Intervention de Laurence Cohen

Réunion du 13 novembre 2020 à 14h30
Financement de la sécurité sociale pour 2021 — Article 28

Photo de Laurence CohenLaurence Cohen :

L’article 28 tend à remplacer le ticket modérateur par un forfait patient urgences sous la forme d’une participation forfaitaire d’un montant de 18 euros, à la charge des patients qui passent aux urgences sans être hospitalisés.

Je citerai Philippe Batifoulier, professeur d’université en santé et protection sociale : il estime que le nouveau forfait, comme la plupart des forfaits, est une aberration économique et pose un problème de santé publique. C’est une analyse que nous partageons.

Déplorant que le nombre de passages annuels aux urgences ait doublé depuis vingt ans, le Gouvernement ne dresse pas de bilan de son incapacité à construire une offre de soins cohérente sur le territoire. Au contraire, il élabore une réforme visant à modifier le comportement des usagers en ce qui concerne le recours aux urgences, réforme basée sur l’idée que les personnes iraient aux urgences sans motif valable, seulement en raison de leur gratuité. Il imagine ainsi que le fait d’introduire une incitation financière permettra sans doute à ces usagers d’être plus rationnels dans leur choix de consultation.

Cette mesure est en totale déconnexion avec le terrain. Étant donné les conditions d’accueil et les temps d’attente aux urgences, toujours plus catastrophiques en raison du manque de moyens criant des services et de la déficience des permanences de soins de la médecine de ville, comment peut-on voir un quelconque opportunisme des assurés dans leur choix d’aller aux urgences ?

De plus, cette mesure consiste à faire supporter aux individus des problèmes anciens de moyens structurels que le Gouvernement refuse de traiter autrement que par des politiques incitatives vouées à l’échec, comme le montrent toutes les évaluations.

Faire payer le passage aux urgences, c’est revenir sur le principe fondamental d’égalité des soins, lequel est au cœur du projet de l’hôpital public. Les conséquences risquent d’être dramatiques, avec une augmentation du renoncement aux soins indispensables, notamment de la part des personnes les plus fragiles. Pour rappel, 5 millions de personnes n’ont pas de complémentaire santé. On sait qu’aller se faire soigner est toujours une démarche difficile pour ces publics.

Cette mesure ouvre donc la porte à des reports de soins qui, in fine, engendreront des coûts importants pour la sécurité sociale. Elle ouvre aussi, bien évidemment, un nouveau marché aux complémentaires et constitue un pas de plus vers la marchandisation des soins. Une solution : le 100 % sécu pour tous et pour l’ensemble des soins !

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