Je vous présente aujourd'hui mon avis relatif aux crédits sur la prévention des risques, portés par le programme 181 de la mission « Écologie, développement et mobilité durable », que vous avez bien voulu me confier. Pour préparer ce rapport, j'ai entendu l'Agence de sûreté nucléaire (ASN), l'Institut national de l'environnement industriel (Ineris), l'Agence de la transition écologique (Ademe) et la Direction générale de la prévention des risques (DGPR).
L'actualité ne cesse de le rappeler : la politique de prévention des risques est confrontée à des défis majeurs alors que notre société devient plus sensible aux risques. Je pense en particulier à trois événements, sur lesquels nous aurons l'occasion de revenir : l'incendie de Lubrizol et Normandie Logistique le 26 septembre 2019 à Rouen, les explosions liées aux ammonitrates dans le port de Beyrouth en août 2020, qui font écho à la catastrophe AZF de Toulouse et la tempête « Alex », qui a frappé notre pays et en particulier le département des Alpes-Maritimes début octobre. Ces évènements rappellent que notre vigilance doit rester forte.
Heureusement, si je puis dire, le budget 2021 présenté par le Gouvernement s'agissant de la prévention des risques, qui représente 5 % des crédits de la mission « Écologie », est en hausse et plusieurs « bonnes nouvelles » sont intervenues lors de l'examen du texte à l'Assemblée nationale.
Pour 2021, à périmètre courant, les autorisations d'engagements du programme augmentent de 25 %, à un milliard d'euros, et les crédits de paiement de 20 %. Toutefois, à périmètre constant et hors titre II, les crédits du programme 181 sont en baisse d'un peu moins de 5 %.
Je vous présenterai d'abord les trois grands événements du budget de la prévention des risques pour 2021, avant de rentrer dans le détail des actions et du plan de relance et d'évoquer les amendements que je propose à la commission d'adopter.
Trois éléments principaux sont à relever.
D'abord, la création d'une action 13 destinée à porter la subvention pour charges de service public (SCSP) de l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (Ineris) : les 30 millions d'euros programmés sur cette action ne constituent pas des crédits nouveaux, car il s'agit d'un redéploiement, mais cette mesure a toutefois le mérite de la clarté.
Le deuxième concerne l'intégration au programme 181, par la création d'une action 14, du budget du Fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM), également appelé fonds « Barnier », à hauteur de 205 millions d'euros, qui conduit à une forte augmentation des dépenses d'intervention du programme. Cette décision explique l'essentiel de la hausse des crédits du programme. C'est une mesure positive, j'y reviendrai.
Enfin, le troisième élément est lié à la SCSP attribuée à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), qui baisse de 37 millions d'euros.
Au-delà de ces trois événements, les différentes actions du programme sont marquées par une forte continuité par rapport aux exercices précédents.
S'agissant des risques industriels, la mise en oeuvre des plans de prévention des risques technologiques (PPRT) se poursuit. Le taux d'approbation des PPRT s'élève à 98 %, mais, depuis 2017, le nombre de PPRT approuvés stagne et le traitement des 6 plans restant, sur 390 au total, s'avère particulièrement complexe.
Par ailleurs, le bilan de l'accidentologie industrielle en 2019 montre une amélioration significative du nombre d'accidents et d'incidents survenus dans les établissements Seveso. En revanche, les accidents sont en hausse de 12 % dans les installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) autres que Seveso, en particulier du fait d'incendies.
En 2019, les 1 300 inspecteurs des installations classées ont réalisé près de 20 000 visites d'inspection, dont 10 600 approfondies. Les préfets ont pris 2 600 arrêtés de mise en demeure, suivis de 430 sanctions administratives et de la transmission de 500 procès-verbaux aux parquets.
En 2021, le budget prévoit une augmentation de 30 équivalents temps plein travaillé (ETPT) de catégorie A, par repyramidage interne au programme, correspondant à 30 postes d'inspecteurs des installations classées. En 2022, 20 nouveaux postes seront créés. C'est une évolution positive, mais qui ne correspond pas à la promesse de la précédente ministre de la transition écologique, Élisabeth Borne, qui avait annoncé la création de 50 postes d'inspecteurs dès 2021, le 30 juin 2020.
Si je comprends que le ministère prenne sa part dans la maîtrise des dépenses publiques, je m'interroge sur la compatibilité de cette trajectoire avec les objectifs ambitieux affichés par le Gouvernement après l'accident industriel de Rouen en 2019.
Aussi, concernant les risques industriels, je vous proposerai d'adopter deux amendements.
Le premier traduit une recommandation du rapport de la commission d'enquête Lubrizol adopté à l'unanimité. Il vise d'une part, à proroger le crédit d'impôt pour les diagnostics et travaux à réaliser sur un logement, en application des prescriptions du PPRT et, d'autre part, à laisser un délai supplémentaire aux propriétaires de 1 500 logements situés dans le périmètre d'un PPRT approuvé avant le 1er janvier 2013.
Le second amendement vise à doter l'Inspection des installations classées pour la protection de l'environnement de 20 ETPT supplémentaires dès 2021, pour concrétiser l'annonce faite par le Gouvernement.
Concernant la « santé-environnement », les crédits permettront de soutenir le déploiement du quatrième Plan national Santé Environnement (PNSE4) pour la période 2022-2024. Je forme le voeu que ce nouveau plan permette des avancées concrètes sur ces sujets de préoccupation majeure pour nos concitoyens et d'améliorer la connaissance de ces risques.
Le PNSE3 avait été très critiqué par deux rapports d'inspection pointant des effets difficiles à mesurer et limités. Le nouveau plan est plus concis : il s'articule autour de 19 actions contre une centaine pour le précédent plan. Il est actuellement soumis à consultation et certaines critiques s'élèvent déjà sur son ambition limitée.
S'agissant des risques naturels, les crédits sont majoritairement dédiés au fonctionnement des services mobilisés pour la prévention des risques hydrauliques. Ils sont en légère baisse, mais comme je vous le disais, l'intégration du fonds « Barnier » permet de doter la prévention des risques naturels d'un niveau important de crédits en 2021.
Au-delà de cette décision technique, je relève deux éléments positifs pour le fonds « Barnier ». D'abord, contrairement au plafonnement opéré à compter de la loi de finances pour 2018, le fonds « Barnier » est déplafonné cette année et percevra la totalité des recettes qui lui sont normalement attribuées, moins les frais de gestion. Notre commission et de nombreux collègues avaient sévèrement critiqué ce plafonnement, qui aura privé la politique de prévention des risques de 125 millions d'euros au total en trois ans et conduit à entamer la trésorerie du fonds de 30 %.
Ensuite, les députés ont adopté un amendement du Gouvernement augmentant de 210 millions d'euros les ressources du Fonds, dont 50 millions d'euros dédiés au soutien de la reconstruction des bâtiments détruits par la tempête « Alex » dans les Alpes-Maritimes.
Au total, le fonds « Barnier » est doté de 415 millions d'euros de crédits pour 2021, auxquels il faut ajouter plus de 500 millions inscrits dans les budgets des services déconcentrés, pour des dossiers validés, mais non liquidés.
C'est donc un budget plutôt positif s'agissant des risques naturels, même si ces éléments ne font pas oublier la nécessité de réformer en profondeur le régime des catastrophes naturelles, comme le demandait la mission d'information présidée par Michel Vaspart et dont Nicole Bonnefoy était rapporteure. La proposition de loi visant à traduire les recommandations du rapport de notre collègue Nicole Bonnefoy avait d'ailleurs été adoptée à l'unanimité au Sénat. Il est temps que le Gouvernement se décide à avancer sur ce sujet.
S'agissant du contrôle de la sûreté nucléaire, les crédits sont en hausse pour permettre à l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) de financer un nouveau bail pour le siège de ses services centraux. Elle a également obtenu la création d'un poste supplémentaire en application du schéma d'emplois. Pour la période 2021-2023, compte tenu des enjeux considérables auxquels elle doit faire face, l'ASN estime ses besoins à 7 postes supplémentaires. Je resterai attentif à ce sujet et vous proposerai, le cas échéant pour le projet de loi de finances pour 2022, d'augmenter les ressources humaines de l'ASN, mais pour cette année, la trajectoire va dans le bon sens.
Concernant l'ASN, je vous proposerai un amendement visant à augmenter les ressources de l'autorité en matière de recherche et d'expertise. Elle travaille en étroite collaboration avec l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), mais certaines demandes de recherche de l'autorité n'ont pas été suivies d'effet. Aussi, avec une enveloppe même modeste de 120 000 euros, l'ASN pourra engager des études sur des dossiers importants, pour lesquels elle devra rendre des avis par la suite.
Enfin, concernant l'Ademe, je vous le disais, sa SCSP est en baisse de 37 millions d'euros, mais il faut également intégrer le plan de relance pour avoir une image fidèle des ressources dont disposera l'agence en 2021. Et ces ressources sont très importantes puisqu'elles atteindront 1,8 milliard d'euros d'ici 2022, dont 116 millions d'euros dès 2021. L'Ademe est chargée de missions essentielles au service de la décarbonation de l'industrie, de l'économie circulaire et de la rénovation énergétique des petites et moyennes entreprises.
Finalement, la seule ombre au tableau du plan de relance, s'agissant de la prévention des risques, concerne les risques naturels et également les risques technologiques. Seuls 30 millions euros sont prévus pour la protection du littoral, le renforcement des barrages et le plan séisme des Antilles. C'est insuffisant et c'est d'autant plus dommage que, vous le savez, un euro investi dans la prévention permet d'économiser sept euros en travaux.
À cet égard, je signale à la commission que le Gouvernement pourrait introduire des dispositions dans le projet de loi « 3 D ou 4 D » s'agissant du recul du trait de côte. Notre commission a fait de nombreuses propositions sur ce sujet. J'espère qu'elle aura été entendue et que nous pourrons bientôt aborder ces sujets dans le cadre de l'examen d'un projet de loi.
Voilà mes chers collègues, les éléments dont je voulais vous faire part. Aussi, compte tenu des éléments positifs signalés cette année, en particulier l'intégration du fonds « Barnier », je propose à la Commission d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits de la prévention des risques pour 2021.