J'évoquerai dans un premier temps le sujet du Leclerc, pièce maîtresse de notre segment de décision. Les premiers chars Leclerc ont été livrés à l'armée de terre en 1993 et devraient être remplacés à compter de 2035-2040 avec le MGCS. Le sujet de la rénovation du Leclerc est donc totalement intégré et financé dans le programme Scorpion. En effet, les nouveaux engins, qu'il s'agisse des Griffon ou des Jaguar, seront les premiers à être équipés du poste radio Contact ce qui leur permettra d'intégrer pleinement la bulle d'infovalorisation. Cet impératif d'intégration avec Contact est également un des objectifs de la rénovation Leclerc.
Mais au-delà de l'intégration du char Leclerc dans la bulle Scorpion, nous devons aujourd'hui prendre en compte les conséquences de décisions prises dans le passé. Les choix qui se sont imposés à cette époque ont été pris compte tenu de la situation technique constatée sur le parc Leclerc et surtout compte tenu du contexte financier. Ces décisions passées risquent aujourd'hui de nous coûter assez cher, à hauteur de quelques centaines de millions d'euros. En effet, à titre d'exemple, il a été estimé il y a une dizaine d'années que le stock de turbomachines disponibles nous permettrait de tenir jusqu'en 2040. Malheureusement, avec une durée de vie qui s'est révélée bien inférieure à nos prévisions, cette obsolescence lourde que l'on pensait maîtriser doit aujourd'hui être traitée. Bien évidemment, nous ne pouvons imaginer un trou capacitaire d'une vingtaine d'années. Dans des cas comme celui-ci, nous devons trouver des solutions, ce qui passe forcément par des dépenses supplémentaires.
La conduite des programmes doit donc être réfléchie dans ce sens, en prenant en compte la durée de vie d'un équipement qui équivaut à une quarantaine d'années. Plusieurs choix s'offrent à nous comme proposer d'emblée une rénovation à mi-vie. Nous devons maintenant obtenir les financements pour traiter les obsolescences du Leclerc.
Concernant les munitions, sachez que les stocks pour les opérations relèvent de la responsabilité de l'état-major des armées, et qu'ils sont pris en compte. Dans tous les cas, la question des stocks est un sujet important. Comme tous les pays, la France a rencontré des difficultés d'approvisionnement en matériels sanitaires durant la crise COVID. Seule la loi de l'offre et de la demande nous a véritablement gênés. Cela n'a pas duré très longtemps. Soyons certains que si nous venions un jour à rencontrer des difficultés en raison d'un stock de munitions insuffisant, nos compétiteurs qui pourraient devenir nos ennemis feraient tout pour que nous ne puissions pas nous réapprovisionner. Le terme de « stock » est aujourd'hui presque un gros mot. Cela représente des munitions immobilisées et de l'argent hypothéqué en amont. C'est toutefois une forme d'assurance. Dans mon métier, je dois essayer d'anticiper les risques et les menaces pour éviter d'être surpris. J'estime donc que nous devons approfondir la question des stocks de munitions, mais également celle des pièces de rechange.
Considérer que toute la production doit être française constituerait peut-être la solution idéale. Est-ce que cela correspond au fonctionnement actuel du monde et des systèmes économiques, ou à notre vision d'une défense collective ? Je pense que nous devons trouver un équilibre entre l'achat de munitions en Extrême ou Moyen-Orient, et celui de munitions en Europe. Ce problème doit être bien étudié et notamment avec nos alliés.
Le segment drone est effectivement une capacité importante. Nous devons veiller à ne pas prendre de retard. Le Patroller succède au SDTI. Un crash s'est produit alors qu'il était testé par l'industriel, avant qu'il ne soit livré à l'armée de terre en décembre 2019. Une commission d'enquête doit rendre ses résultats début 2021. Le retard sur le Patroller a deux conséquences. Le SDTI n'étant plus dans la période où nous pouvons l'utiliser de manière sécurisée, il ne vole plus. Nous assistons donc à une rupture capacitaire. S'y ajoute un réel problème de gestion des hommes et des femmes servant ce système d'armes. Ils aiment leur métier et ont besoin d'être maintenus en qualification. Un vrai dialogue a toutefois été établi avec l'industriel pour mettre en place des moyens de simulation permettant de ne pas trop perdre la main. Toutefois, cela ne remplacera jamais le véritable matériel. À mes yeux, il est capital que nous disposions au plus vite d'un Patroller, mais celui-ci doit impérativement être sûr. Je refuse que les soldats travaillent sur un système qui ne soit pas fiable. Ne nous précipitons donc pas sans prendre en compte l'ensemble de ces paramètres.
Le SMDR, le système de mini-drones de reconnaissance, accuse également du retard, que nous sommes en train de combler. Les trois premiers ont été mis en place pour évaluation à la Section technique de l'armée de Terre, la STAT. Nous travaillons actuellement sur leur mise en oeuvre opérationnelle, avant de les projeter l'année prochaine sur un théâtre d'opération.
Madame la sénatrice, vous avez évoqué les munitions de nouvelle génération. Elles sont généralement onéreuses, nous sommes limités dans leur utilisation. Nous devons développer la simulation qui permet de répéter les séquences de tir et donc de s'accoutumer. Une gestion raisonnable est également essentielle. Les munitions peuvent être tirées plus facilement lorsqu'elles approchent de leur date de péremption. Une bonne gestion des stocks permet une utilisation à l'entraînement avant qu'elles ne soient démantelées ou qu'elles ne soient hors d'usage.
Les petits équipements sont capitaux dans l'armée de terre. Ils contribuent directement à l'efficacité du soldat engagé en opération. Ils ne doivent pas être considérés comme une variable d'ajustement. Ces programmes ont certes une moindre visibilité, mais leur impact est très fort. Un effort important a donc été réalisé pour accélérer le plan d'équipement. Prenons le gilet pare-balle : le fait que chacun dispose du sien en permanence ou que les soldats ne le perçoivent que pour partir en mission fait une grande différence. Lorsqu'un nouvel équipement est disponible, tous les soldats aimeraient en disposer dès le premier jour. C'est normal. Ils n'ont pas le recul des plus anciens qui ont vu la silhouette et l'équipement du soldat français évoluer fortement ces quinze dernières années. Tout l'équipement dont dispose ou disposera, à terme, un soldat lui permet aujourd'hui de remplir sa mission dans d'excellentes conditions. Vous n'empêcherez pas un soldat de préférer une paire de lunettes balistiques à une autre. Ils aiment acheter leur propre matériel, c'est humain. Cela ne signifie pas que celle qui est distribuée n'est pas de bonne qualité.
Le marché de fusils tireurs d'élite SCAR a été notifié fin 2019. Il sera normalement distribué fin 2020 ou en début d'année prochaine. Il en va de même pour le Glock, nouveau pistolet automatique.
Vous évoquiez le SICS. Un article paru à ce sujet présentait de nombreuses erreurs et imprécisions. Il est nécessaire de différencier SICS - le logiciel - de Contact, le poste radio. Aujourd'hui, le logiciel est déployé mais il travaille avec le poste PR4G, qui date des années 1990. Le poste Contact sera plus performant que celui-ci et mieux adapté à SICS. Aujourd'hui, nous pouvons transmettre des données ou de la phonie, mais pas simultanément, ou en tout cas pas dans toutes les conditions. Nous avons dû faire un choix. Nous aurions pu attendre et ne livrer les Griffon qu'une fois complets, avec tout leur environnement. Nous avons décidé de livrer les véhicules au plus tôt, permettant aux soldats d'appréhender une bonne partie du combat infovalorisé. L'article est inutilement alarmiste et singulièrement inexact.