Intervention de Florence Lassarade

Réunion du 9 novembre 2020 à 16h00
Financement de la sécurité sociale pour 2021 — Discussion générale

Photo de Florence LassaradeFlorence Lassarade :

Madame la présidente, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, le contexte dans lequel nous examinons ce PLFSS n’est pas anodin.

Le 29 janvier 2020, l’OMS publiait ses premières recommandations concernant le port du masque dans les établissements de santé, pour les soins à domicile et dans les lieux publics. Les réponses tardives apportées par l’État depuis le début de la pandémie donnent le sentiment que l’exécutif est régulièrement pris de court, et qu’il est dépassé par la propagation du covid-19. Pourtant, selon le verbatim du Président de la République, « nous sommes en guerre ».

Dans cette guerre, les soignants ont été envoyés au combat contre la covid-19 sans armes, sans masques et sans surblouses. Des milliers d’entre eux ont été contaminés à l’hôpital et dans les cabinets médicaux. Plus de cinquante médecins sont décédés. Au mois de mars dernier, 4 000 médecins libéraux ont dû faire l’objet d’un arrêt de travail en raison de la covid, privant ainsi les Français de nombreux médecins de proximité au moment où l’épidémie se propageait.

Le Gouvernement a sous-estimé l’ampleur de la crise sanitaire et il a perdu la bataille des masques. Je le rappelle, plusieurs ministres considéraient les masques comme inutiles, et affirmaient de façon péremptoire que les Français ne sauraient pas s’en servir !

Le Gouvernement a aussi échoué dans la mise en œuvre de sa stratégie de dépistage.

Mes chers collègues, la question qui se pose aujourd’hui est la suivante : le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 est-il à la hauteur de la crise ?

Ce texte intègre les conclusions des accords du Ségur signés en juillet dernier avec les partenaires sociaux. Il prévoit 8, 8 milliards d’euros pour la revalorisation des traitements des personnels des établissements de santé et des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes.

Néanmoins, le Ségur de la santé a été en réalité le Ségur de l’hôpital, dont les médecins et les soignants de ville ont malheureusement été écartés. Si le Ségur de la santé soutient l’hôpital public, qui en a vraiment besoin, il ne prévoit en revanche aucune mesure susceptible de rassurer la médecine libérale.

Bien entendu, je soutiens les mesures prévues pour augmenter la rémunération des soignants et investir dans les hôpitaux. Mais je regrette que, dans ce PLFSS, il n’y ait pas un mot, pas un acte, pour ceux qui ont aussi payé un lourd tribut à la covid-19 ! Les libéraux restent les grands oubliés.

Pourtant, récemment, face à la brutale aggravation de la crise sanitaire, dans une lettre adressée aux médecins libéraux, M. le ministre de la santé écrit qu’ils sont « en première ligne pour prendre en charge les patients, pour rappeler inlassablement les gestes barrières et répondre aux interrogations que se posent tous les jours nos concitoyens ».

Le Président de la République a lui aussi lancé un appel en direction des médecins libéraux, pour prendre en charge les patients covid en amont et en aval de l’hôpital.

Or, en dépit de cet appel, et au moment où nous faisons face à une deuxième vague de l’épidémie, est annoncé le report à 2023 de la convention médicale. Pour les professionnels libéraux, c’est inacceptable. Pour quelle raison les actes ne seraient-ils pas revalorisés pendant sept ans ?

Les textes organisant la vie conventionnelle prévoient un lancement du processus de négociation dès janvier 2021, soit trois mois avant les élections qui doivent conduire à revoir la représentativité des différents syndicats signataires. Il convient donc, selon le Gouvernement, de proroger la convention actuelle, afin que la négociation de la prochaine convention médicale puisse se dérouler à l’issue de ce processus électoral.

Madame, monsieur les ministres, les élections des unions régionales des professionnels de santé (URPS) doivent avoir lieu au printemps 2021. Pourquoi, alors, prolonger la convention de deux ans supplémentaires ? Existerait-il une raison officieuse ? Considéreriez-vous, par exemple, qu’il serait plus opportun de conduire les négociations conventionnelles après les élections présidentielles et législatives de 2022 ?

Au regard de la crise sanitaire que nous traversons et de l’engagement des médecins libéraux, je regrette que ce PLFSS n’ait pas apporté d’améliorations substantielles à la situation de la médecine libérale.

Actuellement, les ARS font des déprogrammations dans le privé et engagent les cliniques à rediriger leurs salariés vers les hôpitaux publics. Les médecins se retrouvent sans activité et sans revenus, ce qui est un comble compte tenu de la gravité de la situation et compte tenu, aussi, de vos engagements !

L’investissement dans le système de soins que traduit ce projet de loi de financement de la sécurité sociale reste essentiellement ciblé sur l’hôpital.

Concernant les soins de ville, ce PLFSS contient très peu de mesures structurantes, alors que la crise actuelle montre l’importance cruciale de la prévention et de la coordination des parcours en amont de l’hôpital.

Madame, monsieur les ministres, le secteur de la santé repose sur deux piliers : le public et le libéral.

Alors que nous traversons la pire crise sanitaire de notre histoire moderne, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale doit permettre d’actionner tous les leviers nécessaires pour protéger l’ensemble de nos concitoyens. Les Français doivent plus que jamais avoir confiance dans le bouclier que représente notre système de protection sociale.

Pourquoi négliger les acteurs de santé de proximité qui, partout sur le territoire, se sont battus aux côtés de l’hôpital public avec une grande disponibilité ? La deuxième vague a commencé ; toutes les compétences, toutes les énergies, doivent être mobilisées. C’est votre responsabilité que d’y veiller.

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