Intervention de Chantal Deseyne

Réunion du 9 novembre 2020 à 16h00
Financement de la sécurité sociale pour 2021 — Discussion générale

Photo de Chantal DeseyneChantal Deseyne :

Madame la présidente, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, depuis 2014, les familles ont subi la modulation des allocations familiales, dont l’effet cumulé s’élève à 3, 4 milliards d’euros.

Je veux parler de la suppression de la prestation partagée d’éducation de l’enfant majorée, qui représente 490 millions d’euros non perçus entre 2014 et 2019, de la modulation de l’allocation de base de la prestation d’accueil du jeune enfant, dont l’effet cumulé depuis 2014 s’élève à plus de 900 millions d’euros, et de l’alignement du montant et du plafond de l’allocation de base sur le complément familial, qui représente 260 millions d’euros non perçus entre 2018 et 2019.

L’accumulation de ces mesures fait perdre à la branche famille son rôle essentiel de compensation des charges de famille. Certes, le gouvernement actuel n’est pas à l’origine de toutes ces mesures, mais il n’a pas renoncé à l’héritage et n’a fait que poursuivre la dégradation de la politique familiale.

Pour mémoire, le PLFSS pour 2019 prévoyait un excédent significatif pour la branche famille de 1, 2 milliard d’euros. Pour autant, cette situation financière favorable ne s’est pas accompagnée d’un véritable renforcement du soutien apporté aux familles. Au contraire, la principale mesure visait à sous-revaloriser l’ensemble des prestations familiales à 0, 3 % pour une durée de deux ans.

Dans le PLFSS pour 2021, il aurait été opportun de donner un coup de pouce aux familles, plutôt que de prévoir l’allongement du congé paternité, qui est une mesure certes sympathique, mais qui n’apparaît pas comme essentielle.

L’allongement du congé paternité participe au développement de notre politique familiale, tout en favorisant l’égalité entre les hommes et les femmes, ce dont je me réjouis.

Toutefois, dans sa rédaction actuelle, l’article 35 du texte tend à instituer le caractère obligatoire du congé pour naissance et d’une partie du congé paternité. Aux termes du projet de loi, l’emploi du salarié pendant le congé de naissance et la première période de quatre jours du congé paternité serait interdit.

L’interdiction d’emploi pendant le congé paternité ne semble pas nécessaire. Cette mesure trop contraignante risque d’être parfois difficilement applicable dans certaines entreprises. De surcroît, une telle obligation contrevient à la liberté de choix du père.

Le fractionnement du congé paternité pèsera sur le fonctionnement des entreprises. Les absences courtes et répétées seront source de difficultés au sein des entreprises, notamment dans les PME et TPE, qui, à l’heure actuelle, ne sont pas épargnées par la crise. C’est pourquoi je proposerai le fractionnement de ce congé en deux périodes. Ce nombre pourra éventuellement être augmenté avec l’accord de l’employeur ou lorsqu’une convention ou un accord collectif le prévoira.

Je tiens à saluer le retour du versement de la prime à la naissance avant le septième mois et me réjouis de constater que l’Assemblée nationale a voté à l’unanimité le versement de la prime de naissance avant la naissance de l’enfant.

Je me réjouis également de constater que l’actuelle majorité rejoint l’ancien monde, tout en regrettant que cette mesure intervienne si tardivement, alors que le Gouvernement aurait très bien pu la prendre par décret, pour revenir à la situation antérieure. Que de temps perdu, au détriment des familles modestes, qui comptent sur cette prime pour l’arrivée de leur enfant dans de bonnes conditions !

Dans ce PLFSS, mes chers collègues, il manque des propositions courageuses. Des mesures pour lutter contre la fraude aux prestations sociales auraient mérité d’être introduites. Depuis plusieurs années, des voix s’élèvent pour alerter le Gouvernement sur l’ampleur considérable de cette fraude. Plusieurs parlementaires et la Cour des comptes ont produit des rapports accablants.

À la demande de la commission des affaires sociales du Sénat, la Cour des comptes a réalisé une enquête sur la lutte contre les fraudes aux prestations sociales. Ces fraudes, qui gangrènent notre pays, représentent à la fois une atteinte au principe de solidarité et un coût financier élevé.

En 2019, les principaux organismes sociaux ont détecté un milliard d’euros de préjudices à ce titre. Toutefois, il ne s’agirait là que de la pointe émergée de l’iceberg, puisque ce chiffre d’un milliard d’euros est celui de la fraude détectée. Le préjudice lié à la fraude « non détectée » serait de l’ordre de 14 à 45 milliards d’euros.

Seule la branche famille procède à une estimation de la fraude aux prestations. La Cour des comptes s’est déclarée incapable de chiffrer précisément l’ensemble des détournements, mais estime que, pour la seule branche famille, la fraude s’élève à 2, 3 milliards d’euros, soit 3, 2 % des prestations.

La lutte contre la fraude aux prestations sociales est un impératif d’efficacité économique et de justice sociale. Avant tout, il est urgent d’estimer le montant de cette fraude, non seulement pour la branche famille, mais aussi pour l’assurance maladie, la branche vieillesse et Pôle emploi, afin de lutter plus efficacement contre la fraude et les irrégularités.

Monsieur le ministre, le Gouvernement entend-il faire des propositions en ce sens ?

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