Intervention de Bertrand Camus

Commission des affaires économiques — Réunion du 3 novembre 2020 à 15h00
Audition en commun avec la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable de Mm. Philippe Varin président du conseil d'administration et bertrand camus directeur général de suez

Bertrand Camus, directeur général du groupe Suez :

L'offre de Veolia pourrait entraîner des dyssynergies - c'est-à-dire des ventes d'activité - au regard du portefeuille d'activités de Suez. Elles pourraient notamment résulter des règles de la concurrence et des lois antitrust dans les différents pays. Une autre dimension qui n'est pas du tout prise en compte actuellement concerne l'approche politique du sujet : la plupart des pays ont, en effet, des législations limitant les investissements étrangers. Enfin, il ne faut pas oublier d'inclure les ventes d'actifs qui seraient nécessaires pour financer l'opération.

Les sujets antitrust concernent surtout l'Europe et seront examinés par la Commission européenne : entre 70 et 75 % de nos 5,5 milliards d'activités dans le traitement des eaux et des déchets en France devront être cédés. Il en va de même au Royaume-Uni ou en Australie. Au Maroc, Veolia et Suez traitent l'eau de la plupart des grandes villes : Casablanca pour Suez, Rabat, Tanger et Tétouan pour Veolia. Le ministère des finances marocain a déjà exprimé ses inquiétudes. En Chine, nous avons construit deux belles success stories, en partenariat avec des partenaires locaux et nous avons de nombreux projets dans l'eau, l'assainissement et les déchets. Comment leur expliquer que l'on fusionne pour créer un champion mondial destiné à les empêcher de se développer ? Au total, nous estimons que des cessions à hauteur de 40 % du chiffre d'affaires du groupe seront nécessaires.

Beaucoup d'emplois basés en France sont liés à notre activité internationale : au siège, dans les centres de recherche, etc. Dans la construction, par exemple, le coeur de l'activité mondiale de Degrémont est à Rueil-Malmaison, même si le groupe possède également une plateforme en Inde pour les dessins ou en Espagne sur le dessalement. Les risques de pertes d'emplois sont donc réels si l'activité mondiale disparaît.

Veolia entend aussi procéder à des ventes par appartement dans l'activité déchets, ce qui revient à conserver l'unité la plus performante des deux sociétés dans chaque région, et donc à vendre le reste à d'autres acteurs qui ont déjà des services support ou commerciaux et qui n'auront donc pas besoin de garder ces emplois.

Nous avons signé cet été un accord de vente à Veolia d'Osis, une filiale de curage de réseau, qui n'est pas une activité stratégique pour Suez, ce qui montre que nous n'avons pas les mêmes priorités.

Nous n'avons jamais eu de souci avec Veolia sur les transferts de personnels, qui ont lieu à chaque perte ou gain de délégation de service public, et qui sont encadrés par des statuts, définis sous l'égide des fédérations professionnelles comme la FP2E. Mais dès lors que l'on transfère des activités chez des acteurs qui ne sont pas régis par les mêmes statuts, on peut craindre une dégradation des conditions sociales, dans la mesure où Veolia comme Suez offrent des statuts avantageux, en raison de leur rayonnement mondial et de leur besoin de recruter des collaborateurs à l'international.

On estime que 4 000 à 5 000 emplois directs sont menacés en France, sans compter les emplois indirects, comme le gardiennage ou les services informatiques.

Nous avons en outre des savoir-faire et des technologies différentes. C'est le résultat de choix délibérés. C'est le cas du comptage intelligent : nous avons fait le choix de la radiofréquence, tandis que Veolia a choisi une autre technologie de transmission. Cette concurrence est stimulante. Dès lors, si l'un des deux acteurs disparaît, l'équipe France n'aura plus accès qu'à une seule technologie, en France comme à l'international. Veolia n'a pas été intéressée par le rachat de GE Water en 2017, car cela ne correspondait pas à sa stratégie. De même, nous sommes les seuls à pouvoir répondre à un appel d'offres à Singapour sur la télérelève intelligente.

Faut-il craindre une évolution des prix ou de la qualité de service ? En cas de difficultés, si le prix ne bouge pas, il faut craindre une détérioration de la qualité de service, et donc l'arrivée de nouveaux prestataires, espagnols par exemple.

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