Intervention de Raymonde Poncet Monge

Réunion du 9 novembre 2020 à 16h00
Financement de la sécurité sociale pour 2021 — Discussion générale

Photo de Raymonde Poncet MongeRaymonde Poncet Monge :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, du fait de l’impact de la crise sanitaire, l’examen de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale s’avère particulièrement complexe.

Il convient d’analyser si ce texte amorce une rupture ou, pour le moins, une inflexion – « la santé quoi qu’il en coûte » – par rapport à l’austérité budgétaire dont les précédents PLFSS ont été l’outil et qui, entre autres conséquences délétères pour notre protection sociale, ont sinistré l’hôpital public. Force est de constater qu’il n’en est rien, car, déduction faite du coût de la pandémie et du Ségur de la santé, l’objectif national de dépenses d’assurance maladie se révèle de nouveau inférieur à l’évolution mécanique des besoins de santé. J’y reviendrai.

Avant toute chose, je tiens à dire que nous saluons l’extension de l’expérimentation des maisons de naissance et l’allongement du congé de paternité.

Par ailleurs, notre groupe défendra plusieurs mesures qu’il estime capitales.

Il convient de mettre un terme, fût-ce progressivement, à la politique massive d’exonérations des cotisations sociales, qui pèse à hauteur de dizaines de milliards d’euros sur le budget de l’État et de la sécurité sociale du fait de la non-compensation intégrale en 2019. Accordées sans contreparties ni conditionnalités, tant sociales qu’environnementales, alors que l’on n’ignore plus la cause environnementale des pandémies, ces exonérations ont montré leur inefficience. Au reste, ce n’est pas à la sécurité sociale de soutenir la rentabilité du capital.

Nous soutiendrons les mesures de financement du secteur de l’aide à domicile, notamment le financement intégral par la branche de leurs accords de branche.

Le sujet d’un plus grand soutien aux hôpitaux et au système de santé est incontournable.

Ainsi, depuis des années, le taux de croissance prévisionnel des dépenses de santé oscillait autour de 2, 2 %, alors que la croissance naturelle des besoins était estimée entre 3 % et 4 %. Provoquée par ce décrochage sur le temps long, la dette des hôpitaux s’est substituée à la dette sociale. Vous demandez aujourd’hui à la Caisse d’amortissement de la dette sociale d’en reprendre un tiers pour redonner des marges d’investissement à l’hôpital.

On marche sur la tête depuis des années : il serait grand temps de remettre le modèle à l’endroit, en définissant d’abord les besoins à long terme et la trajectoire de financement solidaire !

La dette des hôpitaux doit être intégralement reprise par l’État en regard de sa responsabilité.

Nous connaissons les conséquences dramatiques des milliards d’économies exigées – elles s’élèveront à 800 millions d’euros supplémentaires rien que pour l’hôpital en 2021 – et du déficit cumulé des ressources allouées. Un tiers des hôpitaux publics se trouvent en situation d’endettement excessif malgré le décrochage des effectifs. En cinq ans, les effectifs hospitaliers ont crû de 2 %, alors que la production de soins progressait de 15 %. Cela explique la dégradation de la qualité des soins et des conditions de travail, l’épuisement professionnel, l’explosion des démissions, qui concernent jusqu’aux chefs de service, la perte d’attractivité, les mouvements sociaux et les postes vacants, qui représentent 30 % des postes de praticiens hospitaliers et 400 postes d’infirmiers à l’AP-HP.

Nous assistons, même en pleine pandémie, à une politique active de fermetures d’établissements et de services, après celles de 7 600 lits depuis le début de votre quinquennat. Désormais, l’hôpital fait face à des fermetures faute de personnel : 1 100 lits à l’AP-HP sont ainsi fermés par manque de soignants.

D’ailleurs, la moitié de vos annonces de création de lits correspondent en fait à la réouverture de lits fermés par vacance de personnel. À ce niveau, il ne s’agit plus d’un « virage ambulatoire maîtrisé » : c’est un « dérapage austéritaire non contrôlé »…

Et, si le Gouvernement veut désengorger les urgences surchargées, où le nombre de passages a doublé en dix ans, la création du « forfait patient urgences » ne répondra pas aux recours à l’hôpital provoqués par l’urgence sociale ou l’insuffisance de l’offre alternative en ville.

Enfin, la création de la cinquième branche, relative à l’autonomie, quasiment par transfert de crédits existants, souffre du report depuis deux ans du projet de loi Grand âge et autonomie, qui devait définir notamment son besoin de financement, estimé à plusieurs milliards d’euros annuels par le rapport Libault.

Monsieur le ministre, vous ne pouvez plus uniquement compter sur la résilience dont l’hôpital a jusqu’ici vaillamment fait preuve pour compenser l’insuffisance de la capacité en lits et effectifs. Les soignants demandent désormais des mesures fortes pour inverser la tendance.

Le PLFSS dont le pays a besoin devrait amorcer un plan inédit de recrutement et de formation à long terme, y compris de formation professionnelle, à côté de la première étape de revalorisation salariale, laquelle ne répare que partiellement et pour le seul secteur sanitaire et les Ehpad des années de déflation salariale.

Selon nous, il est impératif que la dette sociale due au coût de la pandémie soit isolée et prise en charge par le budget de l’État, posant avec acuité la question d’un impôt exceptionnel de solidarité sur les grandes fortunes et les patrimoines les plus élevés pour ne pas obérer les comptes sociaux pendant la décennie à venir.

Enfin, contraints par l’exercice législatif et les différents motifs d’irrecevabilité susceptibles de frapper les amendements au PLFSS, nous regrettons de ne pas pouvoir aller plus loin sur le congé paternité ou sur la prise en charge des surcoûts liés à la covid.

En conclusion, ce PLFSS n’est pas à la hauteur des enseignements que nous tirons de la crise sanitaire et sociale. Espérant son amélioration par l’adoption d’amendements, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires devrait toutefois voter contre ce projet.

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