Intervention de Olivier Dussopt

Réunion du 9 novembre 2020 à 16h00
Financement de la sécurité sociale pour 2021 — Discussion générale

Olivier Dussopt :

Lorsqu’on lutte contre la fraude sociale, ce sont ces deux problèmes qu’il faut affronter.

Nous devons aussi tenir compte des terrains « fraudogènes » – encore un barbarisme ! – que nous créons parfois en voulant répondre à la crise. Je pense notamment au fait que nous avons mis en place, au printemps, un système de prise en charge de l’activité partielle à un niveau sans équivalent, avec des délais d’instruction réduits à quarante-huit heures qui, par nature, empêchaient l’intégralité des contrôles a priori.

Cela nous a conduits, depuis le 1er octobre, à modifier les choses, le contrôle a priori étant, nous le savons, plus efficace que le contrôle a posteriori, notamment pour recouvrer l’argent de la fraude. L’argent le plus facilement recouvré est celui que nous n’avons pas versé ; dès lors qu’il est versé, le risque d’évasion n’est pas négligeable, tant s’en faut, comme le montre l’expérience acquise au printemps.

Quatrièmement, je veux aborder la reprise de la dette, notamment celle des hôpitaux. La discussion aura lieu à l’occasion de l’examen des articles, et je n’entrerai pas dans le débat politique, presque philosophique, entre ceux qui pensent que la dette des hôpitaux est une dette relevant de la santé, donc, par nature, une dette sociale, et ceux qui considèrent que cette dette aurait dû être assumée par le seul État.

Je voudrais simplement dire, à l’attention de M. Jomier notamment, qui a évoqué ce point, qu’à comparer la maturité de la dette de la Cades à la maturité de la dette de l’État, on constate que la Cades, parce que ses délais de remboursement sont plus courts – ils sont à quatre ou cinq ans – bénéficie de taux et de conditions de financement de sa dette beaucoup plus intéressants que les taux et les conditions qui sont accordés à l’État.

En cela, votre affirmation selon laquelle il coûtera plus cher de confier cette dette à la Cades, plutôt qu’à l’État, est infirmée. Nous pouvons démontrer que le traitement par la Cades, au-delà des aspects de principe, est moins coûteux pour les finances publiques – mais les questions de principe évoquées tout à l’heure ne sont certes pas négligeables.

Cinquièmement, je veux évoquer, à l’attention du rapporteur pour la branche autonomie, le secteur des soins à domicile ; Mme Bourguignon y reviendra à l’occasion de l’examen des amendements.

Monsieur Mouiller, vous pouvez tout à fait considérer – c’est évidemment votre droit le plus absolu – que l’effort réalisé n’est pas suffisant, mais il faut tout de même souligner le caractère inédit de cet effort. En prévoyant 200 millions d’euros de crédits, le Gouvernement, puis l’Assemblée nationale, qui a voté ces crédits, ainsi que bientôt, j’imagine, le Sénat, autorisent l’État et la sécurité sociale – la puissance publique au sens large – à intervenir dans le cadre de la prise en charge des rémunérations de salariés qui ne relèvent ni du champ des administrations de sécurité sociale ni de celui de l’État.

En effet, il s’agit de contribuer à la revalorisation des rémunérations de salariés du secteur associatif et, dans certains cas, du secteur privé, ce qui est une première : si l’on excepte la prime d’activité, qui avait un caractère général, l’État n’était jusqu’à présent jamais intervenu pour accompagner la rémunération de salariés qui ne relèvent pas de ses prérogatives ou de celles de la sécurité sociale.

Il faut faire valoir ce caractère inédit, y compris, d’ailleurs, pour lui poser des limites. En effet, pour revenir sur l’étanchéité, si cette dernière doit s’appliquer entre PLFSS et PLF, elle vaut aussi entre financement public et financement privé.

Concernant, toujours, l’autonomie – là encore, l’article 5 sera l’occasion pour Mme la ministre de revenir sur ces sujets –, vous avez évoqué l’enjeu du financement, qui est réel. Nous avons eu l’occasion de le dire, Mme Bourguignon et moi-même, les pistes évoquées dans le rapport Vachey sont intéressantes, mais extrêmement difficiles à mettre en œuvre, ce qui souligne la complexité de situation.

Entre des économies très difficiles à réaliser – certains essais ont été faits, certaines expérimentations menées, sans succès jusqu’à présent –, une augmentation des prélèvements obligatoires dont nous refusons le principe ou une affectation des recettes qui sont aujourd’hui affectées à d’autres secteurs, avec le risque de donner à cette affaire un tour quelque peu « shadockien », nous savons que nous avons un défi à relever. Il faut y répondre, afin de mettre en œuvre cette belle réforme qu’est la création du cinquième risque.

Je dirai un mot de la question des retraites, car nous avons entendu la majorité du Sénat. Je sais l’attachement de cette dernière à une réforme, et à une réforme que l’on qualifie parfois de « paramétrique », quand bien même elle serait précédée d’une conférence de financement, comme semble le souhaiter la majorité sénatoriale au vu des amendements dont j’ai pu prendre connaissance.

Le Gouvernement a fait le choix – il est assumé – de ne pas intégrer de mesures en matière de retraites dans le texte que nous vous présentons, considérant que l’urgence est à la reconstruction et à la réponse à la crise, ainsi qu’à la réactualisation des hypothèses de travail – d’où la mission confiée au Conseil d’orientation des retraites, le COR. Celui-ci a rendu un prérapport, mais il n’en est pas encore au stade du rapport définitif, pas plus que ne l’est le Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie (Hcaam), que nous avons également saisi.

Je souhaite aborder deux derniers points, en ayant bien conscience de ne pas être exhaustif.

Les suites des accords du Ségur, tout d’abord : beaucoup d’entre vous ont évoqué la médecine libérale, le secteur privé. Il y a, pour chacun des secteurs, une réponse dans le Ségur sous la forme d’accords à venir. Pour ce qui est du secteur privé – je le dis sous le contrôle de Mme la ministre –, il s’agit du cinquième pilier du Ségur ; il doit faire l’objet d’un accord, ainsi que d’une négociation plus sectorielle que celle qui a été menée jusqu’à présent. Nous souhaitons évidemment que ces négociations puissent aboutir, et nous souhaitons, aussi, que l’intégralité des salariés concernés, qu’ils soient sous statut public ou sous statut privé, puisse bénéficier des revalorisations prévues par le Ségur.

Permettez-moi de conclure sur un tout dernier point qui, au regard des discussions que nous avons, peut paraître beaucoup plus technique et sectoriel : la question du fonds d’indemnisation des victimes de produits phytosanitaires, qui a été évoquée au début de la discussion générale.

Olivier Véran et moi-même avons signé le décret qui doit être publié ; il est en attente du contreseing du Premier ministre, et sa publication au Journal officiel n’est qu’une question de jours, peut-être d’heures – cela, je ne sais le prévoir. Il a en tout cas été signé, comme je le disais, par le ministre de la santé et des solidarités comme par votre serviteur, chargé des comptes publics.

Voilà, madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, les éléments de réponse, certes partiels, que je souhaitais apporter au terme de cette discussion générale, en réservant un certain nombre de débats pour l’examen des articles.

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