Je reconnais que les crédits de la mission ont augmenté, mais ils sont insuffisants depuis de longues années. Pour le logement, par exemple, en 2014, les crédits étaient de 273 millions d'euros en AE, alors qu'ils seront de 224 millions d'euros en 2021. Par ailleurs, il y a un reste à payer d'1,7 milliard d'euros, ce qui me semble incompréhensible.
On évoque des problèmes d'ingénierie et l'absence de compétences techniques pour justifier la sous-consommation, et on a donc distrait 7 millions d'euros de la LBU pour aider les collectivités, les bailleurs et autres investisseurs à monter leurs dossiers. C'est incompréhensible. J'aimerais d'ailleurs que cette affaire donne lieu à une évaluation. Nous avons utilisé la LBU alors que nous aurions pu avoir recours, par exemple, aux crédits européens pour l'assistance technique, dont les régions peuvent disposer.
Le plan logement outre-mer (PLOM), qui prévoyait la construction de 150 000 logements sur les onze territoires habités d'outre-mer, soit 10 000 logements par an, est loin d'atteindre ses objectifs : on en fait à peine 5 000 - 5 600 exactement, selon les derniers chiffres de la Cour des comptes. Les questions d'ingénierie ne peuvent pas tout expliquer ; il y a manifestement un blocage. Après avoir ferraillé pendant des années sur ces dossiers, j'ai une proposition à faire : cette politique centralisée du logement ne fonctionnant pas, il faut soit décentraliser, soit remettre le sujet dans la mission « Cohésion des territoires ». En tout cas, il faut territorialiser.
Cette mission évoque 350 millions d'euros au titre du plan de relance. Et le ministre précise, dans une belle phrase : « premier arrivé, premier servi ». Il est question d'appels à projets, mais on ignore comment la répartition va se faire et comment on pourra consommer ces crédits sans ingénierie.
On prévoit 50 millions d'euros pour tous les Outre-mer au titre de l'aménagement. Mais, pour la seule Guadeloupe, il faudrait au minimum 800 millions d'euros, selon diverses évaluations, pour réparer les réseaux d'eau et assurer la distribution ! En pleine crise de la covid, toute une partie du territoire n'a pas accès à l'eau. L'État affirme qu'il s'agit de la compétence des collectivités, mais il est tout de même coresponsable. Il a été en charge pendant soixante-dix ans avant la décentralisation ! Et il ne s'est pas occupé des réseaux. Même en ces temps d'épidémie, l'État refuse d'accorder des subventions. Les crédits de la mission augmentent, mais cela ne répond pas aux préoccupations quotidiennes des habitants d'outre-mer. La loi de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer n'a pas été respectée. J'ai mentionné le problème de l'eau, il y a aussi celui du traitement des déchets, des transports, etc. Au bas mot, il faudrait dix ans pour régler les questions d'aménagement. Nous demandons 200 millions d'euros sur 5 ans - 40 millions chaque année -, et 400 ou 500 millions d'euros en prêt garanti sur trente ans. Mais l'État ne veut rien entendre. Que fait-on avec 10 millions d'euros pour 3 millions d'habitants outre-mer ? Ce budget augmente, mais reste à la main du Gouvernement. Je ne sais pas si l'accord pour la Guyane est satisfait. Plus que jamais, il faut parler de libertés locales.
On s'épuise à demander des petites choses par-ci par-là, en matière de défiscalisation ou de crédit d'impôt. Ça ne marchera pas. Il faut un big bang, un changement de logiciel ! La proposition de loi organique pour le plein exercice des libertés locales votée au Sénat va dans ce sens. Il faut peut-être des zones franches comme dans les Caraïbes, il faut plus de libertés locales pour que les gens se prennent davantage en charge. En aucun cas je ne pourrai voter ces crédits et, à titre personnel, je m'abstiendrai.