Monsieur le ministre, je voulais vous faire partager notre ressenti. S'il est vrai qu'il était plus facile de rejeter le budget de vos prédécesseurs, nous nous sommes cette fois-ci posé beaucoup de questions.
Pour y répondre, nous avons dressé la liste des avantages et des inconvénients. Du côté des avantages, plusieurs lignes sont en votre faveur : dispositif « TO-DE » relatif aux travailleurs occasionnels du secteur agricole - même si le Sénat vous aide à le pérenniser afin que vous ne nous posiez plus la question dans deux ans -, Agence de services et de paiement (ASP), où force est de constater qu'un un travail de fond a été mené pour rattraper le retard, gazole non routier (GNR), pour lequel le message est plutôt positif pour l'agriculture avec, en prime, une simplification administrative, puisqu'au lieu de récupérer la différence, on ne la paye pas au départ. On constate par ailleurs un maintien des budgets des chambres d'agriculture, ce qui n'était pas le cas chez vos prédécesseurs.
Il faut admettre que le plan de relance vient compléter le budget de la mission agricole à hauteur d'1,2 milliard d'euros - un peu plus d'un milliard pour l'agriculture, près de 200 millions d'euros pour la forêt.
En outre - et ceci fait plaisir à ceux qui ont fait partie de la cellule en charge du suivi de l'agriculture et de l'agroalimentaire durant le confinement et à notre commission en général -, vous avez répondu à notre demande en octroyant des aides directes à la conversion pour résoudre les problématiques de l'agroéquipement, des produits phytosanitaires, du bien-être animal et des aléas climatiques.
Toutefois, plusieurs éléments négatifs plaident malheureusement pour un rejet du budget - sauf si vous revenez sur certains éléments au cours de cette audition.
Nous ne pouvons accepter, alors qu'une mission a été confiée à l'Inspection générale des finances (IGF) pour vérifier les tenants et les aboutissants du CASDAR que, de façon totalement arbitraire, vous en réduisiez aujourd'hui les dépenses à hauteur de 10 millions d'euros. Je rappelle que le CASDAR est un élément fondamental et historique de la politique agricole. Il est constitué en totalité par les cotisations des agriculteurs. Ce compte ne comporte pas au départ de fonds publics, même si l'État en garantit le paiement, ce qui en fait un fonds public.
La mutualisation du CASDAR permet aux filières qui contribuent le plus de mutualiser leurs moyens par rapport à celles qui contribuent le moins à la recherche. Je rappelle aussi que le CASDAR est cofinancé par l'Europe à hauteur de 80 %.
Par ailleurs, nous ne pouvons nous contenter de simples paroles concernant les aides liées à la problématique sanitaire que nous connaissons. Votre prédécesseur a fait durant sept mois des promesses quasiment tous les jours, et peu de filières ont vu arriver les premiers centimes.
Nous constatons des différences colossales entre les pays concurrents, comme la France et les Pays-Bas, par exemple en matière d'horticulture : en France, on attend toujours les 25 millions d'euros qui doivent être versés, alors que les Pays-Bas se sont engagés à en verser 600 millions et que 150 millions d'euros ont déjà été touchés par les entreprises.
Il en va de même pour la pomme de terre, secteur où les producteurs des Pays-Bas reçoivent 50 euros pour une tonne jetée, alors qu'en France, on est parti de 20 millions d'euros, puis on est passé à 10 millions d'euros, pour arriver à 4 millions d'euros pour 450 000 tonnes à risque. Dans ce secteur, ceux que vous aidez ne se trouvent pas dans des filières structurées, alors que vous voulez aider à structurer les filières ! Tout cela paraît un peu paradoxal.
Enfin, vous avez promis 7 millions d'euros pour aider à sortir du glyphosate, ainsi que 7 millions d'euros pour les betteraves. Nous avons beau retourner le bleu budgétaire dans tous les sens, nous ne trouvons pas ces sommes. Soit votre budget est insincère, et ils sont compris dans le budget mais pas affichés clairement car ils seront financés par redéploiement, mais ce n'est pas respecter le Parlement que de ne pas l'écrire, soit ils n'y sont pas, et il s'agit alors d'une promesse qui ne sera pas suivie d'effets.
Je tenais à vous faire part de ces remarques d'un point de vue général, avant que Françoise Férat ne vous parle de la technique et Jean-Claude Tissot de la politique et, en particulier, du CASDAR.