Monsieur le président, mes chers collègues, nous examinons ce matin le projet de loi autorisant l'approbation de deux accords portant reconnaissance réciproque et échange des permis de conduire, conclus avec le Qatar d'une part, et la Chine d'autre part.
Le dispositif français de reconnaissance et d'échange des permis de conduire repose actuellement, pour l'essentiel, sur de simples arrangements administratifs, voire sur le seul principe de réciprocité - c'est-à-dire sans que les modalités ne soient formalisées par écrit. Cette pratique concerne aujourd'hui 113 États ou territoires n'appartenant pas à l'Espace économique européen.
En novembre 2016, le Conseil d'État a relevé l'insuffisance juridique des pratiques réciproques et des arrangements administratifs existants. Sur la base de cette décision, le gouvernement a engagé une révision de notre dispositif d'échange de permis de conduire afin de conclure des accords intergouvernementaux en bonne et due forme, et ce uniquement avec des États satisfaisant à des critères de sécurité routière, de formation, de sécurisation des titres et de conditions de délivrance des permis de conduire comparables à ceux de la France. À ce jour, nous n'avons conclu qu'un seul accord bilatéral dans ce domaine, en 1964, avec la principauté de Monaco.
L'objectif est donc de consolider juridiquement le dispositif, mais également de renforcer la sécurité routière sur notre territoire. La priorité est donnée aux États intéressant la France au regard, notamment, des difficultés rencontrées par nos ressortissants sur place ; c'est le cas du Qatar et de la Chine. Ce projet de loi va directement bénéficier à quelque 4 700 Français établis au Qatar, et à plus de 15 000 Français établis en Chine, en facilitant leur mobilité.
L'entrée en vigueur de ces accords va mettre fin aux conditions asymétriques de reconnaissance des permis de conduire entre nos trois pays. En effet, en France, tous les permis de conduire étrangers sont reconnus durant une période d'un an à compter de l'établissement sur notre territoire de la résidence normale de leurs titulaires, sous réserve qu'ils soient accompagnés d'un permis de conduire international ou d'une traduction en français.
En revanche, au Qatar, le permis français seul permet la conduite durant 7 jours à compter de l'entrée sur le territoire. Pour conduire à l'issue de ce délai, et dans la limite de 6 mois, les usagers doivent solliciter la délivrance d'un permis temporaire auprès des autorités locales, sur présentation notamment du permis français et d'un permis de conduire international.
Lors de ma visite au Qatar en février dernier, initiée par la conseillère consulaire Rosiane Houngbo Monteverde, notre consul général Jean-Jacques Maizaud m'a demandé de faire de l'entrée en vigueur de cet accord mon action prioritaire pour ce pays ; c'est dire l'importance du sujet pour nos compatriotes vivant au Qatar.
En Chine, la situation est beaucoup plus contraignante puisque ni le permis français, ni le permis international ne sont reconnus ; il est donc nécessaire d'obtenir un permis de conduire chinois pour conduire dans le pays. Un permis de conduire temporaire peut néanmoins être délivré pour une durée de 3 mois à compter de l'entrée sur le territoire chinois, sur présentation d'un permis français et de sa traduction. Des pratiques de réciprocité existent pourtant entre la France et Macao, Hong Kong ainsi que Taïwan, qui permettent à nos ressortissants d'échanger leur permis sur place. Je veux saluer ici l'action opiniâtre de nos services diplomatiques qui ont oeuvré à ce résultat, après une dizaine d'années de négociations.
Les deux accords soumis à notre approbation mettront fin aux pratiques disparates entre nos pays et permettront d'étendre la durée de reconnaissance des permis français dans ces deux États.
En outre, comme je l'indiquais précédemment, ces nouveaux accords sécuriseront juridiquement le dispositif français et amélioreront la sécurité routière et la lutte contre la fraude documentaire. En effet, le ministère de l'intérieur procède à évaluation qualitative sur la base d'un dossier technique constitué par notre représentation sur place ; seuls les États ayant des critères comparables à ceux de la France pourront conclure un accord bilatéral.
Dans le cadre de l'examen de ce projet de loi, j'ai souhaité rencontrer les ambassadeurs du Qatar et de Chine pour m'assurer qu'aucun frein - notamment administratif - n'empêchera la bonne exécution de ces accords. J'ai reçu cette assurance de Son Excellence Sheikh Ali bin Jassim Al-Thani, ambassadeur du Qatar en France, lors d'une entrevue au Sénat. En revanche, l'ambassadeur de Chine en France, M. Lu Shaye, n'a pas daigné répondre favorablement à mes demandes répétées d'audition. J'aurais pourtant souhaité m'entretenir avec lui sur les difficultés de mobilité rencontrées par nos compatriotes établis en Chine, l'interroger sur les différences de pratiques entre nos deux pays, et surtout, l'alerter sur la nécessité de suivre la bonne exécution des dispositions de l'accord.
La Chine subordonne d'ailleurs l'échange de permis de conduire français à la détention d'un permis au nouveau format. Nos postes diplomatiques sur place, ainsi que les services du ministère de l'intérieur en France, devront impérativement veiller à ce que le changement de permis de conduire soit possible depuis l'étranger, dans des délais raisonnables.
Pour conclure, ces nouveaux accords répondent aux intérêts de nos compatriotes installés dans des pays qui, aujourd'hui, ne reconnaissent pas le permis de conduire français. Voilà un parfait exemple du rôle que peut jouer le Sénat dans l'amélioration de leurs conditions de vie hors de nos frontières.
En dépit des interrogations qui demeurent s'agissant de l'accord franco-chinois, je préconise l'adoption de ce projet de loi, dont le Sénat est saisi en premier. Les parties qatarienne et chinoise ont déjà notifié l'achèvement de leurs procédures nationales nécessaires à l'entrée en vigueur des accords, qui bénéficieront également à leurs ressortissants établis sur notre sol.
Certains d'entre vous pourraient s'interroger, à raison, quant à l'opportunité de conclure un accord avec la Chine, dirigée par le parti communiste chinois, dont certains agissements heurtent les démocrates. Mais vous aurez aussi compris que je suis animé par la seule défense des intérêts des Français établis en Chine.
L'examen en séance publique est prévu le mercredi 4 novembre prochain, selon la procédure simplifiée, ce à quoi la conférence des présidents, de même que votre rapporteur, ont souscrit.