Intervention de Corinne Imbert

Réunion du 9 novembre 2020 à 16h00
Financement de la sécurité sociale pour 2021 — Discussion d'un projet de loi

Photo de Corinne ImbertCorinne Imbert :

Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, l’année 2020 a donné le premier rôle, à leurs dépens, à des équipes soignantes déjà proches de l’épuisement. Au moment où nous abordons le financement hors normes de l’assurance maladie, je tiens à saluer leur dévouement à toute épreuve et à leur réaffirmer notre soutien.

Les débats sur ce PLFSS sont hors normes, en raison du degré d’incertitude qui les entoure. L’Ondam pour 2021 est fondé sur une hypothèse de retour à la normale, déjà battue en brèche par la force de la deuxième vague épidémique. S’il nous faut composer avec cette réalité, il n’en reste pas moins que vos prévisions semblent optimistes, messieurs les ministres. Or nous n’accepterons pas que le Parlement soit durablement tenu à l’écart, en cas de nouvelle dérive des équilibres votés.

Les dépenses de santé, portées à 225 milliards d’euros, traduisent un niveau d’engagement inédit. Cette bouffée d’oxygène a toutefois pour corollaire un déficit abyssal et durable de la branche maladie. La tâche est colossale que nous confère la responsabilité d’assurer la soutenabilité d’un système de soins, dont la crise nous rappelle la valeur collective inestimable tout comme les fragilités bien connues.

Ce PLFSS contient des avancées intéressantes dans le champ de l’assurance maladie ; mais, de manière plus globale, sa portée déçoit, car le texte procède davantage de la précipitation que d’une réelle vision de l’avenir.

Si l’heure n’est pas encore venue de faire le bilan de la crise sanitaire, quelques principes méritent d’ores et déjà d’être rappelés.

Je voudrais tout d’abord insister sur l’exigence de lisibilité qui doit entourer nos débats : en effet, certains éléments ne la favorisent pas, comme la répercussion sur l’Ondam des mesures salariales du Ségur de la santé ou bien la réflexion, encore inaboutie, sur la définition du périmètre de la nouvelle branche autonomie.

Alors que le Gouvernement a décidé de conduire une réflexion attendue sur l’avenir de l’Ondam, les propositions formulées, l’an passé, par mes collègues Catherine Deroche et René-Paul Savary, auxquelles je souscris, sont plus que jamais d’actualité pour redonner à cet outil, un rôle de pilotage stratégique de la dépense de santé : il s’agissait, en effet, d’inscrire nos débats dans une dimension pluriannuelle plus structurante.

Au nom de ce même principe de lisibilité et en cohérence avec notre approche constante du budget de la sécurité sociale, la commission a refusé la trajectoire financière incertaine du nouveau fonds de modernisation et d’investissement en santé. En effet, nous n’acceptons pas de faire peser sur l’assurance maladie une partie du plan de relance.

Nous persistons également, au nom des mêmes principes, à rejeter le financement par la Cades de la reprise de la dette hospitalière, qui devrait revenir à l’État. Vous noterez dans ses positions, messieurs les ministres, une certaine constance.

Nous proposerons, en outre, d’associer les élus locaux aux décisions d’investissement en santé. Il ne s’agit pas seulement, monsieur le ministre, comme vous l’avez soutenu lors de votre audition, de considérer les collectivités territoriales comme d’opportuns financeurs ; mais notre volonté est aussi d’ancrer les projets dans un cadre concerté avec les acteurs qui connaissent les territoires et les besoins en santé.

Ensuite, la crise sanitaire nous rappelle le rôle crucial de la prévention et de la coordination des prises en charge. À cet égard, si nous ne contestons pas le fait que les investissements du Ségur de la santé soient ciblés sur l’hôpital, acteur clé de notre système de santé, nous regrettons que certaines mesures prévues dans ce PLFSS constituent de mauvais signaux adressés à d’autres acteurs, tout aussi importants.

Tel est le cas de la convention médicale, reportée à 2023, alors que devaient se tenir des discussions essentielles sur l’organisation des parcours de soins en ville. De même, les mesures sur la téléconsultation ne traduisent pas, en l’état, une logique de santé publique. D’autres dispositifs à l’ambition limitée ne sont pas non plus à la hauteur des enjeux de décloisonnement entre la médecine de ville et l’hôpital ou des attentes partagées d’une diversification des financements hospitaliers.

Certaines réformes vont néanmoins dans le bon sens ; nous les soutiendrons, moyennant quelques ajustements. Si nous regrettons des réflexions inabouties, comme l’absence de financement pérenne des maisons de naissance, nous sommes favorables à la refonte de l’accès précoce aux médicaments et nous espérons qu’elle ouvrira enfin la voie à une plus grande stabilité de notre modèle.

En ce jour du cinquantième anniversaire de la mort du général de Gaulle, dont le gouvernement institua la sécurité sociale, en octobre 1945, comme vous l’avez rappelé, monsieur le ministre des solidarités et de la santé, ce texte laisse encore nombre d’interrogations en suspens. Nos débats permettront, je l’espère, d’en lever certaines ou de faire le jour sur le calendrier d’autres réformes structurantes, aussi attendues que nécessaires. Notre système de santé en a besoin et nous avons besoin de lui.

Par conséquent, sous réserve de l’adoption des amendements que je présenterai au nom de la commission des affaires sociales, celle-ci vous demandera d’adopter ce projet de loi dans son volet assurance maladie.

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