Intervention de Florence Parly

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 13 octobre 2020 à 17h00
Projet de loi de finances pour 2021 — Audition de Mme Florence Parly ministre des armées en téléconférence

Florence Parly, ministre des armées :

Je souhaite la bienvenue aux sénatrices et sénateurs qui rejoignent la commission des affaires étrangères et des forces armées et j'ai plaisir à retrouver celles et ceux qui y siégeaient déjà. Je vous réitère mes félicitations, monsieur le président, pour la confiance que vos collègues vous ont renouvelée.

Le budget de la mission « Défense » pour 2021 est le quatrième que j'ai l'honneur de présenter devant votre commission et, pour la quatrième année consécutive, il est en hausse. De 32,2 milliards d'euros en 2017, il a augmenté de 1,8 milliard d'euros en 2018, puis de 1,7 milliard d'euros chaque année, pour s'établir à 39,2 milliards d'euros en 2021. Nos armées ont donc pu disposer de 7 milliards d'euros supplémentaires, notamment pour s'équiper en matériel moderne.

Si cette nouvelle hausse des crédits est une fierté, ce n'est pas une surprise, car elle fait partie intégrante du plan de bataille que nous avons construit ensemble, il y a deux ans, à travers la loi de programmation militaire. Le budget 2021 des armées respecte à la lettre, pour la troisième année consécutive, les engagements et la trajectoire financière de la loi de programmation militaire. C'est pour nous tous un très grand motif de satisfaction, d'autant que certains d'entre vous ont en mémoire les nombreuses lois de finances initiales qui venaient contredire, dès la deuxième année, la mise en oeuvre de la LPM.

Si je devais résumer le budget 2021 de la mission « Défense », je dirais que c'est une démonstration de constance, de confiance et de relance. Ce budget vise à donner aux armées les moyens de protéger la France et les Français, aujourd'hui comme demain, et à soutenir notre base industrielle et technologique de défense (BITD).

Ce budget 2021 traduit tout d'abord la mise en oeuvre concrète des engagements pris par le Président de la République dès 2017, qui pourraient se résumer par un mot d'ordre simple : réparer et préparer. Réparer des armées vieillissantes en remplaçant un matériel souvent très ancien, en répondant mieux aux nouveaux besoins des militaires et en remusclant des capacités affaiblies par un budget qui fut trop longtemps une variable d'ajustement au sein de l'État. Mais aussi préparer l'avenir en nous appuyant sur les nouvelles menaces et les incertitudes planant sur l'évolution des équilibres entre les puissances. L'objectif de la LPM était de redonner à la France un modèle d'armée complet.

Ce budget 2021 marque aussi, dans le contexte particulier de crise sanitaire et économique que nous connaissons, une contribution essentielle à la relance économique de notre pays. Ces 39,2 milliards d'euros bénéficieront directement aux entreprises et territoires français.

Si l'on s'en tient à la première partie de la LPM, qui couvre les années 2019 à 2023, ce sont 110 milliards d'euros qui seront injectés dans l'économie pour les seuls équipements et infrastructures, soit l'équivalent en cinq ans d'un plan de relance pour les seules questions de défense.

Par ailleurs, nous n'avons attendu ni le plan de relance ni le budget 2021 pour apporter un soutien concret et significatif à notre économie, en particulier à notre BITD. Les commandes du ministère des armées, dans le cadre du plan de soutien à l'aéronautique, ont ainsi permis de préserver 150 emplois dans l'entreprise Sabena Technics à Dinard, spécialisée dans le maintien en condition opérationnelle aéronautique. Lors d'une visite la semaine dernière, les dirigeants m'ont fait part de leur satisfaction d'avoir été accompagnés par la task force BITD, chargée, au sein de la direction générale de l'armement (DGA), de faire le point sur la situation des entreprises stratégiques composant notre tissu industriel.

Nous sommes également engagés pour l'emploi : en 2021, le ministère des armées sera le premier recruteur de France, avec près de 27 000 embauches et la poursuite de l'effort particulier que nous avons engagé dans les domaines du renseignement et du numérique.

Si vous le voulez bien, je vais à présent détailler la répartition du budget selon les quatre axes de la LPM, à savoir le renouvellement des capacités opérationnelles des armées, l'amélioration des conditions de travail et de vie des personnels militaires et civils de la défense, la garantie de l'autonomie stratégique et, enfin, l'innovation pour répondre aux défis du futur.

S'agissant des équipements, les livraisons et les commandes se poursuivront pour moderniser les matériels et les équipements lourds : deux tiers de la hausse du budget pour 2021 seront consacrés aux programmes d'armement majeurs.

En matière d'amélioration des conditions de travail et de vie des personnels, nous allons affecter 38 millions d'euros au lancement de la nouvelle politique de rémunération des militaires, qui vise à réformer en profondeur le système extrêmement complexe de la solde des militaires, dans un but de simplification, mais aussi de meilleure prise en compte des aspects sociaux.

Nous consacrerons également 237 millions d'euros à l'amélioration des conditions d'hébergement des militaires et nous poursuivrons le plan de renouvellement des petits équipements - fusils HK 416, gilets pare-balles de nouvelle génération, ensembles intempéries pour combattants débarqués.

J'en viens à l'accroissement des crédits dédiés au service de santé des armées. À court terme, des moyens financiers supplémentaires seront mobilisés pour faire face à l'épidémie de covid-19. Au-delà, je souhaite que le service de santé des armées soit consolidé dans sa mission première : le soutien de nos forces armées.

Le troisième pilier de la LPM, que traduit le budget pour 2021, c'est la consolidation de notre autonomie stratégique. Je pense notamment au développement de nos capacités spatiales - l'armée de l'air est devenue, tout récemment, l'armée de l'air et de l'espace. Nous y consacrerons 624 millions d'euros en 2021. De plus, nous poursuivrons le renouvellement des deux composantes, aéroportée et océanique, de la dissuasion française, pour 5 milliards d'euros en 2021.

Le dernier axe est la préparation du futur. 2021 sera l'année de la commande du démonstrateur du système de combat aérien du futur (SCAF), que nous construisons avec les Allemands et les Espagnols. Ce système devrait prendre son envol en 2026, pour être opérationnel à l'horizon de 2040. De surcroît, la préparation du futur passe par l'innovation. En 2021, nous mobiliserons près de 900 millions d'euros pour concevoir les technologies de demain. Le milliard d'euros annuel devrait être atteint, comme prévu, en 2022. L'année 2021 verra également la mise en oeuvre du nouveau fonds d'investissement Definnov, doté de 200 millions d'euros et consacré au soutien du développement de technologies duales, par le financement en fonds propres d'entreprises innovantes.

Au ministère des armées, nous sommes pleinement conscients des efforts importants consentis par les Français pour nous donner les moyens de notre mission. Nous voulons être dignes de leur confiance. Notre devoir à tous est donc de mettre en oeuvre la LPM, de veiller à sa bonne exécution dans chaque régiment, dans chaque unité, en métropole comme en outre-mer. J'y veillerai personnellement, jour après jour.

Monsieur le président, j'en viens aux questions que vous m'avez posées.

C'est un immense soulagement de voir revenir sur le sol français notre compatriote Sophie Pétronin, après quatre années de captivité. Je salue également la libération de Soumaïla Cissé, ancien chef de file de l'opposition malienne, enlevé en mars dernier alors qu'il faisait campagne.

Nous avons remercié les autorités maliennes, qui ont conçu, planifié et conduit ces opérations. En particulier, la décision de libérer des djihadistes appartient à elles seules. Elles l'ont jugée indispensable pour obtenir la libération de Soumaïla Cissé. En parallèle, notre détermination est intacte pour continuer la lutte contre le djihadisme et le terrorisme dans cette région : il n'y a aucune ambiguïté sur ce point, et nos partenaires maliens et sahéliens le savent.

Ce que nous savions, c'est que les autorités maliennes étaient très déterminées à obtenir la libération de Soumaïla Cissé. Les négociations en ce sens ont été ouvertes il y a plusieurs mois par les autorités maliennes de l'époque. Les nouvelles autorités ont marqué leur détermination à les faire aboutir. Dimanche 4 octobre au soir, nous avons appris qu'un transfert de prisonniers vers Tessalit avait commencé. Puis, nous avons constaté que les négociations étaient parvenues à leur terme et permis les deux libérations dont il s'agit.

Vous évoquez également les échéances des prochains mois.

L'année 2021 sera celle de l'actualisation de la LPM : nous y travaillons. Les arbitrages sur le porte-avions Charles-de-Gaulle seront très prochainement portés à votre connaissance. Avant de nous prononcer sur l'avenir du sous-marin Perle, victime d'un incendie en juin dernier, nous attendons encore des compléments d'expertise. Ce sous-marin doit être transféré à Cherbourg au cours du dernier trimestre de cette année ; cette étape est nécessaire pour que nous puissions statuer sur sa réparabilité. À la fin de 2020, je serai en mesure de vous répondre de manière précise sur ce sujet, comme au sujet du Charles-de-Gaulle.

La commande, par la Grèce, de 18 Rafale, à savoir 6 appareils neufs et 12 d'occasion prélevés sur la flotte de l'armée de l'air - ce chiffre est un maximum -, ne remet pas en cause l'objectif que nous avons fixé ensemble : en 2025, l'armée de l'air et de l'espace doit disposer de 129 appareils. Il va de soi que les appareils prélevés seront compensés. Je commanderai donc le nombre d'avions neufs correspondant dès que la commande grecque sera passée, dans les prochaines semaines ou dans les prochains mois.

Je ne peux pas vous laisser dire que les industries de défense sont les parents pauvres du plan de relance. Aucun secteur industriel ne bénéficie, depuis 2017, d'un pareil effort de remise à niveau et d'investissement.

De plus, j'ai eu l'initiative d'un plan de soutien au profit du secteur aéronautique, qui, parmi nos industries de défense, est le plus touché. Dès juin dernier, nous avons mobilisé des crédits pour passer des commandes anticipées et assurer la continuité d'un certain nombre de chaînes de production, qu'il s'agisse des grands donneurs d'ordres, des PME ou des sous-traitants.

Enfin, nous sommes au chevet de l'ensemble des entreprises concernées. Avec l'aide de la DGA, nous avons identifié plus de 1 000 entreprises qui jouent un rôle clef dans notre autonomie industrielle, et ces sociétés ont été visitées une par une. Pour plus du tiers d'entre elles, nous avons pris des mesures de remédiation, via les prêts garantis par l'État (PGE) ou le chômage partiel, en révisant les plans d'acomptage, pour abonder la trésorerie, ou encore en accélérant le paiement des factures.

Nous mobilisons toute notre attention pour que ces entreprises, en particulier les petites structures, bénéficient de tout le soutien dont elles ont besoin. Elles jouent un rôle clef pour l'emploi au sein des territoires comme dans notre chaîne de souveraineté.

La LPM est la réponse de premier ordre aux besoins des industriels de la défense. En cette période d'incertitude, ces derniers ont besoin, avant tout, de visibilité, et c'est la LPM qui la leur apporte.

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