Trois éléments, qui sont antérieurs à la crise sanitaire, me paraissent fondamentaux : la mondialisation, la métropolisation et l'individualisation. Vous n'avez pas cité le mot mondialisation qui a pourtant entraîné de graves conséquences financières et a participé à la désindustrialisation. Je partage ensuite votre analyse de la métropolisation : cette concentration de la richesse a eu des conséquences pénalisantes et ce sont d'ailleurs les territoires les plus pauvres en zone dense qui ont été les plus frappés par l'épidémie avec un impact non seulement sanitaire mais aussi psychologique qu'on aurait tort d'oublier. En troisième lieu, la voie de l'individualisation qui a été choisie est aujourd'hui subie par la jeunesse. Comment « empêcher un marronnier de bourgeonner » et contenir la jeunesse dans un système où les jeunes ne peuvent pas se côtoyer et demeurent sans perspectives d'emploi attractives. Le facteur déclenchant était, comme vous l'avez rappelé, prévisible : vous avez cité le Livre blanc de la Défense et je mentionne également les travaux publiés en 2016 par des chercheurs de l'UMR de Montpellier qui apportent un éclairage porteur d'espoir en matière de détection et de traçage de l'épidémie. On aurait d'ailleurs, dans ce domaine, pu mieux tirer parti des épidémies et de la médecine animales.
L'attachement au système social de notre pays appelle enfin plusieurs interrogations. On a bien vu que l'Asie a contrôlé plus strictement les mouvements aux frontières : est-ce un facteur de retour à l'État-Nation - en écartant les connotations négatives de cette formule - auquel sont attachés nos concitoyens ? Vous n'avez pas non plus évoqué le rôle de l'Europe dans cette stratégie de protection et d'indépendance sanitaire ou industrielle. Je cite également une phrase, un peu polémique, de Thomas Gomart, qui dirige l'Institut français des relations internationales (IFRI) : « le mode de gestion des entreprises a contaminé la sphère publique alors que les finalités sont fondamentalement différentes. En Europe, on a tenu les notions de plan et de planification pour obsolètes au profit d'outils de gestion à horizon trimestriel. Dans les business schools, on n'a cessé d'encourager l'hyper-rotation des actifs, la liquidité plutôt que la solidité. ». Je résume ce phénomène en disant qu'on a préféré la quantité des profits à la qualité des produits. Que pensez-vous de ces considérations qui ont été reprises par Hubert Védrine ?