Intervention de Alain Griset

Commission des affaires économiques — Réunion du 2 novembre 2020 à 16h45
Audition de M. Alain Griset ministre délégué auprès du ministre de l'économie des finances et de la relance chargé des petites et moyennes entreprises

Alain Griset, ministre :

J'indique tout d'abord à M. Michel Bonnus que j'ai beaucoup travaillé sur le secteur de la restauration en multipliant les réunions. Effectivement, la première décision de fermeture prise en mars 2020 a été très brutale - je l'ai vécue - et c'est pourquoi, par la suite, à Marseille, la fermeture a été appliquée non pas immédiatement un jeudi mais avec un décalage jusqu'au dimanche pour permettre aux restaurateurs d'écouler leurs stocks prévus pour le week-end. Des dispositifs spécifiques ont été mis en place pour ce secteur dont nous prenons en compte les contraintes avec beaucoup d'attention et de respect. Je suis en contact permanent avec les restaurateurs et, par souci de totale transparence, je vous indique également les sujets pour lesquels ils considèrent n'avoir pas obtenu totale satisfaction. Tout d'abord, sur les loyers une mission a travaillé en mai-juin dernier pour tenter de trouver des solutions par la médiation. Force est de constater que la proportion de dossiers ainsi résolus n'a pas été suffisante. Dès mon arrivée, j'ai pris en main la question des loyers en recevant à trois reprises les bailleurs et en organisant une concertation avec les locataires. En réalité, la complexité du sujet tient à la variété des bailleurs : les grandes foncières, les bailleurs publics qui ont fait des concessions, et les loueurs privés ne relèvent pas de la même logique. Faire cadeau des loyers aux entrepreneurs en sacrifiant les bailleurs privés qui utilisent les loyers pour subvenir à leurs besoins quotidiens n'était pas acceptable. Lors de la dernière réunion tenue la semaine dernière, j'ai annoncé que je proposerai une solution au Premier ministre ainsi qu'à Bruno Le Maire. L'arbitrage auquel nous sommes parvenus est le suivant : pour le dernier trimestre, d'octobre à décembre 2020, si au moins un mois est consenti sans loyer par le bailleur au locataire, l'État prendra en charge un tiers de la somme en crédit d'impôt. Le coût total de la mesure est évalué à 1,5 milliards d'euros : c'est un premier geste et nous écouterons les avis des uns et des autres.

La seconde mesure perfectible, du point de vue des restaurateurs, porte sur les congés payés qui se sont accumulés pendant la période de chômage partiel : nous en sommes parfaitement conscients et la ministre Élisabeth Borne est saisie du sujet et proposera des solutions. Le troisième sujet, sur lequel je m'investis beaucoup, concerne les pertes d'exploitation au niveau des assurances. D'après nos analyses, on peut évaluer à 7 % la proportion de contrats d'assurances qui peuvent permettre de déclencher une garantie perte d'exploitation : 3 % ont débouché sur une indemnisation et 4 % ne sont pas réglés ou donnent lieu à contestation. Nous nous réunissons également avec les assureurs pour essayer d'aboutir, au début de l'année prochaine, à la couverture d'un nouveau risque pandémie. J'ai insisté auprès des assureurs pour que les primes soient raisonnables et pour limiter les contestations sur la mise en oeuvre de la garantie. Le Gouvernement n'acceptera la mise en oeuvre d'un tel dispositif que si on parvient à écarter les risques de polémiques et de dysfonctionnement.

Je travaille également sur l'assurance-crédit : comme je l'ai déjà indiqué, la manière dont les choses se sont passées pendant la période de Covid a été insatisfaisante.

Je remercie Mme Catherine Fournier d'avoir, en préambule, rappelé nos échanges fructueux au cours des dernières années et dans mes précédentes fonctions. En réponse à ses questions, je ne suis pas opposé au principe des points relais permettant aux petits commerçants de développer leur activité. Je suis cependant, à titre personnel, un peu plus réservé sur l'implantation de ces points relais dans la grande distribution. J'ai entendu les mesures proposées sur ce sujet mais je ne suis pas pour l'instant convaincu : c'est un peu le « renard dans le poulailler » et je m'interroge sur le fait d'attirer encore plus les consommateurs dans la grande distribution. Je ne suis pas pour autant dogmatique sur cette question et j'écouterai les petits commerçants pour savoir ce qu'ils en pensent.

Je reviens sur la question, posée par le sénateur Bonnus, de la valeur vénale des commerces. C'est un vrai sujet : vous connaissez mon métier d'origine et vous avez constaté la baisse de valeur des licences de taxis avec la montée en puissance d'Uber. Il y a, bien sûr, le risque entrepreneurial mais ce n'est pas une réponse satisfaisante à cette question qui n'est pas traitée de manière satisfaisante.

Vous avez évoqué le cas des traiteurs avec qui je me suis réuni une dizaine de fois et pour lesquels nous avons trouvé une solution par l'intermédiaire de la BPI. Nous avons appelé individuellement 170 traiteurs pour leur permettre de franchir ce moment très difficile puisqu'ils ont perdu 90 à 95 % de leur chiffre d'affaires et ils sont accompagnés spécifiquement. Je partage avec vous le constat selon lequel chaque métier est différent et c'est pourquoi nous avons reçu les discothèques, les agences de voyage, les forains et beaucoup d'autres pour mettre en place des dispositifs « cousus main ». Je suis bien conscient que tout ceci produit une certaine complexité, d'autant que nous travaillons sur des codes NAF (nomenclature d'activité française) ; or nous savons bien qu'une entreprise peut être amenée à changer d'activité et c'est ainsi qu'apparaissent des « trous dans la raquette ».

En réponse à M. Jean-Marc Boyer, il est évident que nous devons mettre en place un contrôle rigoureux sur les jauges dans la grande distribution. Il n'est pas démontré que le risque de contracter le virus est plus élevé dans un petit commerce mais l'élément mis en avant par les scientifiques est que pour diminuer le virus il faut diminuer le nombre des points de contact et c'est ce qui a motivé la fermeture des petits commerces. Tel est le fondement de l'arbitrage du Gouvernement et mon rôle ici à Bercy est d'accompagner les commerçants subissant une fermeture administrative qui doit être compensée.

S'agissant des secteurs du tourisme et du thermalisme, je précise qu'ils sont éligibles aux dispositifs d'aides et je suis à votre disposition pour examiner, avec le ministre en charge du tourisme, comment nous pourrions mieux accompagner ces entreprises essentielles pour l'activité de notre pays.

En ce qui concerne les interrogations de Mme Viviane Artigalas, je rappelle que le Gouvernement a estimé préférable, au regard de la diffusion du virus, de prendre des mesures identiques sur l'ensemble du territoire. Par ailleurs, je redis que le terme de commerce « non essentiel » ne me parait pas adéquat ; je préfère distinguer les produits de première nécessité : essentiellement la nourriture et les produits d'hygiène ou de santé. Le travail effectué avec les branches professionnelles permet de mettre au point le décret qui précisera demain matin la définition de ces produits de première nécessité qui restent accessibles quel que soit le mode de distribution.

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