Intervention de Sophie Primas

Commission des affaires économiques — Réunion du 4 novembre 2020 à 9h30
Audition de M. François Bayrou haut-commissaire au plan

Photo de Sophie PrimasSophie Primas, présidente :

Bienvenue, tout d'abord, à Marie-Agnès Évrard qui rejoint notre commission en remplacement de M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État en charge du tourisme, des Français de l'étranger et de la francophonie : nous vous accueillons avec plaisir.

Monsieur le haut-commissaire au Plan, mes chers collègues, au moment où nous avons tant de mal à éclairer le présent ou juste ce qui nous attend dans les prochains jours, nous sommes intéressés et curieux de vous entendre sur votre rôle et votre vision de l'avenir de notre pays. Dans l'après-guerre, le plan était un élément essentiel pour raffermir la confiance ; aujourd'hui - comme le suggère la première note assez lucide du Commissariat - il s'agit également de préparer le pays à des moments difficiles. Je rappelle que le décret du 1er septembre 2020 vous désignant comme haut-commissaire au Plan vous confie la mission d'éclairer les choix des pouvoirs publics en prenant en considération tous les aspects économiques, sociaux, culturels et environnementaux... Nos commissions parlementaires, que vous connaissez bien, sont spécialisées, donc votre soutien nous sera précieux, en particulier au sein de notre commission des affaires économiques qui s'appelait elle-même, il n'y a pas si longtemps, commission des affaires économiques et du plan. Seul l'aspect politique, qu'il faut articuler avec ces données, n'est pas cité dans votre champ de compétences mais vous nous direz comment vous voyez cette articulation entre votre rôle et celui de vos collègues et amis du Gouvernement.

Vous partez d'un constat que nous partageons à peu près tous : la France est sans doute « championne du monde » dans la production de rapports et d'études de qualité. Mais les décisions publiques semblent parfois plus influencées par l'émotion et l'irrationnel que par la raison, sans tenir suffisamment compte des possibles ricochets ou des effets de bord que nous subissons dans les territoires. Nous écouterons donc attentivement les axes de votre réflexion et souhaitons également pouvoir comprendre les moyens dont vous disposez pour mener à bien votre mission et mettre en perspective, voire réajuster, les décisions gouvernementales ou les propositions citoyennes qui vous paraîtraient en décalage avec le diagnostic des experts.

Votre première publication du 28 octobre est très synthétique : elle brosse en une douzaine de pages un scénario intitulé « Et si la Covid durait ? ». Je suggère que vous puissiez rapidement évoquer vos recommandations alors que nous sommes ici au Sénat très inquiets, à la fois des difficultés actuelles d'anticipation du Gouvernement et de la situation d'exaspération des Français.

Permettez-moi, à ce stade, de poser plusieurs questions à la fois très concrètes et transversales. La première concerne notre endettement et la politique de relance industrielle. D'un côté, nous approuvons tous la relocalisation industrielle et pour cela le pays va durablement s'endetter via son plan de relance. Bien entendu, l'endettement est à la fois un moyen de sauvetage immédiat et un moyen de prospective mais c'est aussi une « bombe à retardement ». L'État cherche donc des sources de désendettement et l'une d'entre elles est la cession de ses participations au capital de certaines entreprises gérées par l'Agence des participations de l'État. Pouvez-vous nous donner votre avis d'expert sur cette politique de cessions ? Certaines nous paraissent stratégiques du point de vue industriel, comme les Chantiers de l'Atlantique, que l'État pourrait céder pour un montant de 100 millions d'euros, ce qui nous semble très peu élevé. Je pense aussi au Groupe ADP qui nous a beaucoup occupés lors des débats sur la loi dite PACTE (loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises). Je rappelle que, globalement, le volume total du portefeuille de l'État représente moins de 5 % de la dette publique. Estimez-vous souhaitable, dans cette période, la cession de ces actifs ? La mobilisation de l'épargne nationale ne vous semblerait-elle pas préférable à des transferts potentiels de savoir-faire ?

Nous avons également besoin d'une expertise sur le sujet fondamental du télétravail. D'abord, le télétravail est, par nature, délocalisable. Ensuite, il suppose un saut en avant technologique, comme l'a souligné le commissaire européen Thierry Breton. Enfin et surtout, au regard de la productivité économique et du risque de désocialisation, pouvez-vous nous éclairer sur les équilibres qu'il conviendrait donc de construire ?

Dans la « guerre sanitaire », vous proposez aussi de désengorger les métropoles pour revitaliser les villes moyennes : ici au Sénat, nous applaudissons bien entendu cette stratégie d'aménagement du territoire mais pouvez-vous nous préciser sur quels éléments elle se fonde du point de vue sanitaire car, pour prendre l'exemple de Taiwan, le minimum de morts a été atteint dans des zones record de densité et de métropolisation et cela a aiguisé notre curiosité.

Ma question suivante est plus compliquée puisqu'elle porte sur les capacités prospectives de l'État : quelles sont d'après vous les limites de l'État stratège ? Vous citez avec un brin de nostalgie l'avance prise par la France dans les technologies de l'information avec le Minitel. Mais la vision française d'un ordinateur central avec des terminaux a été pour le moins bousculée par le concept décentralisé d'ordinateur personnel. Cela illustre la difficulté de la prospective et la nécessité d'écouter les entrepreneurs, les territoires et les forces vives de notre pays qui sont au plus près des réalités et des aspirations. Quelle est, pour vous, la place des autres acteurs, au-delà de l'État lui-même et de son bras armé qu'est aujourd'hui le Haut-Commissariat accompagné de France Stratégie, dans la définition du plan ?

Vous soulignez enfin le risque de tensions intergénérationnelles : pouvez-vous nous expliquer la teneur de vos craintes et votre vision des conséquences des évolutions démographiques de long terme pour l'avenir de la France et de l'Europe ?

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