il n’y ait pas un mot, pas un acte, pour ceux qui ont aussi payé un lourd tribut à la covid-19 ! Les libéraux restent les grands oubliés.

Pourtant, récemment, face à la brutale aggravation de la crise sanitaire, dans une lettre adressée aux médecins libéraux, M. le ministre de la santé écrit qu’ils sont « en première ligne pour prendre en charge les patients, pour rappeler inlassablement les gestes barrières et répondre aux interrogations que se posent tous les jours nos concitoyens ».

Le Président de la République a lui aussi lancé un appel en direction des médecins libéraux, pour prendre en charge les patients covid en amont et en aval de l’hôpital.

Or, en dépit de cet appel, et au moment où nous faisons face à une deuxième vague de l’épidémie, est annoncé le report à 2023 de la convention médicale. Pour les professionnels libéraux, c’est inacceptable. Pour quelle raison les actes ne seraient-ils pas revalorisés pendant sept ans ?

Les textes organisant la vie conventionnelle prévoient un lancement du processus de négociation dès janvier 2021, soit trois mois avant les élections qui doivent conduire à revoir la représentativité des différents syndicats signataires. Il convient donc, selon le Gouvernement, de proroger la convention actuelle, afin que la négociation de la prochaine convention médicale puisse se dérouler à l’issue de ce processus électoral.

Madame, monsieur les ministres, les élections des unions régionales des professionnels de santé (URPS) doivent avoir lieu au printemps 2021. Pourquoi, alors, prolonger la convention de deux ans supplémentaires ? Existerait-il une raison officieuse ? Considéreriez-vous, par exemple, qu’il serait plus opportun de conduire les négociations conventionnelles après les élections présidentielles et législatives de 2022 ?

Au regard de la crise sanitaire que nous traversons et de l’engagement des médecins libéraux, je regrette que ce PLFSS n’ait pas apporté d’améliorations substantielles à la situation de la médecine libérale.

Actuellement, les ARS font des déprogrammations dans le privé et engagent les cliniques à rediriger leurs salariés vers les hôpitaux publics. Les médecins se retrouvent sans activité et sans revenus, ce qui est un comble compte tenu de la gravité de la situation et compte tenu, aussi, de vos engagements !

L’investissement dans le système de soins que traduit ce projet de loi de financement de la sécurité sociale reste essentiellement ciblé sur l’hôpital.

Concernant les soins de ville, ce PLFSS contient très peu de mesures structurantes, alors que la crise actuelle montre l’importance cruciale de la prévention et de la coordination des parcours en amont de l’hôpital.

Madame, monsieur les ministres, le secteur de la santé repose sur deux piliers : le public et le libéral.

Alors que nous traversons la pire crise sanitaire de notre histoire moderne, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale doit permettre d’actionner tous les leviers nécessaires pour protéger l’ensemble de nos concitoyens. Les Français doivent plus que jamais avoir confiance dans le bouclier que représente notre système de protection sociale.

Pourquoi négliger les acteurs de santé de proximité qui, partout sur le territoire, se sont battus aux côtés de l’hôpital public avec une grande disponibilité ? La deuxième vague a commencé ; toutes les compétences, toutes les énergies, doivent être mobilisées. C’est votre responsabilité que d’y veiller.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Loïc Hervé applaudit également.

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt

Madame la présidente, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les rapporteurs, je n’ai pas de citation de Sun Tzu à opposer au sénateur Milon, qui a évoqué cet auteur, mais j’ai le regret de lui indiquer que la phrase qu’il a attribuée à L ’ Art de la guerre est très fréquemment présentée comme apocryphe.

Ce que Sun Tzu souligne bel et bien, en revanche, dans L ’ Art de la guerre, c’est l’importance de se connaître soi-même aussi bien que son ennemi… On peut y voir une façon d’appeler chacun à affronter ses propres contradictions en matière de financement de la sécurité sociale, que ce soit quand on critique un objectif sans proposer de moyens à la hauteur ou quand on remet en cause les moyens mobilisés alors que l’on en partage l’objectif.

Je ne pourrai répondre à l’ensemble des intervenants ; je voudrais simplement les remercier tous de la qualité et de la diversité de leurs interventions et revenir de manière synthétique sur un certain nombre de points.

Premièrement, pour ce qui est de la trajectoire des finances sociales, celle que nous vous présentons est évidemment dégradée.

Cette dégradation, pour l’année 2020 comme pour les années 2021 et suivantes, s’explique essentiellement par la baisse des recettes de la sécurité sociale. Le déficit de l’année 2020 est particulièrement élevé : 49 milliards d’euros si l’on intègre les amendements que le Gouvernement aura l’occasion de vous présenter pour tenir compte d’une baisse supplémentaire des recettes à hauteur de 1, 6 milliard d’euros et d’un abondement supplémentaire à hauteur de 800 millions d’euros.

Nous vous présenterons ces amendements de rectification du niveau des recettes, du tableau d’équilibre et de l’abondement des dépenses avec une volonté de sincérisation et de transparence que l’on retrouve dans notre proposition de tenir compte de la rectification de nos hypothèses macroéconomiques.

Si cette trajectoire est dégradée du côté des recettes, elle est aussi extrêmement impactée – pardonnez-moi pour ce barbarisme – par des dépenses que nous faisons à la fois pour répondre à la crise, vous l’avez dit, mais aussi pour mettre en œuvre les accords du Ségur. Je me dois de souligner que, indépendamment de ces mesures liées au Ségur ou à la réponse à la crise, l’Ondam hospitalier est en hausse, pour 2021, de 2, 4 %, ce qui est strictement conforme aux trajectoires décidées dans le cadre des accords pluriannuels qui avaient été passés.

Deuxièmement, je souhaite m’arrêter sur une question qui fait l’objet de débats extrêmement récurrents entre, d’une part, le Gouvernement, sa majorité parlementaire à l’Assemblée nationale et les groupes qui le soutiennent au Sénat, et, d’autre part, la majorité sénatoriale. Il s’agit des périmètres.

J’entends les remarques de M. le rapporteur général sur Santé publique France, même si nous ne partageons pas la conviction qui est la sienne en la matière, tout comme j’entends les arguments de ceux qui revendiquent une forme d’étanchéité entre le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Néanmoins, j’ai eu l’occasion de dire, en réponse à Mme la sénatrice Cohen, que nous ne partagions pas tout à fait cette approche, que je qualifierai de « puriste », de la séparation des comptes ; nous savons, monsieur le rapporteur général, madame la présidente de la commission, qu’il y a là un point de divergence, en tout cas de débat, entre nous.

Je voudrais cependant souligner, en réponse à Mme la sénatrice Lubin, qu’en aucun cas le PLFSS pour 2020 n’était l’inauguration d’un manquement à la loi Veil en matière de compensation des exonérations.

L’an dernier, j’avais eu l’occasion de dire que cette non-compensation auprès de la sécurité sociale du coût lié à l’exonération des heures supplémentaires, que le Sénat avait dans sa grande majorité dénoncée, était la onzième entorse faite au principe posé par la loi Veil, les exceptions les plus notables intervenues précédemment datant de 2014 et de 2015 – je le dis pour mémoire, à l’attention de Mme Lubin notamment.

Troisièmement, j’évoquerai la question de la fraude. Vous êtes nombreux à avoir exprimé votre souhait d’y travailler. Nous avons pris connaissance du rapport de la Cour des comptes demandé par votre commission des affaires sociales ; nous tenons compte également des rapports parlementaires qui ont été rédigés, et nous nous appuyons sur eux.

Tout cela a été le terreau des six amendements adoptés par l’Assemblée nationale. Nous allons continuer ce travail ; un certain nombre de propositions que vous faites, ainsi que d’autres, que défend le Gouvernement, peuvent faire consensus, me semble-t-il, là où il s’agit de rendre la lutte contre la fraude plus efficace et plus utile à l’ensemble de nos concitoyens.

Je me permets simplement une remarque, que m’inspirent les propos de certains de vos rapporteurs : nous sommes tout à fait favorables à travailler à la lutte contre la fraude en matière de finances sociales ; certains d’entre vous ont évoqué la fraude aux prestations. Mais je veux souligner qu’il nous faut aussi lutter contre la fraude aux cotisations.

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt

Lorsqu’on lutte contre la fraude sociale, ce sont ces deux problèmes qu’il faut affronter.

Nous devons aussi tenir compte des terrains « fraudogènes » – encore un barbarisme ! – que nous créons parfois en voulant répondre à la crise. Je pense notamment au fait que nous avons mis en place, au printemps, un système de prise en charge de l’activité partielle à un niveau sans équivalent, avec des délais d’instruction réduits à quarante-huit heures qui, par nature, empêchaient l’intégralité des contrôles a priori.

Cela nous a conduits, depuis le 1er octobre, à modifier les choses, le contrôle a priori étant, nous le savons, plus efficace que le contrôle a posteriori, notamment pour recouvrer l’argent de la fraude. L’argent le plus facilement recouvré est celui que nous n’avons pas versé ; dès lors qu’il est versé, le risque d’évasion n’est pas négligeable, tant s’en faut, comme le montre l’expérience acquise au printemps.

Quatrièmement, je veux aborder la reprise de la dette, notamment celle des hôpitaux. La discussion aura lieu à l’occasion de l’examen des articles, et je n’entrerai pas dans le débat politique, presque philosophique, entre ceux qui pensent que la dette des hôpitaux est une dette relevant de la santé, donc, par nature, une dette sociale, et ceux qui considèrent que cette dette aurait dû être assumée par le seul État.

Je voudrais simplement dire, à l’attention de M. Jomier notamment, qui a évoqué ce point, qu’à comparer la maturité de la dette de la Cades à la maturité de la dette de l’État, on constate que la Cades, parce que ses délais de remboursement sont plus courts – ils sont à quatre ou cinq ans – bénéficie de taux et de conditions de financement de sa dette beaucoup plus intéressants que les taux et les conditions qui sont accordés à l’État.

En cela, votre affirmation selon laquelle il coûtera plus cher de confier cette dette à la Cades, plutôt qu’à l’État, est infirmée. Nous pouvons démontrer que le traitement par la Cades, au-delà des aspects de principe, est moins coûteux pour les finances publiques – mais les questions de principe évoquées tout à l’heure ne sont certes pas négligeables.

Cinquièmement, je veux évoquer, à l’attention du rapporteur pour la branche autonomie, le secteur des soins à domicile ; Mme Bourguignon y reviendra à l’occasion de l’examen des amendements.

Monsieur Mouiller, vous pouvez tout à fait considérer – c’est évidemment votre droit le plus absolu – que l’effort réalisé n’est pas suffisant, mais il faut tout de même souligner le caractère inédit de cet effort. En prévoyant 200 millions d’euros de crédits, le Gouvernement, puis l’Assemblée nationale, qui a voté ces crédits, ainsi que bientôt, j’imagine, le Sénat, autorisent l’État et la sécurité sociale – la puissance publique au sens large – à intervenir dans le cadre de la prise en charge des rémunérations de salariés qui ne relèvent ni du champ des administrations de sécurité sociale ni de celui de l’État.

En effet, il s’agit de contribuer à la revalorisation des rémunérations de salariés du secteur associatif et, dans certains cas, du secteur privé, ce qui est une première : si l’on excepte la prime d’activité, qui avait un caractère général, l’État n’était jusqu’à présent jamais intervenu pour accompagner la rémunération de salariés qui ne relèvent pas de ses prérogatives ou de celles de la sécurité sociale.

Il faut faire valoir ce caractère inédit, y compris, d’ailleurs, pour lui poser des limites. En effet, pour revenir sur l’étanchéité, si cette dernière doit s’appliquer entre PLFSS et PLF, elle vaut aussi entre financement public et financement privé.

Concernant, toujours, l’autonomie – là encore, l’article 5 sera l’occasion pour Mme la ministre de revenir sur ces sujets –, vous avez évoqué l’enjeu du financement, qui est réel. Nous avons eu l’occasion de le dire, Mme Bourguignon et moi-même, les pistes évoquées dans le rapport Vachey sont intéressantes, mais extrêmement difficiles à mettre en œuvre, ce qui souligne la complexité de situation.

Entre des économies très difficiles à réaliser – certains essais ont été faits, certaines expérimentations menées, sans succès jusqu’à présent –, une augmentation des prélèvements obligatoires dont nous refusons le principe ou une affectation des recettes qui sont aujourd’hui affectées à d’autres secteurs, avec le risque de donner à cette affaire un tour quelque peu « shadockien », nous savons que nous avons un défi à relever. Il faut y répondre, afin de mettre en œuvre cette belle réforme qu’est la création du cinquième risque.

Je dirai un mot de la question des retraites, car nous avons entendu la majorité du Sénat. Je sais l’attachement de cette dernière à une réforme, et à une réforme que l’on qualifie parfois de « paramétrique », quand bien même elle serait précédée d’une conférence de financement, comme semble le souhaiter la majorité sénatoriale au vu des amendements dont j’ai pu prendre connaissance.

Le Gouvernement a fait le choix – il est assumé – de ne pas intégrer de mesures en matière de retraites dans le texte que nous vous présentons, considérant que l’urgence est à la reconstruction et à la réponse à la crise, ainsi qu’à la réactualisation des hypothèses de travail – d’où la mission confiée au Conseil d’orientation des retraites, le COR. Celui-ci a rendu un prérapport, mais il n’en est pas encore au stade du rapport définitif, pas plus que ne l’est le Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie (Hcaam), que nous avons également saisi.

Je souhaite aborder deux derniers points, en ayant bien conscience de ne pas être exhaustif.

Les suites des accords du Ségur, tout d’abord : beaucoup d’entre vous ont évoqué la médecine libérale, le secteur privé. Il y a, pour chacun des secteurs, une réponse dans le Ségur sous la forme d’accords à venir. Pour ce qui est du secteur privé – je le dis sous le contrôle de Mme la ministre –, il s’agit du cinquième pilier du Ségur ; il doit faire l’objet d’un accord, ainsi que d’une négociation plus sectorielle que celle qui a été menée jusqu’à présent. Nous souhaitons évidemment que ces négociations puissent aboutir, et nous souhaitons, aussi, que l’intégralité des salariés concernés, qu’ils soient sous statut public ou sous statut privé, puisse bénéficier des revalorisations prévues par le Ségur.

Permettez-moi de conclure sur un tout dernier point qui, au regard des discussions que nous avons, peut paraître beaucoup plus technique et sectoriel : la question du fonds d’indemnisation des victimes de produits phytosanitaires, qui a été évoquée au début de la discussion générale.

Olivier Véran et moi-même avons signé le décret qui doit être publié ; il est en attente du contreseing du Premier ministre, et sa publication au Journal officiel n’est qu’une question de jours, peut-être d’heures – cela, je ne sais le prévoir. Il a en tout cas été signé, comme je le disais, par le ministre de la santé et des solidarités comme par votre serviteur, chargé des comptes publics.

Voilà, madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, les éléments de réponse, certes partiels, que je souhaitais apporter au terme de cette discussion générale, en réservant un certain nombre de débats pour l’examen des articles.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

La discussion générale est close.

La parole est à Mme la présidente de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

Mes chers collègues, la commission des affaires sociales va maintenant se réunir pour examiner les nombreux amendements qui ont été déposés.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2027 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur est parvenue à l’adoption d’un texte commun.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-neuf heures quinze, est reprise à vingt-et-une heures trente, sous la présidence de M. Pierre Laurent.