Intervention de Laurence Cohen

Réunion du 9 novembre 2020 à 16h00
Financement de la sécurité sociale pour 2021 — Question préalable

Photo de Laurence CohenLaurence Cohen :

Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, lors de la discussion des projets de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 et pour 2019, le groupe communiste républicain citoyen et écologiste s’était mobilisé contre l’absence de compensation des exonérations de cotisations sociales. Nous avions dénoncé la volonté du Gouvernement de ponctionner les excédents de la sécurité sociale pour financer le déficit des dépenses sociales de l’État.

Le contexte a changé, à l’échelon tant national qu’européen et mondial, avec la pandémie de la covid-19. Être ministre de la santé, c’est être au cœur de la tourmente ; aussi, sachez-le, monsieur le ministre, les critiques de mon groupe portent non sur les individus mais sur les choix politiques que font ces derniers.

Alors que nous allons examiner, la semaine prochaine, le quatrième projet de loi de finances rectificative (PLFR), avant d’en examiner un éventuel cinquième au mois de décembre, nous n’avons jamais eu, semble-t-il, de projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale. Pourtant, avec la pandémie de covid-19, les hôpitaux ont dû faire face à l’arrivée de milliers de malades en réanimation, les professionnels de santé ont dû quitter leur service pour prêter main-forte aux hôpitaux saturés et l’économie a été stoppée par le confinement.

Par conséquent, les comptes de la sécurité sociale se sont dégradés, en raison de pertes de recettes, liées notamment à une baisse record des cotisations sociales, d’où un déficit de 44, 7 milliards d’euros. Le budget de la sécurité sociale présente donc un déficit élevé et le Gouvernement décide de transférer à la Caisse d’amortissement de la dette sociale certaines dépenses assumées jusqu’à présent par l’État. Ainsi, la Cades devra assumer un investissement immobilier de 13 milliards d’euros dans les hôpitaux, autant d’argent en moins pour la sécurité sociale et qui sera payé par les assurés jusqu’en 2023, via la CRDS.

En gonflant artificiellement la dette de la sécurité sociale, le Gouvernement justifie ses choix de baisse de dépenses, auxquels adhère la majorité du Sénat. Le budget de la sécurité sociale, c’est un peu devenu le compte commun de l’État, qui décide de piocher dedans quand ça l’arrange, alors qu’il appartient non pas à l’État mais aux assurés sociaux.

Covid oblige, le budget de la sécurité sociale pour 2021 est, il est vrai, une exception en comparaison des moyens dépensés pour la santé depuis vingt ans. Cela dit, ne nous y trompons pas : les 8 milliards d’euros supplémentaires financent l’accord du Ségur de la santé et concernent l’augmentation de 183 euros nets par mois pour les personnels paramédicaux et non médicaux. Si toute augmentation de salaire est positive, elle ne rattrape qu’en partie le gel, depuis dix ans, du point d’indice dans la fonction publique. En outre, cette mesure laisse de côté certains membres du personnel ; je pense notamment au personnel du médico-social hors Ehpad.

On le voit, ce budget demeure insuffisant au regard de l’état réel de notre système de santé, des revendications du personnel et des véritables besoins pour l’accès aux soins. À force de limiter la progression des dépenses de santé à chaque PLFSS, depuis près de trente ans, les économies réalisées ont fini par désosser l’hôpital et par l’affaiblir. Malheureusement, la pandémie de la covid-19 est un cruel révélateur des effets indirects de ces funestes politiques d’austérité sur les hôpitaux…

On aurait pu espérer que cette crise serve de leçon pour l’avenir, mais le Gouvernement et la majorité du Sénat répètent déjà l’urgence à revenir, après 2020, aux politiques de réduction des dépenses de santé, afin de rééquilibrer les comptes publics. Mais de quoi parle-t-on ? De 30 milliards d’euros de dette hospitalière, à mettre en perspective avec les 120 milliards d’euros consentis pour financer le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) ! La dette de la sécurité sociale nourrit donc en réalité les marchés financiers !

Mes chers collègues, il serait temps de vous rendre compte que votre logiciel libéral est dépassé, et ne nous dites pas que notre système de protection sociale est fragile ! Face à l’ampleur de la crise, la sécurité sociale, qui fête cette année ses soixante-quinze ans, a joué pleinement son rôle de filet de sécurité pour nos concitoyennes et nos concitoyens. Elle a fait la démonstration de sa solidité, en prenant en charge jusqu’à 13 millions de salariés supplémentaires en chômage partiel, en remboursant à 100 % la téléconsultation et les tests de dépistage, et en assumant le versement aux plus précaires de l’aide d’urgence, dans des délais très courts. Ainsi, elle a réussi non seulement à maintenir ses missions mais également à les élargir, malgré les pertes de recettes liées à l’arrêt de l’activité économique.

Monsieur le ministre des solidarités et de la santé, vous avez démontré que la sécurité sociale n’avait pas besoin des assurances privées ni des complémentaires santé pour assurer la prise en charge des soins et des prestations sociales. Ce bel aveu apporte de l’eau à notre moulin : la prise en charge à 100 %, par la sécurité sociale, des soins pour toutes et tous ; à quand sa mise en œuvre ?

La crise est structurelle ; il ne faut donc pas des rustines financières ni des mesures temporaires, comme le propose le PLFSS pour 2021. Il faut un financement pérenne de la santé, à la hauteur des besoins d’une politique de prévention et d’accès aux soins, d’autant que l’Unesco (Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture) prévoit des pandémies mondiales plus nombreuses et plus intenses.

Messieurs les ministres, il me semble difficile d’écouter à la fois l’oratrice et le rapporteur général…

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