Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, intervenant en fin de discussion générale et compte tenu du faible temps qui m’est imparti, je me limiterai à cinq observations rapides.
Première observation, ce quatrième projet de loi de finances rectificative (PLFR 4) s’inscrit dans un contexte de grande incertitude. C’était le cas des précédents mais, cette fois, il faut boucler l’année et donc « viser juste » en termes de crédits. À cela s’ajoute un reconfinement dont la durée est hypothétique, mais qui devrait malheureusement s’accroître.
Vous avez eu raison d’être prudent dans votre évaluation des crédits, monsieur le ministre. La capacité à prévoir est aujourd’hui particulièrement restreinte et se limite à quelques semaines. Nous en sommes réduits à regarder de nouveaux indicateurs sur lesquels nous n’avons pas de recul ; je pense à tout ce qu’étudient les économistes actuellement, et qui consiste un peu à lire dans le marc de café : les données des cartes bleues, celles de la mobilité ou de la consommation d’électricité. Il faut évaluer la situation au fur et à mesure ; or elle est mouvante.
Deuxième observation, ce PLFR 4 est puissant. Je n’y reviens pas, car la masse des crédits ouverts a été abondamment décrite.
Deux questions paradoxales peuvent se poser. Tout d’abord, ce projet de loi de finances rectificative, qui charrie beaucoup de milliards, atteint-il sa cible ? Ensuite, et a contrario, ce niveau de dépense est-il soutenable ?
L’Institut Montaigne a ouvert la voie en s’interrogeant sur la nécessité d’accompagner plus encore les entreprises et les ménages. Cette interrogation ne nous a pas échappé, et un certain nombre d’économistes poussent dans cette voie en expliquant que c’est le moment de mobiliser encore davantage certains leviers.
Au sein de la commission des finances, nous sommes évidemment à rebours d’un certain nombre de nos théories habituelles et de la rigueur que nous nous étions fixée jusqu’à présent, mais, à force d’entendre parler de dizaines de milliards d’euros, nous commençons à nous habituer à l’idée qu’il faut sans doute savoir dépenser plus pour faire face à la situation sociale et économique qui se présente à nous, maintenir l’emploi et le tissu productif. Toutes ces questions sont devant nous.
La dette que nous créons sera-t-elle soutenable ? Elle l’est aujourd’hui grâce à des taux d’intérêt faibles. Mais le sera-t-elle demain ? La question est également devant nous. L’urgence de la situation et l’ampleur des problèmes justifient sans doute ce choix d’un PLFR 4 puissant.
Troisième observation, il reste des points qui méritent un approfondissement : la question des fonds propres des entreprises ; celle des annulations de charges ; la problématique des loyers, dont vous vous êtes saisi, monsieur le ministre, mais l’action que vous avez engagée, avec le mécanisme du crédit d’impôt, me paraît complexe.
On entend certains économistes défendre l’idée d’une duplication du chômage partiel avec une prise en charge par l’État d’une part de l’immobilisation du capital productif après décision administrative. Si cette option doit évidemment être regardée avec prudence, il faut avoir conscience que, pour les entreprises de nombreux secteurs, 1 500 euros ou 10 000 euros ne permettent pas de couvrir les charges fixes lorsque les entreprises perdent des centaines de milliers d’euros de chiffre d’affaires. Telle est la réalité.
Quatrième observation, il faut aller vers un ciblage plus fin pour les secteurs les plus en difficulté : je pense à la culture, au tourisme, au commerce et, en particulier, à la restauration, à l’aéronautique et à l’événementiel. Ces secteurs sont la croissance potentielle de demain. Il faut veiller à ces avantages compétitifs, qui l’étaient hier et qui le seront encore à l’avenir. Je n’oublie pas non plus les indépendants.
Cinquième et dernière observation, l’effet de la crise actuelle sur les plus fragiles et les personnes en situation précaire est majeur. Des mesures ont été prises, mais il faudra sans doute les amplifier. C’est un sujet de solidarité, de cohésion sociale, mais c’est aussi un enjeu pour la demande de demain.
Abordant ces questions, je me dois de souligner que le vote que nous allons exprimer ne vaut pas quitus. La situation sanitaire et son impact économique commandent. Sur ce plan, nous avons le sentiment que le Gouvernement a vu, comme d’autres, la situation lui échapper.
Monsieur le ministre, par souci de responsabilité, le groupe UC votera, au bénéfice de ces observations, ce PLFR 4 amendé par le Sénat. Nous serons vigilants pour faire face à la situation exceptionnelle à laquelle nos compatriotes sont confrontés.