Nous examinons les crédits du programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence » de la mission « Action extérieure de l'État ».
J'ai souhaité que mon avis budgétaire s'inscrive dans la continuité de l'état des lieux et des recommandations que notre groupe de travail « Action culturelle extérieure » a présentés au printemps dernier. Cette fin d'année est l'occasion de faire le point sur l'évolution de la situation des six derniers mois, d'analyser la réponse apportée par le Gouvernement et d'identifier les priorités pour 2021.
La crise sanitaire a eu, sur le réseau culturel et d'influence français à l'étranger, comme sur l'ensemble du monde de la culture, des conséquences importantes dont l'ampleur est encore difficile à évaluer précisément. Tous les acteurs ont été mis à rude épreuve : fermeture partielle ou totale des établissements, report ou annulation d'évènements, modification des modes de fonctionnement, perte de recettes. Face à cette situation particulièrement complexe et inédite, nous avons tous à coeur d'aider nos réseaux et nos opérateurs à se relever et à retrouver des conditions favorables à leur rayonnement.
Les auditions que j'ai menées, et auxquelles ont assidûment participé Catherine Morin-Desailly, Claudine Lepage et Monique de Marco, m'ont conduit à centrer mon rapport sur le réseau d'enseignement français à l'étranger et celui des instituts culturels et des alliances françaises.
Notre groupe de travail avait dressé un panorama particulièrement sombre de la situation du réseau d'enseignement français à l'étranger pendant la première vague épidémique, certains de nos interlocuteurs n'hésitant pas à parler de la plus grave crise de son histoire. La fermeture de la quasi-totalité des établissements au pic de la crise sanitaire s'est traduite par le basculement vers un enseignement en distanciel, qui a suscité un mouvement de contestation sur son inadéquation avec le niveau des frais de scolarité. Les établissements ont alors été confrontés à des défauts de recouvrement, engendrant des problèmes de trésorerie, provoquant eux-mêmes une diminution des contributions à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE). L'emballement de cette mécanique récessive a fait craindre la faillite de certains établissements et la diffusion d'une crise financière à l'ensemble du réseau.
C'est dans ce contexte que, fin avril, le Gouvernement a annoncé un plan de soutien d'urgence. Notre groupe de travail avait salué cette initiative, tout en émettant deux réserves : une méthode contestable, privilégiant l'effet d'annonce plutôt que le travail de fond, et un calibrage budgétaire encore très imprécis. Nos critiques ont été entendues puisque ce plan a finalement fait l'objet d'une budgétisation dans la troisième loi de finances rectificative du 30 juillet 2020.
Les crédits destinés au réseau ont été articulés autour de trois grands volets : un accompagnement aux familles françaises en difficulté, grâce à un abondement des bourses scolaires de 50 millions d'euros supplémentaires ; une aide aux familles étrangères et aux établissements, avec une subvention supplémentaire de 50 millions d'euros ; une troisième enveloppe de 50 millions d'euros d'avances de l'Agence France Trésor (AFT) permettant à l'AEFE de soutenir la trésorerie des établissements.
Au 1er octobre dernier, le montant des crédits consommés sur l'enveloppe dédiée aux bourses s'élevait à 104,1 millions d'euros sur une dotation globale de 155 millions. Un tel chiffre, à cette période de l'année, illustre la forte augmentation des demandes de bourses de la part des familles françaises ; sur les 50 millions d'euros supplémentaires destinés aux familles étrangères et aux établissements, 23 millions d'euros ont été consommés.
Même si ces deux mesures ont été accueillies favorablement, certaines associations de parents d'élèves font état d'une trop grande rigidité du dispositif de soutien aux familles françaises, dont les critères seraient plus restrictifs que ceux retenus pour l'aide aux familles étrangères.
Nous avons eu aussi écho de disparités dans l'application des aides selon les postes diplomatiques, qui semblerait être imputable à une mauvaise communication du ministère vers les postes, puis de ces derniers vers les établissements.
Quant aux avances de France Trésor à l'AEFE, elles ont permis à l'opérateur de débloquer 24 millions d'euros sous la forme de report de contributions et d'octroi de prêts.
La mise en oeuvre de ces premières mesures de soutien, combinée à une mobilisation remarquable des équipes administratives et pédagogiques, a permis à la rentrée 2020 de se dérouler de manière globalement satisfaisante. La moitié des établissements ont repris l'enseignement en présentiel ; 21 % ont mis en place un mode « hybride » ; 29 % sont restés en distanciel complet. La situation évolue quasi quotidiennement, en fonction de l'état sanitaire des pays et des décisions prises par les autorités locales.
Les relations entre les établissements et les parents se sont apaisées, même si des points de crispation peuvent perdurer. La ligne directrice de l'AEFE est clairement de promouvoir la qualité du dialogue pour créer du consensus. Une récente enquête menée auprès de l'ensemble des acteurs du réseau fait état de retours globalement positifs sur l'enseignement à distance. Néanmoins, trois préoccupations en ressortent : l'accompagnement des enfants à besoins éducatifs particuliers, les difficultés propres à l'enseignement en maternelle, la qualité de la communication entre les établissements et les familles.
La baisse des effectifs est de l'ordre de 8 000 élèves ; en prenant en compte les 5 000 nouveaux élèves arrivés dans le cadre de la dernière campagne d'homologation, le recul serait donc de 3 000 élèves. Les effectifs connaissent aussi des variations importantes selon les zones géographiques, la nationalité des élèves et le degré de scolarité.
Le réseau apparaît globalement en moins mauvaise santé qu'on aurait pu le craindre il y a quelques mois. La plus grande vigilance s'impose cependant, car la situation demeure très instable et parce que certains établissements, notamment des petites structures, sont dans un état plus critique que d'autres. C'est au regard de ce constat prudent qu'une deuxième étape du plan de soutien devrait être prochainement déployée au bénéfice des familles et des établissements. Nous y serons très attentifs.
L'AEFE voit sa subvention pour charges de service public augmenter de 9 millions d'euros en 2021. Cette évolution résulte de la pérennisation du « rebasage » de 24,6 millions d'euros effectué l'an passé - nous l'avions appelé de nos voeux après la coupe budgétaire survenue en 2017 - et à l'attribution de 9 millions d'euros pour financer des mesures de sécurisation des établissements, face à la montée de la menace terroriste.
Hors cette enveloppe spécifique, la stabilisation de la subvention constitue, certes, une garantie, mais je doute qu'elle suffise à couvrir à la fois les effets de la crise et l'expansion du réseau, dont le Gouvernement fait toujours un axe stratégique. Alors que la situation reste fragile, j'estime que priorité doit être donnée à la sauvegarde et à la consolidation des établissements existants plutôt qu'à l'homologation de nouvelles structures.
J'en viens à mon second point, consacré aux instituts culturels et aux alliances françaises, que nous n'avions malheureusement pas pu traiter avec le groupe de travail faute, à l'époque, de remontées de terrain consolidées.
Au plus fort de la crise sanitaire, 105 des 117 instituts culturels étaient fermés, ainsi que 650 des 830 alliances françaises. Depuis la rentrée, certains établissements ont pu rouvrir, soit partiellement, soit entièrement ; d'autres sont restés fermés. Là aussi, la situation est très évolutive.
Sur place, les équipes ont fait preuve d'une grande capacité d'adaptation pour réorganiser leurs activités à distance. Cette mobilisation n'a cependant pas permis d'empêcher la baisse des ressources propres, qui devrait se traduire par une diminution de 10 % du taux d'autofinancement des instituts culturels. Selon le ministère, un premier tiers d'instituts serait en situation budgétaire fragile, un deuxième tiers serait sous surveillance accrue, et un dernier tiers serait résilient.
L'incertitude sur les dates de réouverture et sur la capacité des instituts à retrouver leurs publics lors de la reprise constituent un véritable défi. En l'absence d'amélioration de la situation, le taux d'autofinancement continuera à baisser et les fonds de réserves de certains instituts pourraient être entièrement épuisés d'ici la fin de l'année ou le début de l'année prochaine, laissant craindre de possibles fermetures définitives.
Les alliances françaises sont confrontées aux mêmes problématiques de baisse du nombre d'apprenants, d'interruption de leurs activités, d'incertitude sur les dates de réouverture et sur le niveau des inscriptions. Une première estimation évaluait le montant des besoins supplémentaires, d'ici la fin de l'année, entre 800 000 et 1,5 million d'euros.
Or, aucune enveloppe spécifique n'a été ouverte en loi de finances rectificative au bénéfice des instituts culturels et des alliances françaises. Le ministère a simplement procédé, en cours de gestion, à des redéploiements de crédits au sein du programme 185 ; 5 millions d'euros supplémentaires ont ainsi été attribués aux instituts et 2 millions d'euros aux alliances. Cette gestion pragmatique des crédits doit être saluée, mais elle ne permettra sans doute pas de sauver les établissements en situation de grande vulnérabilité financière.
Le PLF pour 2021 ne comporte pas non plus de mesures de soutien aux réseaux des instituts et des alliances, hormis une enveloppe supplémentaire de 3 millions d'euros pour accélérer leur transformation numérique. Ce statu quo devra être révisé, lors de prochaines lois de finances rectificatives, en fonction des difficultés qui émergeront en cours d'année prochaine. Car, si les réouvertures venaient à être encore repoussées, des aides exceptionnelles à certaines structures pourront s'avérer indispensables.
Un mot, pour finir, de l'Institut français, dont la crise aura permis de conforter son rôle d'interface et d'appui aux réseaux des instituts culturels et des alliances françaises. Bien qu'ayant dû lui aussi adapter et reprogrammer la plupart de ses activités, la crise ne l'a affecté que modérément. En outre, la stabilisation de sa subvention en 2021 est perçue par son équipe dirigeante plutôt comme une bonne nouvelle.
À l'heure où nombre de politiques publiques nécessitent un soutien financier accru de l'État, la sanctuarisation, en 2021, du budget de nos réseaux d'enseignement et de culture à l'étranger mérite d'être accueillie favorablement. Mais nous devrons, tout au long de l'année prochaine, prêter la plus grande vigilance aux conséquences encore non stabilisées de la crise, afin de ne pas laisser des dommages irréversibles atteindre les acteurs les plus fragiles de ces réseaux. Je m'y engage.
Je vous propose donc d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 185 consacrés à la diplomatie culturelle et d'influence.
Je remercie Claude Kern pour son excellent rapport et pour nous avoir associés à ses auditions.
L'État a fait un gros effort, avec trois enveloppes de 50 millions d'euros chacune, pour aider les familles françaises, les familles étrangères et les établissements d'enseignement français à l'étranger. Cependant, les sommes dépensées sont encore loin de ces autorisations et les élus consulaires nous disent que l'interprétation des modalités budgétaires a varié selon les postes diplomatiques.
Pour les élèves français, les dépenses supplémentaires via les bourses ont atteint 23,2 millions d'euros, soit un total de 114,3 millions d'euros cette année ; compte tenu des rabots de ces dernières années, nous sommes au niveau de 2014, alors que le nombre d'élèves a augmenté. L'aide aux familles étrangères atteint 25,2 millions d'euros, et l'avance de trésorerie, 24,5 millions d'euros - ce sont les chiffres annoncés hier en conseil d'administration de l'AEFE. Des postes ont eu une lecture restrictive des instructions et, si la rigueur s'impose bien entendu, toutes les familles n'ont pas été informées des aides disponibles, certains documents demandés sont difficiles voire impossibles à fournir pendant le confinement, et des dossiers ont été traités avec une rigueur qui n'était pas exigée.
Le réseau a souffert, les alliances plus encore que les instituts. La mise en place rapide du numérique a permis une certaine continuité des cours, mais les inscriptions n'ont pas toujours été renouvelées. L'Institut français a été chargé de soutenir le réseau et le fonctionnement des établissements, en mettant les industries culturelles et créatives en contact avec les filières à l'export, en animant les partenariats autour de la langue française, en assurant le pilotage administratif et la modernisation du réseau. Le passage au numérique est une chance, même s'il a un coût, et le maintien du budget de l'Institut français est un bon signe pour le réseau.
Malgré nos quelques réserves sur l'AEFE, le groupe socialiste votera les crédits de cette mission, compte tenu des efforts de soutien au réseau. Les problèmes structurels demeurent, en particulier celui des pensions civiles des personnels résidents, qui sont à charge de l'AEFE depuis 2009 et dont le coût augmente chaque année du fait du glissement vieillesse technicité (GVT), sans compensation par l'État.
J'avoue ma perplexité face à la situation des opérateurs - Institut français de Paris, instituts culturels, alliances françaises, réseau de l'AEFE - qui restent fortement fragilisés dans un environnement international pandémique instable. Un tiers des établissements culturels sont menacés de fermeture définitive, et l'on déplore une baisse des effectifs du réseau AEFE, alors que le nombre d'élèves progresse en général.
L'augmentation du budget total reste très faible : seulement 0,2 % grâce aux 9 millions d'euros fléchés sur la sécurité du réseau, tandis que d'autres crédits baissent. Le ministère de l'Europe et des affaires étrangères, de son côté, communique peu sur le plan de soutien au réseau. Et dans les conditions budgétaires actuelles, on voit mal comment l'objectif de doubler le nombre d'élèves d'ici 2030 serait tenu : il faudrait 35 000 nouveaux élèves par an, on en est loin.
L'incertitude planant sur le réseau culturel français reste très présente et constitue un vrai défi. L'autofinancement de la plupart des instituts continue de baisser, faute de mécénat et d'évènements payants. Ils manquent de ressources et paraissent peu viables financièrement ; n'est-il pas temps de s'interroger sur leur modèle et envisager de réformer leur fonctionnement, comme d'autres pays l'ont fait avec succès - notamment la Chine, l'Espagne et l'Allemagne ? Des instituts et des alliances françaises sont menacés de fermeture définitive, pas moins de la moitié sont encore fermés ou partiellement ouverts et de nombreux postes de représentants locaux ont été supprimés. On note également une baisse des postes de détachés.
Cependant, 7 millions d'euros ont été redistribués en cours de gestion au sein de l'enveloppe du programme et l'expansion du réseau reste un objectif central du ministère.
Des efforts sont à noter envers le réseau des établissements français à l'étranger, la mise en place du plan de soutien a permis que la rentrée 2020 se déroule de manière globalement satisfaisante, malgré la prolongation de la crise. Il y a eu une réactivité lors du troisième collectif budgétaire, qui a débloqué des fonds sur l'accompagnement aux familles françaises et aux établissements en difficulté. C'est le cas de l'abondement de l'aide à la scolarité à hauteur de 50 millions d'euros portant sa dotation totale à 155 millions d'euros en 2020 (dont 105,3 millions d'euros au titre de la loi de finances initiale), de l'aide aux familles étrangères en difficulté et aux établissements quel que soit leur statut (établissements en gestion directe, conventionnés ou partenaires) qui s'est traduite par le versement d'une subvention supplémentaire de 50 millions d'euros sur le programme 185. Une enveloppe de 50 millions d'euros d'avances de l'Agence France Trésor (AFT) sur le programme 823, permettant à l'AEFE d'aider les établissements à affronter leurs difficultés de trésorerie a également été mise en place. Cependant, seulement la moitié a été utilisée car il faut les rembourser en un an.
Toutefois, trois établissements sur quatre seulement fonctionnent en mode présentiel et il en reste encore un sur cinq en mode distanciel. Les problèmes sont donc loin d'être réglés et il y a des dédommagements à faire. Plus de 35 établissements ont perdu au moins 20 % de leurs élèves. Une très mauvaise communication a été faite sur l'enveloppe allouée au réseau AEFE et aux aides afférentes, si bien que plus de 200 établissements n'ont pas fait de demande de bourses exceptionnelles. En cause, un défaut d'information et des difficultés à réunir les pièces administratives.
Avec ce projet de budget, les établissements retrouvent un niveau de dotation équivalent à celui de 2013, alors que le nombre d'élèves a progressé de plus de 13 %. Bien que des efforts aient été effectués sur les crédits dédiés à l'AEFE, l'enveloppe reste faible par rapport aux promesses du passé. Nous sommes encore loin du doublement des effectifs d'ici 2030, voulu par le Président de la République. Par ailleurs, les problèmes de sécurisation des établissements restent très concrets et nos structures ont besoin d'être mieux subventionnées. Les récentes attaques contre nos représentations à l'étranger ne doivent pas être prises à la légère. N'attendons pas un drame pour nous doter de vrais moyens financiers, matériels et humains pour sécuriser efficacement nos établissements. Et pour avoir plus d'élèves, on ne peut brader l'excellence pédagogique du réseau en baissant les critères d'homologation - au lieu de donner plus de moyens à l'AEFE pour atteindre ses objectifs.
Même si nous déplorons la mauvaise communication du ministère, nous voyons comme un signe positif la prise en compte des alertes que nous avions lancées lors du troisième collectif budgétaire, ainsi que le report des sommes non dépensées cette année. Et si nous pensons que ce budget n'est pas à la hauteur des attentes, ni des besoins de nos établissements, pas plus que du rayonnement de notre diplomatie culturelle à travers le monde, nous suivrons l'avis de notre rapporteur.
Nous demandons que notre groupe de travail « Action culturelle extérieure de l'État » puisse se réunir au mois de mars pour suivre les engagements pris et pour adapter éventuellement notre position - et je souhaite que les élus consulaires soient consultés et associés à nos réflexions.
La situation sanitaire a troublé le fonctionnement de notre réseau d'établissements français à l'étranger, nous devrons suivre très précisément l'aide qui leur sera apportée l'an prochain, donc le fléchage des crédits. Nous regrettons que l'Éducation nationale ne détache pas plus de ses personnels dans ces établissements, ce qui serait un gage de qualité de l'enseignement mais aussi de pérennité pour ces structures.
Notre groupe salue la hausse de 63 millions d'euros des crédits de cette mission qui progressent pour la troisième année. Les nouvelles homologations ont permis cette année d'accueillir 5 000 nouveaux élèves. Cependant, on constate un déséquilibre entre les établissements en gestion directe et les autres. Il est clair que l'objectif de doubler le nombre d'élèves d'ici à 2030 sera difficile à atteindre. C'est l'occasion sans doute de repenser les missions de l'AEFE, pour gagner en efficacité. Notre groupe votera les crédits de cette mission.
Lors de l'audition des services du ministère, j'ai attiré l'attention sur les alliances françaises présentes sur notre territoire, qui contribuent elles aussi au rayonnement de notre langue. Elles rencontrent aujourd'hui de grandes difficultés, mais nous ne pouvons pas les aider comme celles qui sont implantées à l'étranger. Elles nous interpellent, il faut faire quelque chose, trouver des solutions complémentaires.
Le doublement des effectifs pour 2030 fait toujours partie des priorités du Gouvernement, mais l'AEFE ne pourra pas y parvenir avec le budget qu'on lui alloue, et seule l'homologation pourra faire progresser significativement les effectifs ; cette année 14 nouveaux établissements sont déjà homologués, une troisième série d'homologation est en cours. La priorité, dans la crise, doit être donnée à la sauvegarde des structures existantes. L'excellence pédagogique du réseau ne doit pas être sacrifiée sur l'autel de son élargissement.
Les 9 millions d'euros pour la sécurisation ont été accueillis favorablement, mais je ne pense pas qu'ils suffiront ; des demandes aux pays partenaires ont été faites pour contribuer à la sécurité de nos établissements, nous attendons ce que cette démarche donnera.
Nous avons évoqué le problème des alliances françaises présentes sur le territoire national, le ministère des affaires étrangères n'a effectivement pas la main sur leur budget, il faut se tourner vers l'Intérieur.
Enfin, je suis tout à fait disposé à ce que notre groupe de travail sur l'action culturelle extérieure soit réuni en mars, la décision en revient au bureau de notre commission
Les domaines sont nombreux où une analyse de la situation face à la crise sanitaire est nécessaire, il faudra en cibler quelques-uns.
J'ai mentionné le mois de mars parce que les commissions d'attribution des bourses viendront tout juste de se tenir ; elles apporteront des données précises, que nous pourrons alors évaluer.
J'ajoute que les secteurs géographiques les plus en difficulté sont l'Amérique latine et le Proche-Orient, en particulier le Liban, qui est notre premier réseau - il est aujourd'hui fermé.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence » de la mission « Action extérieure de l'État » du projet de loi de finances 2021.
Nous examinons à présent les crédits de la mission « Enseignement scolaire ».
La mission « Enseignement scolaire » est dotée de 76 milliards d'euros, soit une augmentation de 2,6 % et 1,9 milliard d'euros par rapport à l'année dernière.
Sept actions représentent à elles seules près des deux tiers de cette augmentation. Elles témoignent des principales priorités du ministère : l'école inclusive et le premier degré.
Les crédits pour l'école inclusive progressent de plus de 250 millions d'euros. Cette augmentation doit permettre la création de 8 000 postes supplémentaires d'accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) à la rentrée 2020 et de 4 000 de plus en 2021. On ne peut que se féliciter collectivement de cette priorité donnée à l'inclusion de tous les enfants à l'école. Il faut, cependant, veiller à la rémunération et à la fidélisation des AESH. Deuxième bémol : le faible nombre d'enseignants référents, alors qu'ils font le lien entre tous les acteurs de la scolarisation de l'enfant en situation de handicap et qu'ils mettent en oeuvre le projet personnalisé de scolarisation - projet qui existe également pour l'élève qui n'est pas accompagné par un AESH.
Deuxième priorité du Gouvernement : l'école primaire. Dans un contexte de baisse démographique dans le premier degré, ce projet de budget crée 2 039 équivalents temps plein (ETP).
L'année scolaire 2019-2020 a vu quasiment réalisé le dédoublement des classes de CP et CE1 en réseau d'éducation prioritaire (REP) et en réseau d'éducation prioritaire renforcé (REP +), ce qui a nécessité la création de 10 700 ETP ; à la rentrée 2020, le dispositif est progressivement étendu aux classes de grande section. Le PLF 2021 intègre les ETP nécessaires pour dédoubler l'ensemble des classes de grande section en REP +.
Concernant les écoles hors REP et REP +, la limitation du nombre d'élèves à 24 commence cette année dans les classes de grande section de maternelle. La limitation à 24 élèves par classe de la grande section au CE1 doit concerner à terme 26 000 classes.
Enfin, et comme beaucoup d'entre nous l'avaient demandé en mars et obtenu, il n'y a eu aucune fermeture de classe sans l'accord du maire, en milieu rural .Cette annonce a « coûté » 1 248 ETP, soit plus de 60 % des ETP créés dans le PLF 2021 en faveur du premier degré. J'utilise cette expression de coût à dessein, car nous sommes plusieurs à avoir interrogé le ministre sur la pérennisation de cette mesure. Si Jean-Michel Blanquer a indiqué être particulièrement attentif aux classes rurales, il ne s'est pas prononcé précisément sur le maintien de cette mesure l'an prochain.
Au total, les créations d'ETP dans le primaire sont supérieures à la trajectoire envisagée en début d'année. On évoquait alors le chiffre de 400 ETP supplémentaires. Si je me réjouis de cette hausse, il ne faudrait pas que des mesures pérennes aspirent toutes les capacités de remplacement et que les directeurs académiques des services de l'éducation nationale (DASEN) se retrouvent sans marge de manoeuvre en cas d'absence non prévue d'un enseignant. Ensuite, l'augmentation des ETP du premier degré ne doit pas se faire au détriment du second degré.
Les crédits pour l'enseignement primaire augmentent donc de 586 millions d'euros, auxquels s'ajoutent les 100 millions d'euros de compensation aux communes du fait de l'abaissement à 3 ans de l'âge obligatoire d'instruction.
Dans l'enseignement secondaire, ce projet de budget supprime 1 800 ETP ; depuis le début du quinquennat, près de 4 500 ETP y auront été supprimés. Ces baisses sont compensées, dans le budget, par l'augmentation des heures supplémentaires. Les heures supplémentaires années (HSA) - c'est-à-dire les heures récurrentes hebdomadaires - représentent désormais 9 % du temps d'enseignement. Depuis un décret d'avril 2019, une deuxième heure supplémentaire hebdomadaire non refusable par les enseignants du second degré a été instaurée, sauf motif de santé. Pourquoi le Gouvernement fait-il le choix de recourir aux HSA ? La raison est démographique : le secondaire rencontre la « bosse » démographique du début des années 2000, qui va baisser à partir de 2023. Or, un enseignant recruté maintenant aura un temps devant élève réduit les premières années afin de poursuivre sa formation - et c'est en 2023 qu'il sera à temps plein, précisément quand le nombre d'élèves commencera à baisser. Un recrutement massif aujourd'hui conduirait dans quelques années à des réductions significatives de places aux concours. Les HSA permettent d'éviter les à-coups de ressources humaines.
Toutefois, le recours aux heures supplémentaires entre dans une phase très tendue, car nous sommes bien « dans la bosse démographique ». Pour bien comprendre les difficultés, il faut aller au-delà des moyennes indiquées par le ministère, et s'intéresser à la situation à l'échelle d'un établissement. Entre les enseignants à temps partiel et ceux dont l'état de santé ne leur permet pas de faire des heures supplémentaires ou encore ceux qui sont exonérés d'en faire, l'enveloppe des HSA porte souvent sur la moitié à peine des enseignants de la discipline concernée. Dans les faits, et parce que les HSA se concentrent sur un nombre limité d'enseignants, il n'est pas rare de devoir demander à un personnel d'effectuer trois voire quatre HSA. Aujourd'hui, en raison de cette concentration, les chefs d'établissement ont du mal à trouver des enseignants pour faire ces heures supplémentaires : le vivier sur lequel s'appuyer se réduit de plus en plus. En 2019, 12,3 millions d'euros de crédits pour les heures supplémentaires n'ont pas été consommés.
Lors de son audition, le ministre a indiqué que de nombreuses pistes étaient ouvertes pour revaloriser les rémunérations, notamment des pistes « gagnantes-gagnantes ». Ces solutions sont intéressantes à explorer. Je pense notamment au débat sur la formation rémunérée pendant les vacances. De même, les heures supplémentaires permettent aux enseignants d'améliorer leur salaire - la première heure supplémentaire est majorée de 20 % -, mais cet outil ne doit pas être surexploité.
Enfin, je souhaite aborder la question de la transmission des valeurs de la République. Le rôle des enseignants est primordial, et ceci dès le primaire. En effet, 21 % des incidents signalés lors de l'hommage à Samuel Paty concernaient des élèves du primaire. Un récent rapport de l'inspection de l'éducation nationale sur la laïcité indiquait que « le principe de laïcité, [...] ainsi que ses règles d'application et sa portée restaient très lacunaires chez beaucoup d'enseignants » : c'est inquiétant. L'inspection ajoute que, « pour un certain nombre d'enseignants, la conception de la laïcité et de son sens était davantage affaire de positionnement personnel, idéologique et politique, que de droit ». D'après un sondage réalisé par l'IFOP en 2018 et intitulé « les enseignants et la laïcité », les trois quarts des enseignants n'avaient pas bénéficié de formation initiale sur la laïcité et seuls 6 % des enseignants avaient reçu une formation continue sur le sujet. Plus grave : cette formation, qu'elle soit initiale ou continue, est jugée de mauvaise qualité par une très large partie des enseignants.
Le ministère paraît conscient du problème et, plus généralement, de la nécessité de renforcer la formation de ses personnels. Les crédits dédiés à la formation progressent, nous devrons être particulièrement exigeants sur leur exécution, car on constate une sous-exécution chronique de ces crédits. En 2019, seuls 71 % des crédits de formation avaient été dépensés.
Des réformes importantes sont en cours : le ministère suit de près la mise en place de l'Institut national supérieur du professorat et de l'éducation (INSPE) dans les académies. Les référentiels de formation définis par arrêté mentionnent de manière explicite « la connaissance et la capacité à transmettre les valeurs de la République », ainsi que les droits et devoirs des fonctionnaires. L'épreuve du concours d'entretien avec le jury a un rôle particulièrement important à jouer, pour vérifier que les valeurs de la République sont bien comprises et que l'enseignant est en capacité de les transmettre de manière dynamique aux élèves.
La formation continue est également en pleine évolution. Pour la première fois, un schéma pluriannuel de formation continue a été élaboré en 2019. Pour des sujets tels que les valeurs de la République, le ministère devra faire particulièrement attention à l'écueil de formations verticales, « sous forme de doxa », qui n'auraient pas l'efficacité recherchée. Le plan national de formation prévoit également des modules sur les contestations aux valeurs de la République et la façon d'y réagir. Enfin, il me parait important que la transmission des valeurs de la République soit un engagement collectif et de long terme dans chaque établissement. La journée de la laïcité à l'école de la République, le 9 décembre prochain, doit constituer un jalon dans cette démarche. Nous avons une semaine de la presse et des médias qui est désormais bien intégrée dans l'année scolaire fin mars. Elle pourra servir de modèle à une action sur la laïcité et les valeurs de la République. La promotion des valeurs de la République doit fédérer les équipes pédagogiques. Toutes les disciplines ont leur rôle à jouer. J'ai ainsi trouvé particulièrement intéressantes les expériences « d'exercice de l'esprit critique » qui fleurissent dans un certain nombre d'établissements : par exemple, l'utilisation des mathématiques pour montrer les possibilités de manipulations statistiques et développer l'esprit critique des élèves.
Voici mes chers collègues la présentation de cette mission. Je vous propose de donner un avis favorable, hors programme 143 consacré à l'enseignement agricole.
Je remercie notre rapporteur pour l'organisation des auditions. J'apprécie que nous ayons été associés, la parole a été parfaitement libre, cette façon de travailler est très appréciable.
Nous examinons ce budget dans ces conditions très difficiles pour l'éducation nationale. Je m'associe bien sûr à votre hommage à Samuel Paty : l'assassinat de l'un des leurs a profondément ébranlé la communauté enseignante. Les hussards noirs de la République sont toujours les piliers de notre société face à l'obscurantisme. Mais nous ne devons pas nous contenter d'hommages : il faut aussi entendre leurs alertes, lorsqu'ils disent qu'ils ne se sentent pas assez protégés, que le dialogue avec la hiérarchie est souvent compliqué, qu'ils ont besoin de plus de formations pour répondre sereinement aux nombreuses questions de leurs élèves.
Les personnels de l'éducation nationale ont été, et sont encore, en première ligne dans cette crise sanitaire, avec de nombreuses situations complexes à gérer : des protocoles sanitaires difficiles à mettre en place, un stress important pour les équipes éducatives, des élèves en difficulté après le premier confinement, des parents d'élèves inquiets...
Notre école de la République a pour mission de fournir à nos élèves un enseignement qui permette de résorber les inégalités, pour former des citoyennes et des citoyens qui, demain, pourront choisir la voie qui leur correspond, indépendamment de leur origine sociale. Nous savons que l'école manque de moyens pour parvenir à remplir convenablement cette mission. Ce projet de loi de finances pour 2021 répond-il à cette problématique ? La hausse des crédits de la mission « enseignement scolaire » s'explique également par le transfert d'une partie du budget consacré au sport et à la jeunesse qui rejoint le programme 214, et à une revalorisation salariale prévue pour le deuxième trimestre 2021. Si cette revalorisation est un signe positif - je regrette, cependant, que le point d'indice n'ait pas été revalorisé -, cela signifie également que le budget n'augmente pas en proportion suffisante pour permettre les créations de postes, en particulier dans le second degré, et l'augmentation de moyens nécessaires dans de nombreux domaines.
Les crédits prévoient une hausse du nombre de postes dans l'enseignement primaire, pour atteindre l'objectif du dédoublement des classes en REP et REP+ : c'est une bonne chose tout comme le maintien de toutes les classes en milieu rural. Mais nous regrettons que cela se fasse au détriment du dispositif « plus de maitres que de classes », qui concerne notamment les écoles rurales, et que ce progrès soit contrarié par des suppressions de postes dans les autres programmes.
La suppression de 1 800 postes dans l'enseignement secondaire est très inquiétante, d'autant qu'elle coïncide avec l'arrivée de 28 000 élèves supplémentaires dans le secondaire. La compensation de ces suppressions de postes par le recours aux heures supplémentaires n'est pas satisfaisante : les enseignants comme les chefs d'établissement disent que les enseignants ne peuvent pas absorber autant d'heures supplémentaires, beaucoup sont déjà effectuées et elles se concentrent sur peu d'enseignants.
La détresse des directeurs et directrices d'école, exprimée à de nombreuses reprises l'année dernière, ne trouve pas non plus un écho suffisant dans ce budget : même si un effort est fait pour permettre de mettre en place plus de décharges, il n'est pas suffisant.
Nous constatons également que les moyens consacrés à l'accompagnement des élèves ne sont pas suffisants : les réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté (Rased), les médecins et les infirmiers scolaires, le personnel en charge de l'accompagnement social des élèves sont plus que jamais indispensables pour surmonter les difficultés nouvelles de la crise sanitaire, et pourtant le budget qui leur est consacré n'augmente pas en proportion.
Nous notons bien entendu la volonté de mettre l'accent sur l'école inclusive, avec la création de 4 000 postes d'AESH, mais nous regrettons que leur rémunération ne progresse pas : la plupart sont payés au SMIC et sont à temps partiel, ils ont donc des revenus très faibles, alors qu'ils assurent une mission essentielle qui mériterait d'être revalorisée de façon conséquente.
Le mal-être du personnel de l'éducation nationale est grandissant. Ils et elles tirent la sonnette d'alarme depuis longtemps, tout en acceptant de faire face avec engagement pour le bien des élèves. Il faut entendre ces alertes, si nous ne voulons pas atteindre un point de non-retour pour notre école.
Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain estime donc que ce projet de loi de finances 2021 ne répond pas suffisamment aux problèmes, nous voterons donc contre.
Je précise que nous auditionnerons la semaine prochaine Mme Nathalie Élimas, secrétaire d'État chargée de l'éducation prioritaire, à la suite de l'annonce d'une réforme de l'éducation prioritaire.
Je salue le travail de notre rapporteur, son analyse globale du budget et les répercussions concrètes de certains dispositifs : l'enseignante que je suis est particulièrement réceptive à cet exercice.
Je partage bien entendu sa satisfaction quant à la hausse du budget, même si, avec un budget dans la moyenne des pays de l'OCDE, les résultats de l'enseignement primaire confirmés par les dernières évaluations nationales ne sont pas à la hauteur. La dernière enquête PISA de décembre 2019 indique même un décrochage inquiétant dans les milieux les plus populaires.
Je salue la hausse des crédits destinés à l'accompagnement des élèves handicapés, avec les réserves que notre rapporteur a exprimées.
Si l'on ne peut que se féliciter de l'effort réalisé sur le primaire, nous devons déjà sonner l'alarme sur les fortes disparités qui apparaissent dans le secondaire.
En effet, la réforme du lycée a consacré le principe des spécialités, qui sont inégalement représentées en fonction des territoires. Les lycéens des régions rurales ne peuvent opter pour l'ensemble des matières enseignées, ce qui va inévitablement réduire leurs opportunités au moment de s'orienter dans le supérieur.
Je souhaite également souligner le problème du non-remplacement des professeurs absents. Si notre rapporteur nous a bien décrit les enjeux démographiques qui poussaient à privilégier le recours aux heures supplémentaires, le manque d'effectifs de réserve pour suppléer aux absences se fait de plus en plus ressentir, et ce particulièrement dans les sections d'enseignement général et professionnel adapté (Segpa).
Je souhaite aussi évoquer l'évolution des missions confiées aux professeurs principaux. Il leur revient à présent de faire passer aux élèves les tests PIX qui portent sur leurs connaissances numériques, et, surtout, pour ceux qui encadrent une classe de troisième, de jouer un rôle de plus en plus déterminant dans l'aide à l'orientation.
Ces fonctions doivent, au-delà des revalorisations salariales et de la dotation à l'équipement informatique, faire l'objet de formation et de gratifications significatives. L'évolution par le haut des responsabilités doit entraîner dans le même mouvement celle des compétences et de la reconnaissance de la Nation.
Voilà pourquoi, consciente des contraintes budgétaires, je m'interroge sur la volonté du ministre de rémunérer les formations prises pendant les vacances. Ne devrions-nous pas encourager le ministre à aller au bout de sa logique qui est de renforcer le temps de présence des enseignants au sein de l'établissement, donc en tendant progressivement vers le principe du suivi des formations au cours des vacances scolaires ? Et, en parallèle, revaloriser réellement la rémunération de ces métiers intellectuels et sélectifs, qui ont pour vocation de former des générations de futurs citoyens ?
Le groupe Les Républicains votera pour l'adoption des crédits de la mission « Enseignement scolaire ».
Je témoigne également du plaisir que j'ai eu de travailler avec notre rapporteur, la méthode de travail est la bonne, celle du dialogue. Ce projet de budget a des orientations claires, celles du ministre - que nous ne partageons pas. Toutefois, les crédits alloués ne prennent pas en compte le contexte sanitaire ni les suites de l'assassinat de Samuel Paty qui bousculent la communauté éducative. Le ministre nous a habitués à de la clarté, ici, c'est le flou. En audition, une cheffe d'établissement nous a indiqué comment les choses se passaient concrètement : son établissement avait reçu à la rentrée 2020 une dotation de 700 heures supplémentaires. Mais celles-ci devaient être effectuées avant la mi-novembre - ce qui est infaisable en pratique. De même, si l'augmentation du nombre d'AESH est une bonne chose, pourquoi en recruter la moitié hors du titre II ? Ou, encore, pourquoi supprimer 900 postes de stagiaires dans le premier degré, quelle en est la compensation ? Nous sommes dans le flou, encore, sur les annonces liées à la crise sanitaire. Notre rapporteur a raison d'alerter sur le fait que les heures supplémentaires sont la variable d'ajustement, alors qu'on ne peut tirer sur la corde. Nous constatons l'état d'épuisement des équipes pédagogiques, leur exaspération - et quand un milieu professionnel est unanime à dire qu'il n'est pas entendu par sa hiérarchie, en l'occurrence le ministre, quand les enseignants nous disent qu'ils apprennent à la télévision ce que leur ministre leur réserve, il y a de quoi s'inquiéter, surtout quand on sait le discrédit général de la parole publique.
L'augmentation des crédits tient à l'élargissement du périmètre et à une revalorisation des enseignants, pas à des moyens supplémentaires pour l'éducatif et l'enseignement. Or, dans notre contexte, nous avons besoin de dispositifs qui ont fait leurs preuves, comme les Rased ou le dispositif « plus de maîtres que de classes », ils permettent de proposer un suivi sur-mesure d'élèves en difficulté - or, vous remarquerez que leurs crédits n'augmentent pas.
Autre problème, les moyens supplémentaires accordés au premier degré sont pris sur le second degré, des heures d'enseignement ne sont pas faites parce qu'on ne trouve pas des enseignants pour plus d'heures supplémentaires. Cela signifie que des heures d'enseignement ne sont pas faites ; ce n'est pas acceptable. La revalorisation ne fera pas disparaitre les problèmes de recrutement et risque même de nourrir un sentiment d'injustice entre les enseignants ; on ne fidélisera pas sur les postes avec des salaires trop faibles, comme c'est le cas pour les AESH.
Je prends la parole en remplacement d'Annick Billon, qui ne peut être parmi nous. La hausse du budget, d'ampleur, est positive. Les chiffres, cependant, ne nous font pas parler des orientations elles-mêmes, qui sont déterminantes pour des sujets essentiels comme le numérique, la laïcité, l'égalité hommes-femmes, et qui sont des sujets plus qualitatifs. Nous manquons d'éléments également sur la réforme de l'éducation prioritaire, qui fait l'objet d'annonces très récentes alors que ce volet est très important dans la stratégie poursuivie par le ministre depuis son arrivée. Le dédoublement des classes en REP et REP+ était la priorité, il semblerait que, désormais, le zonage ne soit plus adapté. N'oublions pas les écoles rurales de quintile 1 où la situation éducative et sociale peut être équivalente à celle des REP ou REP+, à quoi s'ajoute la question de l'isolement en milieu rural - lors de son audition, le ministre n'a pas répondu précisément sur ces sujets. Nous n'avons pas eu de réponse non plus sur les directeurs d'école. Je rappelle le rapport de nos collègues Françoise Laborde et Max Brisson sur ce sujet. Quelle est la stratégie ?
Nous trouvons bien sûr très positif que l'accent soit mis sur l'école inclusive, avec plus de moyens pour les AESH, même s'il faut prendre en compte des éléments qualitatifs, les méthodes de travail, qui comptent autant que les chiffres - il en va de même pour le numérique, l'accompagnement est là aussi déterminant. Le ministre ne nous a pas répondu sur l'accompagnement qu'il voulait pour les parcours scolaires plus difficiles, alors même que les évaluations démontrent une baisse de niveau manifeste en CP et en CE1, une moindre autonomie des enfants dans les apprentissages - et sur ces sujets, il faut dire comment accompagner sur le temps long, au-delà même du pédagogique ; le sujet concerne aussi la santé scolaire, l'utilisation des outils adaptés que sont, par exemple, les Rased.
Enfin, dans le secondaire, les heures supplémentaires ne sauraient pallier les manques liés à la priorité donnée au primaire, il faut renforcer les moyens au collège, c'est là que se jouent les questions d'autonomie et de compétences indispensables. Nous avons aussi besoin d'évaluer la réforme du baccalauréat, en particulier son articulation avec la disparité de nos territoires.
Le groupe Union Centriste votera ce budget car les hausses des crédits sont significatives. Mais nous avons des réserves : nous avons besoin d'un discours de fond sur l'école dans les années à venir.
Je salue la hausse budgétaire de 1,6 milliard d'euros, et les 318 millions d'euros du plan de relance, c'est un effort inédit. Ce budget engage également la revalorisation des rémunérations, avec 400 millions d'euros, c'est très positif. La priorité, c'est la lutte contre les inégalités : ce budget ajoute 250 millions d'euros pour l'école inclusive, pour un montant global de 3,3 milliards d'euros, il ajoute également 51 millions d'euros pour les bourses scolaires, qui représentent ainsi 860 millions d'euros pour accompagner les plus défavorisés dans la scolarisation. Ce budget représente ainsi un effort inédit pour l'enseignement scolaire.
Les difficultés du ministère à apporter son soutien aux enseignants sur la laïcité sont anciennes ; vous avez cité le sondage de l'IFOP d'il y a deux ans, mais le problème avait été posé par les travaux de Georges Bensoussan dès 2002, je crois très important que vous y consacriez des paragraphes dans votre rapport budgétaire. J'ai lu comme vous, ce matin, que le ministre veut réformer l'éducation prioritaire en passant d'une logique de zonage à une logique de contrat d'établissement. Est-ce que cela cache un désengagement, ou bien est-ce plutôt une bonne chose ? Cette réforme fait suite au rapport Azéma-Mathiot publié il y a un an maintenant.
Je salue les efforts budgétaires sur le primaire, avec la poursuite du dédoublement des classes et les efforts pour limiter les effectifs à 24 élèves de la grande section au CE1. Au coeur du premier confinement, certains sénateurs se sont mobilisés pour sauver des classes rurales. Il a fallu montrer notre détermination contre les mesures de carte scolaire avec leurs nombreuses fermetures annoncées. Le ministre a finalement accepté qu'il n'y ait aucune fermeture sans l'accord du maire. Le Gouvernement prévoit 100 millions d'euros pour compenser aux communes l'obligation de l'instruction à trois ans, ce montant a-t-il été évalué avec l'Association des maires de France et correspond-il aux attentes des communes ? Nous connaissons la réforme à venir sur l'instruction en famille, laquelle paraît condamnée par l'exécutif - je crois pour ma part que l'obligation de scolarisation dès trois ans aura des conséquences qu'on mesure mal.
Pour le secondaire, le Gouvernement anticipe sur la décrue des effectifs et gère le passage du pic démographique avec les heures supplémentaires, qui apporte de la flexibilité. En effet, il y a les HSA, mais aussi les HSE, qui sont ponctuelles et peuvent permettre des remplacements. Je crois, comme mes collègues, que la revalorisation est décisive pour les AESH. Il en est de même pour l'ensemble du personnel : cela ne peut pas consister en une prime de 100 euros pour les enseignants en début de carrière - une prime, cela peut disparaître et ce montant est faible pour des enseignants plus avancés dans leur carrière. J'entends le ministre dire qu'on ne peut travailler sur la grille indiciaire, je trouve cela surprenant, je crois qu'une loi de programmation est possible - nous l'avons fait pour la recherche. Je rappelle que les enseignants sont désormais recrutés à bac+5. En tout état de cause, une politique de petits pas ne suffit pas, l'école a besoin d'un signal plus fort de revalorisation du métier d'enseignant.
Le véritable enjeu de ce budget, c'est la lutte contre la baisse dans l'apprentissage des savoirs fondamentaux, inquiétante pour notre pays : la France recule dans toutes les comparaisons internationales avec des pays proches. Au-delà des moyens, l'organisation même de notre système est en question, à l'aune de cet apprentissage des savoirs fondamentaux. Lorsque je dis cela, ce n'est certainement pas pour sanctuariser notre tradition, nous devons évaluer les outils nouveaux, y compris les dispositifs comme les Rased et le dédoublement des classes, pour utiliser ceux qui nous feront progresser. Concernant la remise en cause de notre géographie prioritaire, il faut voir que ce cadre est effectivement devenu obsolète, qu'il ne correspond pas à l'évolution de nos territoires et qu'il ne faut donc pas être figé ; Le rapport de notre président et notre collègue Jean-Yves Roux de l'année dernière l'avait démontré. Nous verrons ce que donneront les expérimentations.
La formation des professeurs à la laïcité est indispensable, je crois que nous devons nous poser une question comparable à celle qui était posée à l'école au début de la IIIe République : sommes-nous capables d'armer intellectuellement et philosophiquement nos professeurs qui sont confrontés au combat pour la laïcité et pour les valeurs de la République ? Je ne suis pas sûr qu'au-delà de belles paroles, nous sachions former nos professeurs, que nous leur donnions les moyens de faire face aux déferlantes de fausses informations et de ce qui tourne sur la toile, d'autant que l'autorité du professeur ne va plus de soi.
L'enjeu de la revalorisation est lui aussi majeur, il y a une véritable crise de l'attractivité - il suffit de voir le manque de candidats dans les disciplines scientifiques, là où il y a d'autres débouchés que l'enseignement. Les propositions du ministère suffiront-elles ? Je suis très inquiet, lorsque je vois la façon dont elles sont reçues par les organisations syndicales, par exemple sur la fonction de directeur des écoles.
Enfin, une question sur la perspective de mettre fin à l'instruction en famille, dont nous parlons à travers l'enveloppe de 100 millions d'euros réservée pour compenser aux communes l'obligation d'instruction à trois ans. En votant la loi pour l'école de la confiance, nous avions bien distingué l'obligation d'instruction et l'obligation de scolarisation à trois ans, avec l'idée que le Gouvernement renforcerait les contrôles sur l'instruction en famille : avant d'interdire l'instruction en famille, un système qui fonctionne depuis très longtemps et qui a survécu à bien des ministères, le Gouvernement ne devrait-il pas renforcer les contrôles comme cela était prévu en 2019 ?
Je me réjouis qu'un effort particulier soit fait vers le primaire, c'est là que tout se joue, on le sait tous et nous savons aussi que notre pays est à la traine dans les apprentissages fondamentaux. Le dédoublement des classes et le maximum de 24 élèves en CP et en CE1 sont maintenus malgré une baisse démographique, nous regarderons comment les choses se passent très concrètement, en particulier dans les territoires ruraux. La ruralité n'a jamais été inscrite dans la doctrine comme un point de vigilance, j'espère que cela va changer, en particulier après l'excellent rapport de nos collègues Laurent Lafon et Jean-Yves Roux.
Sur le numérique, j'ai interrogé le ministre sur la ventilation des 91 millions d'euros prévus en investissement, et, surtout, sur la formation initiale des formateurs en matière de numérique. On l'a vu, la crise sanitaire a accéléré le besoin d'outils numériques, mais aussi la véritable fracture numérique territoriale et sociale : nous avons besoin de matériels, mais aussi d'accompagnement et de formation des enseignants au numérique. Nous l'avions demandé par amendement à la loi pour l'école de la confiance, il faut que les enseignants, dans leur formation initiale aussi bien que continue, disposent des outils qui leur donnent une maîtrise des machines et de l'environnement numériques. Or, le ministre ne m'a pas répondu précisément sur la formation initiale au numérique, il faudra y veiller de près.
On assiste à un basculement, pour l'école, mais aussi pour le lycée et l'université, d'une logique de critères à une logique de guichet, où chaque établissement devra désormais négocier ses moyens directement avec le recteur. Or, si la logique de critère permet une contestation frontale, par exemple pour les élus lorsque les moyens ne sont pas ce qu'ils sont censés être, la logique de guichet relève plus de la négociation, moins publique - je dirais même qu'elle recentralise la décision et qu'elle en exclut peu ou prou les élus locaux. Je trouverais utile que nous réfléchissions à ce basculement et aux réformes possibles de la territorialisation. Je le dis en pensant que les critères actuels sont certainement obsolètes et qu'ils ont le défaut de reposer entièrement sur le déclaratif des familles.
Notre retard sur le numérique à l'école est ancien et tient à bien des facteurs, en particulier aux réticences de l'administration et aux procédures d'achat, qui peuvent être si longues et lourdes que le matériel est quasiment obsolète le temps qu'il soit livré - alors qu'ailleurs, on opte pour de la location, qui met à disposition un meilleur matériel et le renouvelle régulièrement. Sur la formation au numérique, sur la façon dont on se sert du numérique dans l'ensemble des enseignements, nous sommes aussi très loin du compte, alors qu'il y a beaucoup de choses à faire dans les établissements, en mobilisant les équipes dans leur ensemble, en s'appuyant sur les documentalistes par exemple. En réalité, si les enfants échappent à l'éducation au numérique, c'est souvent parce que leurs parents sont en retard sur eux, ce qui crée des situations inédites, qui font qu'on ne sait plus bien où l'on en est - et ce qui peut provoquer des erreurs d'appréciation sur la gravité de certains phénomènes, on l'a vu dans l'emballement sur les réseaux sociaux qui a précédé l'assassinat de Samuel Paty. Il y a beaucoup de choses à faire pour utiliser davantage et mieux le numérique, y compris sur des enjeux comme l'éducation civique et la laïcité, l'outil numérique permet bien des choses en la matière, mais cela suppose des moyens, une ouverture - nous l'avons dit dans un rapport parlementaire il y a déjà plus de dix ans. Quant à la déclaration du ministre sur la géographie prioritaire, elle augure mal de ce qui se prépare : s'il faut certainement évaluer la géographie prioritaire à l'aune de ses objectifs, attention à ne pas démanteler l'éducation prioritaire, nous devons être très vigilants.
Merci pour votre soutien, nous avons travaillé en bonne intelligence, c'est effectivement une marque de fabrique de la Haute Assemblée. Nombre de vos questions s'adressent en fait au ministre, et sans pouvoir répondre à sa place, je vais tâcher de vous communiquer les éléments dont je dispose et mon point de vue.
Le périmètre du ministère évolue, effectivement, parce que le Gouvernement y a ajouté la jeunesse et les sports, pour qu'il y ait plus de rapprochements entre l'éducation nationale, la jeunesse et les sports. Cela se voit notamment au niveau territorial avec les créations des délégations régionales académiques à la jeunesse, à l'engagement et au sport.
Le problème des heures supplémentaires est sérieux : on peut comprendre que le ministère y recoure, connaissant l'évolution démographique des effectifs, mais il doit le faire sans excès, parce qu'on sait qu'en pratique, cela ne fonctionne pas et qu'on se retrouve alors avec des heures d'enseignement non effectuées.
Nous allons suivre le débat sur les directeurs d'école, une proposition de loi a été adoptée en première lecture à l'Assemblée nationale. Nous ne savons pas exactement quelle est la position du Gouvernement, mais il semble que le texte puisse prospérer. Nous suivrons aussi de près la situation sur la médecine scolaire, c'est un enjeu très important. Le nombre de médecins scolaires diminue. Ils étaient 974 en 2019 et 935 en 2020.
Les résultats de l'école ne sont pas à la hauteur, et nous constatons que le confinement a provoqué un décrochage en particulier dans les milieux populaires, car des familles ne sont pas équipées en matériel informatique, certaines ne sont pas abonnées à des fournisseurs d'internet. Nous constatons également que trop d'enseignants ne sont pas remplacés, c'est de plus en plus courant. La formation rémunérée pendant les vacances, c'est un tabou pour les organisations syndicales, mais la difficulté est bien là, on peut y voir une nouvelle manière de travailler. On doit pouvoir aussi réfléchir à la distinction entre le temps de présence et le temps d'enseignement, si l'on augmentait le temps de présence de 3 heures, cela représenterait l'équivalent de 50 000 enseignants de plus, c'est considérable. Nous savons aussi que les rémunérations sont trop faibles, avec, en début de carrière, 1 690 euros nets pour un certifié et 1 875 euros nets pour un agrégé. C'est quelque part honteux de payer si mal nos enseignants à ce niveau de qualification, d'autant qu'en réalité, ils travaillent 44 heures par semaine en moyenne, il faut en tenir compte. De mon point de vue, il serait donc intéressant de voir comment les faire rester plus longtemps à l'école, les faire travailler un peu différemment, mais on sait combien cela est difficile.
Je suis très inquiet aussi de voir que tous les chefs d'établissement nous disent qu'ils apprennent à la télévision ce que leur ministre leur réserve, le manque de communication est criant, les équipes sont très fatiguées - il faudrait peut-être songer à arrêter de réformer sans cesse, et consolider le travail accompli.
Le rapport sur « Les nouveaux territoires de l'éducation » de nos collègues Laurent Lafon et Jean-Yves Roux, est effectivement décisif pour que la ruralité soit enfin prise en compte dans les politiques éducatives, les problèmes sont trop identifiés à la ville, alors qu'ils se posent partout dans nos territoires. Des expérimentations sont en cours, nous les suivrons de près, de même que nous suivons la réforme du baccalauréat et son évaluation. Vous avez raison de souligner que les chiffres ne suffisent pas, qu'une augmentation même de 1,9 milliard d'euros peut se perdre dans les méandres d'une organisation qui ne saurait pas se changer ni évoluer : il faut prendre en compte les orientations des politiques éducatives, bien voir l'aspect qualitatif des choses.
Je partage vos inquiétudes sur la laïcité. Je m'interroge sur la lettre de Jean Jaurès qui a été lue dans nos écoles, je me demande s'il n'aurait pas été préférable de se référer à celle de Jules Ferry aux enseignants, quand il leur demande de faire attention à ne pas blesser les autres. Le rapport de l'inspection que j'évoquais soulignait qu'une partie du corps enseignant considère la laïcité comme une affaire de croyance personnelle, plutôt qu'un droit effectif : c'est un problème. Il y a une dérive dont nous devons tenir compte dans le recrutement, il faut peut-être une épreuve qui permette de choisir ceux des candidats qui sont disposés à défendre la laïcité telle que nous l'entendons dans notre droit positif.
La géographie prioritaire, telle qu'elle est pratiquée dans le cadre des REP et REP+, a mobilisé beaucoup de moyens sans résultats suffisamment tangibles, en particulier sur la réduction des inégalités sociales grâce au parcours scolaire. Il est donc logique qu'on expérimente un autre système, celui du contrat, qui donne plus de latitude à l'établissement scolaire ; certains pensent qu'on perd en universalité, mais il faut quand même faire sa place à l'efficacité, ou bien les principes d'universalité sont contestés eux-mêmes par manque d'effectivité.
Nous n'avons pour l'instant pas assez de recul pour savoir si l'enveloppe de 100 millions d'euros pour compenser les communes de l'obligation d'instruction à trois ans est suffisante ; il va falloir suivre ce dossier. Toutefois, nous avons auditionné le secrétariat général de l'enseignement catholique. Ce dernier nous a indiqué que la situation s'était apaisée sur le terrain. Les communes ont appliqué la loi et augmenté leur contribution aux écoles privées pour les élèves de 3 à 6 ans, en application du principe de parité.
Le numérique a un coût très important, mais l'enjeu est décisif. Le ministère doit s'en saisir davantage qu'il ne le fait - les choses avancent dans ce domaine, en particulier avec la mise en place d'un référentiel commun.
Nous allons déposer un amendement avec Nathalie Delattre, dans le cadre de l'enseignement agricole. Nous voulons abonder l'enseignement agricole depuis l'enseignement scolaire, sans incidence sur le fonctionnement des établissements scolaires. Les crédits, d'un montant de 6 millions d'euros pour soutenir les maisons familiales rurales, seront prélevés sur le programme transversal 214 « soutien de la politique de l'éducation nationale ».
Un mot sur la géographie prioritaire. Dans le rapport que j'ai écrit avec notre collègue Jean-Yves Roux, nous avons préconisé l'abandon du zonage actuel de l'éducation prioritaire parce qu'il est très difficile de l'adapter aux très nombreuses différences qui existent entre établissements mêmes, par exemple de faire sortir un établissement d'un zonage parce qu'il va bien, ou de le faire entrer quand il n'y est pas géographiquement, alors qu'il cumule les difficultés. Nous avons constaté que deux types d'établissements subissaient les rigidités du zonage : les établissements ruraux, dont les difficultés spécifiques ne sont pas prises en compte, et ce que nous avons appelé des établissements « orphelins ». Ils présentent des difficultés équivalentes sinon pires à certains établissements en REP+, mais ils ne sont pas pris en compte du seul fait qu'ils ne sont pas dans le zonage établi, lui, sur des critères sociaux. Nous auditionnerons mercredi prochain Mme Nathalie Élimas, secrétaire d'État chargée de l'éducation prioritaire, sur la réforme en préparation de l'éducation prioritaire.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Enseignement scolaire » du projet de loi de finances pour 2021.
Monsieur le président, mes chers collègues, si vous me permettez cette image pour débuter cette présentation des crédits dédiés au cinéma, la situation que vit le secteur rappelle plus les films catastrophes que l'ambiance chaleureuse des oeuvres de Marcel Pagnol...
Il y a en effet une spécificité française du cinéma, que je peux résumer en une formule : le train parti en gare de La Ciotat en 1896 ne s'est jamais arrêté et a fait de la France un pays de cinéma !
Deux éléments pour illustrer mon propos. Premier point, les spectateurs.
La France est le pays d'Europe disposant du plus grand nombre d'écrans et où les entrées sont les plus importantes. En moyenne, chaque Français va 3,3 fois au cinéma dans l'année, contre 2,2 en Espagne. L'Allemagne, à population supérieure, enregistre près de 100 millions d'entrées en moins. En 2019, 213,1 millions d'entrées ont été enregistrées dans les salles, soit la 6ème année consécutive au-dessus de 200 millions.
Second point, la production. La France se singularise par la part de la production nationale, qui représente en moyenne 35 % de la fréquentation, contre 10 % en Angleterre et 22 % en Allemagne. Le système unique de monde de soutien mis en place après la seconde guerre mondiale via le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC), s'il est d'une grande complexité, est redoutablement efficace pour révéler et accompagner les talents, soutenir la production et offrir au public français, mais également partout dans le monde, des oeuvres différentes, voire complémentaires, d'un cinéma américain souvent impérialiste.
Ce pays de cinéma a subi avec consternation le premier confinement, qui a malmené tous les acteurs du secteur.
Les salles ont ainsi été contraintes de fermer du 14 mars au 22 juin, date à partir de laquelle elles ont pu reprendre en suivant un protocole sanitaire strict. Conséquence de cette jauge « dégradée » et de l'absence de « blockbusters » sur les écrans, la fréquentation a chuté de 70 % durant l'été. Sur l'année, et sans le deuxième confinement, le chiffre d'affaires des salles aurait accusé une baisse de 50 %.
Pour autant, je veux saluer la remarquable capacité de résilience de notre cinéma, qui a été en mesure de proposer aux spectateurs des productions françaises de qualité qui ont supplée l'absence de films américains. Peu de pays peuvent se targuer d'une telle capacité, et nous pouvons je crois tous nous féliciter de la continuité dans les politiques publiques qui a permis depuis la seconde guerre mondiale de mettre en place ce formidable système.
C'est pourquoi, dans ce contexte si lourd, il me parait important de souligner le fort engagement des pouvoirs publics en faveur du cinéma, qui ont bien gardé en tête cette spécificité de notre cinéma.
Tout d'abord, le CNC a rapidement mis en place un fonds alors unique au monde pour garantir les tournages.
Au printemps dernier, les tournages ont été brutalement interrompus, et auraient pu ne pas reprendre faute de possibilité pour les producteurs de s'assurer contre les risques liés à la pandémie. Cela aurait conduit à terme à un « assèchement » de la production de films et de séries.
Le CNC a mis en place un fonds doté de 50 millions d'euros, porté à 100 millions d'euros par un pool d'assureurs, pour permettre aux tournages de reprendre, et donc à l'ensemble de la chaîne (scénaristes, acteurs, industries techniques) de retrouver une activité. 400 tournages sont actuellement ou ont été assurés par ce fonds, pour 30 sinistres constatés, ce qui est inférieur aux prévisions.
Ensuite, des mesures ont été prises en faveur des salles de cinéma.
D'une part, dès le mois d'avril, le CNC a pris la décision de renoncer au montant de la taxe que les salles devaient verser pour les mois de février et mars, ce qui a permis de soulager leur trésorerie de 17 millions d'euros.
D'autre part, le CNC a créé en septembre un fonds doté de 50 millions d'euros pour compenser partiellement la différence entre les recettes « normales » et celles de 2020.
Enfin, des mesures de relance sont proposées.
Le projet de lois de finances que nous examinons prévoit une enveloppe de 165 millions d'euros en 2020. 60 millions d'euros sont destinés à soutenir un budget du CNC extrêmement fragilisé et 105 millions à permettre aux industries techniques de se relancer, suivant des modalités qui seront définitivement actées d'ici la fin de l'année.
En 2021, le CNC devait bénéficier, d'une part, d'un « retour à la normal » du niveau de fiscalité affecté, d'autre part, d'une enveloppe supplémentaire de 165 millions d'euros du plan de relance, ce qui lui aurait permis de compenser les pertes du précédent exercice.
Dans l'ensemble donc, le CNC se trouvait « réarmé » avec 265 millions d'euros sur deux ans.
C'est alors qu'est intervenue l'annonce du deuxième confinement.
Comme mes autres collègues rapporteurs, je dois bien confesser que son impact est pour l'instant presque impossible à évaluer, même si l'annonce hier soir par le Président de la République de la réouverture des salles à compter du 15 décembre, suivant un protocole sanitaire strict, donne un peu d'espoir pour la toute fin de l'année.
Ce qui est certain, par contre, c'est qu'il n'est pas encore intégré aux projections financières du CNC.
En conséquence, il est d'ores et déjà certain que les prévisions de ressources pour 2020, voire 2021, sont caduques. De même, il est probable que les mesures de soutien proposées pour 2021 seront insuffisantes pour préserver le cinéma français.
Il ressort de mes auditions que les crédits actuellement disponibles devraient permettre de passer le cap de 2020, mais en aucun cas de conséquences qui pour la plupart interviendront en 2021.
Face à l'ampleur d'une crise qui frappe indistinctement tous les secteurs, il nous appartiendra de veiller à ce que le cinéma continue de recevoir toute l'attention à laquelle sa place privilégiée dans notre pays lui donne droit.
Je voudrais avant de conclure évoquer deux autres sujets liés au cinéma, la transposition de la directive « service médias audiovisuel » (SMA) du 14 novembre 2018, et le piratage.
L'histoire de la transposition de la directive SMA mériterait presque un film. Elle devait initialement être adoptée dans le cadre du projet de loi audiovisuel promis pour début 2019, puis mi 2019, puis fin 2019, bref, toujours repoussé par des sujets plus urgents... Finalement présenté à l'Assemblée nationale, le projet de loi n'a pas dépassé le stade de la commission en mars où son examen a d'ailleurs occasionné l'un des premiers « clusters » du pays. Une fois le projet de loi enterré, les dispositions de la directive ont été introduites péniblement par amendement en juillet à la loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière (loi « Ddadue »). La commission avait alors accepté - mais je n'en étais pas encore membre ! - d'adoucir ses traditionnelles préventions contre les ordonnances. Finalement, a et à la surprise générale, la commission mixte paritaire (CMP) a échoué en octobre, ce qui a contraint à un nouvel examen au Sénat le 17 novembre dernier.
Si les conditions d'adoption sont rocambolesques, le propos de la directive ne l'est pas. Il s'agit de rien de moins que de faire participer les plateformes de vidéo en ligne à la création française, c'est-à-dire, et c'est un terme quel je sais que la commission est attachée, de rétablir une forme d'équité entre :
- des acteurs nationaux soumis à de contraintes d'investissement dans les oeuvres françaises, dans la production indépendante ;
- et des acteurs mondiaux qui ont imposé un modèle attractif, mais porteur de danger pour notre exception culturelle.
La question est devenue d'autant plus urgente que les confinements ont au premier chef bénéficié à ces services, en raison de la fermeture des salles.
Une approche nuancée de la réalité est cependant nécessaire, car il y a plateforme et plateforme.
D'un côté, Netflix et quelques autres qui sont des acteurs à part entière de la production. Le dialogue avec eux semble plus aisé, car la base qui servira à déterminer leur contribution est simple - l'abonnement. Si leur modèle doit évoluer, en particulier pour faire une place à la production indépendante, nous sommes, si je puis dire, avec des spécialistes qui ont fait la preuve de leur capacité à « projeter » les oeuvres dans différents pays - pensons au succès de séries espagnoles par exemple.
D'un autre côté, les plateformes comme Amazon Prime ou Apple reposent sur des modèles très différents, avec des modalités d'abonnement plus complexes.
Avec mes autres collègues rapporteurs, je pense en particulier à Jean-Raymond Hugonet et Julien Bargeton, il nous appartiendra d'être attentifs à la bonne entrée en application de la directive au 1er janvier - si aucune autre catastrophe ne s'abat sur la transposition !
Dernier sujet que je souhaite évoquer, le piratage.
Il représente plus de 1,2 milliard d'euros en France, et concerne les oeuvres cinématographiques comme audiovisuelles. Le projet de loi audiovisuel proposait une fusion ambitieuse entre le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) et la Hadopi, ainsi que des dispositions destinées à mieux armer notre législation, je pense en particulier aux nouvelles formes de piratage ou aux « sites miroirs » qui ouvrent et ferment au gré des décisions judiciaires. La ministre n'a pas pu nous donner de calendrier pour un examen au Parlement qui est très attendu par toute la profession, et qui concerne d'ailleurs également le streaming de retransmissions sportives. Je formule donc le souhait très vif que nous puissions rapidement nous saisir de ce texte et apporter une nouvelle ligne de défense à notre création.
Pour résumer donc nos attentes en conclusion, il me semble important de formuler trois interrogations, dont je me ferai l'écho en séance publique :
Quid des nouveaux moyens pour le cinéma hélas rendus nécessaires par le deuxième confinement ?
Quid des négociations avec les plateformes ?
À quand un nouveau projet de loi sur la question spécifique du piratage ?
J'y ajoute une ultime réflexion sur la portée « psychologique » du soutien au cinéma. Dans quelques semaines ou mois, lorsque, nous l'espérons, la vie reviendra à la normale, nos concitoyens auront plus que jamais besoin de la capacité du cinéma à nous faire rire, rêver, réfléchir. Nous devons tout mettre en oeuvre et sans tarder pour assurer à nos concitoyens cette heureuse perspective.
Sous le bénéfice de ces observations, je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés au cinéma pour 2021.
La crise a touché l'ensemble de l'industrie du cinéma. Comme l'a dit le rapporteur pour avis, de nouveaux moyens seront nécessaires pour faire face aux conséquences du deuxième confinement et poursuivre la modernisation de la production et des salles. J'attire votre attention sur l'importance pour mon département des Alpes-Maritimes de la tenue du Festival de Cannes. Pierre Lescure, son Président, a indiqué qu'il souhaitait vivement pouvoir l'organiser cette année et j'espère que les conditions sanitaires le permettent.
L'évolution des crédits telle que présentée par le rapporteur pour avis me paraît satisfaisante et je me félicite du caractère massif du plan de relance. Je m'interroge cependant sur la capacité des salles à supporter cette crise. Les conditions de reprise seront difficiles à mettre en oeuvre, avec les craintes des spectateurs et l'obligation de porter un masque. Si je salue la mise en place du fonds de compensation, je m'interroge sur son niveau, les pertes telles qu'estimées par la profession s'établissant à 500 millions d'euros. Dans ce contexte, le plan de relance peut paraître d'un montant insuffisant pour les salles, qui constituent le coeur du cinéma et doivent absolument être préservées.
J'approuve pleinement le rapporteur pour avis quand il évoque la pertinence du modèle français de soutien au cinéma. Je ne suis pas certaine que l'annonce par le Président de la République d'une ouverture des salles le 15 décembre permette d'apporter à elle-seule une solution aux difficultés de la filière même si l'expérience de l'été nous montre que les spectateurs ont été au rendez-vous. Dans ma région, la Bretagne, les pertes d'exploitation des salles sont considérables et je souhaiterais pouvoir connaître les critères de l'aide accordée par le CNC.
La mise en place de la plateforme Salto est un sujet qui doit attirer notre attention. La plateforme ne regroupe en effet pas tous les producteurs et me semble être loin de la taille critique nécessaire.
L'impact de la crise a été immense pour tout le secteur, qui n'a pu bénéficier que d'une reprise très progressive durant l'été. Il est de notre devoir de démontrer notre attachement au cinéma. Je note que, comme l'a indiqué le rapporteur pour avis, la mobilisation de l'État a été forte. De ce point de vue, l'annonce de la reprise le 15 décembre me semble être un compromis pertinent au regard de la pandémie.
Je remercie le rapporteur pour avis pour la qualité de ses propos que je partage pleinement. Les salles de cinéma constituent un atout précieux pour nos territoires et il est primordial de préserver ce maillage avec le soutien, jamais démenti, du CNC. Il serait intéressant de disposer de données sur l'aide apportée par les collectivités territoriales. Les salles de cinéma sont en effet le support privilégié de la politique d'éducation à l'image à destination des jeunes publics. En ce qui concerne la création, je rappelle que nous avions donné notre accord au mois de juillet à la transposition de la directive SMA. Les décrets sont toujours en cours de discussion et j'insiste sur l'urgence absolue d'édicter rapidement des règles claires pour associer les plateformes à la création française, le confinement leur ayant exclusivement bénéficié. En parallèle, il est crucial de faire évoluer notre chronologie des médias et d'avancer sur le sujet du piratage.
J'attire l'attention sur le rôle des salles associatives qui permettent de toucher tous les publics, notamment dans les territoires ruraux. Ces salles d'art et d'essai favorisent la diversité de la programmation.
Je partage la préoccupation de Mme Borchio Fontimp sur la nécessité d'articuler les mécanismes d'aide avec la modernisation du secteur, ce que devrait permettre le plan de relance. Il en va de notre souveraineté culturelle, tout comme le Festival de Cannes qui, je le souhaite, pourra se tenir si les conditions sanitaires sont réunies. Je suis en effet très sensible à son impact pour le département des Alpes-Maritimes dont il constitue une vitrine tout comme il est un moteur de l'industrie du cinéma en France.
Je partage également la préoccupation de Pierre-Antoine Levi sur la pérennité des salles de cinéma. Les crédits prévus jusqu'à présent sont incontestablement utiles, sans oublier la suspension de la taxe sur les billets aux mois de février et mars, soit un gain de 17 millions d'euros pour les salles, que l'Assemblée nationale a souhaité étendre au reste de l'année, soit 20 millions d'euros supplémentaires. Le compte n'y est probablement pas encore, mais ces aides permettent au secteur de surnager. En réponse à Sylvie Robert, je précise que la compensation est plus généreuse pour les petites que pour les grandes salles. Il y a une problématique particulière, liée aux salles municipales pour lesquelles aucun remboursement n'était prévu à l'origine. Le CNC semble cependant évoluer sur cette question.
Monsieur Ouzoulias, je suis pleinement en accord avec vos propos sur la plateforme Salto. Il nous faut réfléchir à sa taille critique, pour non pas concurrencer mais exister face aux plateformes américaines.
Je suis également très sensible à l'intervention de Mme Sonia de La Provôté sur l'intérêt des salles associatives qui permettent au cinéma de se développer dans les territoires, pour nos concitoyens qui n'auraient pas la possibilité de couvrir de longues distances pour se rendre dans un multiplex. Cette spécificité doit bien évidemment perdurer.
Enfin, sur la question des plateformes, il est essentiel de créer les conditions d'un juste équilibre pour l'ensemble de la profession, ce qui est l'objet des négociations relatives à la mise en oeuvre de la directive SMA.
Je soutiens pleinement la défense du cinéma itinérant qui constitue une des meilleures initiatives pour faciliter la démocratisation de la culture. Il reste à réfléchir à la cohabitation, dans les villes moyennes, entre les multiplexes et les salles d'art et d'essai, qui n'est pas toujours aisée.
Sur cette question précise des multiplexes, je suis persuadé qu'il y a de la place pour tous. Il est important que les salles d'art et d'essai soient non pas « derrière », mais « à côté » des multiplex. Le public y trouvera son intérêt notamment, et je rebondis sur les propos de la présidente Catherine Morin-Desailly, pour la pratique de l'éducation à l'image et au cinéma. N'oublions pas en effet que les jeunes spectateurs continueront à fréquenter les salles une fois devenus adultes.
J'apporte mon plein soutien à la plateforme Salto. Je tiens cependant à rappeler que ce sujet n'a jamais été traité par la tutelle et relève de la seule initiative de France Télévisions qui n'a pas la tâche aisée pour rassembler les chaînes et les producteurs. Cette carence de la puissance publique est regrettable et doit être dénoncée. Par ailleurs, des interrogations existent sur son modèle : la plateforme doit-elle être payante alors que les téléspectateurs acquittent déjà la contribution à l'audiovisuel public (CAP) ?
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés au cinéma de la mission « Médias, livre et industries culturelles » du projet de loi de finances 2021.
Monsieur le président, mes chers collègues, la période de confinement que nous avons vécu et que, hélas, nous vivons de nouveau, a réaffirmé avec force l'attachement presque intime de nos concitoyens aux industries culturelles, vaste ensemble qui dans ce programme regroupe aussi bien les livres que la musique, le jeu vidéo, ou encore les bibliothèques.
Dans le cadre de mon rapport pour avis, j'ai souhaité analyser de manière approfondie trois sujets : la Bibliothèque nationale de France (BnF), confrontée à de lourds défis en particulier immobiliers, le secteur du livre, frappé de plein fouet par la crise pandémique, et enfin la mise en place rendue complexe par la situation du Centre national de la musique.
Premier point, les défis qui attendent la Bibliothèque nationale de France, qui représente à elle-seule 70 % des crédits du programme.
Ce grand établissement public a été moins touché que d'autres par la pandémie. L'essentiel de ses ressources provient en effet des subventions de fonctionnement et d'investissement, qui progressent cette année de 3,2 % pour s'établir à un peu moins de 217 millions d'euros. Les ressources propres ne représentent qu'entre 6 % et 8 % de son budget, par le biais de location d'espaces et de droits d'accès aux salles de lecture, mais également d'opérations de mécénats pour le financement de travaux comme pour l'acquisition d'exemplaires destinés à rejoindre les collections.
Pour autant, l'impact de la pandémie est évalué à 6 millions d'euros, pour moitié de pertes de recettes, pour moitié de dépenses engagées pour assurer la sécurité des personnels. Comme je vous le disais, si ce montant est modeste par comparaison avec les salles de spectacle, il est néanmoins significatif pour un budget serré et dont la plus grande partie des dépense est contrainte.
La BnF est engagée dans trois grands projets que je souhaite évoquer devant vous par ordre chronologique.
Tout d'abord, un chantier enfin en voie d'achèvement, celui du « Quadrilatère Richelieu ». Berceau historique de la Bibliothèque, il a nécessité d'importants travaux de restructuration. Le chantier devait initialement s'élever à 120 millions d'euros et durer 7 ans, entre 2006 et 2013. Finalement, budget et délais ont été doublés, puisque la facture finale s'élèvera à un peu moins de 250 millions et les travaux ne seront achevés qu'en 2021, pour une ouverture au public en 2022. Il reste encore du chemin à faire avant de pouvoir profiter de ce lieu unique, qui nécessitera environ 7 millions d'euros de budget de fonctionnement annuel, dont seule une moitié sera couverte par de nouvelles recettes.
Deuxième chantier d'ampleur, le site François-Mitterrand de Tolbiac. 25 ans après son inauguration, il nécessite des travaux importants pour permettre son fonctionnement. Plus de 72 millions d'euros devront être engagés d'ici 2027, dont 31 millions pour la sécurité incendie.
Dernier chantier, la création d'un nouveau centre de stockage des oeuvres. La ministre a évoqué devant vous l'enthousiasme suscité auprès des collectivités locales suite à l'appel à manifestation d'intérêt. Plus de 80 candidatures ont été enregistrées dans toutes les régions éligibles. Le centre de stockage doit permettre non seulement de conserver dans de bonnes conditions les collections, mais également de faire une place particulière à la presse, un sujet qui ira droit au coeur de Michel Laugier ! Je suis personnellement très intéressé par ce projet de conservation et de numérisation. Pensez, mes chers collègues, que 100 millions de pages de presse de la seule IIIème République doivent être traitées et numérisées d'ici 10 ans pour éviter leur disparition ! Il s'agit là d'un projet d'ampleur pour notre mémoire collective, et je serai très attaché, comme j'ai pu l'indiquer à la Présidente de la BnF, au succès de ce projet trop méconnu.
Deuxième sujet de ma présentation, le soutien au secteur du livre.
Durant nos auditions, j'ai été très marqué par un chiffre relevé par le Syndicat des libraires : 150 000 références différentes de livres avaient été vendues en novembre 2019. En 2020, nous passons à 50 000, soit une division par trois. Cela devrait éclairer le débat autour de la place prise par les plateformes numériques : on vient dans une librairie pour flâner, se laisser surprendre et conseiller, on va sur internet pour acheter juste ce que l'on a prévu d'acheter.
À lui seul je crois, ce chiffre justifie le soutien accordé par les pouvoir publics à toute l'industrie du livre. Les libraires, en particulier, ont subi des diminutions de leur chiffre d'affaires de près de 40 % sur les mois de confinement de printemps, ce qui est considérable pour des commerces qui affichent la plus faible rentabilité.
Dès la réouverture, cependant, les clients ont « redécouvert » le chemin des librairies ce qui, au-delà des effets économiques d'une hausse de 22 % du chiffre d'affaires en juin, a profondément touché ces professionnels souvent passionnés.
C'est alors qu'est intervenu le deuxième confinement. Il diffère du premier pour au moins deux raisons :
- d'une part, les libraires n'ont pas reconstitué leur trésorerie au printemps. Ils arrivent donc affaiblis ;
- d'autre part, la période novembre-décembre représente entre 25 et 30 % du chiffre d'affaires annuel. En effet, et en plus des « prix littéraires », les libraires profitent souvent de ces mois pour proposer des « assortiments » destinés à être offerts.
Or le « commande-retrait » ne peut constituer qu'une réponse partielle, avec dans le meilleur des cas 20 à 30 % du chiffre d'affaires, mais au prix d'un niveau de charges très semblable à celui d'une ouverture normale.
Les conséquences du deuxième confinement pourraient donc ne se faire ressentir qu'au premier trimestre de l'année 2021, avec des établissements contraints de fermer faute de trésorerie. Certains éditeurs de très petite taille pourraient en effet faire faillite.
C'est la raison pour laquelle les libraires se sont retrouvés médiatiquement en première ligne dans la bataille de la réouverture, soutenus par de nombreuses personnalités - je pense à l'initiative de notre collègue Laure Darcos qui a rassemblée la signature de 68 collègues.
Les annonces du Président de la République hier soir, qui a annoncé la réouverture des commerces le samedi 28 novembre, constituent enfin une bonne nouvelle, même s'il est trop tôt pour savoir dans quelle mesure elle permettra de rattraper le temps perdu.
Dans ce contexte, il faut le souligner, les pouvoirs publics ne sont pas restés sourds et ont entendu les libraires, comme l'ensemble du secteur du livre. En plus des mesures de droit commun, le livre a bénéficié de mesures spécifiques : 5 millions d'euros rapidement mobilisés par le Centre national du livre (CNL) et 36 millions d'euros, dont 31 millions à destination des libraires et 5 millions des éditeurs les plus fragiles ont été engagés par la loi de finances rectificative du 30 juillet 2020.
A l'heure actuelle, le plan de relance prévoit 29,5 millions d'euros de crédits dont 9,5 millions pour plusieurs aides à l'attention des libraires. De plus, le Gouvernement a acté des frais de port divisés par trois pour l'envoi de livres par les libraires, une revendication ancienne de la profession qu'il faudra certainement prolonger pour lui permettre de lutter à armes plus égales contre les grandes plateformes.
Pour résumer, les pouvoirs publics ont été présents, ce que toute la profession reconnait et apprécie.
Cela sera-t-il suffisant compte tenu du deuxième confinement ? Probablement pas, mais il y a tout lieu de penser que le lien fort entre les français et leurs libraires, réaffirmé en juin dernier, constitue la meilleure garantie de pérennité du secteur.
Dernier sujet, la mise en place du Centre national de la musique, cher à notre collègue Jean-Raymond Hugonet qui prête toujours une oreille (musicale !) attentive au Centre.
Le CNM a été directement plongé dans le « grand bain ». Alors qu'il devait déjà, à compter du 1er janvier 2020, gérer la délicate mission de fusionner des structures distinctes, convaincre les organismes de gestion collective (OGC) de lui allouer des fonds, et organiser son déménagement, il s'est retrouvé en première ligne pour aider un secteur menacé dans son existence même. Il nous faut, je crois, saluer l'engagement des personnels d'un CNM, qui a su en un temps record, se montrer indispensable, probablement au-delà des espérances.
Ainsi, entre mars et avril 2020, alors que l'État n'avait pas encore mobilisé de moyens, le CNM a décidé d'affecter l'ensemble de ses crédits, soit 7,5 millions d'euros, dans un premier fonds, ultérieurement abondé par les professionnels et l'État pour s'établir in fine à 18,4 millions d'euros. Il a été intégralement consommé en septembre au bénéfice de près de 1 000 entreprises, toutes esthétiques confondues.
Alors que le budget pour 2020 du CNM s'établissait à 46 millions d'euros en 2020, il a été presque quadruplé, passant à 173,4 millions d'euros. La tendance se renforce encore en 2021, avec un budget de 200 millions d'euros, soit 25 millions d'euros pour le centre et 175 millions issus du plan de relance.
La répartition exacte de ces crédits doit encore faire l'objet de concertation. Plusieurs fonds et mécanismes ont été créés pour répondre à la situation « d'urgence absolue » du secteur. Les plus significatifs sont :
- le fonds de sauvegarde, qui a pris la suite du fonds de secours au spectacle vivant. Le nouveau fonds de sauvegarde est destiné à soutenir les entreprises du secteur de la musique qui justifient d'une perte d'au moins 30 % du chiffre d'affaires. Il est doté de 50 millions d'euros ;
- le fonds de compensation des pertes de billetterie. Les crédits sont destinés aux diffuseurs (salles de spectacle, festivals..) et aux producteurs. Le fonds permet de compenser le manque à gagner correspondant à l'écart entre le chiffre d'affaires de billetterie réalisé avec la jauge « distanciation » et celui qui aurait été réalisé avec une jauge « point mort » (80 %). Il s'établit à 45 millions d'euros.
Malgré ces moyens considérables mis à disposition du CNM, la question posée par le deuxième confinement reste là encore entière. Il est probable que des moyens supplémentaires seront nécessaires. Cependant, nous pouvons avoir la satisfaction de disposer maintenant d'un instrument dédié et performant pour le secteur.
Avant de conclure, je voudrais dire un mot d'un sujet évoqué en audition avec la ministre, soit les conséquences de l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) « Recorded Artists Actors Performers Ltd » du 8 septembre 2020. Pour le résumer, cet arrêt s'oppose à ce qu'un État membre limite de lui-même, sans que l'Union ne l'y autorise spécifiquement, le droit à rémunération équitable des ayants droit issus de pays tiers qui n'appliquent pas ce droit sur leur territoire. Très concrètement, la perte pour les OGC serait comprise entre 25 et 30 millions d'euros par an, des sommes destinées à l'action culturelle et au soutien à la création. Le secteur de la musique est de loin le plus touché. Si un amendement adopté sur le projet de loi « Daddue » devrait permettre aux OGC de ne pas rembourser 140 millions correspondant aux dernières années, la perte annuelle fragilise incontestablement le secteur. Une négociation européenne est indispensable et urgente sur ce point. J'avais proposé, dans la première partie de la loi de finances, une nouvelle taxe sur certains matériels électroniques, ce qui aurait représenté environ la moitié de la somme, mais le dispositif, trop complexe, n'a pas été adopté.
Sous le bénéfice de ces observations, je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption de crédits du programme « Livre et industries culturelles » pour 2021.
Je partage le constat du rapporteur pour avis. Je déplore cependant la complexité des dispositifs qui mélangent les fonds d'urgence avec le plan de relance. Cela ne facilite pas la lisibilité de l'action publique. Sur les librairies, je rappelle que leurs représentants n'avaient pas souhaité ouvrir, au premier confinement, en dépit de la proposition du ministre de l'économie, car ils ne se sentaient pas prêts. Cela leur a été reproché par certains. Pour le deuxième confinement, alors que les libraires s'estimaient en capacité d'accueillir leurs clients, le Gouvernement n'a pas souhaité l'autoriser. Je l'ai bien entendu regretté.
En ce qui concerne les auteurs, j'ai fait adopter avec ma collègue Sylvie Robert, un amendement en première partie du PLF permettant de tenir compte de ceux qui ne disposent pas de numéro SIRET et n'étaient donc pas éligibles aux aides financières d'urgence. J'attire également l'attention sur les conséquences de l'annulation des salons littéraires pour lesquels, à ma connaissance, aucune aide n'a été actée. Je salue la baisse des tarifs postaux pour les libraires, un combat que je mène depuis des années et qu'il faudra pérenniser au-delà de la crise. Enfin, un dernier mot sur la décision de la CJUE du 8 septembre : il faut éviter que le CNM se retrouve à devoir compenser la perte de 25 à 30 millions d'euros liée à la disparition des aides à la création versées aujourd'hui aux artistes par les organismes de gestion collective.
Je suis sur la même ligne que Laure Darcos sur l'importance des manifestations, dont l'absence fragilise toute la filière. Les manifestations ont une dimension territoriale qui est trop souvent sous-estimée. Par ailleurs, il serait intéressant de savoir dans quelle mesure les collectivités ont apporté leur aide aux libraires. Sur la question du CNM, je me réjouis qu'il puisse servir d'outil de soutien au secteur et je salue à cette occasion l'ancien ministre Franck Riester. Je suis cependant inquiète de l'absence de soutien sur les musiques du patrimoine qui ne sont traitées ni par le CNM ni par la direction générale de la création artistique (DGCA).
Je rejoins les propos précédents sur l'importance des librairies. Le sujet des bibliothèques doit être évoqué dans le cadre de ce rapport. La dotation générale de décentralisation (DGD) a été abondée de 88 millions d'euros suite à mon rapport de 2015 sur l'élargissement des horaires d'ouverture. Cela ne constitue cependant qu'une expérimentation et il nous faudra être très attentif à sa pérennisation, compte tenu du succès rencontré.
Je suis très sensible aux propos de Laure Darcos et Catherine Morin-Desailly sur les manifestations événementielles qui ont besoin de visibilité pour se préparer au mieux. Enfin, le CNM doit veiller à élaborer des critères clairs et transparents dans la répartition de ces aides et il nous appartiendra d'éviter qu'il ne se retrouve, à moyens constants, à devoir compenser les effets de l'arrêt de la CJUE.
Je voudrais formuler 5 remarques. La première concerne les aides aux libraires qui ne sont délivrées qu'au prix d'une lourdeur administrative qui en décourage beaucoup. Deuxièmement il est primordial de préserver au maximum les manifestations locales. À titre d'exemple, la foire du livre de Brive rayonne sur l'ensemble de la Corrèze et présente un caractère structurant pour le département. Troisièmement les bibliothèques universitaires ont été fortement touchées par la pandémie et les étudiants ont eu de grandes difficultés à y accéder. Quatrièmement, je suis en plein accord avec le rapporteur pour avis sur l'importance de préserver les collections du XIXe et XXe siècles, notamment les archives de presse qui menacent de disparaître. Cinquièmement, la bibliothèque numérique Gallica gérée par la BnF est un acteur essentiel de la diffusion de notre culture et il me semblerait pertinent qu'elle soit traduite en langues étrangères. Par exemple, les débats autour de la loi de 1905 pourraient être rendus accessibles au public arabophone.
Je suis très préoccupé par les conséquences de l'arrêt de la CJUE. Il ne s'agit pas que d'un problème technique, les critères de répartition des irrépartissables étant extrêmement clairs et détaillés, mais surtout d'une question politique. Cette décision intervient en effet dans un contexte de crise pour le secteur et a pour origine un conflit entre deux organismes de gestion collective irlandais. Une pratique vertueuse très utile pour soutenir la création se trouve donc compromise. Je sais la ministre très attentive à cette question qui ne peut être traitée qu'au niveau européen. Hélas cela prendra très longtemps avant que les instances européennes ne tranchent sur ce sujet. Enfin, je suis très satisfait de constater que le CNM remplit pleinement son rôle et il me semble qu'il sera utile d'inviter son président à venir s'exprimer devant nous prochainement.
Je partage les propos de Laure Darcos sur la difficulté de compréhension des différents supports budgétaires. Il faudra mieux distinguer ce qui relève du soutien et de la relance. Le retour dans les librairies nécessitera sans doute un protocole sanitaire précis car l'usage dans ces commerces est de feuilleter les ouvrages. Sur l'amendement adopté à l'initiative de Laure Darcos et Sylvie Robert, je souhaite bien évidemment qu'il puisse être promulgué dans le cadre de la loi de finances. J'approuve également les propos de la présidente Catherine Morin-Desailly sur l'importance des collectivités territoriales, un travail approfondi serait nécessaire pour en faire le bilan. Je suis également sensible aux propos de Sylvie Robert sur « l'expérimentation bibliothèques » et je m'engage à suivre ce dossier de près. De la même manière, il est évident que les grandes manifestations doivent avoir la meilleure visibilité possible. Le CNM, pour sa part, ne doit en aucun cas se trouver en position de devoir compenser les conséquences de l'arrêt de la CJUE. Je confirme les propos de Pierre Ouzoulias sur la complexité pour les libraires à accéder aux aides et je le remercie de son soutien pour la conservation et la numérisation des collections des XIXe et XXe siècles, de même que je partage sa proposition de traduire des documents présents sur Gallica pour les rendre accessibles au-delà de notre pays. Enfin, je suis aussi préoccupé que Jean-Raymond Hugonet par le manque à gagner lié à l'éventuelle disparition des irrépartissables et je souhaite vivement qu'une solution européenne puisse être rapidement apportée.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 334 « Livre et industries culturelles » de la mission « Médias, livre et industries culturelles » du projet de loi de finances pour 2021.
La réunion est close à 12 h 35.