Intervention de Guillaume Chevrollier

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 18 novembre 2020 à 9h30
Projet de loi de finances pour 2021 — Mission « écologie développement et mobilité durable » - crédits « prévention des risques » et « biodiversité et expertise en matière de développement durable » - examen du rapport pour avis

Photo de Guillaume ChevrollierGuillaume Chevrollier, rapporteur pour avis :

Mon rapport traite des crédits des programmes 113 et 159 de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » portant sur les politiques de l'eau et de la biodiversité pour le programme 113, de l'expertise, de l'information géographique et de la météorologie pour le programme 159. Dans le cadre de mes travaux, j'ai entendu de nombreux acteurs, comme l'Office français de la biodiversité (OFB), des représentants des parcs nationaux et des agences de l'eau ou encore des associations environnementales.

Avant d'en venir au détail de ces crédits et aux observations que je souhaite partager avec vous sur leurs orientations. À titre liminaire et de manière plus générale, je voudrais vous dire quelques mots de la première mouture de budgétisation environnementale proposée par ce projet de loi de finances. Le Gouvernement s'était engagé l'année dernière à construire un PLF 2021 « vert ». C'est chose faite dans ce projet de loi de finances, qui comporte en annexe un nouveau document, le rapport sur l'impact environnemental du budget de l'État, qui a pour objectif de compiler les moyens consacrés par le budget aux politiques environnementales.

Il comprend 3 parties : une budgétisation environnementale de l'État qui présente l'impact environnemental des dépenses fiscales et des crédits budgétaires inscrits dans le PLF (cet impact est présenté de manière agrégée et également par mission) ; une compilation de l'ensemble des financements publics et privés mobilisés pour la transition écologique ; un panorama des ressources publiques et de la fiscalité à caractère environnemental.

Notre commission préconise depuis plusieurs années l'amélioration de notre système d'évaluation de la performance budgétaire sous le prisme environnemental, comme le fait par exemple la Finlande avec les objectifs de développement durable (ODD). Nous nous réjouissons donc du franchissement de cette étape dans le budget.

Les enseignements de ce premier exercice ne sont toutefois pas encore complètement opérationnels. En effet, cette budgétisation établit que 91 % des dépenses de l'État sont neutres. 38 milliards d'euros de dépenses auraient un impact favorable, 10 milliards, un impact défavorable et le reste de ces dépenses impactantes serait considéré comme « mixte » c'est-à-dire combinant des effets favorables et défavorables. Sur les 32 milliards d'euros de crédits budgétaires, taxes affectées et dépenses fiscales de la mission écologie, 18 milliards sont recensés comme favorables et environ 5 milliards (essentiellement dans les programmes transports) défavorables.

Outre le fait qu'ils ne concernent qu'une petite partie des dépenses totales du budget de l'État, ces résultats sont à manier avec précaution. Premièrement, ce n'est pas parce qu'une dépense est défavorable qu'il convient pour autant de la supprimer dans la mesure où elle répond peut-être à d'autres besoins jugés prioritaires. Deuxièmement, les impacts de certaines dépenses voire de certaines politiques sectorielles sur l'environnement sont encore parfois peu ou pas assez documentés.

Les crédits des programmes 113 et 159 appellent quatre remarques.

Les crédits du programme 113 dédiés aux paysages, à l'eau et à la biodiversité augmentent de près de 18 % en autorisations d'engagement et de 14 % en crédits de paiement, soit 28,5 millions euros. Cette hausse est d'autant plus louable que ces crédits avaient déjà augmenté d'environ 40 millions euros en 2020, témoignant de l'effort consenti sur ces politiques. Elle provient d'une hausse de la subvention pour charges de service public de l'OFB de 10 millions euros, mais qui correspond en réalité à une compensation de la réforme de la chasse, d'une revalorisation d'1 million d'euros de la politique des grands prédateurs et de 24 millions d'euros de mesures nouvelles, dont 1 million d'euros en plus pour le domaine public maritime, 2 millions supplémentaires pour l'entretien des cours d'eau, 8 millions d'euros en plus pour renforcer les aires protégées, 3 millions d'euros supplémentaires pour les parcs nationaux, 7 millions d'euros pour l'Office national des forêts et 3 millions d'euros consacrés au bien-être animal.

Malheureusement, ce renforcement des moyens budgétaires est contrebalancé par une diminution du plafond d'emplois du programme - opérateurs inclus - de 59 équivalents temps plein travaillés (ETPT), dont 20 pour l'OFB et 39 pour les agences de l'eau.

Sur 1,25 milliard d'euros d'autorisations d'engagement et 426,6 millions de crédits de paiement de l'action 2 « Biodiversité et lutte contre l'artificialisation » du programme 362 « Écologie » de la nouvelle mission « Plan de relance », seuls 50 millions sont en réalité directement affectés à des actions de protection de la biodiversité.

Enfin, si les moyens budgétaires sont plutôt préservés sur le programme 159, les effectifs des opérateurs du programme comme l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN), le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema) et Météo-France continuent de baisser. Le plafond d'emplois des opérateurs du programme a néanmoins été relevé de 74 ETPT par un amendement du Gouvernement à l'Assemblée nationale.

Je partage également quatre points d'alerte.

Le premier concerne les aires protégées, à la veille de la publication par le Gouvernement de la nouvelle stratégie 2020-2030. Dans la perspective du Congrès mondial de la nature et de la COP 15, le Président de la République lui a assigné des objectifs particulièrement ambitieux : protéger 30 % du territoire national terrestre et maritime, dont un tiers à un niveau élevé de protection, d'ici 2022. Comment atteindre cet objectif alors que dix ans n'ont pas suffi à passer de 1,2 % à 2 % d'aires sous protection forte et que le projet de loi de finances ne prévoit ni moyens humains ni système de financement pérenne pour les futures nouvelles aires protégées ? Je rappelle que chaque site Natura 2000 en mer dispose en moyenne d'un demi-ETP ! C'est d'ailleurs ce qu'a estimé le Comité national de la biodiversité, qui a donné un avis défavorable au premier projet de plan d'action triennal devant accompagner le lancement de la stratégie. Il a de ce point de vue appelé à éviter à tout prix « le syndrome des aires protégées de papier, comme on en a connu et connaît encore, notamment pour les milieux marins ».

J'attire votre attention sur la situation particulièrement alarmante des parcs nationaux. Malgré des crédits en augmentation tant sur le programme 113 que grâce à la mission « Plan de relance », ils risquent de ne pas être en mesure de déployer certaines actions par manque de ressources humaines. Après une baisse de leurs effectifs de 14 % en moyenne depuis dix ans, les parcs nationaux subiront en 2021 le redéploiement de 10 ETP des parcs historiques vers le nouveau Parc national des forêts créé en novembre 2019. Cette ponction, annulée par le Parlement l'année dernière, aurait cette année encore de lourdes conséquences, d'autant que certains parcs ont durement ressenti les conséquences de la tempête « Alex », à l'image du parc du Mercantour, où les moyens supplémentaires sont évalués à 8 millions d'euros et au moins 2 ETP pendant les cinq prochaines années. Je vous proposerai donc mes chers collègues d'adopter deux amendements permettant la création de 10 postes supplémentaires pour les parcs nationaux, afin que le fonctionnement du nouveau parc - indispensable pour atteindre les objectifs fixés par la nouvelle stratégie - n'obère pas la gestion des parcs existants.

Les agences de l'eau ont été des acteurs incontournables dans la gestion de la crise sanitaire sur nos territoires et ont accompagné les collectivités par des mesures de soutien exceptionnelles et une adaptation de leurs 11e programmes. Elles seront demain un maillon central de la relance. Dans la continuité des Assises de l'eau, le programme 362 leur affecte de manière inédite 250 millions d'euros de crédits budgétaires pour des actions de sécurisation des infrastructures de distribution d'eau potable, d'assainissement et de gestion des eaux pluviales.

En revanche, elles perdent cette année encore 39 ETP. Comment pourront-elles, dans ces conditions, et alors qu'elles ont déjà mené d'importantes actions de mutualisation, continuer à assumer leurs missions toujours plus étendues, déployer le plan de relance sur le terrain et répondre aux besoins des territoires ?

Je regrette également que la réforme de leur système de financement n'ait toujours pas abouti, avec l'élargissement des redevances perçues aux atteintes à la biodiversité d'une part et une réforme des redevances domestiques visant à mieux prendre en compte le principe pollueur-payeur d'autre part.

Enfin, alors que la crise sanitaire a mis en relief l'importance d'investir massivement dans la recherche en matière de biodiversité, et plus particulièrement sur les maladies émergentes, notamment les zoonoses et leurs causes environnementales, le budget n'en fait malheureusement pas une priorité.

Malgré ces observations et ces réserves notamment sur le schéma d'emploi des opérateurs de la biodiversité qui semblent incohérents avec les objectifs fixés, je vous propose d'émettre un avis favorable à l'adoption de ces crédits, compte tenu de leur augmentation. Notre commission devra être vigilante, dans leur exécution, à l'articulation entre le plan de relance et le plan Biodiversité.

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