Le compte rendu de cette réunion sera publié ultérieurement.
Il me revient de vous présenter mon avis sur les crédits prévus, dans le budget 2021, en faveur de la transition énergétique et du climat.
Compte tenu de l'ampleur du sujet, qui recouvre des problématiques extrêmement larges, j'ai choisi de concentrer mon propos sur quatre thématiques : le soutien prévu en faveur du développement des énergies renouvelables, le plan hydrogène, la politique de lutte contre la pollution de l'air et les aides à la rénovation énergétique des logements.
Comme vous le savez, nos objectifs de développement des énergies renouvelables sont particulièrement ambitieux. Aux termes de l'article L. 100-4 du code de l'énergie, la politique énergétique nationale a notamment pour objectif de porter la part des énergies renouvelables à 33 % au moins de la consommation finale brute d'énergie d'ici 2030.
Cet objectif apparaît d'autant plus ambitieux que nous avons déjà pris du retard et que nous n'arriverons sans doute pas à réaliser notre objectif intermédiaire, qui consiste à porter cette part à 23 % d'ici 2020 : fin 2019, elle s'élevait à 17,2 %. La France est d'ailleurs l'un des pays les plus en retard dans l'atteinte de ses objectifs pour 2020.
Dans ce contexte, un soutien accru au développement des énergies renouvelables, électriques et thermiques, est plus que jamais nécessaire. C'est d'ailleurs pourquoi je vous présenterai un amendement visant à supprimer le dispositif proposé par le Gouvernement pour réviser d'anciens contrats photovoltaïques.
En ce qui concerne les moyens de cette politique, le budget pour 2021 prévoit 5,68 milliards d'euros au titre du soutien aux énergies renouvelables électriques, soit plus de 900 millions d'euros de plus que l'année précédente. Cette évolution s'explique par le développement du parc, mais aussi, plus mécaniquement, par la baisse importante des prix de marché de l'électricité. S'agissant des énergies renouvelables thermiques, 350 millions d'euros sont prévus pour le « Fonds chaleur » et le plan de relance prévoit un soutien à la chaleur bas-carbone des entreprises industrielles de 500 millions d'euros sur deux ans.
Le développement de l'hydrogène bas-carbone constitue par ailleurs un des axes importants du plan de relance. Je salue l'accroissement considérable des moyens publics qui lui sont alloués : alors que la première stratégie nationale pour un hydrogène bas-carbone de 2018 n'avait pas mobilisé plus de 100 millions d'euros sur trois ans, le plan de relance dédie à la filière hydrogène prévoit 2 milliards d'euros pour les années 2021 et 2022, qui seront portés à 3,4 milliards en 2023 pour finalement atteindre 7,2 milliards en 2030. Il s'agit incontestablement d'un des axes les plus ambitieux du plan de relance, alliant défense de la souveraineté économique et énergétique de notre pays et engagement déterminé à atteindre la neutralité carbone d'ici 2050.
Je rappelle rapidement les trois principaux objectifs de la stratégie : le premier est d'installer suffisamment d'électrolyseurs pour apporter une contribution significative à la décarbonation de l'économie, l'idée du Gouvernement étant de soutenir autant l'offre via un appui au développement d'usines d'électrolyse, et la demande, via un mécanisme de complément de rémunération, déjà à l'oeuvre pour soutenir le développement des énergies renouvelables. Le deuxième objectif est de développer les mobilités propres en particulier pour les véhicules lourds. Le dernier objectif est de renforcer l'efficacité des électrolyseurs et des piles à combustible via un soutien accru à la recherche et développement (R&D).
Ces motifs de satisfaction n'écartent pas les nombreux défis qui devront être relevés pour faire de la stratégie une réussite économique et environnementale. L'hydrogène bas-carbone devra tout d'abord combler le différentiel de compétitivité avec l'hydrogène « gris ». À cet égard, le soutien envisagé dans le plan de relance pourrait être insuffisant, sans tarification appropriée du CO2. La réussite du plan hydrogène dépendra également de la capacité à assurer une production suffisante et stable d'énergie décarbonée : la bonne articulation entre la stratégie hydrogène et la trajectoire d'évolution des énergies renouvelables dans le mix énergétique constituera un nécessaire point d'attention.
Le troisième sujet que je souhaiterais aborder est celui de la lutte contre la pollution de l'air. La pollution de l'air constitue un problème de santé publique majeur en France, responsable de 48 000 décès prématurés par an. Cela fait des années que les normes de qualité de l'air ne sont pas respectées dans plusieurs agglomérations. Ces dépassements chroniques ont conduit à ce que des contentieux soient engagés contre l'État au niveau européen et au niveau national, qui pourraient bientôt déboucher sur des sanctions financières importantes.
Au plan européen, la France a été condamnée l'année dernière par la Cour de Justice de l'Union européenne pour non-respect des valeurs limites relatives au dioxyde d'azote dans 12 zones. Et la Commission européenne vient de saisir à nouveau la Cour de Justice, cette fois en raison des concentrations de particules fines PM 10 trop importantes à Paris et en Martinique.
Si la Cour considère que la France n'a pas pris des mesures suffisantes pour permettre de réduire les concentrations de polluants, elle pourrait lui infliger une amende de 100 millions d'euros la première année, puis 90 millions d'euros par année de dépassement.
Au niveau national, le Conseil d'État a ordonné cet été à l'État de prendre des mesures pour réduire la pollution de l'air dans 8 zones sous peine d'une astreinte de 10 millions d'euros par semestre de retard. Dans sa décision, le Conseil d'État considère que les feuilles de route pour la qualité de l'air qui ont été élaborées en 2018 sont insuffisantes, car elles ne comportent ni estimation de l'amélioration de la qualité de l'air attendue ni précision sur les délais de réalisation de leurs objectifs.
C'est exactement ce qu'avait pointé du doigt notre commission dans un rapport d'information sur la lutte contre la pollution de l'air réalisé par notre ancienne collègue Nelly Tocqueville en avril 2018.
Il est temps que l'État prenne de nouvelles mesures ambitieuses, précises et évaluées de lutte contre la pollution de l'air, en procédant si besoin à une révision anticipée des plans de protection de l'atmosphère.
Pour terminer, je souhaiterais aborder la question des aides à la rénovation énergétique des logements. La loi de finances pour 2020 a décidé la transformation du crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE) en prime directe versée aux ménages qui réalisent des travaux de rénovation énergétique. Depuis le 1er janvier 2020, cette prime, appelée « MaPrimeRénov' », bénéficie aux ménages modestes et très modestes pour les travaux de rénovation énergétique qu'ils effectuent dans les logements dont ils sont propriétaires et qu'ils occupent à titre de résidence principale.
Les autres ménages continuent à bénéficier du CITE cette année, à l'exception des ménages les plus aisés qui sont exclus du dispositif, sauf pour les dépenses d'isolation des parois opaques et d'acquisition et de pose d'un système de charge pour véhicule électrique qu'ils effectuent. À compter du 1er janvier 2021, le CITE sera supprimé en totalité.
Notre commission avait salué cette réforme, qui permet de soutenir directement les ménages qui réalisent des travaux par le versement d'une prime. Mais elle s'était inquiétée de la suppression du crédit d'impôt pour les ménages aisés, qui sont ceux qui réalisent le plus de travaux de rénovation.
Dans le cadre du plan de relance, le Gouvernement a décidé d'élargir le bénéfice de la prime à l'ensemble des propriétaires occupants ou bailleurs, quels que soient leurs revenus, ainsi qu'aux copropriétés pour les travaux réalisés dans les parties communes. Par ailleurs, le montant de la prime est bonifié lorsque les travaux permettent des gains énergétiques importants.
Deux milliards d'euros supplémentaires sont prévus sur deux ans pour accompagner l'élargissement de ces aides, qui s'ajoutent aux 740 millions d'euros prévus par la mission « Écologie » pour l'année prochaine.
Nous pouvons saluer cette augmentation importante des moyens dédiés à la rénovation énergétique des logements, qui va dans le sens de ce que notre commission avait souhaité l'année dernière.
Il conviendra de dresser rapidement un bilan du nombre de travaux de rénovation qui sont encouragés grâce à cette prime et des gains énergétiques qu'ils permettent. Au regard des objectifs très ambitieux de rénovation du parc de logements privés prévus par la loi, il sera nécessaire de maintenir un haut niveau d'investissement au-delà des deux prochaines années couvertes par le plan de relance. Le bâtiment est l'un des principaux secteurs émetteurs de gaz à effet de serre et les travaux de rénovation permettent des gains de pouvoir d'achat pour les ménages et sont sources de création d'emplois non délocalisables. Ils sont donc bons pour l'économie et pour le climat.
Je vous proposerai par ailleurs un amendement visant à augmenter les moyens alloués au Haut conseil pour le climat (HCC) afin de lui permettre d'exercer pleinement son rôle d'expertise au service du Parlement. Les difficultés à répondre à la demande adressée par le président du Sénat afin évaluer l'impact environnemental de la 5G a mis en lumière l'insuffisance des effectifs du HCC.
Voilà les principaux éléments que je souhaitais porter à votre connaissance. Compte tenu des crédits importants qui sont prévus pour le plan hydrogène et pour la rénovation énergétique des logements, et malgré les quelques réserves que j'ai pu exprimer, je vous propose d'émettre un avis favorable sur les crédits relatifs à la transition énergétique et climatique.
Ma question concerne « MaPrimeRénov' », qui remplace le crédit d'impôt pour la transition écologique. Son objectif de promouvoir la rénovation énergétique des bâtiments est louable, mais des oubliés demeurent comme les Sociétés civiles immobilières (SCI), ainsi que les résidences secondaires et les propriétaires en nue-propriété, tous non éligibles à la prime. La rénovation des résidences secondaires, souvent situées en milieu rural, permettrait pourtant de dynamiser l'artisanat local. Que pensez-vous de ces exclusions, alors que la prime pour les ménages sera versée sans condition de ressources ?
Je salue l'amendement du rapporteur concernant les moyens du Haut conseil pour le climat. Je souhaite évoquer un sujet qui n'a pas été abordé : l'accompagnement que le pays doit aux territoires touchés par les fermetures des centrales à charbon et des centrales nucléaires. Cela a été évoqué hier dans l'hémicycle : certains territoires se trouvent en désespérance en raison de ces fermetures, n'ont pas été suffisamment accompagnés. La transition écologique ne doit pas se traduire par des décisions de fermeture, sans qu'une planification sur le long terme et un accompagnement fort soient mis en place.
S'agissant de la rénovation thermique, comme je l'avais signalé lors de l'audition de la ministre Barbara Pompili, nous avons des inquiétudes sur le programme de rénovation thermique des logements. Au rythme actuellement prévu, il nous faudra une quinzaine d'années pour résorber les passoires thermiques.
Enfin, concernant l'hydrogène, et l'hydrogène vert, nous avons un industriel de niveau international en France, Airbus, qui a fait des annonces sur son futur avion à hydrogène. La grande question est de savoir si l'hydrogène vert sera disponible en quantité suffisante pour permettre le développement de cet avion. Nous devons être à la pointe pour garantir une telle production. Nous nous situons un peu en dessous des crédits prévus en Allemagne pour soutenir le développement de l'hydrogène. Il s'agira d'être vigilant à ce que le Gouvernement tienne ses engagements, mais que peut-être pourrions-nous aller plus vite et plus fort que ce qui est prévu.
Ma première remarque concerne le compte d'affectation spéciale sur la transition énergétique, qui a disparu. Nous connaissons les raisons qui ont motivé cette suppression, notamment le rapport de la Cour des Comptes qui stipulait qu'il y avait un décalage entre les recettes et les dépenses, dans la mesure où ce compte était alimenté par la TICPE. Dispose-t-on néanmoins d'une vision globale de l'ensemble des coûts engendrés par la transition énergétique ? Il est évident que le soutien aux énergies renouvelables, qui représente 5,684 milliards d'euros, est en augmentation, du fait notamment que la production d'énergies renouvelables ne peut pas être pilotée ; il y a donc parfois des pics de production. On a connu cette année des prix négatifs sur le marché de l'énergie, ce qui induit une augmentation du delta financé par l'État. Au-delà du soutien aux énergies renouvelables il existe également des coûts induits par l'interconnexion des réseaux et par l'intermittence, des coûts liés aux fermetures des centrales, et des coûts liés au raccordement des énergies renouvelables. Je pense notamment à l'éolien offshore, dont le raccordement est maintenant pris en charge par RTE, et qui va donc se retrouver d'une certaine façon dans le prix de l'électricité. En toute transparence, sans remettre en cause les trajectoires de transition énergétique, il serait intéressant d'avoir une vision globale de l'ensemble des moyens qui doivent être mobilisés au service de la transition énergétique.
Ma deuxième remarque porte sur l'hydrogène. Nous avons eu un débat décevant sur le sujet avec la ministre Bérengère Abba, puisque nous n'avons pas obtenu les réponses aux questions que nous nous posions. L'hydrogène n'est pas une énergie, mais un moyen de stockage, et à l'heure actuelle, beaucoup de progrès reste à faire en matière d'efficacité, puisqu'entre l'électricité injectée dans un électrolyseur et celle récupérée dans une pile à combustible, le rendement est de 25 %. On perd donc 75 % de l'énergie, qui se dissipe, alors que pour une batterie, ce rendement est de 70 %. L'hydrogène est porteur d'avenir, mais est nécessaire, au-delà de l'ambition, d'avoir un « pilote dans l'avion ». Quand la France s'est dotée d'une ambition nucléaire, elle a créé le Commissariat à l'énergie atomique (CEA), quand elle s'est dotée d'une ambition spatiale, elle s'est doté du Centre national d'études spatiales (CNES) ; quid de l'hydrogène ? On a du mal à voir quelle est la stratégie poursuivie pour franchir les obstacles techniques et pour améliorer la performance de l'hydrogène.
Je souhaite revenir sur le sujet de la précarité énergétique. Les émissions du secteur du bâtiment résidentiel et tertiaire représentent 19 % des émissions nationales et le secteur est le premier consommateur d'énergie finale en France. Il existe plus de 5 millions de passoires thermiques, et un ménage sur cinq est en situation de précarité énergétique. 17 % des logements sont considérés comme très énergivores et les locataires modestes du privé sont les plus touchés, puisque 28 % d'entre eux vivent dans des logements dont l'étiquette énergétique est « F » ou « G ». Il y a une volonté d'abonder les crédits de soutien à la rénovation énergétique, mais ils sont répartis sur trois missions et donc peu lisibles, et l'Agence nationale de l'habitat (Anah) n'a pas les moyens humains pour traiter toutes les demandes. J'ai pu voir dans mon département qu'il y avait un retard considérable de traitement des dossiers, qui pénalise les artisans et les ménages. Lorsque l'on sait qu'un euro de subvention représente quatre euros de travaux et des emplois non délocalisables, des moyens humains supplémentaires sont nécessaires si nous voulons arriver à l'objectif de rénovation de 500 000 logements chaque année.
Je ne suivrai pas le rapporteur sur son avis favorable. Il y a un moment d'opportunité avec le plan de relance, qui met beaucoup d'argent sur la table et qui engage l'avenir de la transition énergétique. Si on prend un peu de recul, on constate que la France ne sort pas de ses « démons » : on veut construire des grosses machines. Comme l'a dit notre collègue Houllegatte, l'hydrogène est un vecteur, et on voit bien que ce vecteur vise plutôt à alimenter des grosses machines. En France, on adore les grosses machines, c'est l'histoire énergétique française, et nous allons réinvestir beaucoup d'argent dedans.
Or si on regarde à l'échelle internationale, c'est le photovoltaïque qui dispose aujourd'hui d'un avantage de compétitivité. Aujourd'hui, les prix des parcs photovoltaïques sont de l'ordre de 10 euros par mégawattheure (MW), alors que ceux de l'EPR se situent plutôt autour de 130 à 150 euros. Le plan de relance aurait dû investir beaucoup d'argent dans les nouvelles générations d'installations photovoltaïques, un secteur d'une extrême créativité qui produit de très loin l'électricité la moins chère, une électricité qui servira notamment à produire l'hydrogène. Ce secteur est absent du plan de relance, alors qu'il est constitué de start-ups et de PME, et qu'il permet une véritable décentralisation de la production énergétique.
S'agissant de la rénovation énergétique, on continue à ne pas avoir de stratégie claire. Tant que nous n'aurons pas d'obligation de rénovation, par exemple lors de la réalisation de grands travaux, et qu'une articulation des aides avec les certificats d'économies d'énergie ne sera pas faite, tant qu'il n'est pas clair si on aide tout le monde ou seulement certains, et que l'on met des moyens sans un système cohérent, on ne tiendra pas les objectifs de rénovation.
Il nous reste un moment clé, la loi « Climat » qui sera débattue au printemps. Mais je suis inquiet du fait que le plan de relance, qui implique beaucoup d'argent, ne s'appuie pas sur une doctrine aboutie, si ce n'est investir dans l'électrolyseur, la nouvelle « grosse machine ». Je ne peux pas donc suivre le rapporteur sur son avis favorable. Je soutiens néanmoins ses amendements, et je considère que le Haut conseil pour le climat doit être plus largement soutenu : c'est un progrès démocratique que d'avoir des autorités indépendantes qui éclairent la stratégie de l'État. Concernant les contrats photovoltaïques, je pense également que le message passé aux énergéticiens, qui ont pris le risque d'investir dans le photovoltaïque au moment où ça coûtait cher et qui voient remettre en cause leurs contrats de manière rétroactive, est mauvais. Je soutiendrai donc ces deux amendements.
Il est vrai que les résidences secondaires ne sont pas éligibles au dispositif « MaPrimeRénov' ». Ce dispositif n'est pas parfait, mais je considère qu'un effort est fait. J'ai été responsable du logement dans ma communauté d'agglomérations, et en prenant la compétence, nous avons réalisé des efforts considérables. Nous avons notamment pu mettre en place des plateformes énergétiques entre les collectivités. Chaque fois que des travaux ont été faits pour des ménages, ils ont représenté un gain d'environ 520 euros pour sur leur facture d'énergie, un véritable gain de pouvoir d'achat.
La politique de rénovation énergétique s'appuie effectivement sur un système incitatif et non obligatoire, mais les gens deviennent conscients, petit à petit, de cet enjeu.
Les énergies renouvelables ne sont pas encore suffisamment développées, mais elles sont en train de pénétrer l'ensemble de nos activités, et je suis un optimiste. J'espère à cet égard que les efforts du plan de relance seront maintenus durablement.
Concernant la disparition du compte d'affectation spéciale et ses conséquences sur la lisibilité, je suis d'accord avec notre collègue Houllegatte. Dans mon rapport, j'ai tenté d'indiquer précisément ce qui est financé par les 5,684 milliards d'euros de crédits. Si je ne vous ai pas parlé d'éolien offshore, c'est parce qu'il n'est pas encore inclus dans les crédits concernés. Cependant, des travaux ont commencé pour la création de parcs à Fécamp et à Lorient, un débat public a eu lieu en Bretagne, et deux débats publics se tiendront en 2021-2022 pour des projets en Méditerranée. Il y a donc quelque chose qui se passe, même si beaucoup reste à faire.
Au sujet de l'hydrogène vert et d'Airbus, je suis d'accord avec ce qui a été dit sur ces gros projets ; mais il est nécessaire de s'attaquer aux activités les plus lourdes, par exemple les trains diesel.
Je vous propose, Monsieur le rapporteur, de nous présenter vos amendements.
Je vous avais présenté la semaine dernière un amendement visant à sécuriser le financement des associations agrées de surveillance de la qualité de l'air, confrontées à des difficultés financières depuis plusieurs années. Elles sont financées par l'État, les collectivités territoriales, et par les entreprises qui leur versent des montants déductibles de la taxe sur les activités polluantes dont elles sont redevables. Cet amendement a été adopté par le Sénat.
Mon second amendement porte sur la révision des contrats photovoltaïques signés entre 2006 et 2010. Cela concerne 800 à 850 contrats. Le Gouvernement, par un amendement adopté à l'Assemblée nationale, veut remettre en cause ces contrats. Je considère que ce n'est pas normal, qu'il s'agit d'un mauvais signal pour les investisseurs. Je me demande également dans quelle mesure cette disposition est constitutionnelle. Je propose donc de la supprimer. Notre collègue Christine Lavarde de la commission des finances le proposera également. À Perpignan, nous avons fait une opération de couverture du marché Saint-Charles à l'aide de panneaux photovoltaïques. La révision de ces contrats mettrait de nombreux propriétaires et investisseurs en difficulté.
Mon dernier amendement porte sur le Haut conseil pour le climat : nous souhaitons qu'il soit mieux doté en moyens humains afin qu'il puisse répondre aux demandes du Parlement, et souhaitons donc porter sa dotation à 2 millions d'euros. Son homologue britannique comporte 24 emplois, contre 6 pour le HCC.
Je suis un peu mal à l'aise concernant la renégociation des contrats. L'avis du Conseil d'État souligne que les retours sur investissement sont excessifs. C'est une affaire très complexe. Il y a une dizaine d'années, les prix de rachats sur ces contrats de longue durée étaient de 50 centimes, un prix aujourd'hui divisé par 10. Certains investissements ont été rentabilisés, d'autres contrats ont été rachetés et sont devenus spéculatifs. Il y a une nécessité de clarifier. Je m'abstiendrai, car je considère que la démarche doit être la même que pour l'éolien offshore : il y a eu une négociation avec les opérateurs, qui a abouti. Cela peut être compliqué de renégocier chaque contrat, mais il est nécessité de faire le point. Ce sont par ailleurs les installations de plus de 250 kW de puissance installée qui sont concernées, qui relèvent donc plutôt de la spéculation que du complément de revenus pour les agriculteurs.
En effet, il n'y a pas que des agriculteurs qui ont souscrit à ces contrats, je viens de citer un exemple, qui produit 10 % de l'électricité de Perpignan. Il s'agissait d'un dispositif innovant, un peu cher à l'époque, dans lequel avait investi la Caisse des dépôts et consignations ainsi que certains propriétaires. Il me semble donc anormal de remettre en cause la parole de l'État. Quelle confiance aurait-on sinon dans l'État ? Il faut assumer ces contrats jusqu'en 2030.
Les amendements DEVDUR.9 et DEVDUR.1 sont adoptés.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits « Transition énergétique et climat » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », sous réserve de l'adoption de ses amendements.
Nous passons maintenant aux crédits « Recherche dans le domaine de l'énergie, du développement et de la mobilité durables » de la mission « Recherche et enseignement supérieur » et je cède la parole à M. Frédéric Marchand, rapporteur pour avis.
Monsieur le président, mes chers collègues, il me revient de vous présenter l'avis budgétaire relatif au programme 190 de la mission « Recherche et enseignement supérieur » dans le projet de loi de finances pour 2021.
Pour rappel, ce programme 190 finance la recherche dans les domaines du développement durable, de l'énergie, des risques, des transports, de la construction et de l'aménagement.
Les crédits de ce programme ont pour objet, plus particulièrement, d'apporter des subventions à six opérateurs, dont les principaux bénéficiaires sont le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), l'IFP Énergies nouvelles (IFPEN) ainsi que la nouvelle Université Gustave Eiffel (UGE).
Les travaux de ces opérateurs sont indispensables pour respecter l'ensemble des engagements internationaux et de nature législative qu'il s'agisse, par exemple, de la loi d'orientation des mobilités de 2019, ou encore des objectifs fixés par la loi économie circulaire de 2020, deux lois examinées par notre commission. Ces travaux sont un levier important dans la mise en oeuvre de la transition écologique et énergétique qu'il importe d'encourager. Je souhaiterais cette année insister sur la qualité de la recherche française en matière de développement durable qui contribue au rayonnement de l'expertise française sur la scène internationale.
La crise sanitaire rappelle avec force la nécessité de poursuivre, et même d'accélérer, la transition énergétique. La recherche dans ces domaines constitue un enjeu clé, de plus en plus sollicité. Il importe donc de la soutenir tout en veillant à la traduire en termes d'industrialisation, à ce qu'elle aboutisse à des réalisations concrètes dans les domaines de l'énergie, des nouvelles mobilités mais également en matière de traitement des déchets.
J'en viens à l'examen de ces crédits. En 2021, les crédits du programme 190 connaîtront une augmentation marquée de de 7,3 % en autorisations d'engagement avec 1,92 milliard d'euros. Toutefois cette hausse des autorisations d'engagement demeure relative car concentrée au profit de la seule action concernant la recherche et le développement dans le domaine de l'aéronautique civile. Hormis cette évolution notable, les crédits des autres actions ont été reconduits, à l'exception de ceux dans le domaine l'énergie nucléaire qui connaissent une légère diminution. Les crédits de paiement restent quant à eux stables avec 1,76 milliard d'euros.
Ces crédits doivent être examinés à l'aune de leur utilisation concrète par les différents opérateurs concernés. C'est pourquoi, je souhaiterais faire un état des lieux de leurs récents travaux en matière de recherche conduite dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durables.
Le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), bénéficie, comme les années précédentes, de plus de trois quarts des crédits du programme, essentiellement pour les actions de démantèlement et d'assainissement des charges nucléaires de long terme, mais aussi pour la recherche dans le domaine de l'énergie nucléaire.
S'agissant de la recherche dans le domaine des nouvelles technologies de l'énergie (NTE), je rappelle à la commission que le CEA a décidé de mettre fin au programme ASTRID initié en 2010, qui visait à concevoir un démonstrateur de réacteur à neutrons rapides (RNR). À compter de 2020, le CEA finance un programme redimensionné de recherche et développement sur la fermeture du cycle qui pèse à hauteur d'environ 30 millions d'euros par an sur sa subvention financée par le programme 190.
Je souhaiterais revenir sur les avancées du projet de réacteur Jules Horowitz (RJH) malgré un coup d'arrêt du chantier pendant trois mois en raison du confinement. Je rappelle à la commission que ce réacteur expérimental, dont la construction a débuté en 2009, vise à fournir des données scientifiques sur le comportement des matériaux et combustibles nucléaires lorsqu'ils sont exposés à de très fortes sollicitations. Le RJH poursuit comme objectif d'améliorer le rendement des centrales, en jouant notamment sur leur durée de vie.
Le projet de RJH entre dans une nouvelle phase : la phase d'études laisse désormais place à celle de sa finalisation ainsi que de son approvisionnement technique avec, en juillet dernier, le début du montage électromécanique dans le bâtiment des annexes nucléaires. Compte tenu de l'importance stratégique que revêt la construction de ce réacteur ainsi que de sa complexité, la commission devra suivre de près ses avancées dans les années à venir.
Lors de mes échanges avec le CEA, un autre sujet a retenu mon attention : l'avancement du projet ITER. Ce dernier, réunissant 35 États, a pour objectif de démontrer que le processus de fusion pourrait être utilisé comme source d'énergie à grande échelle, non émettrice de CO2. Il s'agit donc, à terme, d'obtenir une énergie propre sur le plan environnemental dans la production d'électricité. L'impact de la crise sanitaire dans la réalisation de ce projet est en cours d'estimation mais il est certain qu'elle induira au minimum un retard estimé à plusieurs mois. C'est pourquoi j'invite, là encore, la commission à la vigilance : l'avancement de ce projet aura un impact industriel et environnemental important.
Enfin, le CEA conduit de nombreux travaux dans des domaines porteurs pour les années à venir, tels que le photovoltaïque, les batteries ou encore l'hydrogène. Il a ainsi été désigné copilote du programme prioritaire de recherche sur l'hydrogène avec le CNRS.
La situation d'un autre établissement mérite également notre attention : l'IFP Énergies nouvelles. Cet opérateur, autrefois appelé « Institut français du pétrole », est l'autre acteur clé en matière de transition énergétique. Ses activités se sont développées dans les domaines de la mobilité durable et des énergies nouvelles. Pour la première fois cette année, plus de la moitié de son activité porte sur la transition écologique. Cet opérateur est, par exemple, porteur du projet européen Modalis visant à développer une chaîne d'outils numériques permettant de modéliser et concevoir des systèmes de batteries utilisant des nouveaux matériaux.
Je me réjouis que la subvention pour charge de service public soit reconduite cette année, après une diminution quasi constante depuis 2010. Cette subvention est uniquement destinée à financer ses activités de recherche en matière de développement durable, moins rentable pour cet opérateur. Il paraît donc difficile d'exiger plus de résultats de la part de cet établissement, sans qu'un niveau de ressources publiques adéquat ne lui soit alloué de façon pérenne.
Un autre opérateur emblématique en matière de recherche a récemment vu le jour : l'Université Gustave Eiffel (UGE). Cette université, constituée au 1er janvier dernier, est née de la fusion de différents organismes dont l'ancien Institut français des sciences et technologies des transports, de l'aménagement et des réseaux (Ifsttar). Cette université conduit de nombreux travaux dans les domaines du transport, de la construction, de l'aménagement et des réseaux. Sa création vise à faire émerger un acteur visible à l'international. Un premier pas a été atteint en 2020. Cette année, l'université est entrée dans le classement de Shanghai, ce qui contribuera à accroître la visibilité de ses travaux et à la faire rayonner sur le plan international.
Plus particulièrement, le département « Aménagement, Mobilité et Environnement » conduit des recherches sur les répercussions de l'évolution des comportements sur les mobilités, l'usage des nouveaux modes de transport en ville ou encore en matière de mobilités tant des personnes que des marchandises. À ce titre, cet établissement possède un des rares laboratoires universitaires en France spécialisé sur les questions de fret et de logistique.
Je partage volontiers la demande de l'UGE qui souhaiterait être davantage associée dans la conception des politiques nationales d'aménagement du territoire, afin d'apporter son expertise et sa connaissance dans ces domaines. Compte tenu de la qualité de ses travaux de recherche, je soutiens particulièrement cette démarche.
Enfin, le doublement des crédits destinés à la recherche dans le domaine de l'aéronautique civile m'a conduit à entendre le Commissariat général au développement durable (CGDD) ainsi que la Direction générale de l'aviation civile (DGAC). Ces derniers m'ont fait part de leur consensus quant à la nécessité de mettre en place des programmes d'avion décarboné, ou « avion vert ». Je note toutefois que ce projet soulève certaines difficultés de nature technique mais également liées à la sécurité de ce mode de transport qu'est l'avion. De plus, il s'agit un projet de long terme qui doit allier des exigences parfois contradictoires. D'un côté il faut accélérer la recherche et en même temps prendre le temps nécessaire à l'élaboration des projets de recherche. La réunion du ministre français des transports avec ses homologues anglais, espagnol et allemand, la semaine dernière, souligne un soutien politique fort pour ce projet ambitieux, qu'il conviendrait également de suivre.
Pour conclure, je souhaiterais insister sur la nécessité de maintenir les subventions publiques à ces opérateurs qui subissent les conséquences de la crise sanitaire, que ce soit par des retards projets de recherche ou d'accroissement leurs coûts de financement. Le soutien public de ces travaux s'avère plus que jamais nécessaire. La recherche, et plus spécifiquement la recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durables, constitue un vecteur de croissance verte à encourager pour faire face aux changements qu'impose la transition énergétique. Il importe donc de tendre vers l'idéal en passant par le réel et ces travaux en sont la parfaite illustration.
C'est pourquoi je proposerai à la commission de donner un avis favorable à l'adoption des crédits.
Derrière les grosses bécanes, il y a tout un ensemble de moyennes et de petites bécanes qui travaillent en partenariat étroit avec les grosses bécanes. On a pu noter au cours de nos auditions qu'il y a une envie partagée et un travail collectif, qui sont un particularisme français reconnu à l'international.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits « Recherche dans le domaine de l'énergie, du développement et de la mobilité durables » de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».
Je suis heureux de pouvoir vous présenter ce matin mon avis sur les crédits relatifs à l'aménagement numérique du territoire. Je rappelle que ces crédits sont exclusivement inscrits dans le programme 343 « Plan France Très Haut Débit » de la mission « Économie » et, parallèlement, au sein de la mission consacrée au plan de relance. Mon avis budgétaire ne portera donc que sur le soutien au déploiement des réseaux fixes, les réseaux mobiles ne faisant pas à proprement parler l'objet d'un engagement budgétaire de l'État. J'aborderai néanmoins ce sujet en conclusion de mon intervention, par un état des lieux de l'avancement du New Deal mobile.
Je commencerai donc cette intervention par une présentation des crédits associés au déploiement des réseaux fixes sur le territoire.
Pour rappel, ces crédits s'inscrivent dans le cadre du plan France Très Haut Débit, lancé en 2013, qui vise la couverture intégrale de la population en très haut débit fixe d'ici fin 2022, dont 80 % en fibre optique jusqu'au domicile, technologie ayant vocation à être généralisée sur l'ensemble du territoire en 2025. Le plan prévoit par ailleurs un objectif intermédiaire de couverture intégrale de la population en « bon » haut débit d'ici 2020. Dans les territoires moins denses où a été constatée la carence de l'initiative privée, le très haut débit se déploie sous l'autorité des collectivités territoriales dans le cadre de réseaux d'initiative publique (RIP) lesquels font l'objet d'un soutien de l'État, via un « guichet » France Très Haut Débit, doté dès 2013 de 3,3 milliards d'euros, aujourd'hui concentrés au sein du programme 343 sur lequel porte l'avis budgétaire.
En 2019, soit 6 ans après l'ouverture du guichet, 25 départements n'avaient pas encore finalisé leur plan de financement pour la généralisation de la fibre optique d'ici 2025. Autrement dit, les crédits de l'État déployés dans ces territoires n'étaient pas suffisants pour atteindre les objectifs du plan. En février 2020, le Gouvernement a ainsi annoncé qu'une enveloppe de 280 millions d'euros serait mobilisée d'ici 2022. Notons néanmoins qu'il s'agit là de crédits « recyclés », issus de gains d'efficacité sur les premiers déploiements. Notons également que cette enveloppe était considérée comme insuffisante par les acteurs du secteur et les collectivités territoriales, qui estimaient le besoin de financement à environ 500 millions d'euros. C'est la raison pour laquelle notre commission et le Sénat avaient régulièrement alerté le Gouvernement sur la nécessité de doter le guichet de nouvelles autorisations d'engagement, sans qu'il ne soit donné de suite favorable à cette proposition.
Il a fallu une pandémie mondiale et un confinement généralisé de la population française pour que le Gouvernement accepte enfin d'écouter la demande du Parlement et des territoires. À l'initiative du Sénat, une première rallonge de 30 millions d'euros a été accordée par la troisième loi de finances rectificative. Surtout, le plan de relance prévoit aujourd'hui de nouvelles autorisations d'engagement à hauteur de 240 millions d'euros. Autrement dit, en cumulé, en ajoutant ces autorisations d'engagements supplémentaires aux crédits dégagés sur les RIP antérieurs, ce sont ainsi 550 millions d'euros qui sont mis à disposition du plan France Très Haut Débit. Cette rallonge offre enfin une visibilité aux 21 départements n'ayant pas complété à ce jour leur plan de financement pour la généralisation de la fibre d'ici 2025. Ces 550 millions d'euros correspondent peu ou prou aux moyens jugés indispensables à l'atteinte des objectifs de couverture numérique du territoire. Selon les collectivités territoriales adhérentes à l'Association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l'audiovisuel (Avicca), l'enveloppe globale nécessaire pour assurer la couverture intégrale pourrait certes atteindre au final 620 ou 630 millions d'euros. Néanmoins, ces moyens supplémentaires pourront être débloqués en 2023 ou 2024, en fonction des besoins qui seront alors constatés. Je note que cette rallonge donne également une garantie importante au secteur, et en particulier aux sous-traitants des opérateurs d'infrastructure, affectés par l'arrêt temporaire des travaux lors du premier confinement. Ne boudons donc pas notre plaisir : il s'agit d'une victoire politique majeure pour notre assemblée et notre commission, qui ont engagé depuis plusieurs années un combat pour assurer la couverture numérique des territoires. Il aura fallu attendre de nombreux mois et années, mais nous avons finalement eu gain de cause. Je ne résiste évidemment pas à la tentation de saluer nos anciens collègues Hervé Maurey et Patrick Chaize, qui se sont tout particulièrement investis sur ce sujet.
Bien évidemment, je vous proposerai donc de donner un avis favorable aux crédits de ce projet de loi de finances relatifs à l'aménagement numérique du territoire.
L'accroissement des moyens alloués au plan France Très Haut Débit n'éteint cependant pas l'ensemble des sujets de préoccupation.
Je rappelle tout d'abord que le déploiement des crédits du plan de relance dans les territoires doit désormais s'appuyer sur un cahier des charges, qui déterminera les conditions de financement des RIP par l'État et influencera en conséquence les taux de cofinancements du secteur privé et des collectivités territoriales. Une nouvelle version de ce cahier des charges sera très prochainement publiée. Il faut espérer que ce nouveau cahier des charges se traduise par une augmentation effective du soutien de l'État dans les territoires, pour accompagner le déploiement de la fibre en zone d'initiative publique, mais également pour financer les raccordements dits « complexes », en zone publique ou privée.
Les échéances importantes du plan France Très Haut Débit qui jalonnent la fin de l'année 2020 constituent un deuxième point d'attention. Premièrement, l'objectif de couverture intégrale des zones ayant fait l'objet d'appels à manifestation d'intérêt d'investissement (zones dites « AMII ») par Orange et SFR. Je rappelle que ces zones AMII sont des zones peu denses de la zone d'initiative privée, pour lesquelles les opérateurs ont souscrit à des engagements contraignants de couverture intégrale d'ici fin 2020. À la fin du premier trimestre 2020, Orange et SFR avaient rendu respectivement 67 % et 75 % des sites des zones AMII raccordables, assez loin de l'objectif souscrit auprès de l'Arcep. Son président, Sébastien Soriano, m'a confié que SFR pourrait au final enregistrer un semestre de retard ; pour Orange, le retard pourrait être d'une année. Les retards ne semblent pas réellement imputables à la crise sanitaire : en 2020, le nombre de prises déployées sur le territoire devrait être le même que celui de 2019, année pourtant record ! Le deuxième objectif pour l'année 2020 est celui « bon » haut débit pour tous. Malheureusement, nous ne disposons pas de chiffres actualisés à ce sujet : la dernière publication disponible, estimant que 95 % des Français étaient éligibles à un raccordement avec un débit supérieur à 8 Mbit/s, remonte en effet à septembre 2019 ! Aussi, je regrette vivement que le Gouvernement et l'Arcep ne se soient pas dotés d'outils dédiés au suivi de cet objectif. Néanmoins, l'étude du déploiement du guichet « Cohésion nationale des territoires » - qui était doté de 100 millions d'euros pour atteindre cet objectif - laisse présager d'un échec du Gouvernement sur cet axe du plan France Très Haut Débit : au 30 juin 2020, il n'avait permis de financer que 6 000 équipements de réception radio pour un montant total de 600 000 euros ! On est très loin des 100 millions d'euros budgétés ! L'efficacité du guichet Cohésion nationale des territoires doit donc être accrue ; le cas échéant, si les crédits ne sont pas consommés, j'estime qu'ils devront être réalloués au déploiement de la fibre.
Le troisième sujet de préoccupation est plus étonnant : il concerne les rythmes de déploiement de la fibre dans certaines zones très denses (ZTD), à l'instar de la Seine-Saint-Denis, qui sont insatisfaisants. Selon la logique établie au début des années 2010, les zones très denses ne peuvent cependant pas faire l'objet d'une intervention financière publique, dès lors que l'initiative privée y est présumée suffisante pour atteindre les objectifs de couverture numérique. Si les difficultés venaient à persister, j'estime que de nouveaux appels à manifestation d'intérêt d'investissement (AMII) pourraient ponctuellement être organisés au sein des zones très denses pour rendre les engagements des opérateurs contraignants.
Enfin, dernier sujet de préoccupation : les remontées des territoires font état d'une dégradation importante de la qualité des raccordements finaux, particulièrement inquiétante pour des infrastructures ayant vocation à fonctionner sur plusieurs décennies ! Cette dégradation semble en partie imputable aux modalités de déploiement aujourd'hui retenues par les opérateurs d'immeuble, certes juridiquement responsables des raccordements, mais ayant pour l'essentiel recours à des sous-traitants, selon un mode dit « STOC ». L'État a diligenté une mission de contrôle pour objectiver une situation de plus en plus préoccupante. L'Arcep semble également avoir pris la mesure du problème et adapte actuellement son cadre de régulation. Nous devrons être attentifs à ces initiatives, dont toutes les conclusions devront être tirées.
Après avoir abordé les sujets relatifs au déploiement des réseaux fixes, il me semble nécessaire de faire un point rapide sur la mise en oeuvre du New Deal mobile, bien que ce programme de déploiement des réseaux mobiles ne fasse pas l'objet d'un soutien budgétaire. Je rappelle que notre commission n'est pas étrangère à cet accord important, conclu en 2018 entre l'État et les opérateurs mobiles : c'est par sa pression constante sur le Gouvernement que ce sujet a pu avancer. Le rôle moteur de la commission a d'ailleurs été reconnu par l'Arcep lors de l'audition que j'ai menée.
Concernant le dispositif de couverture ciblée pour lutter contre les zones blanches, plus de 90 % des sites du premier arrêté ont été livrés dans les temps. Les rares retards semblent s'expliquer principalement par des raisons étrangères aux opérateurs, par exemple des problèmes de disponibilité du foncier, de raccordements électriques, d'autorisations d'urbanisme, d'opposition des populations locales à l'installation d'un nouveau pylône. L'Arcep devra en tout état de cause étudier rigoureusement les raisons de ces retards et, le cas échéant, sanctionner les opérateurs en cas de manquements caractérisés à leurs obligations. Globalement cependant, on peut se féliciter de la dynamique actuelle, en phase avec les objectifs visés par le New Deal.
Concernant l'objectif de généralisation de la 4G sur les sites existants d'ici la fin de l'année et d'ici 2022 pour les sites de l'ancien programme « zones blanches centres-bourgs » : l'objectif devrait être tenu. Les efforts consentis dans le cadre du New Deal, via le programme de couverture ciblée et la généralisation de la 4G sur les sites existants, associés aux déploiements « en propre » des opérateurs, se matérialisent aujourd'hui très concrètement : 96 % du territoire est désormais desservi en 4G par au moins un opérateur et 76 % par les quatre grands opérateurs (+ 31 points par rapport à 2018).
Concernant le troisième objectif relatif à la couverture des axes routiers prioritaires d'ici la fin de l'année, nous n'avons pas pu obtenir d'état des lieux précis, mais le régulateur s'est montré confiant dans la capacité des opérateurs à honorer leurs engagements.
Seul le quatrième et dernier objectif - l'amplification des solutions de 4G fixe - obscurcit à la marge ce tableau très largement positif. Je note que cet axe du New Deal mobile est en réalité lié au plan France Très Haut Débit puisque la 4G fixe consiste à offrir une connexion fixe non filaire, dans les territoires qui ne bénéficieront pas immédiatement de la fibre. Cet axe du New Deal doit donc contribuer à la réussite de l'objectif du « bon » haut débit pour tous d'ici la fin de l'année. Je réitère ici mes remarques soulevées plus tôt : je regrette que nous ne disposions pas d'outils de suivi de l'avancement de cet objectif.
Voici mes chers collègues, les grandes lignes de mon avis sur l'aménagement numérique du territoire. Je vous rappelle que vous propose de donner un avis favorable aux crédits du plan France Très Haut Débit.
Je souhaitais poser une question concernant le New Deal. L'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) a adressé un courrier récemment aux départements pour faire le point sur les zones de couverture, et il m'a semblé que les territoires sont considérés comme couverts quand il y a un projet d'implantation d'un pylône, que le pylône est implanté, mais pas forcément équipé. Cela veut dire qu'il y a une forte distinction entre la réalité de la couverture de la 4G et les implantations physiques qui ne sont pas toutes abouties. Je ne suis pas certain de cette analyse, pourriez-vous m'apporter des éléments complémentaires ?
Vous dites que 96 % du territoire est couvert en 4G : est-ce que vous entendez par cela 96 % du territoire géographique ou 96 % de la population nationale ? Par ailleurs, est-ce que pour être considéré comme « couvert » il faut monter sur l'escabeau dans le grenier pour voir s'il y a un relais ou bien y a-t-il d'autres critères de mesure ?
Pour revenir au New Deal, et de façon globale chaque opérateur s'est engagé à déployer 5 000 pylônes par opérateur, sachant que la grande majorité des pylônes est mutualisée. Il y avait également un accord sur les axes routiers, sachant que nous avons 55 000 kilomètres d'axes routiers à couvrir. Il y avait également un engagement sur les lignes de chemin de fer. Comment cela se concrétise ? Chaque année, il y a près 600 sites qui sont choisis, et les opérateurs ont deux ans pour réaliser leur objectif. Depuis 2018, on a de la visibilité par rapport aux premiers arrêtés pris. La première vague était de 485 arrêtés pris, qui a été ensuite ramenée à 445 engagements contractualisés. Il y a à l'heure actuelle 42 sites qui ne sont pas livrés dans les temps. Les opérateurs, s'ils n'ont pas des justificatifs, seront sanctionnés par l'Arcep. Concernant le pylône non activé, je n'ai pas la réponse, mais on l'apportera. Il s'agit de savoir s'il est compris dans un des 445 arrêtés.
Je confirme qu'il s'agit bien de 96 % de la population, qui n'est pas équitablement répartie sur le territoire.
Concernant les mesures, elles sont faites par les opérateurs, sous contrôle de l'Arcep. La couverture est donc sous contrôle de l'Arcep, et beaucoup de techniques permettent aujourd'hui de mesurer de façon très précise la carte de la couverture numérique des opérateurs. L'Arcep s'est d'ailleurs engagée à améliorer la fiabilité des remontées des opérateurs.
La commission entendra sans doute l'Arcep dans les mois à venir, et vous pourrez reposer votre question, monsieur Demilly, sur la couverture numérique.
Il faudrait préciser dans le rapport qu'il s'agit bien d'une couverture de 96 % de la population, et non du territoire.
J'apporte quelques compléments, pour donner quelques chiffres sur les réseaux fixes. Le jour où l'on voudra faire la couverture numérique totale des locaux, donc à la fois des habitations, mais également des locaux commerciaux, administratifs, etc., qui sont des locaux en augmentation, il faudra en couvrir 40,4 millions d'ici 2025. On est actuellement sur des rythmes de 4,8 millions de nouvelles prises en 2019 et en 2020, malgré la crise. En fin d'année, on aura normalement couvert plus de 23 millions de prises sur les 40 millions. Il en restera 17 millions, qui seront les plus difficiles, les plus complexes, mais il s'agit d'objectifs atteignables en termes de couverture.
Un commentaire sur les zones très denses : le modèle français distingue les zones denses des zones moins denses. Les zones denses relèvent de l'initiative privée, et les zones moins denses de l'initiative publique, sauf si les opérateurs s'y engagent via des AMII. Cependant, on constate que dans certaines zones très denses, les opérateurs ne déploient pas. Pourquoi ? Pour deux raisons. La première, c'est qu'en général ces zones sont déjà couvertes par l'ADSL, et un nouveau contrat fibre ne rapporte pas plus que le contrat ADSL existant. D'autre part, la couverture ne conduit pas nécessairement à des abonnements fibre. Sur les RIP, le taux de pénétration est environ de 30 %. Ce taux peut s'expliquer dans les RIP par le fait que certains opérateurs sont moins connus, bien que performants, ce qui freine le déploiement au niveau commercial. Néanmoins, les quatre grands opérateurs français arrivent sur les RIP. Il faudra donc substituer parfois à l'initiative publique la concurrence privée.
Merci Monsieur le Rapporteur. Je vous propose d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Cohésion des territoires ».
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs à l'aménagement numérique du territoire de la mission « Économie » et de la mission « Plan de relance », à l'unanimité.
La réunion est suspendue à 10 h 40.
La réunion reprend à 11 heures.
Le compte rendu de cette réunion sera publié ultérieurement.
La réunion est close à 12 h 25.