Intervention de Olivier Dussopt

Réunion du 9 novembre 2020 à 16h00
Financement de la sécurité sociale pour 2021 — Discussion d'un projet de loi

Olivier Dussopt :

Madame la présidente, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, comme Olivier Véran, j’ai beaucoup de plaisir à vous retrouver aujourd’hui pour débattre de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021.

Il s’agit, comme l’ensemble des lois financières de cet automne, d’un texte qui ne ressemble pas aux précédentes lois de financement que vous avez eu à examiner par le passé, car la période que nous vivons est sans précédent.

Les chiffres que contient ce projet de loi peuvent paraître vertigineux, mais ils ont un sens.

Ils marquent l’engagement de ce gouvernement pour répondre aux besoins liés à la crise sanitaire et pour soutenir notre système de protection sociale, qui est l’un de nos biens communs les plus précieux.

Je souhaite, dans un premier point, revenir sur trois évolutions que le Gouvernement proposera au cours des débats.

Les nouvelles modifications que nous allons vous proposer dans ce texte, après celles qui ont déjà été défendues à l’Assemblée nationale, témoignent de la volonté d’adaptation permanente dont nous devons faire preuve pour répondre aux enjeux de cette deuxième vague de la crise, mais aussi de notre volonté de transparence et de sincérité des prévisions que nous présentons au Parlement. Cela vaut autant pour les finances sociales que pour les finances de l’État.

Ce texte va évoluer par rapport à celui qui a été présenté à l’Assemblée nationale, pour tenir compte de l’évolution du contexte macroéconomique. Vous le savez, puisque nous l’avons rendu public lors de la présentation du dernier projet de loi de finances rectificative, la nouvelle période de confinement nous conduit à revoir nos prévisions et nous amène à faire l’hypothèse d’une récession à 11 % plutôt qu’à 10 %, et d’un niveau de déficit public à 11, 3 % plutôt qu’à 10, 2 %.

Par rapport au texte présenté à l’Assemblée nationale, la baisse de 1 point de l’hypothèse de progression de la masse salariale représente une perte de 2, 1 milliards d’euros, ce qui fait que, malgré des recettes fiscales affectées à la sécurité sociale améliorées de 500 millions d’euros par rapport à celles qui avaient été initialement envisagées, les recettes se dégradent de 1, 6 milliard d’euros.

Nous allons également proposer, comme l’a souligné Olivier Véran, une évolution des dépenses de l’assurance maladie pour 2020 pour un montant total de 800 millions d’euros, en plus des 2, 4 milliards d’euros adoptés à l’Assemblée nationale par voie d’amendement.

Cette évolution est nécessaire pour deux raisons : premièrement, parce que nous avons réalisé plus de tests que ce que nous avions initialement prévu, ce qui représente un surcoût de 400 millions d’euros, modification qu’il ne serait pas sincère de refuser d’intégrer ; deuxièmement, parce que, de la même manière que nous allons couvrir les besoins des établissements sanitaires, nous allons également couvrir les besoins des établissements médico-sociaux au titre de la deuxième vague de l’épidémie, pour 400 millions d’euros.

Ces évolutions signifient que, in fine, en 2020, l’Ondam aura progressé de 9 % par rapport à 2019. Il s’agit évidemment d’une augmentation historique, mais elle est à la hauteur de la situation exceptionnelle et inédite que nous traversons, et du soutien que l’on doit aux professionnels de santé qui y font face.

Nous allons enfin vous proposer d’adapter notre dispositif d’exonération et d’aide au paiement pour les entreprises, tel qu’il a été adopté à l’Assemblée nationale, pour prendre en compte le reconfinement annoncé le 28 octobre dernier. L’amendement visant à préciser les modalités et les bornes calendaires d’exonération de cotisations patronales est en cours de dépôt par le Gouvernement. Je suis désolé d’un tel retard, mais nous avons dû procéder jusqu’aux derniers instants à quelques réglages particuliers.

Si nous souhaitons apporter un soutien important au monde de l’économie, aux entreprises, nous voulons le faire en écartant toute augmentation des prélèvements obligatoires. Notre objectif est de maintenir un très fort niveau de qualité de nos services publics, mais aussi de permettre aux services les plus essentiels – je pense à la santé – de répondre aux besoins marqués et définis par la crise que nous traversons.

Ces trois évolutions – relatives aux hypothèses macroéconomiques, à la révision du niveau de l’Ondam, aux précisions à apporter au dispositif d’exonération – mais également les dispositions qui figuraient déjà dans le texte initial conduisent à nous interroger sur la trajectoire des finances sociales. C’est le deuxième point que je souhaite souligner.

Avant d’être percutés par la crise, nous nous étions inscrits dans une trajectoire de retour à l’équilibre des comptes sociaux. L’amélioration du solde de la sécurité sociale permettait d’envisager un retour à l’équilibre du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse à l’horizon de 2023. Cette trajectoire positive a été permise par un effort important de maîtrise des dépenses, notamment des dépenses d’assurance maladie pendant plus de dix ans.

La crise sanitaire a engendré une dégradation inédite des comptes de la sécurité sociale comme de l’ensemble des comptes publics. Le régime général et le Fonds de solidarité vieillesse devraient ainsi enregistrer un déficit combiné de 49 milliards d’euros en 2020 et de 27, 1 milliards d’euros en 2021 ; la sécurité sociale subira de façon pérenne des déficits élevés, de près de 20 milliards d’euros par an, si nous n’y faisons rien.

Nous allons nous efforcer d’améliorer cette situation par une reprise progressive de la dette. C’est ce qui a été prévu avec la loi organique du 7 août dernier relative à la dette sociale et à l’autonomie, qui permet aux hôpitaux de transférer une partie de leur dette et, ce faisant, de retrouver des capacités d’investissement.

Comme j’ai eu l’occasion de le souligner au moment de la présentation du projet de loi de finances rectificative, le moment est venu d’engager une réflexion de fond sur le redressement des comptes publics à moyen terme. Il nous faut d’abord travailler sur de nouvelles ancres de finances publiques et sur la trajectoire pour les atteindre.

Il nous faut aussi travailler à des outils de pilotage de nos finances publiques plus efficaces, pour renforcer notre capacité à redresser les comptes en sortie de crise, par exemple pour mettre en œuvre une approche davantage pluriannuelle des finances publiques en donnant de la visibilité aux acteurs de la dépense.

Nous devons également tirer toutes les conséquences de la crise s’agissant de la gestion de notre dette, en sécurisant son remboursement dans le temps et en l’isolant de la gestion courante de notre budget.

Pour organiser ces travaux, nous nous appuierons sur un groupe d’experts et de personnalités qualifiées. Il aura pour mission, comme je l’ai précisé devant la commission des finances du Sénat, d’éclairer le Gouvernement, mais aussi les rapporteurs généraux des commissions intéressées à ces sujets à l’Assemblée nationale et au Sénat.

Nous allons également devoir repenser nos outils de régulation traditionnels. C’est la raison pour laquelle le Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie vient d’engager une mission sur l’Ondam, dont nous tirerons tous les enseignements nécessaires, peut-être dès le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Ce PLFSS est cependant un texte ambitieux parce que notre volonté de transformation et de modernisation de la protection sociale demeure intacte. C’est le troisième point sur lequel je veux insister.

Le plan massif de financement du secteur hospitalier dans ce PLFSS doit permettre aux établissements, là encore, de se moderniser, d’améliorer leur efficience, pour se préparer aux nouveaux enjeux.

Je l’ai indiqué il y a un instant, grâce à la loi organique qui a été votée, nous allons reprendre 13 milliards d’euros de dette aux hôpitaux afin de leur redonner de nouvelles capacités d’investissement. Je sais que vos débats ont été nourris sur ce sujet, mais l’objectif est bien de permettre aux établissements de se désendetter et de retrouver des capacités de financement.

Avec ce PLFSS, 6 milliards d’euros complémentaires, issus du plan de relance, viendront en soutien de l’investissement hospitalier, des établissements sociaux et médico-sociaux, et permettront d’accélérer le virage numérique que doit prendre notre système de santé. Nous réalisons un tel investissement – 13 milliards d’euros de reprise de dette et 6 milliards d’euros de financements –, car nous avons conscience que c’est ainsi que nous allons construire l’avenir et assurer la pérennité des établissements.

Nous le faisons aussi avec la constitution de la cinquième branche.

Plus de 31 milliards d’euros vont venir financer la nouvelle branche autonomie et traduisent l’effort financier de la Nation pour lutter contre la dépendance. Parce que nous avons conscience des enjeux à venir, à compter de 2024, la fraction de CSG (contribution sociale généralisée) qui finance la branche sera augmentée de 0, 15 point supplémentaire. D’autres missions seront confiées à la branche, nous en discuterons dans les mois à venir dans le cadre du projet de loi Autonomie et grand âge.

Il faudra bien sûr – le débat n’est pas simple – veiller à ce que ce nouveau risque soit couvert par des ressources à la hauteur des enjeux et des missions qui sont confiés à cette nouvelle branche de la sécurité sociale, en allant au-delà d’un premier pas notable franchi à l’Assemblée nationale grâce à l’adoption d’un amendement du Gouvernement relatif aux questions d’aide à domicile.

Je sais que vous avez discuté en commission de la réforme des retraites pour compléter les débats à venir. Le Conseil d’orientation des retraites (COR) a été chargé par le Premier ministre de réaliser le diagnostic actualisé de la situation financière du système de retraite. C’est pourquoi, dans l’attente de ces travaux, mais également de ceux qui sont conduits par d’autres instances, le Gouvernement ne propose pas de mesures sur les retraites dans ce PLFSS. Cela ne remet pas en cause notre volonté de trouver les voies et les moyens d’une réforme permettant de rétablir l’équilibre du système de retraite et de conforter la confiance des Français dans sa pérennité.

Au-delà de ces projets portés par le PLFSS, un certain nombre de réformes structurelles doivent être menées ou continuées pour moderniser l’organisation et la gestion des prestations. La crise ne doit en aucun cas nous inciter à les ralentir.

Je pense, par exemple, au chantier de l’unification du recouvrement. Il se traduira par le transfert du recouvrement des prélèvements sociaux autour de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss), avec une mesure de transfert du recouvrement de la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d’assurance vieillesse des professions libérales (Cipav), qui sera intégrée, à l’issue de travaux techniques, dès l’an prochain dans le PLFSS. Cette unification du recouvrement se traduira également par la création d’un portail commun pour recouvrer tous les prélèvements fiscaux et sociaux.

Je pense également aux projets de simplification. Certains font l’objet de mesures cette année, comme la fusion des déclarations sociales et fiscales de revenus des exploitants agricoles ou la création d’une nouvelle modalité déclarative pour les activités accessoires représentant de très faibles montants.

D’autres réformes ne figurent pas dans le texte mais sont tout aussi structurantes. Je pense à l’expérimentation en cours dans les départements de Paris et du Nord pour la contemporanéisation du crédit d’impôt au titre des services à la personne, qui est porteuse de simplifications majeures dans la vie quotidienne de nos concitoyens.

Je pense, enfin, et je sais que nos débats seront nourris à ce sujet, à la lutte contre la fraude, lutte qui progresse, mais à un rythme qui peut encore être accéléré. L’Assemblée nationale a adopté six amendements en ce sens, qui visent à renforcer et à conforter notre arsenal. Nous aurons l’occasion d’y revenir au cours des débats.

Mesdames, messieurs les sénateurs, nous allons donc examiner un projet de loi de financement de la sécurité sociale hors norme. J’espère que nos débats, à défaut d’être tous consensuels, permettront d’apporter les éléments d’éclairage nécessaires au bon exercice de la démocratie. Je souhaite également qu’ils nous permettent de trouver les voies et les moyens d’un maximum de convergence, pour faire en sorte que cette année 2021 soit une année utile à la fois pour les soignants, pour le système de santé et pour le système de protection sociale. Il s’agit de poser les bases de l’avenir et de la pérennité de notre système.

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