Intervention de Catherine Deroche

Réunion du 9 novembre 2020 à 16h00
Financement de la sécurité sociale pour 2021 — Discussion d'un projet de loi

Photo de Catherine DerocheCatherine Deroche :

En ce temps de crise, la solidarité nationale est au rendez-vous pour protéger les malades, conforter les soignants et soutenir ceux que la crise prive de leurs moyens d’existence.

Aussi ne contestons-nous pas les conséquences de cette mobilisation sur les comptes sociaux – un déficit de près de 50 milliards d’euros – ni même le caractère approximatif et sans doute évolutif des chiffres qui nous sont soumis dans un contexte changeant.

Il semble en revanche à la commission que ce texte est frappé d’une certaine myopie et qu’il peine à dessiner, non pas le détail, mais à tout le moins les grands traits de ce que devra être notre modèle de protection sociale dans les prochaines années et la façon dont se prépare la réponse aux défis de demain. Cela nous semble d’autant plus essentiel que la sécurité sociale souffre non seulement de l’épisode aigu du covid-19 mais encore d’un mal chronique : le déficit structurel des plus importantes de ses branches, la maladie et la vieillesse.

Quand les temps sont difficiles, il faut, plus que jamais, tenir sur les principes. Le premier d’entre eux est que chaque génération doit assumer ses risques et assurer l’équilibre de ses prestations par les recettes correspondantes. Ce principe est mis au défi de la démographie. Notre pays est confronté au vieillissement de sa population, et, à très court terme, au financement des retraites des nombreuses classes d’âge issues du baby-boom, avec une croissance faible et une situation dégradée sur le marché de l’emploi.

Sur les retraites, nous l’avions indiqué, il faudrait agir sans attendre une réforme très ambitieuse, qui, peut-être, ne viendra pas. Comme les années précédentes, la commission des affaires sociales invite le Sénat à prendre ses responsabilités sans tarder davantage, conformément à ce que notre collègue René-Paul Savary a présenté.

Pour certains, le vieillissement est aussi le risque de la perte d’autonomie et du besoin d’assistance pour les gestes de la vie quotidienne. La prise en charge de ce risque peine à accomplir sa mue entre l’aide sociale et l’assurance, et à prendre place dans l’architecture et les financements de notre modèle social. Malgré les annonces de l’été dernier, ce PLFSS ne dégage pas un euro d’argent frais pour financer une cinquième branche, dont la mise en place est toujours différée. Dans ces conditions, cette nouvelle branche, consacrée à la perte d’autonomie, est loin des attentes et des espoirs qu’elle a fait naître.

En matière de santé, les défis sont nombreux. Malgré un système solidaire, les inégalités sociales et territoriales restent trop importantes. Le financement de traitements innovants doit trouver sa place aux côtés de la prise en charge des pathologies chroniques, alors que, comme le montre la crise actuelle, les maladies infectieuses n’ont pas disparu. Cette crise agit comme un révélateur des réformes structurelles à conduire pour renforcer la prévention, pour casser les cloisonnements et pour questionner le rôle et les missions de chacun des acteurs du système. Le PLFSS peine à traduire ces orientations.

Ce projet de loi ne dessine pas davantage la façon dont devra se réaliser la résorption des déficits colossaux d’aujourd’hui et de demain. La protection sociale ne saurait pourtant être durablement financée par la dette, legs empoisonné pour les générations qui suivent. C’est pourquoi nous demandons chaque année un effort de 17 milliards d’euros à nos concitoyens pour détruire de la dette sociale.

Dans ces conditions, comment comprendre qu’une partie de cet effort finance l’investissement des hôpitaux et que la dette finance de la dette ? Nous ne pouvons l’accepter et c’est pourtant ce que ce texte nous propose.

Face à ce tableau clinique, était-il indispensable d’alourdir nos charges de 500 millions d’euros par an pour le congé parental – il s’agit d’un avis personnel, puisque la commission ne s’est pas opposée à cette mesure –, alors que la principale préoccupation de nos concitoyens est l’emploi ? Est-il compréhensible de poursuivre les débudgétisations engagées, la sécurité sociale constituant l’abri commode d’une part des déficits de l’État ? Était-il nécessaire de promettre l’accomplissement de la mise en place du risque dépendance, là où les gouvernements précédents, confrontés à une crise de la même manière, avaient renoncé ? Nous aurons à en débattre au cours de l’examen du texte, car l’enjeu est crucial.

Par ailleurs, nous attendons également, monsieur le ministre, un nouveau projet de loi relatif à la santé, mettant notamment en œuvre les conclusions du Ségur de la santé. Cette mise en œuvre ne saurait en effet prendre la forme de propositions de loi éparses inspirées par le Gouvernement. Les attentes du Sénat sont fortes en la matière, si j’en juge par le nombre d’amendements que j’ai dû déclarer irrecevables au regard de la LOLF.

La protection sociale, c’est l’identité même du pays, c’est par exemple une solidarité qui permet à un malade du cancer de ne pas être contraint de vendre sa maison. Prenons garde à ce qu’elle ne soit pas sapée dans ses fondements, sous l’effet non seulement de la crise mais aussi de notre inaction collective.

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