Monsieur le ministre, mes chers collègues, nous nous réunissons aujourd'hui dans un contexte particulier, qui fait suite aux très nombreuses alertes, c'est peu de le dire, que nous avons reçu du terrain ces derniers jours à propos de la situation du commerce de proximité. Je remercie le Président Larcher qui m'a autorisée à tenir cette audition 100 % en visio. Ce n'est ni l'usage ni la règle au Sénat mais au regard de la situation, nous faisons oeuvre de souplesse...
Ce confinement a entraîné, à nouveau, la fermeture administrative de tous les commerces vendant des produits dits « non essentiels », pour des raisons sanitaires que nous comprenons, liées aux risques de « brassage de population » et de diffusion du virus.
Nous partageons, cela va sans dire, l'objectif de freiner et d'éradiquer cette épidémie épouvantable. Le confinement doit sauver des vies et lutter contre l'engorgement prolongé des hôpitaux, tout en évitant à notre économie et à l'emploi de payer un tribut encore plus élevé, alors que nous découvrons à peine les conséquences économiques et budgétaires colossales du premier confinement.
Pour autant, force est de constater que les modalités de mise en oeuvre de ce reconfinement suscitent une forte incompréhension, voire de la colère parmi les acteurs économiques et les élus locaux.
Une colère qui pourrait déboucher sur une contestation d'ensemble du décret relatif au confinement, aussi bien de la part des commerçants que de certains élus, voire des Français. Le tout dans un contexte où, en Europe, les manifestations violentes contre les restrictions se multiplient.
Or, la lutte contre cette pandémie suppose le soutien plein et entier de l'ensemble des Français. Elle suppose donc des actions concertées, anticipées, accompagnées et partagées.
Alors qu'ils n'y étaient pas préparés, les commerçants ont accepté les fermetures impliquées par le confinement de printemps ; cette première vague a déjà couté cher en fermeture définitive de rideaux. Deux milles fleuristes, par exemple, ont d'ores et déjà fermé et deux milles autres s'apprêtent à le faire. Parallèlement, les grandes surfaces et les acteurs d'internet pouvaient continuer leurs ventes.
Alors même qu'une partie de ces commerçants avait réussi à passer ce cap, qu'ils avaient investi dans la sécurisation de leur magasin, qu'ils avaient anticipé une fin d'année qu'ils espéraient compensatrice et donc commandé de la marchandise, alors même qu'ils viennent de recevoir cette dernière, que leurs stocks sont pleins... Vous avez décidé de fermer leurs portes.
En outre, l'approche de cette période stratégique de huit semaines avant les fêtes les inquiète fortement. Ils craignent de ne pas pouvoir surmonter l'épreuve que représenterait des non-ventes en fin d'année et ceci malgré les aides que vous vous apprêtez à apporter. Ils rappellent notamment que les possibilités de vente en ligne ou de click & collect ne représentent qu'une très faible compensation en termes de chiffre d'affaires.
Le Premier ministre a donc annoncé hier soir deux mesures :
- la première est la fermeture dans les grandes surfaces, après les rayons « livres », de tous les rayons non essentiels, au nom de l'équité concurrentielle. Ce choix interroge puisqu'il prive de débouchés certains producteurs, les auteurs et éditeurs, les fournisseurs de jouets, de textile, les producteurs de fleurs, de sapins... tout en n'augmentant en rien le chiffre d'affaires des petits commerces. Ce n'est donc évidemment pas une solution optimale, bien au contraire ; j'ajoute que mobiliser des forces de l'ordre pour aller vérifier la bonne application des consignes dans les hypermarchés ne semble pas devoir être la priorité ;
- la seconde mesure est une clause de revoyure et la possibilité de rouvrir certains commerces dans deux semaines, si la situation le permet et sous conditions.
Il nous paraît essentiel, et surtout urgent, Monsieur le Ministre, d'entendre les demandes des commerçants, d'entendre cette contestation et de tenter de l'apaiser, notamment en faisant preuve de souplesse quand la situation le permet.
Il nous semble également qu'il faille dépasser l'opposition frontale, trop souvent mise en avant, entre grandes surfaces, sites marchands et commerces de proximité. Les acteurs économiques, fournisseurs français et autres, grandes entreprises, PME et TPE, ont besoin de tous ces circuits de distribution.
Bien entendu, tous les acteurs ont intérêt à stopper cette pandémie, tous sont mobilisés contre le développement du virus qui contamine plus de 46 000 personnes par jour et qui va vraisemblablement, dans les prochaines semaines, saturer notre système de soin dans de nombreuses régions. Aussi sont-ils prêts à beaucoup d'adaptations pour passer ce cap.
Nous avons donc souhaité échanger avec vous très rapidement, Monsieur le ministre, et je vous remercie d'avoir répondu favorablement à notre demande dans des délais si courts. L'objectif de cette audition est d'expliciter la réponse du Gouvernement à ces contestations et de préciser les nouvelles mesures de soutien que vous comptez mettre en oeuvre pour soutenir les PME.
À titre personnel, je souhaiterais partager un avis, puis vous poser deux questions.
Un avis d'abord : après les deux mesures annoncées, je vois aujourd'hui trois risques de concentration. Premièrement, une concentration des risques dans l'espace : en effet, avec seulement quelques magasins ouverts, les courses de Noël vont physiquement avoir lieu dans un nombre restreint de magasins. Cette concentration des acheteurs est-elle vraiment préférable à leur répartition sur un nombre important de points de vente ?
Deuxièmement, la concentration des risques dans le temps : dans cette période stratégique des fêtes de fin d'année, les courses de Noël se feront donc au mieux sur quatre semaines au lieu de huit, favorisant ainsi la densification des flux de clients.
Troisièmement, la multiplication et la concentration des tâches dans les entrepôts de logistique et de transport des acteurs du e-commerce. Ces derniers vont être en effet pris d'assaut, au-delà de leurs espérances, les Français n'ayant plus que ce canal de distribution disponible. Je me questionne donc sur l'efficacité réelle du dispositif pour lequel vous avez opté.
Je souhaiterais vous poser deux questions : premièrement, les commerçants ont-ils été suffisamment associés aux décisions prises pour ce reconfinement ? Au regard du risque avéré de seconde vague, aviez-vous construit avec eux au coeur de l'été un plan de prévention du risque de contamination pour envisager ces fermetures, leurs modalités et leurs alternatives ? Ma deuxième question concerne le fait que le Gouvernement ait rejeté la possibilité ouverte par le Sénat que le préfet, en fonction des circonstances sanitaires locales, puisse décider de la réouverture de certains commerces sous réserve de précautions sanitaires renforcées : cela signifie-t-il que le Gouvernement n'envisage aucune adaptation locale des règles en vigueur, même si la situation sanitaire ici ou là permettrait d'apporter de l'air aux commerçants ?
Je vous laisse maintenant la parole pour un propos liminaire, puis mes collègues sénateurs vous poseront leurs questions, en commençant par M. Babary, qui est rapporteur des crédits liés au commerce et à l'artisanat dans la mission « Économie » du budget 2021, et président de la Délégation aux entreprises.
ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des petites et moyennes entreprises. - Je souhaite tout d'abord vous remercier pour l'initiative de cette audition. Il est normal que le Gouvernement soit à votre disposition dans cette situation difficile pour tous, et en premier lieu pour les commerçants.
Nous avons tenté le maximum en matière de prévention et d'information des commerçants, afin d'essayer de maintenir ces entreprises ouvertes. La situation sanitaire est venue compromettre nos plans, avec une force terrible. L'arbitrage a donc été rendu au regard du nombre élevé de contaminations, du risque élevé d'affluence massive dans les hôpitaux, et d'engorgement des services d'urgence. Le Président de la République a donc pris la décision d'édicter des mesures de restriction qu'il a qualifiées lui-même de brutales, dans le but de ralentir la propagation du virus et de permettre aux professionnels, nous l'espérons, de travailler dans les meilleures conditions possibles fin décembre en vue des achats de Noël. Ces mesures sont en vigueur au minimum jusqu'au 1er décembre et une clause de revoyure a été fixée.
Depuis mon entrée au Gouvernement le 6 juillet, je n'ai cessé de rencontrer les très nombreux responsables du secteur commercial et de multiplier les échanges afin de suivre l'impact de la crise sanitaire. Nous avons pris des mesures d'accompagnement des entreprises dont l'ampleur est inégalée en Europe. Bien sûr, tout ne va pas bien pour les entreprises. À l'heure actuelle, toutefois, nous ne constatons pas de hausse du nombre de défaillances d'entreprises par rapport à la même période les années précédentes.
Il est évident que la fermeture d'une entreprise est toujours un crève-coeur pour un artisan ou un commerçant, indépendamment du niveau du soutien financier dont il peut bénéficier. Mais il ne s'agit, en aucun cas, d'une punition qui leur serait infligée : ils n'ont pas fauté. Au contraire, beaucoup d'entre eux ont travaillé pour adapter les gestes barrières, mettre en oeuvre des procédures sanitaires complexes, mettre en place des protocoles définis par les organisations professionnelles. Les entrepreneurs ont fait beaucoup d'efforts, lors du premier confinement, pour contribuer à limiter la propagation du virus.
J'ai proposé au ministre de l'économie, des finances et de la relance ainsi qu'au Premier ministre des mesures nouvelles d'accompagnement, fortement amplifiées, dont nous estimons le coût à 15 milliards d'euros pour le mois de novembre. Nous avons par exemple simplifié l'accès au Fonds de solidarité et augmenté l'aide financière de compensation des pertes d'activité de 1 500 à 10 000 euros. Nous avons fait tout cela en concertation avec les acteurs concernés.
J'entends les critiques et les revendications. J'ai d'ailleurs repris dès aujourd'hui contact avec les organisations professionnelles. Nous n'avons aucune garantie que le virus ne persiste pas pendant plusieurs mois. Et nous ne pourrons pas dépenser mensuellement 15 milliards d'euros pendant de nombreux mois. Des rencontres sont prévues avec l'ensemble des branches professionnelles concernées pour renforcer encore la sécurité sanitaire des entreprises, en vue de la reprise d'activité. Nous faisons tout cela avec l'espoir que la clause de revoyure, prévue pour être activée quinze jours après la date des annonces, permette le redémarrage de l'activité.
Le Premier ministre a annoncé hier la fermeture, dans la grande distribution, de certains éléments de vente, afin de rétablir une équité concurrentielle. J'entends que la mesure ne serait pas satisfaisante : réduire l'activité de chacun n'est en effet pas un objectif en soi. Mais il s'agit d'une décision indispensable, et un décret paraîtra très prochainement pour préciser les types de produits qui pourront continuer à être vendus par ces enseignes.
Les petits commerçants ont été blessés par les termes de « produits non essentiels ». Il serait moins blessant de parler de produits de première nécessité. Parallèlement, un effort d'explication des dispositifs d'aide qui sont à leur disposition est nécessaire, afin de les rendre plus faciles d'accès, plus lisibles. En outre, un fonds de 100 millions d'euros a été prévu pour accompagner les collectivités territoriales et les entreprises dans la numérisation des PME. Enfin, il a été décidé que le chiffre d'affaires réalisé en « commande-retrait » ne sera pas pris en compte dans le calcul de l'aide financière du Fonds de solidarité, afin d'inciter les commerçants à utiliser ce dispositif.
Je suis bien entendu preneur des propositions émanant des territoires, et j'ai bien noté celle du Sénat concernant la possibilité de confier aux préfets le droit d'ouvrir certains commerces lorsque la situation sanitaire le permet. Au regard de la gravité de la crise toutefois, le Gouvernement privilégie une mesure qui s'applique sur tout le territoire, avec certes le risque que certains élus locaux ouvrent certains commerces... Le sujet n'est pas la plus ou moins grande contamination qui aurait lieu chez les commerçants, mais le fait que le nombre de lieux ouverts augmente les flux de population.
Je vous remercie pour ce propos introductif, qui ne manquera pas de faire réagir mes collègues.
Cet échange a une très grande importance pour nous. Je souhaite vous poser deux questions. Outre l'élargissement du Fonds de solidarité et la reconduction des diverses exonérations fiscales et sociales, quelles sont les nouvelles mesures de soutien aux commerçants que vous envisagez de prendre pour ce deuxième confinement ? En particulier, pourriez-vous détailler le dispositif de crédit d'impôt à destination des bailleurs qui doit les inciter à renoncer à percevoir les loyers ?
Par ailleurs, la vente en ligne et le click & collect peuvent être de précieux relais de croissance pour les commerçants, ce qui implique de changer l'échelle et l'ampleur de la politique de numérisation des PME, pour la rendre réellement efficace. Vous annoncez 100 millions d'euros, dans le cadre du plan de relance. Pouvez-vous détailler leur usage, et notamment présenter leur utilisation sous forme de crédit d'impôt ? Vous prévoyez en particulier 16 millions d'euros de plus pour l'initiative France Num, en espérant réaliser ainsi environ 10 000 diagnostics de numérisation auprès des petits entrepreneurs. Les besoins actuels ne justifieraient-ils pas que cet objectif de 10 000 soit fortement augmenté ? Enfin, comptez-vous supprimer la commission que perçoit La Poste pour les ventes réalisées sur la plateforme Ma ville, mon shopping, ainsi que celle acquittée par les collectivités ?
Depuis l'annonce du confinement, je ne compte plus les messages de désespoir que je reçois de la part de commerçants qui disent ne pas pouvoir s'en relever. Il s'agit avant tout d'une question d'équité de traitement, alors qu'ils ont déjà été fragilisés par le premier confinement. Celui-ci va conduire inéluctablement à des fermetures définitives, avec toutes les conséquences psychosociales que cela emporte. Le Sénat a fait plusieurs propositions, par exemple concernant l'opportunité d'ouvrir sur rendez-vous : quelle est votre position sur ce point ? Nous savons où peuvent mener les sentiments d'injustice, sans compter les fractures sous-jacentes de notre société...
Vous parliez des flux de population : il y en a déjà un représenté par celles et ceux qui vont travailler ! Vous ne semblez pas prendre conscience des petits commerces qui luttent dans nos campagnes... Avec leur disparition, nous n'aurons plus que des grandes surfaces et les acteurs du commerce en ligne - non-taxés, qui plus est.
Je remercie le ministre pour sa réactivité dans ce contexte particulier. Depuis ce week-end, nous sommes assaillis de réactions de commerçants de proximité qui vivent ce confinement comme une véritable injustice, par rapport notamment au maintien ouvert de certains commerces et au risque de report vers le commerce en ligne. Le Premier ministre a annoncé la fermeture des rayons non essentiels, mais cela accentuera inévitablement ce report. Quelles alternatives souhaitez-vous mettre en place pour rendre à ces commerces l'accès au marché ? Que pensez-vous de l'opportunité de prévoir des plages horaires élargies ? D'individualiser l'accès sur rendez-vous ? Je tiens à rappeler qu'il n'est pas particulièrement dangereux d'aller chez un commerçant, qui a déployé beaucoup d'efforts pour sécuriser l'accès à son magasin.
Comme l'ont souligné plusieurs collègues, les commerçants ont très peur que le deuxième confinement ne marque la fin de leur affaire, d'autant que des informations font état d'une durée du confinement qui serait comprise entre huit et douze semaines. Je souhaiterais vous interroger sur les commerçants qui ne sont pas interdits officiellement d'ouvrir, mais dont l'activité est tout de même paralysée et qui risquent, de ce fait, de disparaître également. C'est le cas par exemple des hôteliers, qui ne sont pas concernés par la fermeture et qui sont par conséquent exclus des dispositifs d'indemnisation des assurances. Un tiers des guides et conférenciers va faire faillite en raison de cette situation. Ces faillites ne sont pas encore visibles dans les statistiques actuelles, mais auront lieu dans les semaines à venir. Au-delà de l'activité partielle et des prêts garantis par l'État, que proposez-vous à ceux qui n'ont pas la trésorerie pour survivre encore longtemps ? Comme l'a indiqué mon collègue Serge Babary, quid des mesures de réduction des loyers, pour lesquelles tant d'annonces ont été faites, sans aucun acte pour le moment ?
Il est bien difficile d'appréhender l'entêtement du Gouvernement. Nous sommes aussi attachés à la situation sanitaire que vous ; les commerçants ont donc pris dans cet objectif des mesures rigoureuses et ont consenti des efforts importants afin d'assurer la sécurité sanitaire. Il semble que les contaminations par le virus aient lieu surtout dans le milieu professionnel : pouvez-vous nous donner les chiffres des contaminations réalisées dans les commerces ? Je souhaiterais vous faire part d'une expérience personnelle, qui a trait au triptyque « tester, alerter, protéger », supposé idéal. Un proche a été testé positif à la covid-19 le vendredi 23 octobre ; il a donc prévenu ceux qu'il a approchés. Les premiers appels de l'assurance-maladie ont eu lieu le dimanche et le lundi, et les personnes sont allées se faire tester dans la foulée. Tous n'ont toujours pas encore eu les résultats, au 2 novembre. Cela illustre le fait que ce sont les commerçants qui, in fine, payent le prix fort du mauvais fonctionnement de cette procédure.
Il semblerait que le ministre de l'économie, des finances et de la relance, se soit prononcé en faveur des ouvertures sur rendez-vous, mais que cette piste a finalement été rejetée. Par ailleurs, si les grandes surfaces ne pourront plus vendre les produits non essentiels, qu'en sera-t-il du commerce en ligne ? C'est une hypocrisie que de vouloir nous faire croire que les acteurs de ce secteur seront taxés un jour. Monsieur le Ministre, la gronde est forte, alors soyez le porte-parole des petites entreprises, du terrain. Vous étiez l'un d'entre eux, vous ne pouvez pas l'avoir oublié.
Je vais commencer par la dernière question. Je vous le dis avec la plus grande détermination : je n'ai pas oublié quarante ans d'artisanat, commencés en 1975, en quatre mois et demi en tant que ministre. Je n'ai oublié ni les problématiques, ni les besoins de ces nombreux secteurs. Je note par ailleurs qu'ils ont rarement été pris en compte, quelles que soient les majorités au pouvoir, suscitant le sentiment qu'ils n'étaient pas suffisamment accompagnés. Le Président de la République m'a demandé d'occuper cette fonction car il estime que nous avons besoin d'une action spécifique à destination de ces entreprises. La situation sanitaire actuelle ne permet pas d'aller aussi vite que je le souhaiterais, mais le maximum est fait pour trouver des solutions adaptées.
Je peux d'ores et déjà vous indiquer que parallèlement au travail que nous réalisons et aux mesures que nous prenons pour traiter l'urgence, nous préparons un train de mesures, qui vous seront rapidement dévoilées, pour accompagner, transformer et améliorer la situation économique, fiscale et réglementaire de ces trois millions d'indépendants. Soyez donc assurée que quel que soit le temps pendant lequel j'occuperai cette fonction, je n'oublierai ni mon parcours ni mes anciens collègues.
J'insiste : le ministre de l'économie, des finances et de la relance et moi-même avons tenté au maximum de maintenir l'ensemble de l'activité ouverte. L'arbitrage rendu l'a été au regard du nombre très important de cas, et des risques de contamination avérés. Les problèmes majeurs à l'hôpital, ainsi que ceux à venir, ont amené le Président de la République à prendre des décisions que, naturellement, j'assume. C'est pour cette raison que nous avons prévu des mesures massives de soutien financier. Je reconnais que nous avons encore des efforts à fournir pour que ces mesures soient bien intégrées par les entrepreneurs auxquels elles sont destinées et qu'elles les rassurent.
Dans les prochains jours, je recevrai l'ensemble des représentants du commerce et des branches professionnelles pour étudier avec eux toutes les solutions qui permettent d'espérer ouvrir le plus rapidement possible. Je me ferai le porte-parole, auprès du Premier ministre et du Président de la République, des solutions qui ont été avancées, comme le développement de la numérisation et la possibilité de prises de commande.
Concernant la numérisation, 100 millions d'euros seront immédiatement disponibles pour accompagner les collectivités et EPCI qui mettent en place de tels outils. 20 millions d'euros sont prévus par la Banque des Territoires et je suis totalement disposé à voir si ce montant financier peut être augmenté. Une proposition m'avait été faite pour accompagner 10 000 entreprises. J'ai indiqué il y a plusieurs semaines que ce chiffre me paraissait totalement déconnecté des besoins ; j'ai fixé en conséquence un objectif d'un million d'entreprise digitalisées et numérisées avant la fin de l'année. Mon cabinet et moi-même oeuvrons chaque jour pour optimiser la prise de contact avec les entreprises, indépendamment de leur taille ou de leur territoire, afin de les accompagner dans la numérisation.
Je précise, monsieur le sénateur Laurent, que le commerce numérique n'a pas pour objet de remplacer le commerce physique. J'habite une commune de 800 habitants : je sais donc très bien, pour avoir sillonné le territoire et notamment ses zones les plus rurales, combien le moindre commerce y est essentiel. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a créé le dispositif Action coeur de ville à destination de 222 villes ; c'est la raison pour laquelle, également, le Premier ministre a souhaité relancer le programme « Petite ville de demain ». Autant de programmes que nous mettons en place pour éviter l'effondrement de notre économie. Pour l'instant, un tel effondrement n'a pas eu lieu. Notre objectif est bien de soutenir, au maximum, l'économie française, ce qui ne supprime certes pas toutes les difficultés. À partir du 11 mai, la reprise de l'activité économique avait été assez forte précisément car les entreprises avaient été soutenues et avaient pu y participer.
La question des protocoles sanitaires sera bien entendu abordée lors des échanges avec les représentants du commerce, notamment celle concernant leur nombre, le type de mesures à y faire figurer, le traitement à réserver aux commandes et réservations, etc. Aucun sujet n'est écarté par principe. Nous devons impérativement parvenir à une économie « qui tourne », quelle que soit la durée du virus.
Madame Renaud-Garabedian, je vous rappelle l'existence de deux listes d'entreprises : S1 et S1 bis. Les entreprises de moins de 50 salariés, non-fermées mais enregistrant une baisse d'au moins 50 % de leur chiffre d'affaires, bénéficieront au même titre que les autres de la compensation pouvant atteindre 10 000 euros, des exonérations de cotisations sociales, et du dispositif d'activité partielle à 100 %. Toute entreprises de cette liste S1, élargie par ailleurs la semaine dernière aux activités culturelles, à l'évènementiel et au sport, fermées administrativement ou non, seront ainsi couvertes de la même façon. Si vous avez connaissance, dans vos territoires, d'activités ne figurant pas dans ces listes, je suis à votre entière disposition pour étudier leur intégration. Les guides-interprètes que vous mentionnez, par exemple, y ont été ajoutés la semaine dernière, suite à mon intervention. L'objectif est de ne laisser tomber aucune entreprise, quelle que soit sa taille, quel que soit le territoire concerné. C'est absolument indispensable.
En ce qui concerne les moyens financiers, il est évident que nous ne sommes pas en situation de dépenser quinze milliards d'euros par mois pendant six, huit ou douze mois. J'ai bien conscience que la situation financière de notre pays, dégradée depuis longtemps, fera l'objet d'interrogations. Depuis 1975, nous enregistrons chaque année des déficits, ce dernier étant aujourd'hui important. Nous allons très prochainement mettre en place une commission chargée de tracer les perspectives budgétaires à plus long terme ; elle permettra d'étudier la façon de gérer les difficultés liées au niveau d'endettement et de trouver des solutions adaptées qui ne soient pas des hausses d'impôts, et ce, jusqu'à la fin du quinquennat. C'est l'engagement qui a été pris par le Président de la République, le Premier ministre et le ministre de l'économie, des finances et de la relance. Pour l'instant, nous misons sur la croissance économique. Naturellement, j'ai bien conscience que celle-ci ne redémarrera qu'à partir du moment où les temps seront plus tranquilles.
Comme indiqué dans mon propos introductif : les petits commerçants ne sont pas fautifs de la situation. À ma connaissance, ce n'est pas dans ces petits magasins que le risque est le plus élevé. J'ai déjà indiqué pourquoi les impératifs sanitaires nous imposaient de réduire le nombre de lieux ouverts. Dans ce domaine, je ne peux que me plier à des décisions prises sans que, pour ma part, je ne dispose d'éléments sanitaires à faire valoir.
En ce qui concerne la taxe GAFA, je tiens à rappeler que la France est le pays en Europe le plus avancé sur ce sujet. Il n'y a pas encore d'unanimité européenne en la matière. Nous relancerons le combat très rapidement afin d'instaurer une juste fiscalisation de toutes ces activités du numérique qui échappent, pour une très grande partie, à la fois à la fiscalité et aux cotisations sociales. Je trouve cela totalement inacceptable. Nous devons trouver les moyens pour que l'équité de traitement fiscale et sociale, quelle que soit l'activité de vente ou de prestation de service, soit appliquée.
Les consommateurs se plaignant de la fermeture de tel ou tel commerce sont les premiers à utiliser ces outils. Trouver les moyens de cette plus grande équité n'est pas facile. Notre structure réglementaire fiscale n'est pas adaptée à l'évolution technologique. Les débats parlementaires peuvent utilement contribuer à trouver les meilleures solutions pour réussir à mettre cela en place.
Monsieur Babary, nous allons indiquer dans les prochains jours la façon dont les 100 millions d'euros seront utilisés pour accompagner les entreprises dans les opérations de numérisation-digitalisation ; soit en chèque numérique, soit en crédit d'impôt. Les derniers arbitrages ne sont pas encore faits mais ils vont venir très rapidement.
Merci Monsieur le Ministre pour ces premières réponses. J'engage les nombreux collègues qui ont demandé la parole à ne pas dupliquer les questions auxquelles monsieur le Ministre a déjà répondu.
Je remercie mes collègues pour leurs interventions : je suis restaurateur, et nous nous reconnaissons tous dans les questions posées. En mars, nous avons appris à 20 heures, par la télévision, que nous devions cesser le service à 22 heures, pour fermer à minuit. Les traiteurs, propriétaires d'un stock important, en ont également souffert. Lors du déconfinement, nous ne disposions d'aucun protocole ; nous avons donc rencontré des difficultés avec les forces de l'ordre, complexifiant la reprise. Avez-vous prévu des protocoles sanitaires pour les commerçants, qui tiennent compte des spécificités propres à chaque profession ? Dans la restauration, il est nécessaire d'avoir de la visibilité pour la gestion des stocks, du personnel.
Ma deuxième question concerne la date de réouverture de ces entreprises. Au-delà de la perte sèche d'activité, la valeur vénale des entreprises diminue. Peu de choses sont dites à ce sujet, alors qu'il impacte fortement certaines personnes pour qui il s'agit du capital retraite. L'attractivité future de ces commerces interroge, et nous avons besoin de données précises. Je sais que ce sujet vous tient à coeur, Monsieur le Ministre, et que vous connaissez le métier.
Je souhaiterais aborder le sujet de la filière horticole, très durement touchée. Il s'agit d'une filière saisonnière, puisque les plantations ont généralement lieu au printemps et à l'automne, qui a perdu 70 % de son chiffre d'affaires lors du premier confinement. Ce deuxième confinement est donc mis en oeuvre à un mauvais moment. À la détresse s'ajoute la colère face à la distorsion de concurrence que représente l'ouverture des jardineries en raison du fait qu'elles vendent de la nourriture pour animaux.
Je constate par ailleurs que les grandes surfaces sont démunies face au commerce en ligne. Il est regrettable qu'elles n'aient pas fait preuve de compassion vis-à-vis des petits commerces par le passé. Nous voyons donc que c'est à l'État d'intervenir pour réguler la concurrence ; nous ne pouvons nous reposer sur les acteurs eux-mêmes.
Un grand nombre d'enseignes de la grande distribution ont toutefois mis à disposition des systèmes pour accueillir les produits des petits commerçants, que cela soit de façon numérique ou dans le commerce physique.
Vous avez indiqué de ne pas vous être fondé sur des éléments scientifiques et médicaux pour prendre cette décision de fermeture. Or je constate que de tels éléments ont permis de décider le maintien ouvert des grandes et moyennes surfaces. Quelle différence, sur un plan sanitaire, peut-on faire entre une grande surface, dont on contrôle la jauge selon la superficie, et un petit commerce de petite superficie, qui filtrait jusqu'ici ses clients et respectait les gestes barrières ? Considérez-vous que la grande distribution fasse mieux respecter les règles sanitaires que les petits commerces ? Je ne le pense pas.
Je souhaiterais également vous interroger sur les conséquences pour le secteur touristique, et le thermalisme en particulier. L'activité thermale avait été autorisée à prolonger son activité, en accord avec la caisse nationale d'assurance maladie, jusque fin novembre. Le confinement rend tout ceci caduc. L'activité thermale va donc être complétement stoppée, subissant des pertes de chiffre d'affaires considérables, d'environ 60 %. 110 stations thermales en France sont concernées.
J'apprécie votre implication et votre engagement auprès des commerçants et artisans. Je vous connais bien et sais votre maîtrise du sujet. Comme vous le savez, les compensations financières sont des mesures de court terme, et vous avez indiqué que l'État ne pourra pas apporter un soutien dans de telles conditions pendant plusieurs mois. Les commerçants préfèrent de loin exercer leur métier, même s'ils doivent respecter des conditions sanitaires très strictes. Il ne s'agit pas d'opposer les différentes formes de commerce, mais d'éviter de privilégier les véritables gagnantes que sont les plateformes internationales de commerce en ligne qui s'extraient des règles en vigueur. Même si la France figure parmi les pays qui leur appliquent la fiscalité la plus élevée, cela reste incomparable par rapport à celle imposée à un indépendant. Les commerçants le ressentent et ne le comprennent pas. Ils accusent le Gouvernement de considérer la vente avec un traitement différencié, selon votre richesse ou votre puissance. Je me positionne, modestement, sur la défense des plus faibles.
Face à ces mastodontes du commerce en ligne, pourquoi ne pas permettre aux commerçants qui sont autorisés à ouvrir de faire office de points relais pour les commandes faites aux commerçants fermés ? Ce serait une mesure alternative pour les petits commerçants, qui faciliterait le click & collect pour ceux qui en ont les moyens numériques, et qui leur permettrait de s'organiser entre eux dans un secteur ou un quartier et de définir un point relai, par exemple en boulangerie. Cela serait-il possible, sans passer par une plateforme qui leur facturerait des frais ?
Les commerces de proximité, accompagnés des élus, se battent pour ne pas fermer leurs établissements. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance avait par ailleurs plaidé pour une liste élargie des commerces dits « essentiels » puis il a annoncé « de nouvelles mesures permettant le retour à l'équité contre les différents types de commerce avant d'envisager un retour à une ouverture plus large ». Il me semble que le communiqué de presse de l'association des maires de France, qui demandait la révision de la définition des commerces dits « essentiels » mais également l'application de l'amendement voté au Sénat prévoyant la réouverture locale de certains établissements si les conditions de sécurité sanitaires le permettent, propose des mesures qui préservent la santé de tous, en lien avec les autorités locales. Il nous semblait que ces mesures répondaient à ce qu'attendait le ministre de l'économie, mais cela n'a pas été le cas. Pouvez-vous nous expliquer le décalage entre les annonces du ministre de l'économie et celles faites par le Premier ministre ? Quel horizon pour ces commerces de proximité ?
J'indique tout d'abord à M. Michel Bonnus que j'ai beaucoup travaillé sur le secteur de la restauration en multipliant les réunions. Effectivement, la première décision de fermeture prise en mars 2020 a été très brutale - je l'ai vécue - et c'est pourquoi, par la suite, à Marseille, la fermeture a été appliquée non pas immédiatement un jeudi mais avec un décalage jusqu'au dimanche pour permettre aux restaurateurs d'écouler leurs stocks prévus pour le week-end. Des dispositifs spécifiques ont été mis en place pour ce secteur dont nous prenons en compte les contraintes avec beaucoup d'attention et de respect. Je suis en contact permanent avec les restaurateurs et, par souci de totale transparence, je vous indique également les sujets pour lesquels ils considèrent n'avoir pas obtenu totale satisfaction. Tout d'abord, sur les loyers une mission a travaillé en mai-juin dernier pour tenter de trouver des solutions par la médiation. Force est de constater que la proportion de dossiers ainsi résolus n'a pas été suffisante. Dès mon arrivée, j'ai pris en main la question des loyers en recevant à trois reprises les bailleurs et en organisant une concertation avec les locataires. En réalité, la complexité du sujet tient à la variété des bailleurs : les grandes foncières, les bailleurs publics qui ont fait des concessions, et les loueurs privés ne relèvent pas de la même logique. Faire cadeau des loyers aux entrepreneurs en sacrifiant les bailleurs privés qui utilisent les loyers pour subvenir à leurs besoins quotidiens n'était pas acceptable. Lors de la dernière réunion tenue la semaine dernière, j'ai annoncé que je proposerai une solution au Premier ministre ainsi qu'à Bruno Le Maire. L'arbitrage auquel nous sommes parvenus est le suivant : pour le dernier trimestre, d'octobre à décembre 2020, si au moins un mois est consenti sans loyer par le bailleur au locataire, l'État prendra en charge un tiers de la somme en crédit d'impôt. Le coût total de la mesure est évalué à 1,5 milliards d'euros : c'est un premier geste et nous écouterons les avis des uns et des autres.
La seconde mesure perfectible, du point de vue des restaurateurs, porte sur les congés payés qui se sont accumulés pendant la période de chômage partiel : nous en sommes parfaitement conscients et la ministre Élisabeth Borne est saisie du sujet et proposera des solutions. Le troisième sujet, sur lequel je m'investis beaucoup, concerne les pertes d'exploitation au niveau des assurances. D'après nos analyses, on peut évaluer à 7 % la proportion de contrats d'assurances qui peuvent permettre de déclencher une garantie perte d'exploitation : 3 % ont débouché sur une indemnisation et 4 % ne sont pas réglés ou donnent lieu à contestation. Nous nous réunissons également avec les assureurs pour essayer d'aboutir, au début de l'année prochaine, à la couverture d'un nouveau risque pandémie. J'ai insisté auprès des assureurs pour que les primes soient raisonnables et pour limiter les contestations sur la mise en oeuvre de la garantie. Le Gouvernement n'acceptera la mise en oeuvre d'un tel dispositif que si on parvient à écarter les risques de polémiques et de dysfonctionnement.
Je travaille également sur l'assurance-crédit : comme je l'ai déjà indiqué, la manière dont les choses se sont passées pendant la période de Covid a été insatisfaisante.
Je remercie Mme Catherine Fournier d'avoir, en préambule, rappelé nos échanges fructueux au cours des dernières années et dans mes précédentes fonctions. En réponse à ses questions, je ne suis pas opposé au principe des points relais permettant aux petits commerçants de développer leur activité. Je suis cependant, à titre personnel, un peu plus réservé sur l'implantation de ces points relais dans la grande distribution. J'ai entendu les mesures proposées sur ce sujet mais je ne suis pas pour l'instant convaincu : c'est un peu le « renard dans le poulailler » et je m'interroge sur le fait d'attirer encore plus les consommateurs dans la grande distribution. Je ne suis pas pour autant dogmatique sur cette question et j'écouterai les petits commerçants pour savoir ce qu'ils en pensent.
Je reviens sur la question, posée par le sénateur Bonnus, de la valeur vénale des commerces. C'est un vrai sujet : vous connaissez mon métier d'origine et vous avez constaté la baisse de valeur des licences de taxis avec la montée en puissance d'Uber. Il y a, bien sûr, le risque entrepreneurial mais ce n'est pas une réponse satisfaisante à cette question qui n'est pas traitée de manière satisfaisante.
Vous avez évoqué le cas des traiteurs avec qui je me suis réuni une dizaine de fois et pour lesquels nous avons trouvé une solution par l'intermédiaire de la BPI. Nous avons appelé individuellement 170 traiteurs pour leur permettre de franchir ce moment très difficile puisqu'ils ont perdu 90 à 95 % de leur chiffre d'affaires et ils sont accompagnés spécifiquement. Je partage avec vous le constat selon lequel chaque métier est différent et c'est pourquoi nous avons reçu les discothèques, les agences de voyage, les forains et beaucoup d'autres pour mettre en place des dispositifs « cousus main ». Je suis bien conscient que tout ceci produit une certaine complexité, d'autant que nous travaillons sur des codes NAF (nomenclature d'activité française) ; or nous savons bien qu'une entreprise peut être amenée à changer d'activité et c'est ainsi qu'apparaissent des « trous dans la raquette ».
En réponse à M. Jean-Marc Boyer, il est évident que nous devons mettre en place un contrôle rigoureux sur les jauges dans la grande distribution. Il n'est pas démontré que le risque de contracter le virus est plus élevé dans un petit commerce mais l'élément mis en avant par les scientifiques est que pour diminuer le virus il faut diminuer le nombre des points de contact et c'est ce qui a motivé la fermeture des petits commerces. Tel est le fondement de l'arbitrage du Gouvernement et mon rôle ici à Bercy est d'accompagner les commerçants subissant une fermeture administrative qui doit être compensée.
S'agissant des secteurs du tourisme et du thermalisme, je précise qu'ils sont éligibles aux dispositifs d'aides et je suis à votre disposition pour examiner, avec le ministre en charge du tourisme, comment nous pourrions mieux accompagner ces entreprises essentielles pour l'activité de notre pays.
En ce qui concerne les interrogations de Mme Viviane Artigalas, je rappelle que le Gouvernement a estimé préférable, au regard de la diffusion du virus, de prendre des mesures identiques sur l'ensemble du territoire. Par ailleurs, je redis que le terme de commerce « non essentiel » ne me parait pas adéquat ; je préfère distinguer les produits de première nécessité : essentiellement la nourriture et les produits d'hygiène ou de santé. Le travail effectué avec les branches professionnelles permet de mettre au point le décret qui précisera demain matin la définition de ces produits de première nécessité qui restent accessibles quel que soit le mode de distribution.
Ma première question porte sur les agences immobilières qui ne font pas partie des activités interdites mais qui ne peuvent pas organiser de visites. Même si les visites virtuelles constituent une alternative, je pense qu'à peu près personne n'est prêt à s'endetter sur 20 ans pour acquérir un bien sans l'avoir vu de ses propres yeux. Cette activité est essentielle, en cas de mutation professionnelle ou de divorce, mais elle sera doublement pénalisée en étant écartée de tous les dispositifs d'aide sans pour autant pouvoir travailler dans de bonnes conditions
D'autre part, dans le cadre du plan de relance, il est prévu une extinction de la majoration de la base taxable de 25 % applicable aux indépendants qui n'adhèrent pas à un organisme de gestion agréé (OGA). Cela correspond, à mon sens, non pas tant à une aide à la trésorerie des PME, qu'à une baisse de l'impôt sur le revenu pour certains exploitants individuels qui ont décidé de ne pas adhérer à un OGA. Moins de 10 % des TPE seront concernées par cette baisse tandis que l'immense majorité des 1,2 millions d'entreprises engagées dans une démarche de transparence ne bénéficieront d'aucun soutien. Pourquoi le Gouvernement soutient-il ces TPE qui agissent de façon quelque peu opaque plutôt que la majorité des entreprises qui respectent scrupuleusement la règle du jeu ?
On a du mal à comprendre la démarche du Gouvernement surtout en raison de l'insuffisance de motif sanitaire réellement argumenté. On peut comprendre que l'on veuille diminuer le nombre de points de contacts mais vous n'avez pas vous-même d'éléments pour démontrer que les petits commerces de proximité génèrent plus de contaminations que la grande distribution. Cela fragilise la position du Gouvernement et surtout sa durabilité, avec une approche nationale qui ne tient pas suffisamment compte des réalités de territoire et ne fait pas suffisamment confiance aux préfets ainsi qu'aux acteurs de terrain pour s'adapter au mieux. Nous vous rejoignons sur la numérisation mais tous ces outils ne sont pas opérationnels à court terme avec encore aujourd'hui 13 millions de Français éloignés de l'accès au numérique : que faisons-nous pour ceux-ci ? Ma dernière question, plus ciblée, porte sur les sapins de Noël : nous sommes dans une période charnière pour les producteurs qui vendaient une grande partie des sapins sur les parkings de grandes surfaces. Ces ventes à l'extérieur sont-elles autorisées et sinon que peut-on répondre à ces producteurs qui doivent effectuer ces ventes dans les mois à venir ?
Ma question est à la fois simple et compliquée car nous avons un peu de mal à comprendre la trajectoire actuelle : on nous donne des perspectives pour la fin de l'année, voire début 2021, mais le Gouvernement a évoqué des possibilités d'ajustement dans les 15 jours. L'arrêt d'activité provoque des ravages économiques dont les conséquences vont être dramatiques, et plus encore si l'épidémie perdure. On va assister à la plus grande restructuration économique de l'Histoire. Le Gouvernement s'est engagé dans un dangereux processus qui suscite nécessairement des mécontentements : où commence et où finit la liste des produits indispensables ? La question est donc de savoir si on ne sous-estime pas l'enjeu sanitaire tout en n'ayant pas le courage de parler des conséquences économiques désastreuses.
Je souligne l'inquiétude que suscite l'impréparation du Gouvernement pour mettre en oeuvre, cinq jours après, les directives du Président de la République. Je m'inquiète aussi de la verticalité du pouvoir : la concertation avec les élus est mise de côté en craignant que ceux-ci demandent plus de souplesse dans l'ouverture des magasins. Je vous le demande, Monsieur le Ministre, faites confiance aux élus. En troisième lieu, les commerçants n'ont pas suffisamment confiance dans les aides car celles du premier confinement n'ont pas encore été toutes réglées. Enfin vous indiquez que le déficit vertigineux qui est créé ne va pas être comblé par des augmentations d'impôts. Dites-nous la vérité sur ce point : les impôts vont nécessairement augmenter sans quoi la dette deviendra incontrôlable.
Je partage la colère et l'incompréhension de mes collègues. On voit mal comment, dans 15 jours, on pourra rouvrir les commerces de proximité alors qu'on nous dit qu'on atteindra alors le pic de l'épidémie. Je prends acte des 100 millions prévus pour la numérisation mais comment allons-nous rattraper le retard évoqué par Anne-Catherine Loisier ? Je signale aussi que la première entreprise française qui crée des pages ou des sites internet est aujourd'hui en grande difficulté, avec des réductions d'effectifs, et surtout victime de la rapacité des GAFA. On a l'impression que ces mesures gouvernementales vont plus aider Amazon et le commerce en ligne que nos distributeurs. Vous n'avez pas répondu à la question de savoir si on peut taxer ce commerce en ligne - sur les bénéfices, par exemple, à hauteur de 2 ou 3 %. Les GAFA pourraient aussi abonder volontairement, si la concertation le permet, le fonds de solidarité à destination des commerçants. Ce serait un moment de solidarité, d'autant plus souhaitable que les GAFA pratiquent allègrement l'optimisation, si ce n'est la fraude fiscale.
Je souhaiterais d'abord des précisions sur les modalités d'accès à l'aide de 10 000 euros envisagée pour les pertes de chiffre d'affaires. S'agissant ensuite du clic & collect, qui nécessite des investissements de la part des entreprises et donc des aides, envisagez-vous une solution durable pour les autres formes de commerce ? Je reviens également sur les propositions issues d'une large concertation avec les élus locaux, et qui s'appuient largement sur les avis du préfet - à vos yeux marqués du sceau de la sagesse. Ce sont des propositions de bon sens et je ne comprends pas l'entêtement du Gouvernement. Vous avez enfin indiqué votre intention de faire confiance au Parlement, et, à ce titre, êtes-vous prêt à accélérer sur la taxation des GAFA ?
Bien que les outre-mer ne soient pas confinés, à l'exception de la Martinique, les commerçants pourront-ils bénéficier des mesures qui permettraient d'anticiper un second confinement ? Plus généralement ce dispositif d'urgence sera-t-il complété par un plan structurel de digitalisation, pour une transformation durable, d'autant plus souhaitable que l'Organisation mondiale de la santé prévoit des pandémies plus fréquentes ?
À Micheline Jacques, j'indique que les entreprises ultramarines des secteurs S1 et S1 bis (entreprises de l'événementiel, de la culture, opérateurs de voyage ou de séjour et du sport) bénéficient des mêmes dispositifs que celles de l'hexagone (prise en charge à 100 % de l'activité partielle par l'État), y compris pour celles qui ne sont pas fermées mais subissent une perte de chiffre d'affaires de plus de 50 %. Je redis que la numérisation et la digitalisation sont des questions prégnantes et 100 millions y sont immédiatement consacrés mais, au-delà de l'actualité, nous mettrons sur la table les financements nécessaires pour aider les entreprises dans leur effort de numérisation. J'ai rencontré les représentants du groupe Solocal et je me tiens informé de leurs difficultés. Nous avons également beaucoup d'opérateurs français de taille plus modeste qui peuvent accompagner les entreprises pour la création de sites internet et leur visibilité numérique : nous allons les mobiliser sur tous les territoires.
Pour répondre à plusieurs interrogations sur ce sujet, je rappelle qu'un plan de couverture numérique est en cours et nous allons le mettre en oeuvre le plus vite possible.
Madame la sénatrice Noël, j'ai bien conscience que les agents immobiliers ne peuvent pas continuer à faire des visites et leur activité, de ce point de vue, est suspendue. S'agissant de OGA, je ne partage pas votre analyse. En effet, nous sommes le seul pays au monde à avoir institué une taxation des revenus dits « non effectués » par les indépendants. Les OGA que j'ai rencontrés font un bon travail d'accompagnement et il n'y a aucune raison pour que les entreprises ne continuent pas à en bénéficier, même si ceux qui n'y adhèrent pas sont moins pénalisés. La loi de finances prévoit une extinction de la taxation de 25 % pour ces entreprises non adhérentes : la discussion porte essentiellement sur l'étalement dans le temps de cette mesure - deux ou trois ans - mais le Gouvernement est ferme sur le principe.
Monsieur le sénateur Gremillet : il n'y a pas eu de sous-estimation de la gravité de la crise sanitaire, mais plutôt, partout en Europe, une accélération brutale et imprévue de l'épidémie qui nous a obligé à nous adapter. Bien entendu, dans les 15 jours qui suivent, la situation va s'aggraver dans les hôpitaux mais nous pourrons examiner la situation en fonction du nombre de nouveaux cas journaliers.
Monsieur le sénateur Mérillou : les professionnels doivent avoir confiance dans les dispositifs d'aide. En particulier le fonds de solidarité de niveau 1 a été très efficace en permettant une indemnisation dans les 72 heures. Le nouveau dispositif va également être lisible, simple et rapide. Vous avez cependant raison sur le fait que le déficit et la dette s'aggravent mais la position du Gouvernement est de les assumer sans augmenter les impôts.
Monsieur le sénateur Gay : la taxation des GAFA est bien entendu d'actualité. Différentes pistes sont envisagées et je suis d'accord avec vous pour trouver normal de les imposer comme les autres entreprises.
Monsieur le sénateur Chaize : le clic & collect est une première piste mais nous travaillons également sur des mécanismes innovants sur le long terme. En ce qui concerne l'aide de 10 000 euros, les critères ont été très élargis : nous avons relevé le seuil du nombre de salariés à 50 (au lieu de 10) ; nous avons également retiré le critère du chiffre d'affaires ainsi que l'exigence de 60 000 euros de revenu de l'année 2019. L'ouverture de ce fonds de solidarité permettra à un grand nombre d'entreprises d'en bénéficier.
Je vous remercie de votre mobilisation pendant cette crise et vous assure de ma parfaite disponibilité pour que nous trouvions ensemble les meilleures solutions de rétablissement.
À mon tour de vous remercier et de noter le vif intérêt qu'a suscité votre audition. Je crains cependant que nous restions en partie sur notre faim et qu'on ne partage pas totalement l'analyse du Gouvernement sur les risques de contamination. Nous souhaiterions également remédier à une certaine incapacité du Gouvernement à permettre de prendre des décisions au niveau le plus local. Nous nous inquiétons également de la durée du confinement et de fermeture des magasins : des décisions devront être prises pour éviter une catastrophe économique. Je note avec satisfaction que le Gouvernement ait pu retenir des propositions formulées dès le mois de juin par notre commission des affaires économiques - je pense par exemple au crédit d'impôt sur les loyers ou au financement de la digitalisation - mais Monsieur le Ministre, que de temps perdu alors que nous aurions pu avancer beaucoup plus vite.
Je signale enfin que la possibilité de mettre en place des points de vente pour les petits commerçants dans la grande distribution est déjà opérationnelle, au moins dans deux ou trois grandes enseignes. Cela m'apparait comme un élément de fraternité commerciale.
La réunion est close à 18 h 20.