La mission « Enseignement scolaire » est dotée de 76 milliards d'euros, soit une augmentation de 2,6 % et 1,9 milliard d'euros par rapport à l'année dernière.
Sept actions représentent à elles seules près des deux tiers de cette augmentation. Elles témoignent des principales priorités du ministère : l'école inclusive et le premier degré.
Les crédits pour l'école inclusive progressent de plus de 250 millions d'euros. Cette augmentation doit permettre la création de 8 000 postes supplémentaires d'accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) à la rentrée 2020 et de 4 000 de plus en 2021. On ne peut que se féliciter collectivement de cette priorité donnée à l'inclusion de tous les enfants à l'école. Il faut, cependant, veiller à la rémunération et à la fidélisation des AESH. Deuxième bémol : le faible nombre d'enseignants référents, alors qu'ils font le lien entre tous les acteurs de la scolarisation de l'enfant en situation de handicap et qu'ils mettent en oeuvre le projet personnalisé de scolarisation - projet qui existe également pour l'élève qui n'est pas accompagné par un AESH.
Deuxième priorité du Gouvernement : l'école primaire. Dans un contexte de baisse démographique dans le premier degré, ce projet de budget crée 2 039 équivalents temps plein (ETP).
L'année scolaire 2019-2020 a vu quasiment réalisé le dédoublement des classes de CP et CE1 en réseau d'éducation prioritaire (REP) et en réseau d'éducation prioritaire renforcé (REP +), ce qui a nécessité la création de 10 700 ETP ; à la rentrée 2020, le dispositif est progressivement étendu aux classes de grande section. Le PLF 2021 intègre les ETP nécessaires pour dédoubler l'ensemble des classes de grande section en REP +.
Concernant les écoles hors REP et REP +, la limitation du nombre d'élèves à 24 commence cette année dans les classes de grande section de maternelle. La limitation à 24 élèves par classe de la grande section au CE1 doit concerner à terme 26 000 classes.
Enfin, et comme beaucoup d'entre nous l'avaient demandé en mars et obtenu, il n'y a eu aucune fermeture de classe sans l'accord du maire, en milieu rural .Cette annonce a « coûté » 1 248 ETP, soit plus de 60 % des ETP créés dans le PLF 2021 en faveur du premier degré. J'utilise cette expression de coût à dessein, car nous sommes plusieurs à avoir interrogé le ministre sur la pérennisation de cette mesure. Si Jean-Michel Blanquer a indiqué être particulièrement attentif aux classes rurales, il ne s'est pas prononcé précisément sur le maintien de cette mesure l'an prochain.
Au total, les créations d'ETP dans le primaire sont supérieures à la trajectoire envisagée en début d'année. On évoquait alors le chiffre de 400 ETP supplémentaires. Si je me réjouis de cette hausse, il ne faudrait pas que des mesures pérennes aspirent toutes les capacités de remplacement et que les directeurs académiques des services de l'éducation nationale (DASEN) se retrouvent sans marge de manoeuvre en cas d'absence non prévue d'un enseignant. Ensuite, l'augmentation des ETP du premier degré ne doit pas se faire au détriment du second degré.
Les crédits pour l'enseignement primaire augmentent donc de 586 millions d'euros, auxquels s'ajoutent les 100 millions d'euros de compensation aux communes du fait de l'abaissement à 3 ans de l'âge obligatoire d'instruction.
Dans l'enseignement secondaire, ce projet de budget supprime 1 800 ETP ; depuis le début du quinquennat, près de 4 500 ETP y auront été supprimés. Ces baisses sont compensées, dans le budget, par l'augmentation des heures supplémentaires. Les heures supplémentaires années (HSA) - c'est-à-dire les heures récurrentes hebdomadaires - représentent désormais 9 % du temps d'enseignement. Depuis un décret d'avril 2019, une deuxième heure supplémentaire hebdomadaire non refusable par les enseignants du second degré a été instaurée, sauf motif de santé. Pourquoi le Gouvernement fait-il le choix de recourir aux HSA ? La raison est démographique : le secondaire rencontre la « bosse » démographique du début des années 2000, qui va baisser à partir de 2023. Or, un enseignant recruté maintenant aura un temps devant élève réduit les premières années afin de poursuivre sa formation - et c'est en 2023 qu'il sera à temps plein, précisément quand le nombre d'élèves commencera à baisser. Un recrutement massif aujourd'hui conduirait dans quelques années à des réductions significatives de places aux concours. Les HSA permettent d'éviter les à-coups de ressources humaines.
Toutefois, le recours aux heures supplémentaires entre dans une phase très tendue, car nous sommes bien « dans la bosse démographique ». Pour bien comprendre les difficultés, il faut aller au-delà des moyennes indiquées par le ministère, et s'intéresser à la situation à l'échelle d'un établissement. Entre les enseignants à temps partiel et ceux dont l'état de santé ne leur permet pas de faire des heures supplémentaires ou encore ceux qui sont exonérés d'en faire, l'enveloppe des HSA porte souvent sur la moitié à peine des enseignants de la discipline concernée. Dans les faits, et parce que les HSA se concentrent sur un nombre limité d'enseignants, il n'est pas rare de devoir demander à un personnel d'effectuer trois voire quatre HSA. Aujourd'hui, en raison de cette concentration, les chefs d'établissement ont du mal à trouver des enseignants pour faire ces heures supplémentaires : le vivier sur lequel s'appuyer se réduit de plus en plus. En 2019, 12,3 millions d'euros de crédits pour les heures supplémentaires n'ont pas été consommés.
Lors de son audition, le ministre a indiqué que de nombreuses pistes étaient ouvertes pour revaloriser les rémunérations, notamment des pistes « gagnantes-gagnantes ». Ces solutions sont intéressantes à explorer. Je pense notamment au débat sur la formation rémunérée pendant les vacances. De même, les heures supplémentaires permettent aux enseignants d'améliorer leur salaire - la première heure supplémentaire est majorée de 20 % -, mais cet outil ne doit pas être surexploité.
Enfin, je souhaite aborder la question de la transmission des valeurs de la République. Le rôle des enseignants est primordial, et ceci dès le primaire. En effet, 21 % des incidents signalés lors de l'hommage à Samuel Paty concernaient des élèves du primaire. Un récent rapport de l'inspection de l'éducation nationale sur la laïcité indiquait que « le principe de laïcité, [...] ainsi que ses règles d'application et sa portée restaient très lacunaires chez beaucoup d'enseignants » : c'est inquiétant. L'inspection ajoute que, « pour un certain nombre d'enseignants, la conception de la laïcité et de son sens était davantage affaire de positionnement personnel, idéologique et politique, que de droit ». D'après un sondage réalisé par l'IFOP en 2018 et intitulé « les enseignants et la laïcité », les trois quarts des enseignants n'avaient pas bénéficié de formation initiale sur la laïcité et seuls 6 % des enseignants avaient reçu une formation continue sur le sujet. Plus grave : cette formation, qu'elle soit initiale ou continue, est jugée de mauvaise qualité par une très large partie des enseignants.
Le ministère paraît conscient du problème et, plus généralement, de la nécessité de renforcer la formation de ses personnels. Les crédits dédiés à la formation progressent, nous devrons être particulièrement exigeants sur leur exécution, car on constate une sous-exécution chronique de ces crédits. En 2019, seuls 71 % des crédits de formation avaient été dépensés.
Des réformes importantes sont en cours : le ministère suit de près la mise en place de l'Institut national supérieur du professorat et de l'éducation (INSPE) dans les académies. Les référentiels de formation définis par arrêté mentionnent de manière explicite « la connaissance et la capacité à transmettre les valeurs de la République », ainsi que les droits et devoirs des fonctionnaires. L'épreuve du concours d'entretien avec le jury a un rôle particulièrement important à jouer, pour vérifier que les valeurs de la République sont bien comprises et que l'enseignant est en capacité de les transmettre de manière dynamique aux élèves.
La formation continue est également en pleine évolution. Pour la première fois, un schéma pluriannuel de formation continue a été élaboré en 2019. Pour des sujets tels que les valeurs de la République, le ministère devra faire particulièrement attention à l'écueil de formations verticales, « sous forme de doxa », qui n'auraient pas l'efficacité recherchée. Le plan national de formation prévoit également des modules sur les contestations aux valeurs de la République et la façon d'y réagir. Enfin, il me parait important que la transmission des valeurs de la République soit un engagement collectif et de long terme dans chaque établissement. La journée de la laïcité à l'école de la République, le 9 décembre prochain, doit constituer un jalon dans cette démarche. Nous avons une semaine de la presse et des médias qui est désormais bien intégrée dans l'année scolaire fin mars. Elle pourra servir de modèle à une action sur la laïcité et les valeurs de la République. La promotion des valeurs de la République doit fédérer les équipes pédagogiques. Toutes les disciplines ont leur rôle à jouer. J'ai ainsi trouvé particulièrement intéressantes les expériences « d'exercice de l'esprit critique » qui fleurissent dans un certain nombre d'établissements : par exemple, l'utilisation des mathématiques pour montrer les possibilités de manipulations statistiques et développer l'esprit critique des élèves.
Voici mes chers collègues la présentation de cette mission. Je vous propose de donner un avis favorable, hors programme 143 consacré à l'enseignement agricole.