Intervention de Jocelyne Guidez

Réunion du 9 novembre 2020 à 16h00
Financement de la sécurité sociale pour 2021 — Discussion générale

Photo de Jocelyne GuidezJocelyne Guidez :

Madame la présidente, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, tout d’abord, sur les grandes lignes du financement et la nécessité d’aboutir à un équilibre budgétaire, je ne puis que partager l’analyse de M. le rapporteur général.

Les défis à relever sont encore immenses. Notre système de santé tient, pour l’instant, grâce à l’abnégation de l’ensemble des professionnels. Je profite de l’occasion qui m’est donnée pour leur rendre un hommage appuyé.

Toutefois, revenons-en au concret. Ce PLFSS 2021 introduit quelques évolutions. Je ne reviendrai pas sur ses aspects financiers généraux, mon collègue Olivier Henno s’étant employé à les détailler. Pour ce qui me concerne, je souhaiterais m’attarder sur la création de la cinquième branche de la sécurité sociale, dédiée à l’autonomie par la loi du 7 août 2020 et qui prend corps au travers du présent texte.

Je crois au bien-fondé d’une telle mesure. En effet, notre pyramide des âges montre que la place des personnes âgées dans notre société sera de plus en plus importante d’ici à 2040. Par conséquent, on ne peut que saluer la prise en considération, par la sécurité sociale, de ces questions.

Néanmoins, je me dois ici de dire que les doutes émis sur le financement du PLFSS sont encore plus importants s’agissant de cette branche autonomie.

Bien évidemment, dans la mesure où cette dernière se verra fixer un objectif de dépenses de 31, 6 milliards d’euros, la question d’un financement pérenne se posera. Alors que des besoins supplémentaires de l’ordre d’une dizaine de milliards d’euros sont prévus à l’horizon de 2030, on peut s’interroger sur l’origine des futures recettes de cette branche.

En effet, si les autres branches sont bénéficiaires de cotisations propres assez importantes, le Gouvernement propose, dans ce PLFSS, d’affecter une part de CSG à cette nouvelle branche. Une branche sans guichet et sans ressources spécifiquement dédiées : le législateur de 1945 en serait interloqué !

Il est donc plus que nécessaire d’imaginer dès à présent les solutions envisageables pour remédier à une telle situation. Le rapport Vachey a mis en lumière de nombreuses pistes de financement possibles. De la réduction de certaines niches fiscales ou sociales à la mise en place d’éventuels nouveaux prélèvements obligatoires, en passant par des mesures d’économies ou des financements privés, de très nombreuses possibilités sont à envisager.

Il est évident que, dans la période sanitaire que nous traversons, la contribution de chacun se révèle plus qu’essentielle pour tenter d’éviter une fracture générationnelle.

Cependant, toutes les pistes proposées sont loin d’être pertinentes. Certaines d’entre elles sont plus qu’inquiétantes pour l’ensemble des acteurs liés à la sphère de l’autonomie.

Les réflexions qui invitent à repenser le calcul de l’allocation personnalisée d’autonomie, notamment en y intégrant la valeur de la résidence principale du bénéficiaire, ou encore la volonté de renforcer les contrôles des procédures d’attribution de l’allocation aux adultes handicapés, ne sont pas acceptables et constituent des limites à ne pas franchir.

Je souhaiterais revenir plus largement sur les paramètres de cette nouvelle branche.

Il convient tout d’abord de se pencher sur son périmètre. Aujourd’hui encore, celui-ci ne semble pas être totalement défini, en dépit de nombreux et récents rapports. De multiples questions se posent et, de toute évidence, le champ sera amené à évoluer. Je pense bien évidemment à la seule nouveauté de ce texte, à savoir le transfert de l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé de la branche famille à celle de l’autonomie.

Je rappelle que l’AEEH constitue une prestation familiale correspondant à une situation de famille. Elle prend en compte la situation particulière d’une famille dont l’enfant est en situation de handicap. Une telle mesure reviendrait à exclure les parents du droit commun que constituent les prestations familiales. Vous le savez tout autant que nous, ce sujet sensible mérite une véritable concertation.

J’évoquerai maintenant les articles 16, 18 et 35 du texte relatifs au secteur médico-social, que nous voterons. L’article 16 vise à définir le rôle et les modalités d’intervention de la CNSA, la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie. Il s’agit d’une présentation exhaustive de son architecture budgétaire.

Quant à l’article 18, il présente les principaux financements de la branche, qui se voit dotée, pour l’essentiel, de recettes provenant de la CSG. Un tel choix laisse planer le doute sur un fléchage pérenne des ressources en faveur de la branche.

L’article 25 A, qui est dédié aux services d’aide et d’accompagnement à domicile, prévoit pour sa part de confier à cette même CNSA la distribution d’une enveloppe de 200 millions d’euros, en année pleine, pour restructurer l’offre des services d’aide à domicile.

Bien que ce montant se révèle plus élevé que par le passé, il ne fait pas oublier que ce secteur constitue, comme chaque année, le parent pauvre du PLFSS.

Certes, je salue cette mesure, qui va dans le bon sens, mais je me dois de m’interroger sur le procédé. En effet, à chaque exercice budgétaire, le Gouvernement prend des mesures d’abondement des fonds de restructuration des services d’aide à domicile. Plutôt que d’« enveloppes de secours », un véritable soutien, voire une réforme systémique, est souhaitable.

Le secteur médico-social mérite bien mieux que cela ! Aujourd’hui plus que jamais, il doit être revalorisé. Pensez à la question de l’accueil des adultes et enfants handicapés. Que cela concerne leurs structures d’accueil, les salaires des personnels ou encore la simple question des frais de transport, l’État se doit de faire davantage pour eux et de répondre à leurs besoins.

Vous le constatez, mes chers collègues, si la création de la branche autonomie représente une avancée, de nombreuses interrogations demeurent sur son contenu réel et la pérennité de son financement.

Si nous ne pouvons qu’approuver sa création, nous nous devrons de veiller à ce que les moyens qui lui seront consacrés soient à la hauteur des missions que le Gouvernement entend lui confier. À ce titre, nous devrons être particulièrement vigilants aux paramètres que s’attachera à définir la future loi Grand âge et autonomie.

Enfin, monsieur le ministre, permettez-moi de conclure en reprenant les mots du président Macron, s’inspirant lui-même du général de Gaulle. Il ne suffit pas de sauter comme des cabris sur une chaise en disant « progrès social, progrès social » si vous n’êtes pas en mesure de financer ce dernier.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion