Je me joins aux remarques de Georges Patient sur l'évolution des crédits de la mission « Outre-mer », qui connaissent une hausse particulièrement bienvenue au regard du contexte actuel. Cette évolution s'inscrit dans l'effort total de l'État en faveur des outre-mer, puisque la mission regroupe moins de 12 % des crédits de l'État en faveur des outre-mer.
Le programme 138 « Emploi outre-mer » rassemble, en plus des crédits destinés au remboursement aux organismes de sécurité sociale des exonérations de charges sociales, les crédits du service militaire adapté (SMA). Ces crédits sont en augmentation de 4 % en AE, car le SMA fait l'objet d'un ambitieux plan dit « SMA 2025 », qui vise notamment à augmenter les taux d'encadrement, et à améliorer les formations en entamant par exemple le virage vers le numérique à travers plusieurs expérimentations, et la création dans chaque entité d'une filière de développeur web.
L'année 2020 a été marquée par la création d'une nouvelle compagnie du régiment du SMA de Nouvelle-Calédonie à Bourail.
La crise sanitaire a entraîné une baisse de 9 points du taux d'encadrement du service militaire adapté (SMA) en 2020 et un arrêt provisoire des formations, sans remettre en cause ces ambitions.
Ces évolutions me paraissent très positives, puisque le SMA a fait preuve de son utilité, comme l'a d'ailleurs montré la commission des finances du Sénat en 2019. La consolidation du dispositif apparaît d'autant plus nécessaire que le contexte économique qui découlera de la crise sanitaire justifie l'existence de structures d'insertion des jeunes particulièrement efficaces.
Le programme 123 « Conditions de vie outre-mer » rassemble les crédits des politiques publiques en faveur de l'amélioration des conditions de vie dans les outre-mer et s'élève à 829 millions d'euros en AE et à 593 millions d'euros en CP en 2021. Par rapport à 2020, il connaît donc une hausse de 7 % en AE et une baisse de 5 % en CP.
Pour expliquer la baisse en CP du programme, le gouvernement invoque des raisons « techniques », cette diminution visant selon lui « non pas à la réduction des moyens, mais à un ajustement du niveau des CP, en fonction des dépenses prévues sur l'année concernée, comme pour toutes les lignes s'exécutant de manière pluriannuelle ». Je tiens à rappeler, comme Georges Patient, que cette difficulté à exécuter certaines dépenses est largement due au manque d'appui aux collectivités territoriales, notamment en matière d'ingénierie de projets.
Ainsi, de manière plus spécifique, la politique contractuelle de l'État en outre-mer, dont les crédits sont supportés par l'action 2 « Aménagement du territoire », connaît une augmentation de 3 % en AE, mais une baisse de 10 % en CP.
En 2021, l'effort sera donc maintenu en AE pour les contrats de convergence et de transformation, le contrat de projet Polynésie et le contrat de développement de la Nouvelle-Calédonie. Ces contrats font l'objet d'un problème récurrent d'impayés. Nous relevons néanmoins que le montant cumulé des charges à payer relatives à ces contrats s'élevait, en fin de gestion 2019, à 3,6 millions d'euros, ce qui constitue un plus bas historique et traduit la capacité de l'État à honorer ses engagements.
Si cette évolution est positive, je tiens toutefois à attirer l'attention du Gouvernement sur le retard d'exécution persistant du contrat de projet 2015-2020 de la Polynésie française. Au titre de ce dernier, la participation de l'État s'élève à 135 millions d'euros sur une durée de 6 ans, ce qui implique la mise en place d'une enveloppe moyenne de 22,5 millions d'euros en AE par an. À fin 2020, le contrat de projet cumule 27,5 millions d'euros de retard en AE, soit l'équivalent de plus d'une année d'exécution nominale du contrat. Ce retard compromet notamment l'engagement d'un projet de construction de logements sociaux, dont les marchés sont d'ores et déjà notifiés et dont les travaux ont déjà commencé. Le contrat de projet arrivant à échéance au 31 décembre 2020, date à laquelle il doit être remplacé par un nouveau contrat de développement et de transformation, il est impératif que ces 27,5 millions d'euros soient débloqués avant la fin de l'année.
Les crédits de la ligne budgétaire unique (LBU), qui financent le logement outre-mer, s'élèvent à 224,6 millions d'euros en AE et 176,9 millions d'euros en CP, soit une hausse de 8,7 % en CP et une baisse de 2,7 % en AE. Ces crédits, qui s'élèvent à un niveau très inférieur à celui constaté jusqu'en 2017, font également l'objet d'une sous-exécution chronique. Le taux d'exécution s'est ainsi élevé à 90 % en AE et 78 % en CP, avec des situations contrastées en fonction des territoires, comme à La Réunion (75 % en CP) ou encore à Saint-Pierre-et-Miquelon.
Les crédits prévus et dépensés en 2021 devraient donc être largement inférieurs aux besoins, alors que le nombre de demandeurs de logements sociaux en outre-mer (hors Mayotte) s'élève à 69 432, et que les besoins en logements sociaux sont évalués à plus de 10 000 par an.
Cette baisse des crédits est d'autant plus préoccupante que la suppression de la réduction d'impôt sur le revenu à raison des investissements dans le logement locatif social dans les départements d'outre-mer, à compter de 2019, entraîne également une baisse de la construction de logements sociaux. Nous serons donc particulièrement vigilants quant à l'exécution de la LBU.
Malgré ces réserves, je constate que ce budget est en augmentation, et que les outre-mer bénéficieront du plan de relance, même si nous tenons à obtenir des précisions sur sa territorialisation. Je me joins donc à l'avis de mon collègue Georges Patient et invite la commission des finances à adopter ces crédits.