Intervention de Raymonde Poncet Monge

Réunion du 17 novembre 2020 à 14h30
Financement de la sécurité sociale pour 2021 — Vote sur l'ensemble

Photo de Raymonde Poncet MongeRaymonde Poncet Monge :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, après cette première lecture au Sénat, non seulement le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 n’a bénéficié que de peu d’amendements répondant aux défis sanitaires et sociaux, mais il repart lesté d’amendements régressifs.

Il nous a fallu défendre les quelques avancées que nous avions saluées, comme l’allongement du congé de paternité, et qui sous couvert de considérations économiques ont fait l’objet de tentatives pour en contraindre l’accès.

Alors que nous devrions consacrer l’essentiel de nos débats à construire la protection sociale de notre temps et à proposer les pistes de financement la rendant possible, ce projet de loi a moins que jamais suivi ce cheminement logique, seul susceptible de ne pas faire du PLFSS un outil d’austérité.

Comme d’habitude, le Gouvernement détermine l’enveloppe fermée des ressources et refuse toutes les propositions pour en desserrer l’étau par une taxation plus juste des revenus et des patrimoines.

La crise économique n’a que trop focalisé nos débats sur la politique d’exonération des cotisations sociales – celle-ci n’a rien de nouveau, mais elle connaît dans ce contexte une explosion inédite.

Si l’intervention de l’État en soutien de l’économie est nécessaire – elle devrait cependant être modulée, conditionnée, et exclure de l’aide ceux qui profitent du contexte pour licencier –, nous regrettons que n’aient pas été au centre de nos débats la crise sociale et les mesures sociales à prendre immédiatement pour contrer le basculement dans la pauvreté, le chômage, la précarité et la dégradation de l’état de santé de la population.

À chaque proposition de mesures sociales nouvelles, nos amendements sont déclarés irrecevables puisqu’ils entraînent des dépenses, et lorsque nous proposons de nouvelles ressources, celles-ci sont rejetées pour des raisons dogmatiques.

Pour le Gouvernement et la majorité du Sénat, il n’est donc pas d’actualité, par exemple, de réintégrer pour les oubliés du Ségur les revalorisations ou les primes covid. Ces travailleurs sociaux et médico-sociaux – assistants familiaux et bien d’autres – qui ont contribué, en première ligne, à répondre à la crise sanitaire resteront donc des invisibles.

Il n’est pas plus d’actualité de rechercher des ressources supplémentaires pour financer la cinquième branche, ou mettre fin à la destruction de l’hôpital public et à la marchandisation des champs du social et du médico-social, facteur de croissance des inégalités.

Nous pouvons certes acter l’adoption de quelques amendements : la différenciation des taxes selon le statut des organismes complémentaires, même si nous récusons l’augmentation de leur fiscalité ; une mesure destinée à lutter contre le non-recours aux prestations par les personnes en situation de précarité sociale ; ou encore le rétablissement de l’opposabilité des accords de la branche du domicile garantissant l’égalité territoriale.

Nous nous félicitons aussi de la suppression du transfert vers la sécurité sociale du financement de l’allocation supplémentaire d’invalidité (ASI), ainsi que de la suppression de la surcotisation salariale des sapeurs-pompiers.

La crise sanitaire inédite que nous traversons rend encore plus inacceptable l’absence de volonté politique de récupérer les milliards d’euros de l’évasion fiscale, d’imposer la moindre contrepartie ou conditionnalité sociale et environnementale aux plus grands groupes qui distribuent, y compris cette année, des milliards d’euros en dividendes, et enfin de soumettre à l’impôt les profits fabuleux d’Amazon, alors que le confinement est une incroyable aubaine pour cette entreprise.

Tous les amendements pour y remédier ont été rejetés, les nôtres comme ceux d’autres groupes que nous avons soutenus. Dès lors, comment combler ce déficit de ressources qui, face à des prestations dynamiques et à la création d’une nouvelle branche, fabrique le fameux trou de la sécurité sociale ? Pour la majorité du Sénat, il s’agit de le faire, toujours, en freinant les nouveaux droits sociaux ou en revenant sur la couverture des anciens, comme ce fut le cas en matière de retraites par un amendement adopté à la toute fin de l’examen de ce texte.

Or tous les partenaires sociaux refusent la réouverture inopportune, voire indécente, de ce dossier au vu des urgences immédiates de la crise actuelle et alors même que ce projet est contesté par une majorité de Français et d’organisations syndicales. Alors que la France enregistre des centaines de milliers de nouveaux chômeurs et que la moitié des retraités ne sont plus dans l’emploi au moment de la liquidation de leur retraite, la majorité sénatoriale n’a rien de plus urgent à proposer que de reculer l’âge de la retraite, véritable obsession idéologique.

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