Intervention de Éric Dupond-Moretti

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 17 novembre 2020 à 17h45
Projet de loi de finances pour 2021 — Audition de M. éric duPond-moretti garde des sceaux ministre de la justice

Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux :

Le renseignement pénitentiaire n'aurait aucun sens s'il ne travaillait pas en synergie avec les autres services de renseignement. Lorsque je me suis rendu cette semaine au Parquet national antiterroriste puis dans un quartier d'évaluation de la radicalisation (QER), je me suis posé la question de la bonne articulation entre le judiciaire et le renseignement - dès lors que le contradictoire ne peut se satisfaire de « notes blanches ». En tout état de cause, les synergies existent, dans les deux sens ; 170 agents de l'administration pénitentiaire sont affectés au renseignement pénitentiaire, ils transmettent des informations très utiles aux services lors de la sortie de prison.

Le Conseil constitutionnel demande au législateur de garantir aux détenus placés en détention provisoire de pouvoir saisir le juge du motif de conditions indignes de détention. Quel est le seuil à partir duquel ces conditions deviennent indignes ? Je peux dire, par exemple, que des matelas au sol, c'est indigne ; mais l'analyse est nécessairement subjective, la jurisprudence nous en fera préciser les critères. Je l'ai dit, ma motivation à construire de nouveaux établissements tient non pas à une volonté d'incarcérer plus, mais d'incarcérer mieux. Nous tentons d'ores et déjà de transférer des détenus, sur la base du volontariat, pour équilibrer et améliorer les situations intenables et parfois contraires aux droits de l'homme que l'on rencontre encore dans nos prisons.

J'ai visité plusieurs centres éducatifs fermés qui accueillent ceux qu'on pourrait regarder comme des jeunes ancrés dans la délinquance. Je ne suis pas adepte de l'excuse, mais le moins que l'on puisse dire, c'est que les jeunes qui y arrivent ont déjà une trajectoire difficile, comme s'ils s'étaient accrochés à leur mauvaise étoile, pour paraphraser Cioran. La vie dans les CEF permet à des éducateurs très inventifs de faire que certains de ces jeunes reprennent une scolarité ; le risque zéro n'existe pas, mais si quelques-uns sont sauvés, je crois que les CEF en sont justifiés et qu'ils valent de toute façon mieux que la prison. C'est pourquoi j'y suis favorable, les CEF sont une alternative intéressante à la prison, ce sont de petites structures, où les éducateurs sont très présents ; j'ai la conviction qu'ils ont un impact positif sur les jeunes.

Le nouveau code de justice pénale des mineurs, qui est de grande qualité, contient des mesures très utiles, en particulier celle qui consiste à décider de la culpabilité tout de suite, mais en ouvrant une période probatoire permettant d'aller jusqu'à neuf mois, le prononcé de la peine n'intervenant qu'au terme de cette période en tenant compte du comportement pendant ces neuf mois : la justice en sera rendue plus rapidement et plus efficacement, alors que, aujourd'hui, des infractions sont jugées des années plus tard, en pure perte d'énergie et de sens pédagogique. Il y a des réticences, j'entends dire qu'on ne serait pas prêt ; c'est une ritournelle contre les réformes pénales. L'application a été reportée au 31 mars prochain pour organiser le débat de ratification et aussi résorber les retards dans les décisions. Nous avons procédé par ordonnance pour une réponse plus rapide et, pour une meilleure lisibilité du droit, la partie législative sera inscrite à l'ordre du jour du Parlement au début de l'année prochaine. Enfin, nous créons 70 postes de magistrats dédiés à la jeunesse et 94 postes pour la PJJ ont été mis en place dès cette année, qui renforcent les équipes pour ce passage à la nouvelle procédure.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion