Je vais commencer par la dernière question. Je vous le dis avec la plus grande détermination : je n'ai pas oublié quarante ans d'artisanat, commencés en 1975, en quatre mois et demi en tant que ministre. Je n'ai oublié ni les problématiques, ni les besoins de ces nombreux secteurs. Je note par ailleurs qu'ils ont rarement été pris en compte, quelles que soient les majorités au pouvoir, suscitant le sentiment qu'ils n'étaient pas suffisamment accompagnés. Le Président de la République m'a demandé d'occuper cette fonction car il estime que nous avons besoin d'une action spécifique à destination de ces entreprises. La situation sanitaire actuelle ne permet pas d'aller aussi vite que je le souhaiterais, mais le maximum est fait pour trouver des solutions adaptées.
Je peux d'ores et déjà vous indiquer que parallèlement au travail que nous réalisons et aux mesures que nous prenons pour traiter l'urgence, nous préparons un train de mesures, qui vous seront rapidement dévoilées, pour accompagner, transformer et améliorer la situation économique, fiscale et réglementaire de ces trois millions d'indépendants. Soyez donc assurée que quel que soit le temps pendant lequel j'occuperai cette fonction, je n'oublierai ni mon parcours ni mes anciens collègues.
J'insiste : le ministre de l'économie, des finances et de la relance et moi-même avons tenté au maximum de maintenir l'ensemble de l'activité ouverte. L'arbitrage rendu l'a été au regard du nombre très important de cas, et des risques de contamination avérés. Les problèmes majeurs à l'hôpital, ainsi que ceux à venir, ont amené le Président de la République à prendre des décisions que, naturellement, j'assume. C'est pour cette raison que nous avons prévu des mesures massives de soutien financier. Je reconnais que nous avons encore des efforts à fournir pour que ces mesures soient bien intégrées par les entrepreneurs auxquels elles sont destinées et qu'elles les rassurent.
Dans les prochains jours, je recevrai l'ensemble des représentants du commerce et des branches professionnelles pour étudier avec eux toutes les solutions qui permettent d'espérer ouvrir le plus rapidement possible. Je me ferai le porte-parole, auprès du Premier ministre et du Président de la République, des solutions qui ont été avancées, comme le développement de la numérisation et la possibilité de prises de commande.
Concernant la numérisation, 100 millions d'euros seront immédiatement disponibles pour accompagner les collectivités et EPCI qui mettent en place de tels outils. 20 millions d'euros sont prévus par la Banque des Territoires et je suis totalement disposé à voir si ce montant financier peut être augmenté. Une proposition m'avait été faite pour accompagner 10 000 entreprises. J'ai indiqué il y a plusieurs semaines que ce chiffre me paraissait totalement déconnecté des besoins ; j'ai fixé en conséquence un objectif d'un million d'entreprise digitalisées et numérisées avant la fin de l'année. Mon cabinet et moi-même oeuvrons chaque jour pour optimiser la prise de contact avec les entreprises, indépendamment de leur taille ou de leur territoire, afin de les accompagner dans la numérisation.
Je précise, monsieur le sénateur Laurent, que le commerce numérique n'a pas pour objet de remplacer le commerce physique. J'habite une commune de 800 habitants : je sais donc très bien, pour avoir sillonné le territoire et notamment ses zones les plus rurales, combien le moindre commerce y est essentiel. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a créé le dispositif Action coeur de ville à destination de 222 villes ; c'est la raison pour laquelle, également, le Premier ministre a souhaité relancer le programme « Petite ville de demain ». Autant de programmes que nous mettons en place pour éviter l'effondrement de notre économie. Pour l'instant, un tel effondrement n'a pas eu lieu. Notre objectif est bien de soutenir, au maximum, l'économie française, ce qui ne supprime certes pas toutes les difficultés. À partir du 11 mai, la reprise de l'activité économique avait été assez forte précisément car les entreprises avaient été soutenues et avaient pu y participer.
La question des protocoles sanitaires sera bien entendu abordée lors des échanges avec les représentants du commerce, notamment celle concernant leur nombre, le type de mesures à y faire figurer, le traitement à réserver aux commandes et réservations, etc. Aucun sujet n'est écarté par principe. Nous devons impérativement parvenir à une économie « qui tourne », quelle que soit la durée du virus.
Madame Renaud-Garabedian, je vous rappelle l'existence de deux listes d'entreprises : S1 et S1 bis. Les entreprises de moins de 50 salariés, non-fermées mais enregistrant une baisse d'au moins 50 % de leur chiffre d'affaires, bénéficieront au même titre que les autres de la compensation pouvant atteindre 10 000 euros, des exonérations de cotisations sociales, et du dispositif d'activité partielle à 100 %. Toute entreprises de cette liste S1, élargie par ailleurs la semaine dernière aux activités culturelles, à l'évènementiel et au sport, fermées administrativement ou non, seront ainsi couvertes de la même façon. Si vous avez connaissance, dans vos territoires, d'activités ne figurant pas dans ces listes, je suis à votre entière disposition pour étudier leur intégration. Les guides-interprètes que vous mentionnez, par exemple, y ont été ajoutés la semaine dernière, suite à mon intervention. L'objectif est de ne laisser tomber aucune entreprise, quelle que soit sa taille, quel que soit le territoire concerné. C'est absolument indispensable.
En ce qui concerne les moyens financiers, il est évident que nous ne sommes pas en situation de dépenser quinze milliards d'euros par mois pendant six, huit ou douze mois. J'ai bien conscience que la situation financière de notre pays, dégradée depuis longtemps, fera l'objet d'interrogations. Depuis 1975, nous enregistrons chaque année des déficits, ce dernier étant aujourd'hui important. Nous allons très prochainement mettre en place une commission chargée de tracer les perspectives budgétaires à plus long terme ; elle permettra d'étudier la façon de gérer les difficultés liées au niveau d'endettement et de trouver des solutions adaptées qui ne soient pas des hausses d'impôts, et ce, jusqu'à la fin du quinquennat. C'est l'engagement qui a été pris par le Président de la République, le Premier ministre et le ministre de l'économie, des finances et de la relance. Pour l'instant, nous misons sur la croissance économique. Naturellement, j'ai bien conscience que celle-ci ne redémarrera qu'à partir du moment où les temps seront plus tranquilles.
Comme indiqué dans mon propos introductif : les petits commerçants ne sont pas fautifs de la situation. À ma connaissance, ce n'est pas dans ces petits magasins que le risque est le plus élevé. J'ai déjà indiqué pourquoi les impératifs sanitaires nous imposaient de réduire le nombre de lieux ouverts. Dans ce domaine, je ne peux que me plier à des décisions prises sans que, pour ma part, je ne dispose d'éléments sanitaires à faire valoir.
En ce qui concerne la taxe GAFA, je tiens à rappeler que la France est le pays en Europe le plus avancé sur ce sujet. Il n'y a pas encore d'unanimité européenne en la matière. Nous relancerons le combat très rapidement afin d'instaurer une juste fiscalisation de toutes ces activités du numérique qui échappent, pour une très grande partie, à la fois à la fiscalité et aux cotisations sociales. Je trouve cela totalement inacceptable. Nous devons trouver les moyens pour que l'équité de traitement fiscale et sociale, quelle que soit l'activité de vente ou de prestation de service, soit appliquée.
Les consommateurs se plaignant de la fermeture de tel ou tel commerce sont les premiers à utiliser ces outils. Trouver les moyens de cette plus grande équité n'est pas facile. Notre structure réglementaire fiscale n'est pas adaptée à l'évolution technologique. Les débats parlementaires peuvent utilement contribuer à trouver les meilleures solutions pour réussir à mettre cela en place.
Monsieur Babary, nous allons indiquer dans les prochains jours la façon dont les 100 millions d'euros seront utilisés pour accompagner les entreprises dans les opérations de numérisation-digitalisation ; soit en chèque numérique, soit en crédit d'impôt. Les derniers arbitrages ne sont pas encore faits mais ils vont venir très rapidement.