Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale

Réunion du 17 novembre 2020 à 17h45

Résumé de la réunion

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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Nous auditionnons M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, sur son projet de budget pour 2021.

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Je suis très heureux de vous présenter ce budget. Je salue la qualité des échanges qui ont eu lieu en commission des finances le 4 novembre dernier, laquelle a proposé d'adopter ce budget sans modification.

Ce projet de budget progresse de 8 %, soit 607 millions d'euros supplémentaires, c'est deux fois l'augmentation de l'an passé et cela en fait un budget historique pour la justice, à 8,2 milliards d'euros. Ces moyens inégalés depuis vingt-cinq ans vont permettre le rattrapage défini par la loi de programmation pour la justice et le financement de mes priorités, au premier chef la justice de proximité.

Il s'agit d'abord d'un rattrapage en moyens humains : il y aura 1 500 recrutements nets en 2021, soit 240 de plus que prévu en loi de programmation, qui s'ajouteront aux quelque 950 emplois supplémentaires décidés l'an passé et qui sont en cours de recrutement pour renforcer les tribunaux, les établissements pénitentiaires et les équipes de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ). Au total, il y aura 2 450 recrutements supplémentaires, dont 1 100 nets pour les tribunaux, avec 50 magistrats, 130 directeurs de greffe, 596 greffiers et renforts de greffe - sachant qu'il y a 700 vacances de postes dans les greffes ; il y aura 1 200 renforts pour l'administration pénitentiaire, avec 719 créations de postes de surveillants, 335 conseillers pénitentiaires et 126 personnels pour la PJJ, dont 107 éducateurs. Ces crédits sont particulièrement bienvenus dans le contexte actuel, ce sont des moyens en plus, également, pour le renseignement pénitentiaire, pour la réalisation de places dédiées aux détenus radicalisés, pour le recrutement et la formation d'agents spécialisés.

Au-delà, nous devons améliorer le fonctionnement de notre justice en général. C'est pourquoi tous les maillons de la chaîne judiciaire vont être renforcés, pour mieux accueillir, juger plus vite et mieux faire exécuter les peines : c'est ce que les Français attendent de leur justice et c'est le sens de la justice de proximité.

Ce budget nous donne des moyens inédits : 200 millions d'euros et le fléchage de 1 100 emplois nouveaux sur les 2 450 postes que je vous ai annoncés. Ces recrutements viendront soutenir les juridictions, avec un total de 914 juristes assistants et des renforts pour les greffes ; 764 postes sont déjà en cours de recrutement sur contrats de projet. Nous n'avons pas une préférence pour le contrat par rapport au statut, mais nous devons y recourir pour recruter rapidement, compte tenu de l'urgence pour le service public de la justice : ces contrats sont plus souples et plus rapides à mettre en place, nous n'avons pas à attendre les dix-huit mois que requiert la formation pour les emplois statutaires. Les emplois contractuels permettront aux magistrats et aux greffiers de se concentrer sur le jugement, donc de réduire les délais de jugement - on estime que la présence d'un juriste assistant va jusqu'à doubler le nombre de jugements rendus par magistrat. Les services judiciaires vont être renforcés par un recours accru aux magistrats à titre temporaire, aux magistrats honoraires et aux délégués du procureur ; aujourd'hui, les services bénéficient de l'appui de 484 magistrats temporaires, 455 magistrats honoraires et 919 délégués du procureur, soit quelque 2 000 personnes en tout - je veux porter ce nombre à 3 000 et nous fléchons 28 millions d'euros pour renforcer les vacations.

L'administration pénitentiaire et la protection judiciaire de la jeunesse bénéficient également des moyens nouveaux de la justice de proximité : nous venons de recruter 100 conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation (CPIP) supplémentaires, qui viennent compléter par anticipation les 1 092 créations nettes prévues pour l'administration pénitentiaire, ainsi que 86 éducateurs de la PJJ, qui complètent eux aussi les 40 créations nettes proposées pour 2021.

Les moyens alloués à la justice de proximité portent également sur les dépenses de fonctionnement, d'investissement et d'intervention : nous envisageons d'augmenter de 127 millions d'euros les crédits en matière de frais de justice, soit une progression de 26 %. Cet effort considérable permettra d'agir concrètement en renforçant les moyens pour les frais d'expertise des enquêtes sociales rapides ou encore le renforcement du maillage territorial des unités médico-judiciaires : je souhaite ainsi dédier 20 millions d'euros supplémentaires à l'accueil des victimes au sein des unités médico-judiciaires.

La justice de proximité passe aussi par l'accélération et la diversification de la réponse pénale, avec 5 millions d'euros pour le déploiement des bracelets électroniques et des bracelets anti-rapprochement (BAR), ainsi que 2 millions d'euros pour le développement des travaux d'intérêt général (TIG) et du travail non rémunéré.

Mais la justice de proximité, c'est aussi l'amélioration de l'accompagnement des mineurs délinquants. Nous allons ainsi consacrer 20 millions d'euros au soutien du milieu associatif habilité qui intervient au bénéfice des mineurs pris en charge par la PJJ.

Ce budget permet d'aller au-delà d'un simple rattrapage de la loi de programmation et de réforme pour la justice, puisqu'il dépasse de près de 200 millions ce qui était inscrit en loi de programmation pour 2021.

Avec 607 millions d'euros supplémentaires, nous allons pouvoir poursuivre les politiques mises en oeuvre depuis le début du quinquennat. Nous allons investir davantage dans les programmes immobiliers des services judiciaires. Fin septembre, j'étais avec le Premier ministre au tribunal de Bobigny, où nous avons constaté que, littéralement, le tribunal prenait l'eau. Nous avons annoncé la construction d'un nouveau palais de justice pour 2025, avec l'engagement de 120 millions d'euros dès 2021 en crédits de paiement (CP). Les crédits dédiés à l'investissement immobilier progressent de 6 %, soit 227 millions d'euros : nous allons pouvoir faire des travaux au tribunal judiciaire (TJ) d'Aix-en-Provence, au palais de justice de Bastia ou encore construire de nouveaux palais de justice à Lille, à Mont-de-Marsan, à Perpignan, et bien sûr restructurer le palais de justice de l'île de la Cité à Paris.

Au total, les services judiciaires bénéficieront de 3 milliards d'euros, en hausse de 7 %, soit 203 millions d'euros de plus en un an.

Les crédits de l'administration pénitentiaire s'établissent à 3,3 milliards d'euros, en hausse de 9 %. Le plan de construction des 15 000 places de prison reçoit 556 millions d'euros en CP, en hausse de 42 %, avec l'objectif de programmer la deuxième phase des 8 000 places d'ici à la fin du quinquennat. Ces crédits permettront la livraison dès l'an prochain du centre pénitentiaire de Lutterbach, mais aussi d'ouvrir les places prévues des structures d'accompagnement vers la sortie (SAS) : quelque 2 000 places en SAS seront ouvertes d'ici à 2022, comme prévu par la loi de programmation. Pour ce programme, j'ai besoin du soutien de tous les élus, en particulier des sénateurs, pour convaincre les maires qui sont parfois réticents à voir construire des établissements pénitentiaires sur leur territoire. La sécurité pénitentiaire bénéficiera de 63 millions d'euros, en hausse de 10 %, pour mieux lutter contre les drones malveillants ou encore poursuivre le déploiement des systèmes de brouillage des communications.

La PJJ n'est pas oubliée, avec 50 millions d'euros supplémentaires, soit 7 % de plus que l'an passé. C'est particulièrement utile pour préparer l'entrée en vigueur, au 31 mars prochain, du nouveau code de la justice pénale des mineurs. Nous allons développer les alternatives aux poursuites dans le secteur associatif habilité et apporter une réponse plus rapide et plus efficace aux actes de délinquance les moins graves.

Nous renforçons notre soutien aux structures qui prennent en charge les mineurs les plus difficiles, parce qu'ils présentent des troubles du comportement qui compromettent leur séjour dans les structures classiques. À titre d'exemple, 2,4 millions d'euros seront consacrés à la création de trois internats socio-éducatifs médicalisés pour adolescents. Nous poursuivons également notre politique de construction de 20 centres éducatifs fermés (CEF).

Ce budget permettra également d'améliorer l'accès de tous à la justice. Nous ajoutons ainsi 50 millions d'euros à l'aide juridictionnelle, soit 10 % d'augmentation ; nous allons mettre en oeuvre sans attendre la réforme et la revalorisation de l'aide juridictionnelle. Votre commission des finances, le 4 novembre, nous a reproché d'être passés par un amendement pour réformer l'aide juridictionnelle, plutôt que par le texte initial ; mais si nous l'avons fait, c'était pour laisser le temps à la concertation dans le cadre du Conseil national de l'aide juridique, qui s'est réuni en un temps record à plusieurs reprises en septembre.

Cette réforme de l'aide juridictionnelle vise à augmenter la rémunération des avocats : dès le 1er janvier, l'unité de valeur s'établira à 12 euros et nous révisons le barème pour mieux rémunérer les médiations. Il faut pouvoir utiliser cet effort budgétaire également pour développer les modes alternatifs de règlement des différends.

Pour les personnels du ministère, j'ai décidé de mettre en oeuvre une politique de ressources humaines visant à reconnaître d'abord le professionnalisme et les compétences des agents. Nous allons ainsi augmenter les primes des éducateurs de la PJJ qui accompagnent les mineurs la nuit et le week-end, ces primes n'ayant pas été revalorisées depuis parfois vingt ans. Pour accroître leur attractivité, nous allons revaloriser l'indemnité pour charge pénitentiaire des surveillants, avec une priorité aux jeunes professionnels qui bénéficieront d'une augmentation de 300 euros de leur rémunération. Nous allons aussi revaloriser le régime indemnitaire des greffiers et des directeurs de greffe, qui a décroché par rapport à des corps équivalents, alors qu'ils sont un rouage essentiel dans le fonctionnement de notre justice.

Debut de section - PermalienPhoto de Agnès Canayer

Ce budget consent un effort réel, avec une hausse de 8 % pour la mission « Justice » hors dépenses de pensions, c'est davantage que l'engagement de la loi de programmation, et proche de ce que le Sénat demandait. Cependant, des questions demeurent.

D'abord sur les emplois : en additionnant les annonces du quatrième collectif budgétaire pour 2020 et du projet de loi de finances pour 2021, vous annoncez 914 emplois contractuels supplémentaires pour la justice pénale de proximité : quel en est le contour précis ? Pourquoi visez-vous d'abord, voire uniquement la justice pénale, alors que la justice civile représente la justice de proximité par excellence ? La justice civile représente un contentieux plus important : 2,3 millions de décisions par an, contre 800 000 pour la justice pénale, et il faut compter avec un apurement nécessaire des stocks plus important en civil.

Dans ce contexte, pourquoi ne pas créer davantage de postes pérennes de greffiers ? La formule du contrat est certes plus rapide, mais cette stratégie nous interroge alors que le nombre de vacances de postes s'élève encore à 700 chez les greffiers, soit 7 %. Vous avez dit, devant l'Assemblée nationale, que vous alliez résorber cette vacance d'ici à la fin de l'année prochaine : comment comptez-vous faire ?

L'aide juridictionnelle, ensuite, est un facteur décisif pour l'accès à la justice, vous augmentez ses crédits de 25 millions d'euros : est-ce le coût en année pleine ? Pensez-vous pouvoir atteindre l'unité de valeur à 40 euros comme le préconise le rapport Perben ? Envisagez-vous le recours aux avocats en entreprise alors que ce sujet est loin de faire consensus ?

Enfin, où en est-on de la juridiction nationale des injonctions de payer (JUNIP), créée par la loi du 23 mars 2019 de programmation et de réforme pour la justice et dont l'installation est normalement prévue au 1er septembre 2021. Nous avons accepté, dans la loi du 17 juin 2020 relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d'autres mesures urgentes ainsi qu'au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne, son report de neuf mois pour que vous puissiez achever les développements informatiques nécessaires. Depuis, nous avons cru comprendre que vous souhaitiez abandonner cette réforme, ce qui nécessiterait de revenir devant le Parlement. Pouvez-vous nous le confirmer et nous expliquer les raisons de ce revirement ?

Debut de section - Permalien
Dominique Vérien co-rapporteure pour avis sur les crédits de la mission « Justice » consacrés à la justice judiciaire et à l'accès au droit

La crise sanitaire a mis en exergue les difficultés de mise à niveau numérique de la justice, même si des investissements importants ont été réalisés. Vous vous êtes fixé l'objectif d'équiper en ordinateurs portables 90 % des magistrats et 50 % des greffiers d'ici fin 2020. Combien d'entre eux en sont-ils déjà équipés, en particulier les greffiers ? Les outils sont importants, mais ils ne suffisent pas. Il nous a été indiqué que 75 % des tribunaux judiciaires avaient désormais accès à distance à l'applicatif métier « Win-CI» qui permet d'assurer la continuité de la chaîne civile, dont on a constaté les défauts pendant le confinement du printemps. Qu'en est-il et dans quel calendrier l'ensemble des juridictions y auront-elles accès ? Enfin, nous arrivons à l'avant-dernière année de mise en oeuvre du plan de transformation numérique (PTN) lancé en 2018 et doté à l'époque de 530 millions d'euros. La bonne allocation des moyens est aussi un objectif important, voyez le projet Portalis, dont le coût a augmenté de 65 %, pour atteindre 95 millions d'euros... Monsieur le garde des sceaux, combien de crédits de paiement auront finalement été affectés au plan de transformation numérique entre 2018 et 2021 ? Quel bilan en faites-vous ?

En matière d'immobilier, les besoins d'investissement sont patents, mais les coûts augmentent de façon parfois disproportionnée avec l'argument souvent avancé que c'est en raison de l'indice du coût de la construction. Cet indice a progressé de 6,2 % en deux ans, quand certains projets de tribunaux augmentent parfois de 25 à 50 %, ce qui semble correspondre à des évolutions de programme plutôt que des coûts de construction. Quel est le calendrier prévu pour plusieurs opérations emblématiques comme la cité judiciaire de Cayenne, le tribunal de Lille et le tribunal de Bobigny ?

Des questions, enfin, sur le bracelet anti-rapprochement, voté dans la loi du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille, et qui a été mis en oeuvre en septembre 2020 dans cinq juridictions - Bobigny, Pontoise, Douai, Aix-en-Provence et Angoulême. C'est un bon outil, mais pourquoi constate-t-on des délais de mise en place effective pouvant aller jusqu'à un mois ? C'est beaucoup trop long dans les situations de violence familiale... Enfin, quand prévoyez-vous sa généralisation à l'ensemble du territoire national ?

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

Il n'y a pas que la justice pénale dans la justice de proximité. Les juristes assistants font gagner du temps de magistrat, notamment pour se rendre auprès des plus démunis ; je pense aux affaires de tutelle, ou encore au temps gagné pour le déstockage des affaires en attente. Les Français attendent une justice pénale rapide - des travaux d'intérêt général effectués quatorze mois après le prononcé, cela n'a aucun sens, il faut que la sanction intervienne quasi immédiatement. Les vacations des délégués du procureur et des magistrats honoraires aideront à aller dans ce sens. Ce temps dégagé permettra de mieux lutter, par exemple, contre les rodéos, qui pourrissent la vie de bien des quartiers et qui nourrissent chez nos concitoyens le sentiment que rien n'est fait. Nous avons commencé à interroger les tribunaux sur leurs besoins, pour des embauches très rapides ; je peux vous dire que les demandes sont fortes et qu'il y aura de l'activité immédiatement - cela va dans le sens de ce que nous voulons pour l'institution judiciaire : des sucres rapides, dont l'effet est immédiat.

Pour les greffiers, il est clair que l'école ne peut pas fournir tous les contingents dont nous avons besoin. Il y a 670 postes vacants, quelque 1 000 élèves sont en cours de formation à l'École nationale des greffes ; nous inscrivons 100 créations de postes dans ce projet de loi de finances et prévoyons 496 renforts de greffe dans le cadre de la justice de proximité : 596 emplois supplémentaires viendront donc soulager les juridictions l'an prochain.

Sur l'aide juridictionnelle, je mets en oeuvre les rapports Moutchou-Gosselin et Perben, après consultation du Conseil national de l'aide juridique - le temps de la consultation explique que nous ayons dû en passer par l'amendement. Nous mettrons 50 millions d'euros sur la table dès le 1er janvier prochain, c'est une première marche ; le rapport Perben évoque le montant de 96 millions d'euros, mais sans prévoir que cette somme doit être disponible en une fois ; une deuxième étape interviendra rapidement, le mouvement est lancé. Nous faisons également passer l'unité de valeur de 4 à 12 euros, c'est très important. Concernant l'avocat en entreprise, c'est une réforme que le barreau suggère ; vous connaissez ses difficultés financières, l'avocat en entreprise est une mesure que certains demandent, que d'autres repoussent - je propose une expérimentation et, ensuite, nous nous concerterons.

Nous avons demandé le report de la mise en place de la juridiction nationale des injonctions de payer, parce que les appels à candidatures n'ont guère rencontré de succès ; en réalité, les économies d'emplois seraient résiduelles, nous devons trouver la meilleure solution.

Sur l'informatique, j'ai demandé une priorisation des projets. Nous ne sommes pas les meilleurs en la matière, ce n'est pas nouveau. Nous avons voulu choisir, car qui trop embrasse mal étreint, nous voulons nous concentrer sur un plus petit nombre de priorités d'ici à la fin de l'année. Il y a un plan de déploiement massif : 4 000 ordinateurs ultra portables seront livrés avant la fin de l'année. Le déploiement du logiciel « WinCI» est effectué à 94 % dans les tribunaux judiciaires. Nous allons aussi trouver des moyens dans le plan de relance, au-delà même de notre équipement informatique - je pense par exemple aux véhicules verts. Nous avançons sur l'adaptation au numérique de notre socle technique, sur nos outils de travail, sur le renforcement de nos réseaux et des capacités de travail de nos serveurs ; nous avons avancé sur la procédure pénale numérique, nous travaillons aussi pour le civil, avec la prise de date par voie électronique. Nous sommes prêts au ministère, nous demandons au barreau qu'il fasse un effort lui aussi.

La dématérialisation et les outils numériques sont également très utiles pour l'aide juridictionnelle, le suivi des mineurs, le suivi des travaux d'intérêt général, aussi bien que pour l'administration pénitentiaire, où le portail numérique en détention est très attendu par le personnel. Nous inscrivons 16 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 173 millions d'euros en CP pour le plan de transformation numérique ; 353 millions d'euros ont été dépensés à la fin octobre sur le plan depuis deux ans, l'effort est considérable.

Les coûts de l'immobilier augmentent entre 5 et 10 %, parfois plus pour certains projets ; le phénomène peut être en partie conjoncturel, avec la crise sanitaire, je ne sais pas quelle sera la part structurelle. En tout cas, j'ai obtenu un niveau d'AE suffisant pour ne pas remettre en cause la programmation immobilière de 8 000 nouvelles places de prison, et ce non pas pour incarcérer davantage, mais pour mieux incarcérer, conformément à notre droit et aux rappels que nous en font aussi bien nos plus hautes juridictions nationales que la Cour européenne des droits de l'homme.

Vous l'avez dit, le bracelet anti-rapprochement été mis en oeuvre à Bobigny, Pontoise, Douai, Aix-en-Provence et Angoulême en septembre dernier, il sera généralisé à la fin de l'année, y compris dans les outremer.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Vérien

Mais dans quel délai le bracelet est-il posé après la décision de le faire ? Un mois, c'est beaucoup trop !

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

Je n'ai pas entendu qu'il y avait de tels délais - il a pu y avoir des difficultés techniques, au départ, mais le bracelet doit être posé le plus rapidement possible, puisqu'il sert à éloigner le suspect de la victime.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Marc

Je souligne la qualité des réponses qui nous ont été données par vos services à l'occasion des auditions que nous avons conduites sur les prisons. Vous avez mentionné les décisions récentes des plus hautes juridictions, qui acceptent désormais comme motif d'une demande de libération le fait d'être détenu dans des conditions indignes : quelles en sont les conséquences pratiques, en particulier sur l'encellulement individuel ? Existe-t-il un référentiel permettant de préciser ce que sont des conditions de détention dignes ?

Une question, ensuite, sur le renseignement pénitentiaire : est-il conduit en synergie avec le reste du renseignement, aussi bien sur les moyens, que sur les méthodes ?

Debut de section - PermalienPhoto de Maryse Carrère

Le nouveau code de justice pénale des mineurs, qui entrera en vigueur le 31 mars prochain, comprend des procédures nouvelles qui s'imposeront sans délai aux magistrats aussi bien qu'aux services de la PJJ ; or, les moyens de formation baissent l'an prochain pour la PJJ, au point qu'on se demande si la date du 31 mars est bien réaliste : la maintenez-vous, et quel sera le calendrier pour la ratification de l'ordonnance ?

La création de vingt nouveaux centres éducatifs fermés mobilise des ressources importantes. Quel bilan faites-vous des CEF - est-il à ce point positif, que de nouvelles structures se justifient, alors même que vous voulez diversifier les réponses pénales ?

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

Le renseignement pénitentiaire n'aurait aucun sens s'il ne travaillait pas en synergie avec les autres services de renseignement. Lorsque je me suis rendu cette semaine au Parquet national antiterroriste puis dans un quartier d'évaluation de la radicalisation (QER), je me suis posé la question de la bonne articulation entre le judiciaire et le renseignement - dès lors que le contradictoire ne peut se satisfaire de « notes blanches ». En tout état de cause, les synergies existent, dans les deux sens ; 170 agents de l'administration pénitentiaire sont affectés au renseignement pénitentiaire, ils transmettent des informations très utiles aux services lors de la sortie de prison.

Le Conseil constitutionnel demande au législateur de garantir aux détenus placés en détention provisoire de pouvoir saisir le juge du motif de conditions indignes de détention. Quel est le seuil à partir duquel ces conditions deviennent indignes ? Je peux dire, par exemple, que des matelas au sol, c'est indigne ; mais l'analyse est nécessairement subjective, la jurisprudence nous en fera préciser les critères. Je l'ai dit, ma motivation à construire de nouveaux établissements tient non pas à une volonté d'incarcérer plus, mais d'incarcérer mieux. Nous tentons d'ores et déjà de transférer des détenus, sur la base du volontariat, pour équilibrer et améliorer les situations intenables et parfois contraires aux droits de l'homme que l'on rencontre encore dans nos prisons.

J'ai visité plusieurs centres éducatifs fermés qui accueillent ceux qu'on pourrait regarder comme des jeunes ancrés dans la délinquance. Je ne suis pas adepte de l'excuse, mais le moins que l'on puisse dire, c'est que les jeunes qui y arrivent ont déjà une trajectoire difficile, comme s'ils s'étaient accrochés à leur mauvaise étoile, pour paraphraser Cioran. La vie dans les CEF permet à des éducateurs très inventifs de faire que certains de ces jeunes reprennent une scolarité ; le risque zéro n'existe pas, mais si quelques-uns sont sauvés, je crois que les CEF en sont justifiés et qu'ils valent de toute façon mieux que la prison. C'est pourquoi j'y suis favorable, les CEF sont une alternative intéressante à la prison, ce sont de petites structures, où les éducateurs sont très présents ; j'ai la conviction qu'ils ont un impact positif sur les jeunes.

Le nouveau code de justice pénale des mineurs, qui est de grande qualité, contient des mesures très utiles, en particulier celle qui consiste à décider de la culpabilité tout de suite, mais en ouvrant une période probatoire permettant d'aller jusqu'à neuf mois, le prononcé de la peine n'intervenant qu'au terme de cette période en tenant compte du comportement pendant ces neuf mois : la justice en sera rendue plus rapidement et plus efficacement, alors que, aujourd'hui, des infractions sont jugées des années plus tard, en pure perte d'énergie et de sens pédagogique. Il y a des réticences, j'entends dire qu'on ne serait pas prêt ; c'est une ritournelle contre les réformes pénales. L'application a été reportée au 31 mars prochain pour organiser le débat de ratification et aussi résorber les retards dans les décisions. Nous avons procédé par ordonnance pour une réponse plus rapide et, pour une meilleure lisibilité du droit, la partie législative sera inscrite à l'ordre du jour du Parlement au début de l'année prochaine. Enfin, nous créons 70 postes de magistrats dédiés à la jeunesse et 94 postes pour la PJJ ont été mis en place dès cette année, qui renforcent les équipes pour ce passage à la nouvelle procédure.

Debut de section - PermalienPhoto de Antoine Lefèvre

Je confirme avoir proposé à la commission des finances d'approuver ce budget, constatant les efforts importants en personnels et les atouts de la justice de proximité. Je partage vos questions, mes chers collègues, sur l'informatique, sur les emplois, sur le report de la justice des mineurs - nous espérons, monsieur le garde des sceaux, que vous ferez face au stock des affaires pendantes.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

Le bleu budgétaire indique qu'un effort supplémentaire sera déployé pour les audiences foraines, qui facilitent l'accès de tous à la justice et la prise en compte des spécificités des territoires : comment comptez-vous convaincre les présidents de tribunaux d'y recourir davantage ?

Quelque 981 places nouvelles ont été créées ces dernières années dans les prisons ultramarines, elles ont permis de diminuer la surpopulation carcérale, sans la résorber cependant ; vous prévoyez 1 156 nouvelles places d'ici à 2026, c'est nécessaire. Quelles mesures d'accompagnement comptez-vous prendre pour l'existant, en particulier pour l'entretien des bâtiments ?

Debut de section - PermalienPhoto de Muriel Jourda

Je comprends bien que vous vouliez un effet « sucres rapides » pour le système judiciaire, mais à quel niveau pensez-vous recruter les personnels contractuels, en particulier les greffiers contractuels ? Et comptez-vous en transformer une partie en emplois pérennes ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Je salue la hausse importante de ce budget et je sais que vous saurez être vigilant sur les régulations budgétaires en cours d'année - nous avons vu par le passé des budgets qui se sont érodés au fil du temps au point de faire disparaître bien des hausses.

Nous aurions préféré que la réforme de la justice des mineurs fît l'objet d'un projet de loi plutôt qu'une ordonnance. Comment envisagez-vous le débat de la ratification ? Nous voulons disposer du temps nécessaire au débat et à l'exercice de notre droit d'amendement ; nous accueillons favorablement l'esprit de votre réforme, mais le Parlement doit être pris au sérieux : vous y engagez-vous ?

Quelle est votre orientation, ensuite, sur la radicalisation, en particulier dans les établissements pénitentiaires ? Le Sénat a commis un rapport sur la lutte contre la radicalisation islamiste ; nous y avons vu que, sous couvert de « déradicalisation », on fait des choses souvent inefficaces et ce n'est pas en regardant telle vidéo ou en suivant telle méthode que l'on change d'idéologie et de vision du monde. Comment envisagez-vous l'action publique dans ce domaine, en particulier dans les prisons, dont certains quartiers semblent devenus de véritables clusters de radicalisation ?

Enfin, la justice est désormais responsable de toutes les extractions pénitentiaires, alors que vous partagiez auparavant cette tâche avec la police, mais en avez-vous réellement les moyens ? J'ai entendu dire qu'il était envisagé de faire appel à des sociétés privées pour des escortes, alors qu'il s'agit bien là d'une mission régalienne : confirmez-vous un tel recours ?

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Ce budget augmente, mais ne perdons pas de vue que notre pays fait partie de ceux qui consacrent le moins de ressources à son système judiciaire, ce qui a des conséquences directes sur les délais, donc sur la confiance des citoyens dans la justice. La crise sanitaire a recouvert un mouvement de protestation des barreaux contre la réforme des retraites, mais le stock de décisions en retard est bien réel, nous en sommes là dans notre pays lorsqu'on parle de rendre justice.

La réforme du tribunal judiciaire entraîne une spécialisation accrue dans les départements, donc un risque que s'installe une hiérarchie de fait entre les juridictions : comment, dans ces conditions, maintenir une proximité avec les justiciables dans l'ensemble des juridictions, assurer concrètement le principe d'égalité devant la justice, et finalement répondre aux femmes et aux hommes de notre pays qui ont besoin que justice soit rendue pour faire société ?

Enfin, comme mes collègues, je vous alerte sur l'enjeu de la réhabilitation et de l'entretien des prisons, qui est peut-être aussi important que la construction de nouvelles places, et je m'inquiète également de la réforme du droit pénal des mineurs.

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

L'une des raisons des stocks importants dans la justice des mineurs tient au fait qu'il n'y a aucun délai entre la mise en examen et la fin de la procédure pour les mineurs - ce n'est pas la seule raison, je n'ignore pas l'indigence de la justice, mais c'en est une. S'il fallait attendre que ce « stock » - je déplore ce vocable - soit entièrement résorbé pour entreprendre une réforme, nous ne la ferions jamais ; c'est pourquoi nous avons avancé sur le texte, tout en prévoyant des renforts en termes de moyens et de personnels - c'est la meilleure façon d'avancer.

Le recours accru aux magistrats honoraires et à titre temporaire facilitera l'organisation d'audiences foraines ; les délégués du procureur auront aussi leur rôle, ils verront leurs missions accrues et diversifiées. Les contractuels de la justice de proximité, recrutés en catégories A et B, permettront eux aussi de décharger du temps pour les audiences foraines. Nous prévoyons des moyens matériels pour faciliter de telles audiences, au civil comme au pénal, car elles sont un moyen d'être au plus proche des justiciables.

L'amélioration des conditions de détention outre-mer est une priorité de l'administration pénitentiaire ces dernières années, elle passe par la remise à niveau des établissements et la construction de nouveaux centres de détention. L'état de vétusté, la suroccupation, les conditions climatiques se cumulent pour rendre les conditions de détention particulièrement difficiles, nous devons les améliorer. Nous allons réhabiliter 14 établissements et la loi de programmation prévoit la création de cinq nouvelles structures, soit 1 001 places sur les 15 000 du programme national, ce qui est important.

Le centre de détention de Koné, en Nouvelle-Calédonie, avec ses 120 places, devrait être livré à la fin de l'année prochaine. Au début de cette année, les établissements ultramarins détenaient 5 238 personnes, pour 4 488 places, les effectifs ont diminué de 15 % pendant le confinement du printemps, la situation varie selon les territoires - la suroccupation est la plus forte à Mayotte. Nous recourons également davantage aux aménagements de peine - en 2019, 32 % des condamnés libérés outre-mer ont bénéficié d'un aménagement de peine, contre 29 % en moyenne nationale, avec de fortes disparités cependant.

Les contrats de projet pour les renforts correspondront à des recrutements de catégories A et B, les contractuels seront formés en interne, ils pourront intégrer ensuite la fonction publique par concours - ils seront bien préparés. Des postes pérennes de magistrats et de greffiers sont prévus dans ce budget : 50 magistrats, 130 directeurs de greffe, 100 greffiers, 38 personnels, au total 318 emplois pérennes.

Il n'est nullement envisagé de recourir à des sociétés privées pour les transfèrements de détenus. Cependant, il y a eu des difficultés, des juges ont dû libérer des détenus parce que le transfèrement n'avait pas été effectué ; une inspection est donc en cours avec le ministère de l'intérieur, nous devons améliorer la procédure, mais certainement pas recourir à des sociétés privées.

Je peux vous rassurer également sur le débat relatif au code de justice des mineurs : il sera complet.

Sur la radicalisation, il faut parler de ce que l'on fait en détention et de ce que l'on fait des condamnés qui recouvrent la liberté. Je me suis rendu dans un quartier d'évaluation de la radicalisation (QER) - il y en a six et nous en ouvrirons un septième en décembre. Ces quartiers servent à évaluer la dangerosité des individus radicalisés, qui y passent seize semaines, pendant lesquelles une équipe pluridisciplinaire se penche sur leur personnalité - je tiens beaucoup à cette pluridisciplinarité, car il ne faut pas gommer les aspérités de chacun. Au terme de cette procédure, la personne peut être envoyée dans un quartier de prise en charge spécialisée. Je sais que le risque zéro n'existe pas, mais n'ajoutons pas à la démagogie qu'on entend ici ou là. Par ailleurs, nous travaillons sur la reprise de la proposition de loi de Yaël Braun-Pivet qui a été sanctionnée par le Conseil constitutionnel. Je travaille avec les juges de l'application des peines antiterroristes, j'ai rencontré tous les responsables de l'action antiterroriste, nous voulons améliorer les choses. Nous voulons également éradiquer la haine en ligne, des individus pourrissent littéralement notre société, souvent en toute impunité. Nous devons trouver des régulations qui n'entravent pas la liberté de la presse ni d'opinion, mais sanctionnent la haine en ligne - elle a eu sa part, on l'a vu, dans l'assassinat de Samuel Paty. J'ai toujours distingué la délinquance de basse intensité, pour laquelle je prône les peines alternatives à la prison, et les autres délinquances, où la prison a toute sa légitimité.

Vous évoquez un projet de hiérarchiser les juridictions, madame Cukierman, il n'y en a pas, elles sont traitées de façon équivalente : je ne vois pas comment vous répondre.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Il faut entendre par là les craintes qui nous remontent de la part des magistrats et les autres fonctionnaires de la justice : je n'ai pas dit que votre projet visait explicitement à hiérarchiser les juridictions, mais qu'elle en comportait le risque, qu'elle allait y conduire de fait, avec des conséquences pour l'accès à la justice, en particulier pour les plus précaires - mais nous en discuterons quand vous présenterez votre réforme.

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

Vous me parlez du ressenti, mais pas du statut, qui continuera de placer les juridictions sur le même plan.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Vous avez évoqué la proposition de loi de Yaël Braun-Pivet ; nous avons aussi la proposition de loi du 4 mars 2020 de nos collègues Philippe Bas et Marc-Philippe Daubresse renforçant la lutte contre le terrorisme et le suivi des condamnés terroristes à leur sortie de détention.

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

Vous avez raison, je lui ai apporté mon soutien, nous sommes sur la même longueur d'onde...

Debut de section - PermalienPhoto de Marie Mercier

Après une année 2019 effroyable en matière de meurtres sur conjoint et de violences familiales, l'année 2020 ne sera certainement pas glorieuse avec l'impact du confinement sur les violences intrafamiliales : quel effort pensez-vous faire pour soutenir davantage les victimes ?

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Gatel

En tant que maire, j'ai constaté le manque de disponibilité des gendarmes du fait de certains transfèrements qui leur prenaient parfois la journée, avec des impacts sur l'ensemble du territoire ; on nous disait alors que les choses allaient changer : que s'est-il passé depuis ?

Dans l'évaluation de la radicalisation, ensuite, la justice fait appel à des associations dont certaines ne paraissent pas toujours si conformes à ce que votre discours officiel promeut : comment s'assurer du sérieux de ces associations et comment leur travail est-il évalué ?

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

L'ordonnance du 25 mars 2020 a permis d'assouplir des procédures devant les juridictions civiles et pénales, en aurons-nous un bilan ? Pensez-vous conserver des mesures dans les ordonnances que vous allez devoir prendre ?

Debut de section - PermalienPhoto de Lana Tetuanui

L'un de vos prédécesseurs, Jean-Jacques Urvoas avait dit que les emplois de la nouvelle prison de Tatutu, en Polynésie française, iraient aussi à des Polynésiens ; or, nous constatons que si des Polynésiens occupent effectivement des postes de surveillants, les fonctions d'encadrement leur sont inaccessibles, alors qu'ils passent les concours : est-ce bien égalitaire ? Ensuite, quelle est votre position sur l'inamovibilité des magistrats, sachant que, dans les collectivités comme les nôtres, où le territoire est grand, mais la population peu nombreuse, tout se sait et tout le monde parle de tout le monde : pour espérer une justice véritable, il ne faut pas rester à vie dans un poste...

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Je rends hommage à votre stratégie pour créer des postes et combler les vacances, nous savons que l'exercice est difficile. Cependant, les postes qui sont vacants ne le sont pas par hasard : sur certains postes, il y a un problème criant d'attractivité. Que comptez-vous faire pour y remédier ?

Debut de section - PermalienPhoto de Hussein Bourgi

Je salue la hausse du budget, mais je ne peux taire qu'elle est trop modérée pour la PJJ : 86 éducateurs et 40 postes en CEF, c'est à peine un poste supplémentaire par département, loin des besoins. La délinquance des mineurs pose de vrais problèmes, en particulier celui d'une minorité de mineurs non accompagnés multirécidivistes, qui paraissent submerger les services de la PJJ : comment traiter ce problème particulier ?

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

Le soutien aux associations locales d'aide aux victimes des violences familiales fait partie intégrante de nos priorités. Le montant du programme 101 consacré à l'aide aux victimes a quadruplé depuis 2011, passant de 1,7 million d'euros à 6 millions d'euros en 2019, puis à 8,1 millions d'euros l'an prochain ; nous mettons en service 1 750 « téléphones grave danger », c'est trente-quatre fois plus qu'en 2011, ces téléphones permettent de mieux répondre aux besoins de terrain, avec des astreintes plus fortes de façon à apporter un soutien. Le sujet est majeur, ces violences sont insupportables, le budget conforte nos moyens.

Il n'y a pas d'associations qui gangrèneraient les structures d'évaluation de la radicalisation, ceux qui interviennent dans ce processus sont des professionnels qui relèvent du ministère de la justice, dans des équipes pluridisciplinaires.

Je veux dire un mot sur la justice pendant l'épidémie de covid-19. Nous avons fait tout notre possible pour que la justice continue malgré ce deuxième confinement, car nous en avons besoin en temps de crise. Nous avons pris toutes les mesures pour protéger les agents du ministère, nous avons aménagé les horaires, veillé aux équipements de protection, à l'accueil des justiciables - les chiffres de contamination sont modestes, et apparaissent en baisse. Au sein des prisons, j'ai tenu à ce que les parloirs pour les familles continuent et nous avons accordé des forfaits téléphoniques. La justice a pris du retard, il y a eu la grève des avocats, le confinement - aujourd'hui les choses se passent bien et j'ai bon espoir que nous reprenions notre marche normale. Nous tentons l'extension de la visioconférence dès que cela est possible, mais un quart seulement des personnels sont équipés. Nous avons pensé à la publicité restreinte, à l'aménagement des audiences. Nous espérons que les choses vont aller de mieux en mieux ; la justice continue son oeuvre, je rends hommage à tous ses personnels, ils ont tenu la barre.

L'inamovibilité des magistrats est un principe essentiel de la justice, une garantie de l'indépendance des magistrats ; mais cela ne signifie pas que les magistrats sont en poste à vie : la durée est strictement limitée pour certaines fonctions, entre sept et dix ans.

Le manque d'attractivité de certains postes est effectivement un problème difficile. Nous avons mis en place un groupe de travail sur le sujet, nous essayons de trouver des solutions.

Je travaille ces jours-ci sur la question des mineurs non accompagnés multirécidivistes. Je dois recevoir les juges pour enfants de la région parisienne chargés de plusieurs dossiers ; nous travaillons avec des pays d'origine comme le Maroc - le problème est effectivement difficile et sensible. Sur le plan strictement budgétaire, les créations d'emplois s'élèvent à 40 ETP d'éducateurs, dont 20 emplois pour les centres éducatifs fermés et 20 emplois dans les cellules de recueil des informations préoccupantes en lien avec les départements ; par ailleurs, 84 ETP seront redéployés pour le renforcement du milieu ouvert.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Nous avions fait des propositions au Sénat sur la mobilité des magistrats, elles n'ont malheureusement pas prospéré... Monsieur le garde des sceaux, merci pour toutes ces précisions.

La réunion est close à 19 h 40.