Intervention de Éric Dupond-Moretti

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 17 novembre 2020 à 17h45
Projet de loi de finances pour 2021 — Audition de M. éric duPond-moretti garde des sceaux ministre de la justice

Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux :

Il n'y a pas que la justice pénale dans la justice de proximité. Les juristes assistants font gagner du temps de magistrat, notamment pour se rendre auprès des plus démunis ; je pense aux affaires de tutelle, ou encore au temps gagné pour le déstockage des affaires en attente. Les Français attendent une justice pénale rapide - des travaux d'intérêt général effectués quatorze mois après le prononcé, cela n'a aucun sens, il faut que la sanction intervienne quasi immédiatement. Les vacations des délégués du procureur et des magistrats honoraires aideront à aller dans ce sens. Ce temps dégagé permettra de mieux lutter, par exemple, contre les rodéos, qui pourrissent la vie de bien des quartiers et qui nourrissent chez nos concitoyens le sentiment que rien n'est fait. Nous avons commencé à interroger les tribunaux sur leurs besoins, pour des embauches très rapides ; je peux vous dire que les demandes sont fortes et qu'il y aura de l'activité immédiatement - cela va dans le sens de ce que nous voulons pour l'institution judiciaire : des sucres rapides, dont l'effet est immédiat.

Pour les greffiers, il est clair que l'école ne peut pas fournir tous les contingents dont nous avons besoin. Il y a 670 postes vacants, quelque 1 000 élèves sont en cours de formation à l'École nationale des greffes ; nous inscrivons 100 créations de postes dans ce projet de loi de finances et prévoyons 496 renforts de greffe dans le cadre de la justice de proximité : 596 emplois supplémentaires viendront donc soulager les juridictions l'an prochain.

Sur l'aide juridictionnelle, je mets en oeuvre les rapports Moutchou-Gosselin et Perben, après consultation du Conseil national de l'aide juridique - le temps de la consultation explique que nous ayons dû en passer par l'amendement. Nous mettrons 50 millions d'euros sur la table dès le 1er janvier prochain, c'est une première marche ; le rapport Perben évoque le montant de 96 millions d'euros, mais sans prévoir que cette somme doit être disponible en une fois ; une deuxième étape interviendra rapidement, le mouvement est lancé. Nous faisons également passer l'unité de valeur de 4 à 12 euros, c'est très important. Concernant l'avocat en entreprise, c'est une réforme que le barreau suggère ; vous connaissez ses difficultés financières, l'avocat en entreprise est une mesure que certains demandent, que d'autres repoussent - je propose une expérimentation et, ensuite, nous nous concerterons.

Nous avons demandé le report de la mise en place de la juridiction nationale des injonctions de payer, parce que les appels à candidatures n'ont guère rencontré de succès ; en réalité, les économies d'emplois seraient résiduelles, nous devons trouver la meilleure solution.

Sur l'informatique, j'ai demandé une priorisation des projets. Nous ne sommes pas les meilleurs en la matière, ce n'est pas nouveau. Nous avons voulu choisir, car qui trop embrasse mal étreint, nous voulons nous concentrer sur un plus petit nombre de priorités d'ici à la fin de l'année. Il y a un plan de déploiement massif : 4 000 ordinateurs ultra portables seront livrés avant la fin de l'année. Le déploiement du logiciel « WinCI» est effectué à 94 % dans les tribunaux judiciaires. Nous allons aussi trouver des moyens dans le plan de relance, au-delà même de notre équipement informatique - je pense par exemple aux véhicules verts. Nous avançons sur l'adaptation au numérique de notre socle technique, sur nos outils de travail, sur le renforcement de nos réseaux et des capacités de travail de nos serveurs ; nous avons avancé sur la procédure pénale numérique, nous travaillons aussi pour le civil, avec la prise de date par voie électronique. Nous sommes prêts au ministère, nous demandons au barreau qu'il fasse un effort lui aussi.

La dématérialisation et les outils numériques sont également très utiles pour l'aide juridictionnelle, le suivi des mineurs, le suivi des travaux d'intérêt général, aussi bien que pour l'administration pénitentiaire, où le portail numérique en détention est très attendu par le personnel. Nous inscrivons 16 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 173 millions d'euros en CP pour le plan de transformation numérique ; 353 millions d'euros ont été dépensés à la fin octobre sur le plan depuis deux ans, l'effort est considérable.

Les coûts de l'immobilier augmentent entre 5 et 10 %, parfois plus pour certains projets ; le phénomène peut être en partie conjoncturel, avec la crise sanitaire, je ne sais pas quelle sera la part structurelle. En tout cas, j'ai obtenu un niveau d'AE suffisant pour ne pas remettre en cause la programmation immobilière de 8 000 nouvelles places de prison, et ce non pas pour incarcérer davantage, mais pour mieux incarcérer, conformément à notre droit et aux rappels que nous en font aussi bien nos plus hautes juridictions nationales que la Cour européenne des droits de l'homme.

Vous l'avez dit, le bracelet anti-rapprochement été mis en oeuvre à Bobigny, Pontoise, Douai, Aix-en-Provence et Angoulême en septembre dernier, il sera généralisé à la fin de l'année, y compris dans les outremer.

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