Intervention de Éric Dupond-Moretti

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 17 novembre 2020 à 17h45
Projet de loi de finances pour 2021 — Audition de M. éric duPond-moretti garde des sceaux ministre de la justice

Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux :

L'une des raisons des stocks importants dans la justice des mineurs tient au fait qu'il n'y a aucun délai entre la mise en examen et la fin de la procédure pour les mineurs - ce n'est pas la seule raison, je n'ignore pas l'indigence de la justice, mais c'en est une. S'il fallait attendre que ce « stock » - je déplore ce vocable - soit entièrement résorbé pour entreprendre une réforme, nous ne la ferions jamais ; c'est pourquoi nous avons avancé sur le texte, tout en prévoyant des renforts en termes de moyens et de personnels - c'est la meilleure façon d'avancer.

Le recours accru aux magistrats honoraires et à titre temporaire facilitera l'organisation d'audiences foraines ; les délégués du procureur auront aussi leur rôle, ils verront leurs missions accrues et diversifiées. Les contractuels de la justice de proximité, recrutés en catégories A et B, permettront eux aussi de décharger du temps pour les audiences foraines. Nous prévoyons des moyens matériels pour faciliter de telles audiences, au civil comme au pénal, car elles sont un moyen d'être au plus proche des justiciables.

L'amélioration des conditions de détention outre-mer est une priorité de l'administration pénitentiaire ces dernières années, elle passe par la remise à niveau des établissements et la construction de nouveaux centres de détention. L'état de vétusté, la suroccupation, les conditions climatiques se cumulent pour rendre les conditions de détention particulièrement difficiles, nous devons les améliorer. Nous allons réhabiliter 14 établissements et la loi de programmation prévoit la création de cinq nouvelles structures, soit 1 001 places sur les 15 000 du programme national, ce qui est important.

Le centre de détention de Koné, en Nouvelle-Calédonie, avec ses 120 places, devrait être livré à la fin de l'année prochaine. Au début de cette année, les établissements ultramarins détenaient 5 238 personnes, pour 4 488 places, les effectifs ont diminué de 15 % pendant le confinement du printemps, la situation varie selon les territoires - la suroccupation est la plus forte à Mayotte. Nous recourons également davantage aux aménagements de peine - en 2019, 32 % des condamnés libérés outre-mer ont bénéficié d'un aménagement de peine, contre 29 % en moyenne nationale, avec de fortes disparités cependant.

Les contrats de projet pour les renforts correspondront à des recrutements de catégories A et B, les contractuels seront formés en interne, ils pourront intégrer ensuite la fonction publique par concours - ils seront bien préparés. Des postes pérennes de magistrats et de greffiers sont prévus dans ce budget : 50 magistrats, 130 directeurs de greffe, 100 greffiers, 38 personnels, au total 318 emplois pérennes.

Il n'est nullement envisagé de recourir à des sociétés privées pour les transfèrements de détenus. Cependant, il y a eu des difficultés, des juges ont dû libérer des détenus parce que le transfèrement n'avait pas été effectué ; une inspection est donc en cours avec le ministère de l'intérieur, nous devons améliorer la procédure, mais certainement pas recourir à des sociétés privées.

Je peux vous rassurer également sur le débat relatif au code de justice des mineurs : il sera complet.

Sur la radicalisation, il faut parler de ce que l'on fait en détention et de ce que l'on fait des condamnés qui recouvrent la liberté. Je me suis rendu dans un quartier d'évaluation de la radicalisation (QER) - il y en a six et nous en ouvrirons un septième en décembre. Ces quartiers servent à évaluer la dangerosité des individus radicalisés, qui y passent seize semaines, pendant lesquelles une équipe pluridisciplinaire se penche sur leur personnalité - je tiens beaucoup à cette pluridisciplinarité, car il ne faut pas gommer les aspérités de chacun. Au terme de cette procédure, la personne peut être envoyée dans un quartier de prise en charge spécialisée. Je sais que le risque zéro n'existe pas, mais n'ajoutons pas à la démagogie qu'on entend ici ou là. Par ailleurs, nous travaillons sur la reprise de la proposition de loi de Yaël Braun-Pivet qui a été sanctionnée par le Conseil constitutionnel. Je travaille avec les juges de l'application des peines antiterroristes, j'ai rencontré tous les responsables de l'action antiterroriste, nous voulons améliorer les choses. Nous voulons également éradiquer la haine en ligne, des individus pourrissent littéralement notre société, souvent en toute impunité. Nous devons trouver des régulations qui n'entravent pas la liberté de la presse ni d'opinion, mais sanctionnent la haine en ligne - elle a eu sa part, on l'a vu, dans l'assassinat de Samuel Paty. J'ai toujours distingué la délinquance de basse intensité, pour laquelle je prône les peines alternatives à la prison, et les autres délinquances, où la prison a toute sa légitimité.

Vous évoquez un projet de hiérarchiser les juridictions, madame Cukierman, il n'y en a pas, elles sont traitées de façon équivalente : je ne vois pas comment vous répondre.

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