Intervention de Christian Klinger

Réunion du 9 novembre 2020 à 16h00
Financement de la sécurité sociale pour 2021 — Discussion d'un projet de loi

Photo de Christian KlingerChristian Klinger :

Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, aux termes du projet de loi qui nous est transmis, la crise sanitaire et économique devrait se traduire, en 2020, par un déficit agrégé du régime général et du FSV de 46, 6 milliards d’euros, ce qui représente une augmentation de 44, 7 milliards d’euros par rapport à 2019. Toutes les branches du régime général sont concernées par cette détérioration.

La crise sanitaire puis économique a eu un effet de ciseaux sur les recettes et les dépenses de la sécurité sociale. À ce stade, les recettes ont été amoindries de 27, 3 milliards d’euros par rapport à ce qui était prévu, les dépenses étant, quant à elles, majorées de 14, 2 milliards d’euros.

Le constat est à la fois sombre et imprécis.

Il est sombre parce que le déficit agrégé du régime général et du FSV reste largement supérieur à celui qui a été enregistré en 2010, après la crise.

Il est imprécis, parce que ces chiffres n’intègrent pas, pour ce qui concerne les recettes, les effets du deuxième confinement ; en l’absence de réévaluation de ces chiffres, le présent projet de loi de financement semble même caduc… Cette imprécision vaut aussi pour les chiffres relatifs à 2021 ; le PLFSS prévoit que le déficit agrégé du régime général et du FSV sera ramené à 27, 9 milliards d’euros.

Pour y parvenir, le Gouvernement table sur un net rebond des recettes : 8, 7 %, soit 33, 4 milliards d’euros. Ce scénario repose sur une hypothèse de relance volontariste de l’activité. Or cette perspective s’éloigne de jour en jour, à mesure que l’aléa sanitaire s’accroît. La progression de la masse salariale, sur laquelle sont assises les cotisations, ne sera donc pas aussi importante que prévu.

Au-delà des recettes, l’aléa sanitaire devrait également déterminer le niveau des dépenses sociales en 2021, en particulier celui des dépenses d’assurance maladie. Nous pouvons le comprendre, tant la lutte contre la pandémie, la revalorisation du traitement du personnel hospitalier ou encore l’investissement dans les établissements de santé ne constituent pas des dépenses négociables.

Néanmoins, le Gouvernement a fait le choix de ne pas proposer de réformes structurelles en compensation de cette progression ; la réforme des retraites est ainsi reportée. Le PLFSS pour 2021 ne contient pas non plus de mesures pour renforcer la lutte contre la fraude, véritable gisement d’économies ; rappelons les chiffres en la matière : il y a chaque année 771 millions d’euros de fraude aux prestations et 6 milliards à 8 milliards d’euros de fraude aux cotisations. Le ministère des solidarités et de la santé a simplement engagé une réflexion sur l’avenir même de l’Ondam, en vue de renouveler cet outil de régulation.

L’absence de réforme induit l’absence du retour à l’équilibre à moyen terme. La précédente loi de financement de la sécurité sociale tablait sur un retour à l’équilibre global du régime général en 2023. Cette perspective est désormais largement repoussée, le Gouvernement prévoyant un déficit du régime général et du FSV de 20, 2 milliards d’euros à l’horizon 2024.

Au regard de l’ampleur des déficits des comptes sociaux en 2020 et à l’avenir se trouve de nouveau posée la question de la gestion, par la Cades, de la dette sociale, qui devrait atteindre, rappelons-le, plus de 396 milliards d’euros en 2024.

La trajectoire de reprise de la dette semble aujourd’hui inadaptée. Aux 136 milliards d’euros de dette reprise par la Cades s’ajouteront 50 milliards d’euros de dette supplémentaire non reprise à l’horizon 2024. C’est d’ailleurs à cette date que cette caisse devrait disposer de moins de moyens pour amortir la dette sociale, une partie de ses ressources devant financer une cinquième branche, la branche autonomie, qui a les allures d’une coquille vide, faute de nouveaux financements. Dans ces conditions, la dette sociale est-elle encore soutenable ?

Pis, le Gouvernement accélère cette fuite vers l’endettement, en faisant de la reprise de la dette des hôpitaux par la Cades la première étape d’un plan d’investissement des hôpitaux. La contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) financera donc l’endettement futur des hôpitaux ; l’État se défausse, de la sorte, de ses obligations d’investissement. La commission des finances a souhaité déposer un amendement tendant à revenir sur la création de ce cercle vicieux.

Toutefois, indépendamment de cet amendement, un vote favorable sur l’ensemble du texte semble difficile. En effet, faute de précisions du Gouvernement sur la trajectoire des comptes en 2020 et en 2021 intégrant les effets du deuxième confinement, il a semblé à la commission des finances que ce texte était caduc et qu’il ne respectait pas le principe de sincérité budgétaire. Dans ces conditions, la commission a émis un avis défavorable sur ce texte, cette position pouvant néanmoins être révisée à l’aune de l’amendement que vient de déposer le Gouvernement.

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