Intervention de Adrien Taquet

Réunion du 13 novembre 2020 à 21h30
Financement de la sécurité sociale pour 2021 — Article 35, amendement 602

Adrien Taquet :

Je suis défavorable, sensiblement pour les mêmes raisons que celles que vient d’exposer Mme la rapporteure, à l’amendement n° 602 rectifié.

Si nous insistons sur le caractère obligatoire du congé, je l’ai évoqué, c’est parce qu’il existe des phénomènes d’autocensure. La réalité est que, en fonction de votre situation professionnelle, vous ne prenez pas le congé de paternité de la même façon.

J’ai discuté avec nos homologues du Québec et du nord de l’Europe. Le Québec, la Suède, la Finlande ont une approche globalisée de tous les congés parentaux. C’est d’ailleurs intéressant, il faudra que l’on examine tout cela de plus près. Quand on discute avec eux du congé paternité, tous disent que c’est son caractère obligatoire qui a changé la donne : grâce à cela, les hommes l’ont pris davantage et le genre n’est plus devenu un biais dans les entreprises.

J’ai pris un petit-déjeuner un matin avec des papas suédois : ils m’ont dit que, en Suède, lorsqu’un chef d’entreprise reçoit deux CV, celui d’un homme et celui d’une femme, il n’y a plus de biais, car il sait que tous deux prendront leurs congés, quoi qu’il arrive. C’est ça l’égalité, c’est ainsi qu’on y arrivera !

Très sincèrement, j’espère que le monde de demain se rapprochera du monde idéal et que la question du caractère obligatoire de ce congé ne se posera même plus parce que les pères le prendront : ce sera devenu la norme.

Néanmoins, je pense que, aujourd’hui, le rôle de la loi – celle sur la parité a été évoquée tout à l’heure – est aussi d’accompagner la société dans ses évolutions. C’est également votre rôle en tant que législateur. Dans quelques années, les entreprises auront compris que la politique familiale d’une entreprise est un facteur d’attractivité pour les salariés. D’ailleurs, un certain nombre d’entreprises savent déjà que mettre en place des mesures pour la famille permettant de mieux articuler vie professionnelle et vie personnelle est une façon d’attirer les meilleurs éléments.

Vous parlez de liberté, madame la sénatrice, et j’aurais dû commencer par là parce que c’était le début de votre argumentation. Selon vous, les jeunes pères devraient avoir la liberté de choisir. Je respecte totalement cette approche, mais qu’en pense la mère ? Qu’en pense l’enfant ?

Détrompez-vous, les jeunes pères auxquels vous vous référez – je ne veux pas non plus en faire un phénomène générationnel – appellent très majoritairement de leurs vœux – plus de neuf jeunes pères sur dix – cet allongement de la durée du congé de paternité. Selon une étude de la Fondation des femmes, sept hommes sur dix âgés de moins de 35 ans sont favorables à un congé obligatoire de six semaines. La grande majorité des Français, soit huit sur dix, sont également pour l’allongement de la durée du congé de paternité. Par ailleurs, environ 55 % des Français considèrent que le caractère obligatoire de la mesure est une bonne chose. Ce taux atteint même 65 % dans les catégories populaires.

Le caractère obligatoire de la mesure me paraît donc nécessaire. Voilà pourquoi j’émets un avis défavorable sur l’amendement n° 449 rectifié quinquies.

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