Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord d’avoir une pensée pour nos concitoyens touchés par le virus et leurs familles, ainsi que pour les salariés et les entreprises des secteurs les plus exposés. J’aurai une pensée, enfin, pour les deux millions de professionnels de santé mobilisés, alors que notre pays est frappé par la deuxième vague d’une épidémie mondiale.
L’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale est toujours un exercice particulier. Il l’est d’autant plus aujourd’hui qu’une crise sanitaire sans précédent a bouleversé nos sociétés.
Ce PLFSS devait être exceptionnel ; il l’est à bien des égards.
Il est exceptionnel par les moyens qui sont mis en œuvre pour lutter contre l’épidémie, en soutenant la modernisation de nos hôpitaux et les personnels soignants. Grâce à ce texte, ce sont 1, 8 million de professionnels et, parmi eux, l’ensemble des personnels paramédicaux des hôpitaux et des Ehpad qui bénéficieront d’une revalorisation salariale inédite et tant attendue. La traduction des accords du Ségur de la santé constitue ainsi une avancée majeure et les 19 milliards d’euros dédiés à l’investissement permettront de s’assurer que notre système de soins devienne plus efficient et plus moderne.
Il est exceptionnel, aussi, par l’ambition des mesures sociétales qu’il permet de concrétiser.
Ainsi, nous nous félicitons de l’adoption de certaines dispositions essentielles, en particulier l’allongement du congé de paternité de quatorze à vingt-huit jours, dont sept jours obligatoires. Cette réforme historique répond à une demande de la société de mieux impliquer le deuxième parent dans l’éducation des enfants et de rééquilibrer les tâches familiales dès la naissance.
Par cette disposition, et malgré des débats parfois vifs, notamment sur le caractère obligatoire du congé, nous mettons en œuvre, mes chers collègues, un outil efficace pour promouvoir l’égalité entre les femmes et les hommes. Nous nous en réjouissons ! L’article 35 de ce texte répond également aux besoins des familles adoptantes, en allongeant le congé de dix à seize semaines.
La pérennisation des maisons de naissance est une autre belle concrétisation de ce projet de loi et donnera aux sages-femmes les possibilités nouvelles qu’elles méritent.
De même, l’adoption de l’amendement, porté par notre groupe, visant à s’assurer de la juste mise en œuvre de la peine de privation de la pension de réversion ou de veuf pour les conjoints survivants coupables de violences conjugales, est une avancée essentielle. La lutte contre ces violences se doit d’être menée en profondeur et nous nous félicitons que ces mesures soient prises dès à présent.
Enfin, nos débats ont aussi dessiné les prémices d’un nouvel engagement. Je pense à celui qu’a pris M. le secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles, concernant le remboursement des capteurs de glycémie pour les enfants de moins de quatre ans insulinodépendants et insulinorequérants.
En permettant la mise en œuvre de la cinquième branche dédiée à l’autonomie, le PLFSS concrétise enfin une avancée majeure.
Nous entendons les critiques qui ont pu être émises sur son financement ou sa gouvernance, mais les faits sont là, mes chers collègues : promesse de longue date maintes fois repoussée par les gouvernements successifs, cette nouvelle branche dédiée au soutien à l’autonomie des personnes âgées et des personnes en situation de handicap était réclamée depuis vingt ans. C’est d’ailleurs, rappelons-le, la première fois qu’est créée une nouvelle branche depuis 1945.
La CNSA, qui sera chargée de la gestion de cette cinquième branche, sera dotée de recettes propres, ce qui permettra justement de répondre aux espoirs et aux attentes légitimes qu’elle suscite.
Le soutien accru aux secteurs les plus touchés par la crise sanitaire est un élément central de ce PLFSS. Je pense en particulier au tourisme, à la restauration, au sport, à la culture et à l’événementiel, dont l’activité est fortement réduite, pour ne pas dire inexistante, depuis plus de huit mois.
L’introduction d’un dispositif complémentaire d’exonération au bénéfice des entreprises des secteurs dits « S1 » apparaît également essentielle au regard des difficultés que rencontrent un certain nombre d’entreprises et, à travers elles, des millions de salariés.
Ce texte, par les avancées multiples qu’il concrétise, répond donc à la gravité de la situation, mais les débats au sein de notre assemblée ont aussi mis en lumière un certain nombre de désaccords sincères.
Je pense notamment à la suppression de l’expérimentation sur la pratique des IVG instrumentales par les sages-femmes, qui permettrait de pallier le manque de médecins pratiquant l’avortement, en particulier dans les territoires ruraux. Cela constitue un recul non négligeable.
De plus, l’encadrement de la reprise partielle de la dette des établissements de santé assurant le service public hospitalier répond à un devoir de solidarité, en permettant à ces établissements de santé publics d’investir. La suppression de cette disposition en séance publique nous paraît aller à l’encontre de la nécessité de les accompagner en favorisant la pérennité de leur financement.
Enfin, alors que nous débattions des mesures concrètes visant à lutter contre l’épidémie, sauver notre système de santé et soutenir les secteurs les plus touchés, la majorité sénatoriale a fait le choix de cliver sur une mesure controversée.
Je veux redire, au nom du groupe RDPI, notre opposition à l’amendement adopté par la majorité sénatoriale visant, notamment, à repousser l’âge de départ à la retraite à 63 ans. Nous nous y opposons tant sur la forme que sur le fond.
Nous regrettons la volonté de la majorité sénatoriale de profiter de cette crise sanitaire pour imposer aux Français une réforme paramétrique des retraites, laquelle aurait nécessité une large concertation associant l’ensemble des partenaires sociaux.
Nous nous interrogeons également sur le moment choisi pour faire une telle proposition, discutable sur le fond, alors que notre pays traverse une crise économique et sociale sans précédent, qui bouleverse notre quotidien et frappe un grand nombre de secteurs.
Les discussions sont d’ailleurs toujours en cours entre le Gouvernement et les partenaires sociaux. Il est donc particulièrement inopportun de vouloir accélérer le rythme d’une réforme profonde, qui nécessite du temps.
J’y insiste, nous regrettons ces mesures, tant la période que nous vivons implique, selon nous, un devoir de responsabilité afin d’apporter des réponses concrètes aux difficultés rencontrées par nos soignants, nos TPE, nos PME, nos indépendants et notre jeunesse, laquelle, nous le savons, lutte pour entrer sur le marché de l’emploi aujourd’hui encore plus qu’hier.
Pour conclure, je dirai que, en dépit des nombreuses avancées que comporte ce texte, les modifications apportées par la majorité sénatoriale suscitent plusieurs désaccords importants.
L’année 2020 restera exceptionnelle ; la question des retraites, remise chaque année sur la table par la majorité sénatoriale, n’avait aucunement sa place au sein de ce PLFSS 2021 ambitieux, examiné en période de crise.
Pour toutes ces raisons, le groupe RDPI s’abstiendra sur ce texte.