Les agriculteurs et les éleveurs français, que je qualifiais dans cet hémicycle voilà quelques jours d’« entrepreneurs du vivant qui nourrissent le peuple français », je crois aussi en eux ! Ils exercent l’un des métiers les plus nobles, à savoir assurer la santé nutritionnelle de nos concitoyens, et je pense pouvoir affirmer qu’ils en ont pleinement conscience. Cela explique sûrement la passion qui anime ces femmes et ces hommes de la grande famille agricole française.
L’agriculture française fait face depuis longtemps à d’énormes défis et se trouve en perpétuel mouvement. Depuis l’après-guerre, peu de secteurs ont autant évolué et autant répondu à la demande sociétale. L’agriculture a nourri le peuple français et continue de le faire, en prenant en compte la santé et de l’environnement. Les agriculteurs sont bien les acteurs de cette mission nourricière et protectrice, si importante pour faire société !
Gardons néanmoins en tête que, pour permettre à nos agriculteurs de trouver ces solutions et de s’y adapter chaque fois, il faut absolument que leur travail soit rémunéré à sa juste valeur. Or les agriculteurs subissent parfois les injonctions contradictoires de la société. Nous leur demandons davantage, sans être forcément prêts à y mettre le prix. De telles injonctions doivent cesser, et il faut que des actes suivent nos demandes.
Deuxième conviction, il est nécessaire de développer l’accès à des produits frais et locaux. Toutes les études le montrent, d’un point de vue nutritionnel et environnemental, ces produits sont les meilleurs pour la santé. C’est aussi vrai sur le plan économique, puisque cela permet d’augmenter le revenu des agriculteurs par une meilleure répartition de la valeur ajoutée ; par ailleurs, contrairement à certaines idées reçues, cela peut s’avérer bénéfique pour le portefeuille des consommateurs.
Il ne s’agit en aucun cas d’opposer les modes d’agriculture ! Nous avons besoin non seulement d’une agriculture qui exporte, si nous voulons qu’elle soit forte, mais aussi d’une agriculture de proximité, et le premier confinement a démontré que tel était le souhait des Français. Pour pérenniser cette demande, j’ai signé voilà quelques jours avec toutes les enseignes de grande surface une série d’engagements importants, afin de mettre en avant les produits frais locaux dans les circuits de distribution.
Troisième conviction, comme M. Marchand l’a appelé de ses vœux, il nous faut partir des territoires car c’est à partir de ceux-ci que nous pouvons le mieux possible construire les filières, et donc améliorer la distribution des produits frais et locaux.
Tel est l’objet des PAT. Vous l’avez expliqué, monsieur le sénateur, en évoquant celui du Douaisis, ces projets fonctionnent : ils permettent de structurer des filières et de créer des dynamiques.
Actuellement, environ 190 PAT sont établis sur notre territoire. La question est désormais de les démultiplier. Vous proposez des contrats ; je suggère quant à moi, de commencer par y consacrer un financement très important. C’est pourquoi j’ai obtenu que, dans le cadre du plan de relance, 80 millions d’euros soient dédiés à ces projets au cours des deux prochaines années.
Songez, mesdames, messieurs les sénateurs, que lors des quatre dernières années, l’État avait financé les PAT à hauteur de 6 millions d’euros : le financement que je propose est donc vingt-cinq fois supérieur à celui qui existait auparavant !
Il nous faut en effet dynamiser, renforcer et créer de nouveaux PAT qui fonctionnent sur les territoires ; nous avons d’ores et déjà de nombreux exemples en tête. Cela doit s’accomplir à l’échelon territorial, et nous y travaillerons en déclinant le plan de relance.
Pour avoir une agriculture forte et souveraine, il nous faut donc développer les produits frais locaux en partant des territoires et garantir que leur production soit effectuée à l’échelon local.
J’en viens à ma quatrième conviction : il convient d’appréhender avec lucidité, humilité et honnêteté la question de l’inégalité alimentaire, ce fléau qui perdure dans notre pays.
J’ai été pendant trois années ministre de la ville et du logement. Jamais je n’oublierai que, lors du premier confinement, j’ai dû édicter des bons alimentaires, ce que mon ministère n’avait jamais fait depuis l’après-guerre. L’inégalité alimentaire perdure. Il suffit pour se convaincre de cette réalité de voir les files d’attente qui s’allongent devant les associations d’aide alimentaire. Je n’entrerai pas dans le détail de toutes les mesures prises par le Gouvernement dans ce domaine…
Un point me paraît essentiel, qui va dans le sens du discours du sénateur Marchand et du débat qu’il propose : le problème des cantines, lesquelles sont le premier lieu de lutte contre les inégalités alimentaires. Nous devons aider au maximum les collectivités, quel que soit leur échelon, à faire en sorte que s’y trouvent davantage de produits frais et locaux. Cela nécessite des investissements, parfois une autre organisation, en bref, un accompagnement financier par l’État des collectivités en vue d’une meilleure qualité des aliments dans les cantines.
Alors qu’au titre du plan de relance, le Gouvernement financera les PAT à hauteur de 80 millions d’euros, nous consacrerons 50 millions d’euros au fonctionnement des cantines, afin de mettre en place des mesures très concrètes.
Pourquoi croyez-vous qu’il y ait toujours des yaourts locaux dans les cantines, et très peu de carottes ou d’oignons produits au même échelon ? La raison en est simple, les plateformes de grande distribution ou les fermes de proximité fournissent les yaourts conditionnés en palettes qu’il suffit de déballer à l’arrivée. Lorsqu’il s’agit de carottes et d’oignons, en revanche, il faut commencer la journée par en éplucher plusieurs kilos ; ce n’est pas la même chose ! C’est une véritable barrière qui empêche les cantines de s’approvisionner en produits frais locaux.
À question de terrain concrète, réponse concrète : les 50 millions d’euros permettront notamment de financer des légumeries, qui existent déjà dans plusieurs territoires.
Je crois en notre agriculture et en notre alimentation ! Les convictions que j’ai exposées manifestent la détermination qui est la mienne. Je suis absolument ravi de pouvoir débattre de ce sujet avec vous !