Si nous avons beaucoup insisté sur la sous-consommation des crédits, c'est parce qu'il s'agit d'une question centrale et récurrente, souvent mise en avant par les gouvernements successifs pour expliquer la situation des outre-mer : ces derniers seraient presque responsables de leur situation parce que les crédits existent, mais ne seraient pas consommés faute d'ingénierie locale ; même la Cour des comptes reprend cette analyse dans ses études.
En Guyane, depuis plusieurs années, l'État et les collectivités territoriales s'efforcent de mettre en place une grande structure d'ingénierie : sa nécessité est pourtant reconnue, mais elle n'a toujours pas été installée.
Lors de la rédaction de notre rapport sur les finances locales outre-mer, nous avons pu constater avec Jean-René Cazeneuve, contrairement d'ailleurs à ce qu'il pensait au départ, qu'il existe des cadres de très bon niveau outre-mer. Le problème est donc à chercher ailleurs. Il faut rechercher les véritables raisons, comme le formalisme des procédures. L'État n'a souvent pas, au niveau déconcentré, les ressources suffisantes pour instruire ou accélérer les dossiers. Il faut aussi évoquer la structure financière des collectivités locales. Elles n'ont souvent pas les moyens de participer aux plans de financement pour la mise en place de ces équipements locaux. Beaucoup de collectivités locales sont dans une situation financière déséquilibrée, n'ont pas l'épargne nécessaire et sont déficitaires en fonctionnement.
C'est donc tout le système financier des collectivités territoriales qu'il faudrait revoir. Il est crucial de les remettre à flot financièrement afin qu'elles puissent s'inscrire dans le plan de relance. L'enveloppe de 30 millions pour l'accompagnement des collectivités ne semble pas suffisante, vu l'ampleur des déficits des villes-capitales d'outre-mer : Pointe-à-Pitre a ainsi, par exemple, un déficit de 70 millions d'euros pour 15 000 habitants ; Mamoudzou ou Cayenne sont dans la même situation. Cette remise à niveau est un préalable à l'utilisation des crédits qui ont été annoncés, sinon ceux-ci ne seront pas consommés.
Concernant le logement, la question du manque d'ingénierie ne devrait pas se poser, dans la mesure où les opérateurs immobiliers ont de très bons services en la matière. Les entreprises évoquent l'existence d'impayés nombreux de la part de l'État ; la LBU ne serait pas, non plus, facilement mobilisable. Avant de prévoir des crédits destinés à la construction, il conviendrait donc de prévoir des crédits en matière d'aménagement du foncier. Dans certains territoires, en effet, le foncier est rare et cher. En Guyane, le foncier existe, mais il doit être aménagé et il serait judicieux d'avoir des crédits pour cela, à l'image du Fonds régional d'aménagement foncier et urbain. Action Logement m'a aussi fait part d'une sous-consommation des crédits, pourtant disponibles. C'est pourquoi nous insistons sur cette question de la sous-exécution et nous aimerions que la commission des finances se saisisse de ce sujet pour comprendre pourquoi les crédits ne sont pas consommés comme ils devraient l'être.