Monsieur le président, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, comme vient de le préciser le président, je vous présenterai pour ma part le programme 159 « Expertise, information géographique et météorologie », ainsi que le budget annexe « Contrôle et exploitation aériens ».
Le programme 159 regroupe, depuis 2017, les subventions pour charges de service public du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema), de l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN) et de Météo-France.
Si les trois opérateurs du programme se sont vu signifier, par le Gouvernement, des trajectoires financières très exigeantes d'ici à 2022, elles ont le mérite de rompre avec le manque de visibilité pluriannuelle dont ils souffraient jusqu'ici. Elles sont cependant difficiles à tenir.
Concernant Météo-France, qui joue un rôle essentiel pour la sécurité des personnes et des biens face à la multiplication des événements climatiques extrêmes, comme nous l'avons encore vu récemment avec les inondations de la vallée de la Roya, la subvention pour charges de service public portée par le programme 159 va diminuer, en 2021, pour s'établir à 185,1 millions d'euros. Dans le même temps, ses effectifs baisseront de 95 ETPT, un mouvement qui se poursuivra l'année prochaine.
Le réseau territorial évolue fortement dans le cadre du programme Action publique 2022. Ses effectifs vont diminuer de 40 %, de nombreuses activités étant regroupées dans la Métropole de Toulouse. Cette centralisation est rendue possible par les évolutions scientifiques et technologiques, qui permettent désormais de conduire un certain nombre de tâches météorologiques à distance. Une centralisation diversement vécue dans les territoires.
Pour rester un opérateur météorologique de rang mondial, Météo-France se procure actuellement un nouveau supercalculateur qui permettra de multiplier par 5,45 sa capacité de calcul. Un investissement important, qu'il conviendra de renouveler régulièrement. Ce nouveau matériel nécessite un investissement total de 144 millions d'euros sur la période 2019-2025. L'État versera, à ce titre, 8,3 millions d'euros de subvention à l'opérateur en 2021.
Si l'IGN voit sa subvention pour charges de service public augmenter légèrement en 2021, passant à 89,2 millions d'euros, ses effectifs seront en baisse, avec une suppression de 36 ETPT. Alors que son modèle économique est sévèrement fragilisé par l'avènement de l'open data, l'objectif de cet établissement, dans le cadre du programme Action publique 2022, est de devenir l'opérateur interministériel unique en matière de données géographiques souveraines.
Le Cerema, pour sa part, cherche à se réinventer dans un contexte où ses moyens diminuent fortement depuis sa création en 2014 et diminueront encore jusqu'en 2022, au rythme d'une réduction annuelle de 5 millions d'euros de sa subvention pour charges de service public - qui atteindra 195,1 millions d'euros en 2021 - et de 87 ETPT, le plafond d'emplois de l'opérateur sera de 2 507 ETPT en 2021.
Le principal enjeu pour cet opérateur consiste à mettre en oeuvre une collaboration beaucoup plus étroite avec les collectivités territoriales, ainsi qu'avec l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) en cours de création. Le projet stratégique que porte son directeur général devrait lui permettre d'y parvenir, si nous veillons à lui laisser les marges de manoeuvre financières dont il aura besoin en 2022 pour ne pas être confronté à de sévères difficultés.
J'en viens à présent au budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » (Bacea), qui porte les 2,3 milliards d'euros de crédits de la direction générale de l'aviation civile (DGAC). Il est exclusivement financé par le secteur du transport aérien. En conséquence, l'effondrement du trafic aérien provoqué, à partir de mars 2020, par la pandémie de la covid-19, a bouleversé son équilibre financier.
La crise sanitaire a en effet entraîné une quasi mise à l'arrêt du trafic aérien en Europe au printemps 2020. En dépit d'une légère reprise pendant l'été, la situation s'est rapidement dégradée à l'automne, avant de redevenir catastrophique avec l'instauration de nouveaux confinements, en fin d'année. Au total, la DGAC anticipait un recul du trafic de 65 % par rapport à 2019, mais les chiffres finaux devraient être encore plus négatifs ; au mois de novembre, les estimations évoquent 15 % de trafic. Le retour du trafic à son niveau d'avant-crise est désormais attendu pour 2024, au mieux, certaines hypothèses évoquant même la date de 2029. Les variables étant l'évolution de la pandémie et la création d'un vaccin.
La mise en place de tests a commencé. Mais ils doivent être validés par les pays de départ et d'arrivée, et permettre l'entrée sur les territoires - cela existe déjà avec les États-Unis. Une possibilité que les aéroports ont tenté de promouvoir avec les compagnies, dont la mise en place suppose des corridors sanitaires. Ces tentatives doivent être soutenues, même si elles n'auront que très peu d'impact sur le trafic.
Les compagnies aériennes françaises, déjà fragiles avant la crise, pourraient enregistrer 4 milliards d'euros de pertes en 2020. Après avoir apporté une aide massive à Air France-KLM de 7 milliards d'euros au printemps, l'État va probablement devoir intervenir d'ici à la fin de l'année, l'hypothèse d'une recapitalisation étant désormais largement évoquée pour sauver la compagnie nationale. Ce chiffre de 7 milliards d'euros se décompose comme suit : un prêt bancaire garanti par l'État, à hauteur de 90 %, pour 4 milliards d'euros et un prêt d'actionnaires réalisé par l'État, pour 3 milliards d'euros. La presse d'hier, notamment Le Monde, a diffusé d'autres informations, qui ne sont pas toujours communiquées spontanément.
Dans cette conjoncture exceptionnellement difficile, les recettes de la DGAC devraient s'effondrer de 80 %, en 2020. Pour construire son budget 2021, la direction s'est fondée sur un trafic inférieur de moins 30 % à celui de 2019, mais cette prévision paraît déjà caduque, et les 1 509,7 millions d'euros espérés hors de portée. Les recettes des diverses taxes perçues par la DGAC pour le compte de tiers - taxe de solidarité, taxe d'aéroport, taxe sur les nuisances sonores aériennes - ont également drastiquement diminué.
Si nous analysons le rebond du trafic en Asie, nous pouvons avoir quelques lueurs d'espoir, même si les prévisions restent aléatoires. Bien malin, celui qui peut parier sur l'ampleur du rebond attendu en matière de recettes. La prudence s'impose donc.
Les performances de la direction des services de la navigation aérienne (DSNA), encadrées par le droit européen dans le cadre du plan de performance RP2, restent insuffisantes, alors que va débuter, dans un contexte profondément altéré par la pandémie de la covid-19, la nouvelle période RP3.
Si le taux de la redevance de route est compétitif, les retards dus au contrôle aérien demeuraient trop élevés en 2019, en raison de l'obsolescence des équipements et de l'inadéquation de l'organisation du travail des contrôleurs aériens aux nouvelles caractéristiques du trafic. Cette année, bien évidemment, le retard sera considérablement réduit.
Pour mobiliser les équipes de la DSNA autour d'un projet ambitieux, il pourrait être utile de prévoir la conclusion d'une forme de contrat, analogue aux contrats d'objectifs et de performance (COP) des établissements publics, qui viendrait formaliser des objectifs précis et chiffrés pour que la direction soit à même de pleinement accompagner le trafic le jour où il repartira.
Comme en 2020, le schéma d'emplois 2021 de la DGAC ne prévoit aucune suppression d'emploi, ce qui est logique, sachant que le nombre de contrôleurs est insuffisant et qu'il faut cinq ans pour les former. Sa masse salariale diminuera légèrement de 6,2 millions d'euros, pour atteindre 932,6 millions d'euros. Compte tenu du contexte économique, les négociations du protocole 2020-2024 ont été suspendues, si bien que 1,6 million d'euros est prévu au titre des mesures catégorielles.
Pour accélérer la réalisation de ses grands programmes de modernisation des outils de la navigation aérienne, dont elle a profondément revu la gouvernance cette année, suite à la publication de mon rapport, la DGAC augmentera de nouveau, en 2020, son effort d'investissement pour le porter à 317 millions d'euros. Sur cette somme, 140,6 millions d'euros sont consacrés aux grands programmes de modernisation précédemment cités, dont le coût total, régulièrement revu à la hausse, représente 2 140,9 millions d'euros. L'échéance est comme l'horizon, toujours plus lointaine.
Faire enfin aboutir ces programmes doit constituer une priorité pour la DSNA, car, avant la crise, elle manquait chaque année un peu plus de capacités pour faire passer le trafic.
Compte tenu de l'effondrement de ses recettes, l'endettement de la DGAC serait susceptible de progresser de 1,4 milliard d'euros en 2020, pour atteindre l'encours sans précédent de 2,1 milliards d'euros, contre un maximum historique de 1,3 milliard d'euros atteint en 2014.
À ce stade, la DGAC estime qu'elle devra emprunter 761 millions d'euros supplémentaires en 2021, et 463 millions d'euros en 2022. Sur la base de ces hypothèses, le niveau de dette pourrait atteindre un pic à 2,8 milliards d'euros, au 31 décembre 2022.
Si je ne peux que saluer la volonté de la DGAC de désendetter le plus rapidement possible le Bacea, je suis très sceptique quant à sa réalisation effective, tant la soutenabilité de ce budget me paraît désormais menacée.
Ses recettes étant entièrement indexées sur le trafic aérien, la crise sans précédent de ce secteur - mais aussi l'instauration du travail à distance -, susceptible de se poursuivre pendant de longues années, pourraient durablement bouleverser le modèle économique sur lequel était fondé le financement de la DGAC. Par ailleurs, le bashing de la France sur le secteur aérien risque de lui coûter cher. Et lorsqu'un État ne soutient plus une industrie, celle-ci part s'installer à l'étranger.
C'est la raison pour laquelle il m'apparaît indispensable de réfléchir dès à présent aux solutions qui pourraient être envisagées pour éviter que ne s'installe une situation problématique qui verrait un budget annexe porter une dette toujours plus importante, qu'il deviendrait incapable de rembourser grâce aux recettes d'un secteur du transport aérien trop durablement affaibli.
En dépit de ces inquiétudes pour l'avenir, et de la quasi-certitude qu'il faudra autoriser à nouveau le Bacea à souscrire des emprunts complémentaires en 2021, à l'occasion de collectifs budgétaires, je souhaite que la commission propose au Sénat d'adopter les crédits du budget annexe.
Les opérateurs du programme 159 font l'objet de baisses de leurs subventions pour charges de service public et d'effectifs exigeantes, mais j'ai le sentiment que les stratégies mises en place par leurs directions respectives sont robustes.
Je suis donc favorable à l'adoption des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».
Je conclurai en évoquant l'article 54 septies rattaché au budget annexe « Contrôle et exploitation aériens », qu'il me revient de vous présenter et que je vous propose d'adopter.
D'abord, j'insisterai sur l'importance qu'il y a soutenir les aéroports, qui vont avoir besoin de mesures financières complémentaires.
Ensuite, cet article prévoit que le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la baisse des recettes de la taxe sur les nuisances sonores aériennes (TNSA) induite par la crise liée à l'épidémie, ainsi que sur ses conséquences sur le financement des aides à l'insonorisation des bâtiments situés à proximité de chaque aéroport concerné.
Les recettes de cette taxe sont en effet très affectées par la crise sanitaire provoquée par la covid-19, puisqu'elles sont estimées, en 2020, à moins de 20 millions d'euros seulement, contre 54,3 millions d'euros initialement prévus - soit une baisse de 65 % - , à 37,6 millions d'euros en 2021, contre 54,6 millions d'euros initialement prévus - soit une baisse de 31 %.
Sur la seule période 2020-2021, la perte de financement pour le dispositif d'aide à l'insonorisation des riverains est ainsi estimée à l'équivalent d'une année de recettes de la TNSA. En conséquence, 35 millions d'euros devraient faire défaut pour mener à bien la politique d'insonorisation prévue pour l'année 2020 et 17 millions d'euros devraient manquer en 2021.
Le rapport prévu par l'article 54 septies, qui sera remis quatre mois après la promulgation du présent projet de loi de finances pour 2021, doit permettre de faire le point sur les difficultés engendrées par cette baisse sans précédent des recettes de la TNSA sur l'insonorisation des logements des riverains des aéroports et proposer des solutions directement opérationnelles.
Ce n'est pas la mesure idéale, mais ne pouvant nier qu'il existe bien un sujet, l'Assemblée nationale a trouvé cette formule afin de le maintenir en discussion. Nous devrons ensuite nous interroger sur les suites que nous pourrons proposer demain.