Intervention de Laurent Duplomb

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 17 novembre 2020 à 15h40
Projet de loi de finances pour 2021 — Mission « agriculture alimentation forêt et affaires rurales » et compte d'affectation spéciale « développement agricole et rural » - examen du rapport spécial

Photo de Laurent DuplombLaurent Duplomb, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques :

Ce budget m'a véritablement questionné. D'habitude, je n'hésite pas à exprimer un avis négatif, mais, cette fois, je suis partagé.

Je relève plusieurs éléments positifs par rapport aux années précédentes. Le premier, c'est la pérennisation pour deux ans - le Sénat l'a pérennisé au-delà des deux ans - du dispositif TO-DE, que nous avons sauvé, il y a deux ans, au Sénat.

Je me félicite également des efforts déployés par l'agence de services et de paiement afin de retrouver une capacité à aider les agriculteurs en temps et en heure ; aujourd'hui, cette agence n'accuse pas de retard. S'agissant des apurements, ils sont nettement inférieurs à ce que nous avons connu dans les budgets précédents.

Autre élément positif : l'exonération sur le gazole non routier (GNR) qui, de surcroît, entraînera une simplification administrative.

Par ailleurs, je retiens le maintien - pour une fois ! - des budgets des chambres d'agriculture.

Enfin, le cinquième et dernier élément positif - reste à savoir s'il survivra aux annonces - concerne le plan de relance agricole, avec un budget de l'ordre de 1,2 milliard d'euros, soit 1 milliard d'euros pour l'agriculture et 200 millions d'euros pour la forêt. Dans le budget dédié à l'agriculture, 465 millions d'euros sont prévus pour soutenir trois efforts que j'avais appelés de mes voeux : l'aide à l'investissement concernant l'agroéquipement, qui permettra à mon sens de répondre à la diminution des produits phytosanitaires ; le bien-être animal, plus particulièrement dans les abattoirs ; et, enfin, les risques climatiques, car nous ne pouvons pas continuer de constater l'augmentation de ces risques sans jamais y apporter de réponses.

Dans ce budget ressortent également des éléments négatifs qui sont loin d'être anodins. Les points nous ayant fait basculer du côté du rejet des crédits de la mission sont de trois ordres - je salue à cet égard le travail réalisé par les rapporteurs spéciaux.

Le premier, c'est la diminution - ou la spoliation - de 10 millions d'euros du CAS-DAR dans le budget de l'État, alors que jamais, dans notre pays, les injonctions sociétales n'ont été aussi fortes pour favoriser la recherche et trouver des solutions palliatives, soit à la diminution des produits phytosanitaires, soit à leur interdiction. Pour rappel, le CAS-DAR a trois grandes vertus : il s'agit d'un financement purement agricole, payé dans sa totalité par les agriculteurs ; son principe est mutualiste, c'est-à-dire que les filières les plus riches cotisent pour que les filières les plus pauvres puissent en bénéficier ; enfin, il est financé à 80 % par les subventions européennes, d'où un effet de levier non négligeable.

Le deuxième élément a trait au manque de réalisme du ministre de l'agriculture - ou du moins, de son prédécesseur - et, surtout, la différence entre les promesses et les actes. Didier Guillaume avait beaucoup promis, il a peu fait. Sur les aides liées à la pandémie, j'ai des exemples précis en tête, sans parti pris politique, qui s'appuient sur des faits objectifs.

Je pense, notamment, à la situation de l'horticulture. Le ministre avait promis 25 millions d'euros ; pas un centime n'a été versé à ce jour. De son côté, notre premier concurrent - les Pays-Bas - avait promis 600 millions d'euros pour l'horticulture, et 150 millions d'euros ont été versés à leurs entreprises. Naturellement, je vous laisse supposer les résultats à la fin de l'année et l'écart de compétitivité qui risque de se créer pour les années futures.

Autre exemple : la pomme de terre. En France, 450 millions de tonnes de pommes de terre ont été jetés ou méthanisés lors du premier confinement. L'aide promise s'établissait à 50 euros la tonne, soit 20 millions d'euros ; elle s'est traduite ensuite par une promesse du ministre s'élevant à 10 millions d'euros qui, dans la réalité, sont devenus 4 millions d'euros.

On ne peut pas accepter de voter un budget quand on sait que les promesses ne sont pas tenues.

Dernier élément décisif dans ma réflexion, le nouveau ministre a annoncé dernièrement, dans la loi sur les néonicotinoïdes ou à l'occasion de certaines interventions, qu'il était prêt à financer à hauteur de 7 millions d'euros la transition concernant le glyphosate. Pour la même somme, il s'engageait également à financer la transition et la recherche concernant les betteraves. Pour rappel, nous avons voté une loi dérogatoire pour la réintroduction des néonicotinoïdes jusqu'en 2023. Ces 14 millions d'euros, nous avons beau les chercher dans le budget, nous ne les trouvons pas. Là encore, les actes ne suivent pas les promesses.

Je me rallierai donc à la position des deux rapporteurs de la commission des finances pour rejeter les budgets de la mission et du CAS-DAR.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion