Il me revient de vous présenter mon avis sur les crédits prévus, dans le budget 2021, en faveur de la transition énergétique et du climat.
Compte tenu de l'ampleur du sujet, qui recouvre des problématiques extrêmement larges, j'ai choisi de concentrer mon propos sur quatre thématiques : le soutien prévu en faveur du développement des énergies renouvelables, le plan hydrogène, la politique de lutte contre la pollution de l'air et les aides à la rénovation énergétique des logements.
Comme vous le savez, nos objectifs de développement des énergies renouvelables sont particulièrement ambitieux. Aux termes de l'article L. 100-4 du code de l'énergie, la politique énergétique nationale a notamment pour objectif de porter la part des énergies renouvelables à 33 % au moins de la consommation finale brute d'énergie d'ici 2030.
Cet objectif apparaît d'autant plus ambitieux que nous avons déjà pris du retard et que nous n'arriverons sans doute pas à réaliser notre objectif intermédiaire, qui consiste à porter cette part à 23 % d'ici 2020 : fin 2019, elle s'élevait à 17,2 %. La France est d'ailleurs l'un des pays les plus en retard dans l'atteinte de ses objectifs pour 2020.
Dans ce contexte, un soutien accru au développement des énergies renouvelables, électriques et thermiques, est plus que jamais nécessaire. C'est d'ailleurs pourquoi je vous présenterai un amendement visant à supprimer le dispositif proposé par le Gouvernement pour réviser d'anciens contrats photovoltaïques.
En ce qui concerne les moyens de cette politique, le budget pour 2021 prévoit 5,68 milliards d'euros au titre du soutien aux énergies renouvelables électriques, soit plus de 900 millions d'euros de plus que l'année précédente. Cette évolution s'explique par le développement du parc, mais aussi, plus mécaniquement, par la baisse importante des prix de marché de l'électricité. S'agissant des énergies renouvelables thermiques, 350 millions d'euros sont prévus pour le « Fonds chaleur » et le plan de relance prévoit un soutien à la chaleur bas-carbone des entreprises industrielles de 500 millions d'euros sur deux ans.
Le développement de l'hydrogène bas-carbone constitue par ailleurs un des axes importants du plan de relance. Je salue l'accroissement considérable des moyens publics qui lui sont alloués : alors que la première stratégie nationale pour un hydrogène bas-carbone de 2018 n'avait pas mobilisé plus de 100 millions d'euros sur trois ans, le plan de relance dédie à la filière hydrogène prévoit 2 milliards d'euros pour les années 2021 et 2022, qui seront portés à 3,4 milliards en 2023 pour finalement atteindre 7,2 milliards en 2030. Il s'agit incontestablement d'un des axes les plus ambitieux du plan de relance, alliant défense de la souveraineté économique et énergétique de notre pays et engagement déterminé à atteindre la neutralité carbone d'ici 2050.
Je rappelle rapidement les trois principaux objectifs de la stratégie : le premier est d'installer suffisamment d'électrolyseurs pour apporter une contribution significative à la décarbonation de l'économie, l'idée du Gouvernement étant de soutenir autant l'offre via un appui au développement d'usines d'électrolyse, et la demande, via un mécanisme de complément de rémunération, déjà à l'oeuvre pour soutenir le développement des énergies renouvelables. Le deuxième objectif est de développer les mobilités propres en particulier pour les véhicules lourds. Le dernier objectif est de renforcer l'efficacité des électrolyseurs et des piles à combustible via un soutien accru à la recherche et développement (R&D).
Ces motifs de satisfaction n'écartent pas les nombreux défis qui devront être relevés pour faire de la stratégie une réussite économique et environnementale. L'hydrogène bas-carbone devra tout d'abord combler le différentiel de compétitivité avec l'hydrogène « gris ». À cet égard, le soutien envisagé dans le plan de relance pourrait être insuffisant, sans tarification appropriée du CO2. La réussite du plan hydrogène dépendra également de la capacité à assurer une production suffisante et stable d'énergie décarbonée : la bonne articulation entre la stratégie hydrogène et la trajectoire d'évolution des énergies renouvelables dans le mix énergétique constituera un nécessaire point d'attention.
Le troisième sujet que je souhaiterais aborder est celui de la lutte contre la pollution de l'air. La pollution de l'air constitue un problème de santé publique majeur en France, responsable de 48 000 décès prématurés par an. Cela fait des années que les normes de qualité de l'air ne sont pas respectées dans plusieurs agglomérations. Ces dépassements chroniques ont conduit à ce que des contentieux soient engagés contre l'État au niveau européen et au niveau national, qui pourraient bientôt déboucher sur des sanctions financières importantes.
Au plan européen, la France a été condamnée l'année dernière par la Cour de Justice de l'Union européenne pour non-respect des valeurs limites relatives au dioxyde d'azote dans 12 zones. Et la Commission européenne vient de saisir à nouveau la Cour de Justice, cette fois en raison des concentrations de particules fines PM 10 trop importantes à Paris et en Martinique.
Si la Cour considère que la France n'a pas pris des mesures suffisantes pour permettre de réduire les concentrations de polluants, elle pourrait lui infliger une amende de 100 millions d'euros la première année, puis 90 millions d'euros par année de dépassement.
Au niveau national, le Conseil d'État a ordonné cet été à l'État de prendre des mesures pour réduire la pollution de l'air dans 8 zones sous peine d'une astreinte de 10 millions d'euros par semestre de retard. Dans sa décision, le Conseil d'État considère que les feuilles de route pour la qualité de l'air qui ont été élaborées en 2018 sont insuffisantes, car elles ne comportent ni estimation de l'amélioration de la qualité de l'air attendue ni précision sur les délais de réalisation de leurs objectifs.
C'est exactement ce qu'avait pointé du doigt notre commission dans un rapport d'information sur la lutte contre la pollution de l'air réalisé par notre ancienne collègue Nelly Tocqueville en avril 2018.
Il est temps que l'État prenne de nouvelles mesures ambitieuses, précises et évaluées de lutte contre la pollution de l'air, en procédant si besoin à une révision anticipée des plans de protection de l'atmosphère.
Pour terminer, je souhaiterais aborder la question des aides à la rénovation énergétique des logements. La loi de finances pour 2020 a décidé la transformation du crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE) en prime directe versée aux ménages qui réalisent des travaux de rénovation énergétique. Depuis le 1er janvier 2020, cette prime, appelée « MaPrimeRénov' », bénéficie aux ménages modestes et très modestes pour les travaux de rénovation énergétique qu'ils effectuent dans les logements dont ils sont propriétaires et qu'ils occupent à titre de résidence principale.
Les autres ménages continuent à bénéficier du CITE cette année, à l'exception des ménages les plus aisés qui sont exclus du dispositif, sauf pour les dépenses d'isolation des parois opaques et d'acquisition et de pose d'un système de charge pour véhicule électrique qu'ils effectuent. À compter du 1er janvier 2021, le CITE sera supprimé en totalité.
Notre commission avait salué cette réforme, qui permet de soutenir directement les ménages qui réalisent des travaux par le versement d'une prime. Mais elle s'était inquiétée de la suppression du crédit d'impôt pour les ménages aisés, qui sont ceux qui réalisent le plus de travaux de rénovation.
Dans le cadre du plan de relance, le Gouvernement a décidé d'élargir le bénéfice de la prime à l'ensemble des propriétaires occupants ou bailleurs, quels que soient leurs revenus, ainsi qu'aux copropriétés pour les travaux réalisés dans les parties communes. Par ailleurs, le montant de la prime est bonifié lorsque les travaux permettent des gains énergétiques importants.
Deux milliards d'euros supplémentaires sont prévus sur deux ans pour accompagner l'élargissement de ces aides, qui s'ajoutent aux 740 millions d'euros prévus par la mission « Écologie » pour l'année prochaine.
Nous pouvons saluer cette augmentation importante des moyens dédiés à la rénovation énergétique des logements, qui va dans le sens de ce que notre commission avait souhaité l'année dernière.
Il conviendra de dresser rapidement un bilan du nombre de travaux de rénovation qui sont encouragés grâce à cette prime et des gains énergétiques qu'ils permettent. Au regard des objectifs très ambitieux de rénovation du parc de logements privés prévus par la loi, il sera nécessaire de maintenir un haut niveau d'investissement au-delà des deux prochaines années couvertes par le plan de relance. Le bâtiment est l'un des principaux secteurs émetteurs de gaz à effet de serre et les travaux de rénovation permettent des gains de pouvoir d'achat pour les ménages et sont sources de création d'emplois non délocalisables. Ils sont donc bons pour l'économie et pour le climat.
Je vous proposerai par ailleurs un amendement visant à augmenter les moyens alloués au Haut conseil pour le climat (HCC) afin de lui permettre d'exercer pleinement son rôle d'expertise au service du Parlement. Les difficultés à répondre à la demande adressée par le président du Sénat afin évaluer l'impact environnemental de la 5G a mis en lumière l'insuffisance des effectifs du HCC.
Voilà les principaux éléments que je souhaitais porter à votre connaissance. Compte tenu des crédits importants qui sont prévus pour le plan hydrogène et pour la rénovation énergétique des logements, et malgré les quelques réserves que j'ai pu exprimer, je vous propose d'émettre un avis favorable sur les crédits relatifs à la transition énergétique et climatique.