Intervention de Vincent Segouin

Réunion du 16 novembre 2020 à 16h00
Loi de finances rectificative pour 2020 — Discussion générale

Photo de Vincent SegouinVincent Segouin :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici de nouveau réunis cette année pour le vote du quatrième projet de loi de finances rectificative, dernier volet d’une regrettable série, tant nous aurions préféré ne pas avoir à les voter.

Cependant, la pandémie qui frappe le monde est venue bousculer l’année 2020, en emportant avec elle des vies et des modes de vie, et en ébranlant notre pays déjà en peine dans son dynamisme économique. Alors que jamais nous n’aurions pensé vivre une telle situation, jusque-là inédite, c’est toute notre nation, ordinairement vivante, vaillante et audacieuse qui a dû se résoudre à s’enfermer, entraînant par là même l’arrêt quasi complet de notre économie.

Trois mois durant, qu’elles soient petites, moyennes ou grandes, des entreprises ont souffert, parfois même jusqu’à en mourir, car elles n’avaient plus les rentrées ou la trésorerie suffisantes pour pouvoir honorer leurs engagements et leurs charges.

Dès le mois de mars dernier, les sénateurs ont accepté de faire front commun face à la crise et nous avons souscrit, car à l’époque c’était nécessaire, au fameux « quoi qu’il en coûte » du Président de la République.

Toutefois, si nous avions le devoir de faire bloc, lors de l’examen des trois premiers PLFR, pour affronter le saut dans l’inconnu que nous imposait le virus, le texte que nous examinons aujourd’hui s’ancre dans une situation mieux connue et qui aurait pu être anticipée.

Monsieur le ministre, voilà maintenant plus de deux semaines que nous sommes confinés et que, sans consultation ni concertation, vous avez décidé de stopper notre économie.

Même s’il existe bel et bien un virus qui cause énormément de dégâts dans notre pays, ce que nul ne peut nier, il existe également une situation que le Gouvernement a créée par son manque d’anticipation et qui va, elle aussi, causer de nombreux dégâts.

Comme la plupart d’entre nous dans cet hémicycle, j’ai entendu nombre de chefs d’entreprise, d’artisans, de commerçants et d’indépendants me dire au téléphone que ce nouveau confinement était inacceptable.

Beaucoup d’entre eux, exténués, dépités, ne savent plus comment faire pour garder la tête hors de l’eau ; ils se dirigent tout droit vers un arrêt pur et simple de leur activité, par manque de moyens ou par découragement.

Pire encore, nombreux sont ceux qui m’ont fait part de situations dramatiques sur le plan physique et psychologique, en plus de leurs difficultés financières. L’économie est sacrifiée au profit de la santé, mais rappelons-nous que l’économie c’est précisément la santé et l’assurance d’éviter des cas tragiques de détresse psychologique, qui poussent parfois certains à commettre l’irréparable.

Monsieur le ministre, cette situation résulte de votre improvisation qui vous a placé au pied du mur et qui vous a obligé à reconfiner.

Pourtant, ces entreprises avaient accepté de jouer le jeu au prix de lourds efforts, lorsque vous leur aviez imposé de mettre en place des protocoles sanitaires coûteux.

Ce confinement est un désastre, et les Français ne comprennent pas son manque de cohérence. On laisse ouvertes les grandes surfaces, mais en même temps on ferme les petits commerces. On ferme les restaurants de campagne, alors qu’ils respectent les distances de sécurité, mais en même temps on laisse ouverts les restaurants d’entreprise ou les cantines à grande fréquentation. On empêche les gens d’aller chez le libraire, mais en même temps on les laisse s’amasser dans les transports en commun.

Monsieur le ministre, le Gouvernement semble perdre pied. En toute franchise, n’êtes-vous pas resté stupéfait d’entendre, le week-end dernier, les absurdités de la ministre du travail ? Elle demande aux entreprises des stations de ski d’embaucher quelque 120 000 saisonniers, puis de les mettre au chômage partiel, payé par l’État, si le confinement dure ! Comment financer de telles mesures ? On ne sait pas…

Même notre voisin allemand se moque de vous, qui assimile la France à un « Absurdistan » où l’État décide seul de tout et s’immisce sans complexe dans la vie des entreprises.

Tout cela représente une somme d’aberrations et de contradictions qui ne sont plus entendables par nos concitoyens et qui sabordent durablement notre économie.

En effet, les PME et les TPE, les commerçants et les artisans sont les premiers à subir les conséquences de votre politique, car ils n’ont plus de rentrées financières mais toujours autant de charges à payer.

Toutes ces entreprises qui concourent ordinairement massivement à la richesse de l’État sont aujourd’hui à l’arrêt. Par un effet pervers de votre politique, ce sont ceux qui y contribuent le moins qui en perçoivent désormais la majorité des bénéfices.

Il s’agit, vous l’aurez compris, des géants Gafam que vous aviez promis de taxer, mais qui ne contribuent finalement que marginalement à la richesse de notre pays, tout en détruisant des emplois.

Monsieur le ministre, vous revenez une fois de plus devant nous, pour nous demander de vous aider à payer les pots cassés et à remédier aux échecs de votre politique.

Or comment financerez-vous cela, sinon par la dette ? Comme vous n’avez pas de stratégie, vous recourez à l’argent magique. Vous laisserez ainsi la charge de cette dette aux contribuables d’aujourd’hui et surtout à ceux d’après-2022, ceux-là mêmes que vous étouffez par le confinement.

Le projet de loi que vous nous présentez conduit à un point de non-retour, celui d’une dépense publique qui représentera presque 65 % du PIB, d’un déficit public à 11, 3 % et d’une dette dont on prévoit qu’elle atteindra, en fin d’année, 120 % d’un PIB, qui devrait par ailleurs chuter de 11 % à cause du confinement ! Vous venez aujourd’hui nous demander la bagatelle de 20 milliards d’euros.

Vous l’aurez compris, monsieur le ministre, ce PLFR est loin de nous satisfaire.

Cependant, même si c’est à contrecœur, nous allons voter ce budget, car il est indispensable de venir en aide à nos entreprises, maintenant que le Gouvernement les a mises dans cette triste situation.

Prenez donc ce vote non pour un chèque en blanc, mais plutôt comme un pansement que nous offrons à ceux qui en ont aujourd’hui gravement besoin.

Nous demeurons opposés à vos prises de décision dans cette gestion de l’épidémie : il faut que vous le sachiez. Même s’il est déjà tard, il n’est pas encore trop tard. Écoutez les Français ; plutôt que de les mettre sous perfusion, permettez-leur simplement de travailler !

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