Nous commençons par l'examen du rapport de Jean-François Husson sur les missions « Plan de relance », ainsi que les articles 56 à 56 octies rattachés, et « Plan d'urgence face à la crise sanitaire ».
Mon propos concernera toutefois exclusivement le plan de relance, dans la mesure où nous avons déjà abondamment parlé des mesures d'urgence, comme le chômage partiel ou le fonds de solidarité. De plus, la mission « Plan d'urgence face à la crise sanitaire » ne comporte pour le moment aucun crédit : c'est une coquille vide qui récupèrera les crédits reportés de 2020 sur les différents dispositifs d'urgence. Il n'est pas non plus exclu que ces derniers soient encore « rechargés » en fonction de l'évolution de l'épidémie et de ses conséquences sur l'économie.
La mission « Plan de relance » ne respecte guère le principe de spécialité des crédits et aurait pu être qualifiée de « générale », tant elle abonde des politiques relevant traditionnellement des autres missions du budget général. En outre, elle est structurée en trois programmes tellement vastes que, par application du principe de fongibilité, l'autorisation parlementaire laissera en fait une grande liberté d'action aux gestionnaires de programme.
Je n'énumérerai pas ici tous les dispositifs, que beaucoup d'entre vous ont évoqués dans les rapports spéciaux, mais je rappellerai plutôt comment ces crédits se placent dans l'ensemble du plan de relance.
La mission « Plan de relance » représente 36,4 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 22 milliards d'euros en crédits de paiement (CP), répartis entre trois programmes : le programme 362 « Écologie » avec 18,4 milliards d'euros en AE, mais seulement 6,6 milliards d'euros en CP ; le programme 363 « Compétitivité », avec 6 milliards d'euros en AE et 4 milliards d'euros en CP ; et le programme 364 « Cohésion », avec 12 milliards d'euros en AE et 11,4 milliards en CP dès 2021. Il faut y ajouter le coût des impôts de production, qui s'élève à 20 milliards d'euros sur deux ans, mais aussi les crédits déjà engagés en 2020, à hauteur de 15 milliards d'euros. Sans oublier les crédits engagés sur d'autres missions budgétaires, qui correspondent à 13 milliards d'euros, ainsi que les crédits mis en oeuvre par les administrations de sécurité sociale, à hauteur de 9 milliards d'euros, mais aussi par Bpifrance ou la Banque des territoires, pour 5 milliards d'euros.
Je répondrai à trois questions : est-ce vraiment un plan de relance ? Quels sont les objectifs ? Comment sera-t-il mis en oeuvre ?
Lorsqu'on l'observe dans le détail, force est de constater que le plan de relance est d'abord un vaste catalogue de mesures variées. Même si certaines présentent une véritable dimension de relance de l'économie, dans la mesure où elles auront un effet d'impulsion sur des filières, elles n'atteignent pas, à elles seules, le chiffre symbolique de 100 milliards d'euros.
Au fond, un grand nombre de dépenses inscrites dans cette mission auraient pu, voire auraient dû être portées par les programmes budgétaires traditionnels des ministères, qui seront d'ailleurs chargés de leur mise en oeuvre opérationnelle. Ce plan de relance constitue donc avant tout une sorte de « plan de rattrapage » pour des actions que les ministères auraient dû déjà conduire, et qui trouvent ici un véhicule budgétaire bienvenu. Certaines de ces dépenses portent sur le fonctionnement, sur des achats courants, voire sur la contribution à une organisation internationale : leur impact en termes de relance de l'économie est pour le moins douteux. Le Gouvernement a ainsi fait le choix d'inclure dans cette mission de nombreux dispositifs qui auraient dû relever des missions budgétaires traditionnelles, et ce au détriment de la lisibilité de l'action publique, manifestement dans l'objectif d'atteindre le montant de 100 milliards d'euros.
Quel est l'objectif du plan de relance ? Un catalogue de mesures aussi variées, voire hétéroclites, peut difficilement avoir un objet clair. Les objectifs et indicateurs issus du projet annuel de performance (PAP) couvrent un nombre limité de dispositifs. L'objectif de relance de l'économie est donc limité par un trop grand nombre de mesures qui, on l'a vu, sont en fait d'une autre nature.
En réalité, un seul objectif ressort clairement du plan de relance, constamment invoqué par le Gouvernement : la volonté de consommer les crédits rapidement, qui est intimée aux responsables de programmes, c'est-à-dire aux préfets et aux porteurs de projets - en d'autres termes, l'État dans toute sa puissance. Le Gouvernement a construit trois programmes budgétaires de très grande taille, pour pouvoir faciliter les réallocations d'enveloppes budgétaires à mi-parcours - au moins en théorie, car l'exécution pourrait s'en trouver plus complexe.
Or le Gouvernement confond la rapidité de consommation du budget et l'efficacité de mise en oeuvre concrète des projets. Pour être vraiment dans les temps de la relance, il aurait fallu agir plus tôt, comme le Sénat l'avait préconisé l'été dernier par la voix d'Albéric de Montgolfier. En imposant aujourd'hui une consommation des crédits comme unique critère d'efficacité, on risque de favoriser des projets faciles à mettre en place, au détriment de projets plus structurants et plus durables.
Comment ce plan sera-t-il mis en oeuvre ? C'est sans doute le point essentiel.
Le Gouvernement multiplie en ce moment des appels à projets ou à manifestation d'intérêt, qui permettent de présélectionner des projets. Une telle stratégie porte le risque d'être soit trop longue jusqu'à la passation effective des marchés et la création d'activité dans les territoires, soit trop courte par des procédures confondant vitesse et précipitation. Les ministères devront d'abord s'entendre sur le mode de gestion des crédits, par transfert ou par délégation entre le ministère de l'économie et les autres ministères.
Surtout - et c'est pour moi le principal point aveugle du processus -, quelle sera la territorialisation du plan de relance ?
Le Gouvernement en parle beaucoup, mais il faut voir comment il l'explique à son administration dans sa circulaire du 23 octobre. En effet, une organisation très verticalisée du plan se dessine. Les dispositifs les plus importants sont élaborés de manière uniforme au niveau national, à l'image de la baisse des impôts de production, des aides à la rénovation énergétique des logements privés, ou encore des grands appels d'offres nationaux. Ils sont mis en oeuvre par l'État ou par des opérateurs qui rendent des comptes à l'administration centrale. Les autres dispositifs ne seront pas territorialisés, comme le dit le Gouvernement, mais déconcentrés. C'est le préfet de région qui attribuera les enveloppes en fonction des critères fixés au niveau national. Certes, il s'appuiera sur le président du conseil régional ou sur les préfets de département, mais les collectivités territoriales seront surtout sollicitées pour cofinancer les projets. Si l'objectif est, selon la circulaire, d'accroître l'effet de levier des crédits de l'État, il s'agit en réalité plutôt de forcer la main.
Je regrette cette occasion manquée, alors que les régions, en particulier, ont aujourd'hui la compétence économique, l'expérience nécessaire et les capacités pour définir et mettre en oeuvre des politiques de relance, qui pourraient se placer dans le cadre des objectifs nationaux du plan. Mais cette vision verticalisée aura au moins une vertu : par la multiplication des comités de suivi, elle assurera certainement - comme cela a été le cas avec le comité de suivi du plan d'urgence - une information efficace sur les données quantitatives et budgétaires de l'exécution des principales mesures. Mais en oubliant d'associer les territoires, on rate une perception plus qualitative de ce qui fonctionne et des initiatives que l'on pourrait favoriser, et ce parfois au détriment de l'efficacité de la dépense publique.
En outre, nous devrons être capables de déterminer dans quelques années si ce plan de relance a réussi ou échoué, et d'en tirer des enseignements pour l'avenir. En effet, tout cela n'est pas écrit dans les taux de consommation des crédits. C'est pourquoi je vous proposerai, par un amendement, de compléter le comité de suivi déjà prévu par un dispositif d'évaluation. Celui-ci ne sera conclusif que s'il est d'ores et déjà défini.
Je vous propose également trois amendements de crédits, qui constituent, selon moi, des dispositifs manquants dans le plan de relance. Tout d'abord, il faut renforcer les politiques de l'emploi, alors que de nombreux travailleurs jeunes ou peu qualifiés pourraient se retrouver en situation difficile. Ainsi, en m'inspirant de ce que la commission des finances avait déjà préconisé l'été dernier, mon amendement visera à proposer une prime à l'embauche sur six mois. Selon des paramètres différents, elle prendrait le relai de celle du Gouvernement, laquelle n'a probablement pas rencontré le succès escompté face au retour de l'épidémie. Ensuite, le Gouvernement doit faire évoluer le fonds de solidarité, tant dans sa mécanique même que dans ses modalités d'attribution. En effet, des travailleurs indépendants et des petites entreprises, même si elles ne sont pas fermées, rencontrent une telle baisse de chiffre d'affaires qu'ils ne parviennent pas à couvrir leurs charges fixes ou qu'ils n'y parviennent plus. Les aides dont ils bénéficient sont trop faibles. Il faut tenir compte des loyers versés et des coûts fixes qui s'imposent à eux pour déterminer le montant de l'aide qui leur est apportée. J'en ai déjà parlé lors de l'examen du quatrième projet de loi de finances rectificative (PLFR4). Enfin, parallèlement à l'étalement sur cinq ans du malus auto que je propose à l'article 14 du PLF, je préconise d'augmenter le budget de la prime à la conversion, afin d'accompagner les ménages dans la transition écologique et le renouvellement du parc automobile. Il faut qu'il y ait davantage de primes versées, selon des critères aussi larges que ceux du printemps dernier.
Je vous propose enfin deux aménagements à l'article 56 sexies, à propos des contreparties, introduites par l'Assemblée nationale, qui seraient exigées à toutes les entreprises bénéficiaires de ces aides. Il s'agit notamment de réserver ces exigences aux entreprises de plus de 250 salariés. Les PME rencontrent des difficultés supplémentaires avec la crise, et sont souvent moins bien armées pour y répondre.
Compte tenu de ces éléments et des amendements que je vous propose, je préconise donc l'adoption des crédits des deux missions et des articles rattachés.
Il semble qu'on mette un peu la charrue avant les boeufs. Sur les 100 milliards d'euros annoncés par le plan, 40 milliards sont issus du cadre financier pluriannuel européen (CFP), qui est déjà en discussion depuis plus de deux ans. Cette semaine justement, la Hongrie et la Pologne ont émis un veto assez ferme sur ces crédits. Quelles seraient les conséquences du non-aboutissement du CFP sur le plan de relance ?
Je partage l'analyse du rapporteur concernant l'effet d'affichage de ces 100 milliards, bien que sa proposition d'approuver les crédits de la mission, que je ne partage pas, entre en contradiction avec son argumentation. Le processus de rattrapage des dépenses des ministères est assez flagrant. J'aurais toutefois souhaité un chiffrage de ce dernier. Les ministères bénéficieront d'une augmentation de 10,3 milliards d'euros de leurs crédits en 2021. À combien de milliards supplémentaires s'élèverait cette augmentation des moyens des ministères centraux en y ajoutant le plan de relance ?
Les dépenses au titre du programme « Cohésion » seront les plus consommées en 2021, puisqu'elles participent au soutien à l'emploi, aux jeunes, aux handicapés, etc. Toutefois, cette partie cohésion n'aurait-elle pas dû s'insérer dans une autre mission, plutôt que dans les mesures de relance proprement dites ?
Instaurer une prime à l'embauche sur six mois, pourquoi pas. Mais comment la financer ? Que supprime-t-on en retour ? Je préfère une dépense de substitution à une dépense supplémentaire.
Eh oui, elle semble être rangée au service des antiquités. Les différents PLFR tendent à effacer l'aspect purement démocratique, le rôle essentiel du Parlement qu'est le vote de l'impôt et le contrôle du budget. Aujourd'hui, le Parlement est mis dans une situation qui ne lui permet plus d'exercer un véritable pouvoir de contrôle sur l'évolution budgétaire. Quatre PLFR, auxquels s'ajoute une mission de relance qui intervient au même moment que le vote du budget, le tout en quelques mois, cela n'a pas beaucoup de sens.
En réalité, cette mission ne se limite pas à la relance, ou à quelques fondements forts qui auraient pu être pertinents. Il s'agit plutôt d'un éparpillement considérable des finances publiques sur tous les secteurs. Lorsqu'on accorde 70 millions d'euros à France Télévisions, que relance-t-on ? « Halte au feu » ! Nous perdons le contrôle démocratique, et on nous répond : « ne vous inquiétez pas, tout est dans le plan de relance ! » Beaucoup de crédits de la mission sont accordés, au titre du fonctionnement, à des activités normales n'ayant rien à voir avec la relance économique. Il s'agit d'une confusion totale des genres, avec une absence quasiment programmée du Parlement et des sommes considérables qui n'apparaîtront pas dans les bleus budgétaires de chacun des missions. Il n'y a pas là d'appels à grands projets pour relancer l'activité.
Par discipline et loyauté, je suivrai le rapporteur, mais la crise sanitaire ne doit pas être prétexte à tout.
Hier, à l'occasion du rapport spécial sur la mission relative à l'agriculture, un plan de relance spécifique a été évoqué. Après avoir établi le constat que la « Ferme France » n'était pas assez compétitive, on décide pourtant d'alimenter ce plan. De la même manière, je me demande si le plan de relance ne se résume pas à du saupoudrage. Deux phases se profilent : avant 2022, tous les projets qui dorment dans les tiroirs seront financés, y compris ceux des collectivités, qu'ils soient utiles ou non. Puis, en seconde phase, on ne sait pas où on investira. J'entendais, par exemple, ce matin qu'Ariane n'était plus dans la compétition face à SpaceX, mais rien de tout cela n'est évoqué dans le plan. Il y a un manque de projets d'envergure, et donc un manque de réflexion.
Ce plan a été conçu à l'été, mais la crise et son rebond ont été tellement violents qu'on pourrait se demander s'il est bien urgent de parler de rénovation énergétique, ou de politiques structurelles de moyen terme. Ne serait-ce pas encore le moment de soutenir les entreprises qui s'effondrent ? Ne passe-t-on pas à côté du « tempo » de l'économie réelle ? Avant-hier, une étude publiée par l'Institut des politiques publiques (IPP) mettait en cause ce plan, arguant qu'il bénéficierait surtout aux grandes entreprises et aux industriels, et non pas aux secteurs les plus touchés par la crise. Qu'en pensez-vous ?
Ne perdons pas de temps ! Je ne suis pas dupe du fait que certains ministères profitent de ce plan, comme Roger Karoutchi le souligne. Mais l'essentiel est que l'on puisse relancer un grand nombre de secteurs d'activité. Nous sommes aujourd'hui face à un double enjeu : relancer la consommation, mais aussi mettre en oeuvre cette relance au plus près des territoires. Ce point nécessitera un reporting quotidien. Dans le territoire que je représente, l'Isère, le préfet a réuni dès lundi dernier tous les acteurs économiques. En tant que parlementaires, il relève de notre rôle de suivre avec attention la mise en oeuvre de la mission dans nos départements.
Je rejoins les propos du rapporteur : le plan de relance oublie de s'appuyer sur les territoires. Les régions, qui sont pourtant les acteurs territoriaux du développement économique dans l'architecture institutionnelle actuelle, sont très peu évoquées. De la même manière, l'État programme, et les collectivités payeront ensuite. On peut voir dans ce plan une pâle copie du plan Juncker au niveau communautaire, à la différence que ce dernier avait été suffisamment maturé pour permettre d'injecter des fonds privés, au travers de partenariats public-privé (PPP). En conséquence, l'effet de levier était monté jusqu'à quatorze ou quinze. Je souligne donc, d'une part, l'absence de partenariat avec les régions, et d'autre part, la réflexion nécessaire pour drainer l'épargne des Français, qui s'élève à 100 milliards d'euros, et qui pourrait être mobilisée dans le cadre de PPP. Mais tout cela ne pourra fonctionner qu'avec de la confiance. Or, elle est absente pour le moment. Quid du partenariat public-privé dans le plan de relance ?
L'ampleur de ce plan de relance, qui avoisine 6,5 % du PIB, paraît relativement limitée par rapport aux moyens consacrés dans les pays voisins. En outre, beaucoup de crédits auraient pu être inscrits dans d'autres missions. Cela aurait permis, au mieux, d'atteindre des objectifs fixés précédemment. De plus, il persiste un doute sur la capacité de mise en oeuvre de ce plan dans des délais raisonnables. En 2008, par exemple, les mesures de relance avaient permis à de nombreux projets de voir le jour. Or, lorsqu'on voit que les crédits se projettent sur la création pour 2022 de bateaux à hydrogène sur lesquels les études sont encore limitées, il y a de véritables raisons de douter !
En revanche, dans nos territoires, de nombreuses communes, communautés de communes ou d'agglomération ont des projets finalisés, mais dont la mise en oeuvre est freinée par la faiblesse des crédits éligibles à la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) 2020 et le manque de visibilité sur les crédits DETR 2021. Et ce, pour une raison très administrative : les commissions DETR ne peuvent être réunies, car le Sénat n'a pas nommé ses représentants dans ces commissions, nous disent les préfets. Mais le Sénat attend que le secrétariat général du Gouvernement (SGG) effectue sa demande auprès de sa présidence ! Voyez comme un petit grain de sable administratif peut retarder la mise en oeuvre de projets d'investissements concrets.
Ne craignez-vous pas un phénomène de « stop and go » pour certaines dépenses du plan de relance ? J'entends bien que certaines dépenses relèvent du rattrapage, et, dans ce cas, les crédits viendront juste accélérer les projets. Mais d'autres éléments plus engageants nécessiteront des investissements des entreprises sur le plus long terme. Je pense notamment aux milliards alloués à la rénovation thermique des bâtiments, qui nécessiteront un peu de recherche et développement. Je ne suis pas certaine que les grands groupes mettront en place ces investissements pour une période courte de deux ans, comme le plan le prévoit.
Pourriez-vous m'éclairer sur les différences entre les PLFR1, PLFR2, PLFR3, PLFR4 et le plan de relance ? La seule différence relève peut-être de ces 40 milliards d'euros qui dépendent d'une décision politique communautaire.
Je reste néanmoins enthousiaste sur le principe de rapidité d'exécution, même si je ne partage pas la plupart des mesures évoquées.
Comment ce plan a-t-il été construit avec les acteurs concernés par la relance ? Au-delà du vote de l'impôt et de notre pouvoir de contrôle, nous sommes les élus de la Nation. Nous sommes en droit de demander à l'exécutif comment il a élaboré ces mesures, et avec qui.
Nous aurions besoin d'une loi de finances qui, de manière inédite, aurait porté sur plusieurs années. Face à de tels enjeux, il faut amorcer les choses sur les prochaines décennies, pour répondre aux problèmes sanitaires, économiques, sociaux et démocratiques. C'est une véritable réflexion à avoir.
Je suis inquiet de la teneur de nos débats de ce matin, même si je pense que nous voterons tout de même ces crédits. On peut considérer que ces 100 milliards ne sont pas assez, mais je rappelle que, fin 2021, la dette publique s'élèvera à 2 800 milliards d'euros. La question est : jusqu'où aller, et à partir de quel moment cela aura un impact sur les taux d'intérêt ?
Il est vrai que, en termes de lisibilité, ce plan de relance n'est pas adapté. Je suis également d'accord sur le fait que le Gouvernement y insère des éléments non rattachables directement à la relance. Pour autant, une somme importante est sur la table.
Pour rebondir sur la question de Vincent Capo-Canellas, nous ne sommes pas dans un plan de soutien aux entreprises en difficulté. L'objectif est plutôt de faire en sorte que l'activité rebondisse en 2021 ! La rénovation énergétique renvoie certes à des objectifs fixés depuis longtemps, et que l'on sait difficiles à atteindre. Pour autant, les crédits sont disponibles, nous avons la possibilité de donner un coup de booster : allons-y ! Nous pouvons toujours proposer des amendements pour abonder les crédits, mais encore une fois, jusqu'à quelle limite ? Il n'en reste pas moins qu'un rejet du plan de relance serait difficile à justifier pour le Sénat.
En termes d'efficacité, à quoi va servir le plan ? Est-ce juste un outil de communication ? Un réducteur d'incertitudes ? En outre, il est dramatique de parler de plan de relance dans une période où la plupart des acteurs économiques sont à l'arrêt et n'ont même pas le droit de travailler. Comment, dans ces conditions, pourraient-ils reprendre confiance ? Dans le même temps, cette dépense est financée par moitié par la dette : jusqu'où irons-nous ? Ce plan va-t-il créer de la richesse, des emplois, redistribuer le pouvoir d'achat ? Il ne peut pas y avoir aujourd'hui de choc de confiance dès lors que l'État a une politique de la peur. La question de grands projets identifiés, région par région, aurait plus de sens pour les Français qu'une opération de communication et de saupoudrage. Il faudrait penser à une action décentralisée, sur le terrain.
La principale critique de ce plan ne vient-elle pas du mélange des genres entre court et moyen termes ? Entre ce qui relève de l'investissement et du fonctionnement ? Par exemple, la gendarmerie a obtenu l'achat de 10 hélicoptères - en parallèle des objectifs écologiques -, alors que les douanes n'ont obtenu aucun moyen aérien. On nous parle du plan de relance aéronautique. Les douanes ne font-elles pas partie du plan de relance ?
Le rapporteur spécial ne regrette-t-il pas l'absence de mesures ciblées sur la consommation, comme dans les secteurs de l'événementiel et du tourisme, qui souffrent énormément ? D'autres pays ont mis en place des chèques spécifiques pour soutenir ces secteurs.
Si nous avons des points de vue si convergents, cela démontre que le plan est mal calé. En effet, il s'agirait plutôt d'un plan de rattrapage transformé en plan de communication. On ne sait plus vraiment de quoi on parle. Les éléments se rapportant à la relance de court terme, c'est-à-dire au soutien à la demande, sont insuffisants et présentent des angles morts, notamment en direction des plus pauvres. Les mesures de relance par l'offre sont trop étalées dans le temps et manquent leur cible.
En réalité, le Gouvernement ne fait pas vraiment de choix. Soit il s'agit de revenir à la situation précédente, soit on table sur un temps plus long, mais avec d'autres conditionnalités qui permettent un véritable changement. Par exemple, monsieur le rapporteur, avec la sensibilité écologique qui est la vôtre, vous proposez des contreparties modestes sur la prime à la conversion, notamment sur la taille des entreprises et le modèle de développement pour l'avenir. Nos avis convergent donc vers l'idée d'un véritable manque de choix. Celui-ci est-il dû à un manque de volonté, ou au fait que notre pays aurait tellement perdu en compétences au niveau de l'offre qu'il lui serait impossible de faire autrement ?
Auriez-vous des éléments de comparaison internationale intéressants sur la question, aussi bien en termes de volume que de nature des plans de relance ?
Que Pascal Savoldelli se rassure, grâce au déficit et à la dette publique en 2020 et en 2021, nous sommes pieds et poings liés pour les années à venir ! Avec 66 % du PIB en dépenses publiques, nous sommes dans un pays communiste. Ce n'est pas qu'une blague...
Relancer une économie face à un tel niveau de dépenses publiques exige des dizaines de milliards d'euros ! Notre pays dépense structurellement 55 % de son PIB en dépenses publiques. Or, on ne peut pas faire effet levier avec des petites sommes. Quelle autre mission se voit doter de crédits à hauteur de 36 milliards d'euros ? Et 36 milliards d'euros de politiques publiques qui se retrouvent sans contrôle du Parlement. Je rejoins Roger Karoutchi, c'est se moquer du Parlement et du vote budgétaire, c'est fouler aux pieds la LOLF ! En cas de recours, je ne serais pas étonné que le Conseil constitutionnel s'interrogeât sur le sujet.
Les crédits de rattrapage devraient se répartir entre les différentes missions. Il y a peut-être des mesures d'avenir, mais dans ce cas, pourquoi ne pas utiliser le programme d'investissements d'avenir ? Il reste finalement quelques mesures de soutien conjoncturel qui auraient pu être intégrées dans une mission ad hoc. Au nom du contrôle du Parlement sur le budget, je demande la suppression de cette mission.
Il s'agit du plan de relance de Mr Bricolage. Notre pays est malade, économiquement et socialement. L'une des causes est conjoncturelle, avec la crise de la covid, mais d'autres sont structurelles. Or il aurait été intéressant de se projeter vers l'avenir pour rétablir la compétitivité. On a l'impression d'une parenthèse liée à la crise sanitaire, et que, dès demain, nous repartirons dans la même situation.
Lorsqu'on lit le détail des mesures, il semble très compliqué de se retrouver dans les chiffres. Le plan relance théoriquement le bâtiment et les travaux publics, mais on s'aperçoit sur le terrain des difficultés qu'il y a à trouver des artisans, débordés de travail et souffrant du manque de personnel. Concrètement, comment les entreprises pourraient-elles exécuter les masses de travaux considérables décrites dans le document ? Dans le rapport de Jean-François Husson, la phrase « le plan oublie de s'appuyer sur les territoires » résume malheureusement parfaitement la situation.
Quel est l'avis du rapporteur sur la création de postes de sous-préfets à la relance ? Je respecte l'administration préfectorale, mais cela pourrait servir des intérêts carriéristes. Le terme de « relance administrée » dénote d'une véritable justesse rédactionnelle, puisque l'on se trouve effectivement au coeur de ces problématiques.
Merci pour ce riche débat. On a tendance à l'oublier, mais je voudrais rappeler que nous avons déjà approuvé un premier plan massif l'été dernier, d'un montant de 470 milliards d'euros, un montant qui avait effrayé les Français, et les avait conduit à épargner, pressentant des lendemains difficiles. Dans la réalité budgétaire, le plan n'a finalement été que de 65 milliards d'euros. Nous devons nous montrer raisonnables, et mettre les choses en perspective. Le plan de relance que nous examinons aujourd'hui est de 100 milliards d'euros, et il faut communiquer. Il est certainement préférable de parler de « plan de relance » plutôt que de « plan de rattrapage » ; le politique doit porter un message dynamique.
Certains évoquent un manque de respect de la LOLF, mais je pense que la contourner était clairement l'objectif. L'idée du Gouvernement est bien de ne pas procéder au rattrapage à travers les missions, pour montrer que le budget ne bouge pas et que, pour un an ou deux, on prévoit une somme supplémentaire de 100 milliards d'euros. Ainsi, le référentiel reste celui de 2019 ou du PLF 2020.
Nous sommes face à un ensemble de mesures très variées, parmi lesquelles beaucoup concernent des projets déjà existants, dont il s'agit d'accélérer la mise en oeuvre.
Je l'ai déjà dit : tout est dans tout, et inversement. Nous avons le PLF, le plan d'urgence, le plan de soutien, le plan de relance ; c'est la valse des milliards ! Les parlementaires, les élus et les Français ont la tête qui tourne, dans cette période de crise sanitaire pendant laquelle ils ont été en proie à la peur et la nécessité de s'adapter, tout en observant un affranchissement par rapport aux règles de bonne gestion de l'argent public. On avait l'habitude de se battre pour quelques millions d'euros sur des programmes, et aujourd'hui on affiche des milliards en autorisations d'engagement (AE) ou en crédits de paiement (CP). Il faut faire attention à l'image que nous renvoyons à nos concitoyens, en cette période de deuxième confinement. Beaucoup l'ont dit et je souscris à ces propos, un facteur est aujourd'hui ébranlé : la confiance. Par ailleurs, Claude Raynal vient de le dire : nous déversons des milliards, mais les Français épargnent et, surtout, ils ne dépensent pas.
Jean Bizet, sur la nécessité de définir de nouvelles modalités pour le partenariat public-privé, il me semble qu'il faudrait en fait inventer un nouveau modèle. Nous pourrions ainsi redonner confiance aux Français, et les appeler à mobiliser leur épargne, dont une partie vient de ce que l'État a donné, notamment à travers l'activité partielle. En fait, nous sommes deux fois perdants puisque l'État offre un soutien financier inédit et les Français, parce qu'ils n'ont pas confiance, conservent cet argent et ne le réinjectent pas dans l'économie. C'est une forme de « en même temps », prise dans une spirale dépressive.
Jean-François Rapin, vous l'avez dit, nous mettons la charrue avant les boeufs puisque, sur ces 100 milliards d'euros, 40 milliards sont effectivement des crédits européens espérés. Cela nous permettra de mesurer la solidité véritable de l'Europe. En effet, il n'y aurait rien de pire que de voir l'Europe hésiter au moment où l'on a plus que jamais besoin d'elle, et où elle pourrait donner une image un peu identique à celle qu'elle a donnée, dans des circonstances tout à fait différentes, après la Seconde Guerre mondiale. L'idée du dessein européen pourrait reprendre plus de place dans le coeur des Français et des Européens ; c'est l'une des noblesses de l'engagement de politique que de croire aux idées fortes, qui nous aident à dépasser nos égoïsmes et particularismes.
Je partage avec Vincent Delahaye le constat, sans aboutir à la même conclusion. Nous avons le devoir d'être mobilisés pour trouver des solutions et, dans le concert politique, une assemblée comme la nôtre doit peser pour orienter les moyens proposés. Et, si nous n'avons pas la capacité de réorganiser complètement l'attribution des crédits, nous devons faire entendre la voix d'un Sénat ayant des convictions, et souhaitant orienter le plan de relance pour gagner en efficacité.
Vous l'avez dit, Philippe Dallier, ce plan de relance doit entraîner un rebond. En termes de consommation, d'emploi et de recettes fiscales, le rebond observé à l'issue du premier confinement a été intéressant, meilleur que prévu, ce qui doit nous inciter à l'optimisme. Il ne faut pas encourager les peurs. Mais nous devons faire entendre nos différences en ayant l'objectif supérieur de faire bouger les lignes de l'exécutif. Il s'agit de faire entendre la volonté de nos territoires, car nous ne sommes pas suffisamment entendus. D'ailleurs, certaines mesures balayées par l'exécutif d'un revers de main hier se retrouvent aujourd'hui proposées par le Gouvernement dans le plan de relance.
Sur les dépenses de cohésion, Vincent Delahaye, il y a manifestement un effet de rattrapage. Cependant, nous avons chiffré à 7 milliards d'euros les actions sur la cohésion relevant des ministères.
Roger Karoutchi, je pense que la LOLF est notre prochain chantier, et la Cour des comptes fait aujourd'hui des propositions sur les finances publiques et la manière dont nous devrions assurer leur maîtrise à court terme. C'est l'un des enjeux, quand on considère la dérive du déficit public et de la dette, même si la dette est financée dans des conditions avantageuses.
En effet, Vincent Segouin, la dette, qu'elle soit celle de l'État, d'une entreprise, d'une collectivité ou d'un particulier, répond toujours à une même logique. Par ailleurs, le plan de relance contient effectivement des crédits pour l'aérospatiale, qui sont orientés, peut-être encore trop modestement, vers des applications civiles et militaires. Vous vous inquiétiez aussi d'un trop grand saupoudrage, mais la relance nécessite la mobilisation de crédits temporaires pour muscler tous les secteurs d'activité pouvant être encouragés quand ils ont la faculté d'intervenir vite. C'est ce qui permettra de traverser la crise dans les meilleures conditions, et d'éviter la dépression.
Vincent Capo-Canellas, la volonté de soutenir massivement la rénovation thermique pour accélérer le processus en cours me semble importante. Cela permettra, en même temps que nous améliorons la qualité de vie de nos concitoyens, de répondre aux enjeux écologiques et de réduire le déficit de notre facture énergétique, facture qui représente deux tiers du déficit de la France. Enfin, l'étude de l'IPP sur le plan de relance confirme l'analyse que nous avions faite d'un plan mal calibré.
Didier Rambaud forme des espoirs sur le rôle des territoires. En effet, les territoires ne sont pas associés alors qu'il nous faudrait travailler de façon articulée, dans une démarche collaborative. Je ne comprends pas l'entêtement de l'État à faire descendre de Paris de grandes idées, jusque dans les régions où a lieu un dialogue et puis, au niveau du département, ce sont les comités consultatifs qui entrent en jeu. En tant qu'élu local, je ne souhaite pas être « consulté ». Les collectivités, dans une République décentralisée, devraient avoir la capacité de proposer des projets. Nous aurions alors un dialogue nourri qui permettrait de considérer les projets émanant des départements, des intercommunalités, des métropoles, des régions, et de décider sur cette base. Aujourd'hui, cela ne se passe jamais ainsi. Les élus ne se sentent donc pas représentés, sont désabusés, et quand 500 000 élus rentrent chez eux désabusés, cela n'est pas bon pour le moral des Français.
J'ai répondu à Jean Bizet dans mon propos introductif, et en évoquant la question de la confiance.
Hervé Maurey mentionne aussi la logique d'accélération des projets, et notamment de la DETR. On ne devrait pas se retrouver dans des querelles d'un autre temps, cela n'est pas à la hauteur de notre responsabilité. Pour les crédits DETR, je trouverais normal qu'il y ait, dans un premier temps, une accélération sur des dossiers qui sont prêts et, dans un second temps, l'abondement de projets plus structurants.
Sur les milliards d'euros consacrés à la rénovation thermique, Christine Lavarde, je pense y avoir répondu et je sais que nous partageons les mêmes ambitions. Nous devons être vigilants sur les angles morts, et être vigilants quant à un possible effet « stop and go ». Les entreprises vont effectivement mobiliser de la ressource, former des personnels et acquérir de la compétence, mais si les montants alloués venaient à baisser dans deux ans, il faudrait éviter un effet de ressac. Cependant, il me semble que l'ambition qui est la nôtre permettra aux chantiers engagés de continuer.
Pascal Savoldelli, le plan de relance est effectivement construit par l'administration, qui a lancé bien des appels à projets avant même le dépôt du PLF. La concertation avec les territoires aura lieu après, ce que je regrette. Je vous accorde le mélange des genres, mais ce qui me semble plus important, et sur quoi nous devons mettre l'accent, c'est l'accélération de mesures temporaires dans le cadre de ce plan de relance, dont on doit assurer le succès. Je ne sais pas si nous aurions pu avoir un PLF à la fois visionnaire et structurant, tout en répondant au contexte de la crise. Quelle que soit la formule, l'essentiel reste de pouvoir contribuer à la réflexion et de pouvoir infléchir certains choix.
Philippe Dallier, le sujet des déficits reste entier. Il nous faudra y travailler. C'est le rôle d'une commission des finances, surtout au Sénat, pour que nous ne soyons pas accusés d'une forme de passivité ou d'immobilisme, quand nous avons plutôt tendance à tirer la sonnette d'alarme.
Albéric de Montgolfier, nos préoccupations quant au mélange des genres entre investissement et fonctionnement, court et long terme, sont similaires. Je partage aussi vos questionnements sur les mesures de soutien à la consommation, insuffisamment présentes. En effet, elles devraient viser des populations épargnant peu et capables de mobiliser des moyens rapidement. Il nous faudra sûrement déposer un amendement sur le sujet.
Rémi Féraud a attiré notre attention sur un certain nombre d'angles morts. Sur la relance et l'ambition, j'essaie d'être pragmatique et de faire en sorte de privilégier l'atteinte des objectifs, sans ajouter trop de contraintes. Les orientations, sur le glissement de trois à cinq ans sur la taxe CO2, sur le plan de conversion ou les mesures dites de contrepartie, ont pour objectif de réussir là où c'est possible plutôt que d'imposer des contraintes qui seront mal vécues, rejetées, et participeront à la colère d'un certain nombre des acteurs de notre économie. Avant tout, nous devons redonner confiance et moral.
Sur les principes budgétaires, il est vrai, Jérôme Bascher, que cette mission de relance est un peu étrange parce qu'elle prévoit aussi la fongibilité des crédits qui permettra à Bercy de les déplacer, comme c'est le cas pour les crédits du plan d'urgence. Nous aurons l'occasion de revenir sur ce sujet dans les jours qui viennent.
Christian Bilhac, vous avez évoqué le plan de relance de Mr Bricolage. Je regrette aussi ce déficit d'organisation, d'orientation et de ligne directrice. L'horizon est assez mal dessiné et nous avançons dans un certain brouillard.
Enfin, sur la création des postes de sous-préfets, Marc Laménie, je me demande si le déploiement de fonctionnaires supplémentaires est la solution. Ce n'est pas l'attente des territoires pour gagner en efficacité et les choses auraient dû être décidées autrement. Treize ont été désignés, mais je ne suis pas certain qu'il y en aura dans toutes les régions. Là où ils seront, si leur présence est un échec, il y aura du mécontentement, et les territoires qui n'en accueilleront pas auront le sentiment d'être oubliés. À l'échelle du territoire, c'est une façon de créer plus de mécontentement que de satisfaction.
Nous allons à présent voter sur les amendements de crédits que vous allez nous présenter.
L'amendement II-6 consiste à mettre en place un dispositif temporaire de prime à l'embauche, qui serait bonifié pour tout recrutement de jeunes de moins de vingt-six ans. Comme vous le savez, les jeunes, quelles que soient leurs qualifications, se retrouvent souvent à des niveaux de salaires trop modestes. On a veillé aussi à ce qu'il n'y ait pas d'exclusion, et à favoriser l'employabilité par les entreprises. Il s'agit d'aider là où le risque de tension sur l'emploi est le plus important. Notre attention doit se concentrer de façon prioritaire sur ces Français, nombreux, dont les revenus sont peu élevés. Il s'agit de mobiliser 2 milliards d'euros d'AE et 800 millions d'euros de CP sur le programme « Cohésion ». L'ouverture de crédits sera gagée sur les crédits de l'action n° 08, Énergies et technologies vertes, affectés d'un fort risque de sous-consommation au titre du plan Hydrogène. Nous avons bien compris que la mobilisation des crédits ne serait pas immédiate.
L'amendement II-7 vise à compléter le fonds de solidarité pour les travailleurs indépendants et les très petites entreprises. Il s'agit d'aider à compenser les charges fixes de façon temporaire, en cas de pertes importantes. C'est un message très fort que nous voulons faire passer. Le Gouvernement envisage de présenter très prochainement des éléments dans ce domaine quand hier encore, officiellement, on nous expliquait que c'était très compliqué. Il va falloir être vigilants.
L'amendement II-9 tend à accompagner les Français dans leurs choix de motorisation individuelle et collective. Il s'agit de faciliter l'achat de véhicules propres avec une prime à la conversion plus ambitieuse, d'un point de vue écologique et économique.
J'aurais juste un commentaire sur l'amendement II-6. Si je comprends les problèmes de recevabilité financière, je m'interroge sur l'opportunité de prendre des crédits sur le plan Hydrogène. Cela pourrait faire l'objet de commentaires peu favorables.
Il s'agit d'assurer la recevabilité financière de l'amendement, cela s'accompagne d'une demande de levée de gage par le Gouvernement, c'est l'application de la règle habituelle.
L'amendement II-7 démontre un intérêt et une compréhension des comptes d'exploitation des entreprises, ce que je salue. Nous avons l'habitude de nous préoccuper beaucoup de la trésorerie, mais pas toujours de la perte lorsqu'elle se situe à un certain niveau. Il est important de prendre ces dispositions et, dans un deuxième temps, il sera peut-être intéressant de se pencher aussi sur la recapitalisation de ces entreprises.
Sur cet amendement, nous avons une proposition qui chemine doucement et débouchera sans doute, comme l'a signalé le rapporteur général, sur une proposition gouvernementale.
Les amendements II-6, II-7 et II-9 sont adoptés.
La commission décide de proposer au Sénat d'adopter les crédits des missions « Plan de relance » sous réserve de l'adoption de ses amendements et de la mission « Plan d'urgence face à la crise sanitaire » sans modification.
EXAMEN DES ARTICLES RATTACHÉS
Article 56
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, de l'article 56.
Article 56 bis
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, de l'article 56 bis.
Article 56 ter
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, de l'article 56 ter.
Article 56 quater
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, de l'article 56 quater.
Article 56 quinquies
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, de l'article 56 quinquies.
Article 56 sexies
L'amendement II-22 concerne les crédits de soutien labellisés « France relance », notamment pour la Banque publique d'investissement (Bpifrance). Il s'agit d'assurer une logique dans la mobilisation des crédits et leur bonne identification.
L'amendement II-22 est adopté.
L'amendement II-23 vise à exclure les PME employant moins de 250 salariés du champ des contreparties exigibles des bénéficiaires des crédits de relance. Il s'agit de contribuer à ce que les chefs d'entreprise gardent moral et confiance alors que le texte de l'Assemblée nationale exclut seulement les entreprises de moins de 50 salariés.
L'amendement II-23 est adopté.
L'obligation de renouvellement pour les entreprises de plus de 500 salariés de leur bilan d'émissions de gaz à effets de serre est limitée à quatre ans. Or, dans le texte de l'Assemblée nationale, l'article prévoit un délai de trois ans pour les entreprises de moins de 50 salariés. L'amendement II-24 vise à rallonger le délai à quatre ans, par souci d'un parallélisme des formes.
Pour le parallélisme des formes, nous aurions pu faire descendre l'obligation de quatre à trois ans !
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption de l'article 56 sexies, sous réserve de l'adoption de ses amendements.
Article 56 septies
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, de l'article 56 septies.
Article 56 octies
L'amendement II-25 propose, dans le cadre du comité de suivi du plan de relance, de développer un dispositif d'évaluation du plan, qui me semble indispensable et dans lequel le Parlement tiendra son rôle.
L'amendement II-25 est adopté.
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption de l'article 56 octies, sous réserve de l'adoption de son amendement.
Je vous propose d'entendre d'abord les rapporteurs présenter les trois rapports spéciaux que nous devons examiner. Nous aurons ainsi une vision globale pour entamer notre discussion. Nous commençons par l'examen de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».
rapporteur spécial sur les programmes « Paysages, eau et biodiversité », « Prévention des risques », « Énergie, climat et après-mines », « Service public de l'énergie » et « Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durables », de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » et le compte d'affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale (FACÉ) ». - Je ne pourrai malheureusement pas aborder le rapport dans le détail et je me concentrerai sur ses points saillants, afin de susciter le débat et d'éventuelles questions.
Tout d'abord, il me semble important de souligner que, si les crédits de la mission « Écologie, développement et mobilités durables » sont en hausse, celle-ci s'opère en trompe-l'oeil, sous l'effet de plusieurs changements de périmètre. Les crédits augmentent de 7,08 milliards d'euros, ce qui est significatif, notamment en raison de la budgétisation des charges de service public de l'énergie, auparavant retracées sur le compte d'affectation spéciale « Transition énergétique », ce qui apporte 6,6 milliards d'euros aux crédits de la mission. Par ailleurs, la budgétisation sur le programme 181 de l'ancien fonds « Barnier » augmente les crédits de 205 millions d'euros. Je vois plutôt d'un oeil positif cette budgétisation puisque, d'une part, cela donnera au Parlement les moyens de se prononcer sur les dépenses et plus seulement sur les recettes et, d'autre part, la dépense ne sera plus limitée, car il sera toujours possible de procéder à des ajustements en cours d'année. Enfin, la bascule du crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE) vers la prime de rénovation énergétique pour les ménages aux revenus intermédiaires financée par le programme 174, rapporte 350 millions d'euros à la mission. Une fois traités ces effets de périmètre, on constate que les crédits de paiement, hors transports, diminuent de 6 %, soit de 500 millions d'euros.
Ils diminuent notamment de 290 millions d'euros sur le programme 174, à la suite d'un durcissement des dispositifs de prime à la conversion et de bonus électrique. On observe aussi une baisse de 30 millions d'euros des prestations versées pour la suite de l'après-mines. Par ailleurs, les crédits diminuent au niveau du chèque énergie pour tenir compte d'une absence d'encaissement des chèques émis l'an dernier, alors que la précarité énergétique n'a sans doute pas diminué dans la période que nous venons de vivre. Les crédits du programme 345 sont aussi en baisse, au titre de la révision des conditions d'achat des contrats photovoltaïques, une question sur laquelle nous reviendrons, car un article a été ajouté à l'Assemblée nationale. Enfin, on observe une diminution de 37 millions d'euros sur le programme 181, avec une baisse de la subvention versée à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), ce qui interroge, notamment sur la question des ressources humaines.
En effet, les ressources humaines du ministère sont en diminution, ce qui pourrait entraîner des difficultés, notamment dans le cadre de la mise en oeuvre du plan de relance. Plusieurs opérateurs - dont l'Ademe et l'Office français de la biodiversité (OFB) - nous ont signalé qu'il leur serait difficile de mettre en oeuvre les appels d'offres et de dépenser les crédits.
Je note que le programme « Paysages, eau et biodiversité » est le seul dont les crédits augmentent.
Je tiens à souligner que le Parlement a peu de prise sur la politique de l'énergie et je déplore notamment le fait que la programmation pluriannuelle de l'énergie, validée par un décret publié en avril 2020, n'ait toujours pas fait l'objet d'un débat devant le Parlement, comme cela est prévu par le code de l'énergie. Concernant cette politique, je souhaite attirer votre attention sur plusieurs points qui pourraient créer des difficultés dans les années à venir.
Tout d'abord, je tiens à signaler l'apparition d'une sorte de bulle sur la filière biométhane, dont les charges évoluent de manière très significative puisqu'elles ont été multipliées par cinq entre 2019 et 2021, par deux entre 2020 et 2021. Par ailleurs, je note que les charges du photovoltaïque représentent 50 % des charges des énergies renouvelables (EnR) en 2021. Enfin, d'importants moyens sont consacrés au développement de l'hydrogène. En effet, en plus des 7 milliards d'euros prévus par le plan de relance, des dispositifs soutiennent le développement des filières EnR. En 2018, 100 millions d'euros seulement étaient consacrés à l'hydrogène et, dans la presse, certains se demandent s'il s'agit vraiment de l'Eldorado de demain. Il ne faudrait pas mettre trop de moyens et créer encore une nouvelle bulle, sur laquelle nous aurions à revenir dans quelques années.
Au sujet du soutien à la décarbonation de l'économie, je tiens à rappeler qu'il est perfectible. Certes, le chèque énergie est un bien meilleur dispositif que les anciens tarifs de première nécessité pour l'électricité et tarif spécial solidarité gaz, mais nous devons faire davantage. En effet, si l'on envoie des chèques et que le taux d'encaissement n'est toujours pas de 100 %, cela démontre un déficit certain de communication.
Sur la disparition du CITE qui interviendra au 31 décembre 2020, mon avis est partagé puisque cela entraîne à la fois une baisse des niveaux des aides et une dotation supplémentaire dans le cadre du plan de relance pour l'élargissement des bénéficiaires de la prime.
Enfin, concernant l'acquisition des véhicules propres, deux dispositifs sont en place dans le cadre du programme 174 : le bonus et la prime à la conversion, pour lesquels 507 millions d'euros sont prévus et auxquels viendront s'ajouter 732 millions d'euros du plan de relance. Si les critères du bonus se sont assouplis, ceux de la prime à la conversion restent trop restrictifs. Ainsi, les ménages les plus modestes, même en cumulant les dispositifs à leurs taux maximum, auront un reste à charge représentant une année de revenu fiscal de référence par part. Cela n'encouragera pas au verdissement du parc automobile, et je plaide pour une plus grande souplesse des dispositifs.
Sur cette mission, l'articulation sera complexe avec le plan de relance qui prévoit 33 milliards d'euros pour l'écologie. L'Ademe sera chargée d'une partie de la mise en oeuvre, avec des effectifs en diminution. Elle devra donc recruter des contractuels, qui ne resteront que dix-huit mois, quand le plan de relance s'étend sur deux ans. Il y aura donc un moment où l'on aura de l'argent, mais personne pour suivre les dossiers.
Nous passons à présent à l'examen des programmes « Infrastructures et services de transports », « Affaires maritimes » et « Charge de la dette de SNCF Réseau reprise par l'État », présentés par Hervé Maurey et Stéphane Sautarel.
rapporteur spécial sur les programmes « Infrastructures et services de transports », « Affaires maritimes » et « Charge de la dette de SNCF Réseau reprise par l'État » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ». - Le budget que l'État consacrera aux transports terrestres en 2021 est exceptionnel à bien des égards. En effet, ce secteur a été parmi les plus sévèrement affectés par la crise sanitaire et économique provoquée par la covid, en particulier lors du confinement du printemps 2020, qui a entraîné une chute inédite des déplacements sur le territoire.
Les effets économiques sur les opérateurs sont très sévères. Ainsi, le groupe SNCF a accusé une perte de chiffre d'affaires de 4,9 milliards d'euros à la fin de l'été 2020, les sociétés concessionnaires d'autoroutes (SCA) affichent 2 milliards d'euros de pertes, et Île-de-France Mobilités (IDFM) déplore 2,6 milliards d'euros de moindres recettes à l'issue du premier confinement.
Cette crise sans précédent est intervenue quelques mois à peine après la promulgation de la loi d'orientation des mobilités (LOM), laquelle prévoyait pour la première fois une programmation financière pluriannuelle pour les infrastructures de transport, portant sur la période 2018-2027. Cette programmation nous permettait enfin de disposer d'une feuille de route validée par le Parlement dans un domaine stratégique pour notre avenir.
Au coeur de cette programmation figurait la nécessité absolue de régénérer et de moderniser nos grands réseaux structurants - routier, ferré et fluvial -, indispensables aux transports du quotidien et depuis trop longtemps victimes de sous-investissement chronique.
La LOM prévoit en effet que l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf), par laquelle transite la majeure partie des crédits destinés aux infrastructures de transport dans notre pays, soit dotée de 13,4 milliards d'euros sur la période 2018-2022, pour investir dans les infrastructures de transport.
Nous avons la conviction que la crise sanitaire et économique actuelle ne doit surtout pas conduire à renoncer à cette feuille de route, mais au contraire en accélérer la mise en oeuvre. Nous comptons à cet égard sur le plan de relance pour permettre la réalisation effective des objectifs de la LOM.
Les recettes de l'Afitf ont été très sévèrement touchées par les effets de la crise sanitaire, les recettes d'écocontribution du transport aérien ayant notamment été réduites à néant. Cependant, ses dépenses devraient atteindre 2,9 milliards d'euros en 2020, soit un montant quasi conforme à ce que prévoit la LOM, grâce à une subvention de 250 millions d'euros votée lors du troisième projet de loi de finances rectificative (PLFR) pour 2020, ainsi qu'à une plus grande mobilisation du produit des amendes radar prévue dans le quatrième PLFR pour 2020.
rapporteur spécial sur les programmes « Infrastructures et services de transports », « Affaires maritimes » et « Charge de la dette de SNCF Réseau reprise par l'État » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ». - Nous devions recevoir, au plus tard le 1er octobre, un rapport sur les recettes de l'Afitf en 2020, prévu par l'article 60 de la troisième loi de finances rectificative (LFR3) pour 2020. Ce rapport nous aurait permis de faire un point exhaustif sur la situation de cet opérateur, mais il ne nous a toujours pas été transmis, bien que nous l'ayons demandé à plusieurs reprises à la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM). Nous tenons à dire ici que cette situation n'est pas admissible et qu'elle nuit gravement à la qualité du contrôle que nous sommes en mesure d'exercer sur cette agence.
Malheureusement, et pour les mêmes raisons, le budget de l'Afitf pour 2021 nous est également largement inconnu. Les éléments très parcellaires qui nous ont été transmis à ce stade laissent à penser que le Gouvernement a bien l'intention de respecter la trajectoire fixée par la LOM, avec 2 782 millions d'euros de dépenses. Nous avons bien noté que le ministre chargé des transports, Jean-Baptiste Djebbari, s'y est engagé la semaine dernière lors de son audition par la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Toutefois, il paraît déjà clair que les recettes destinées à financer ces dépenses - elles prévoient toujours, par exemple, 230 millions d'euros d'éco-contribution du transport aérien - ne sont pas crédibles, compte tenu de la poursuite de la crise sanitaire.
C'est la raison pour laquelle nous proposerons au Sénat d'adopter un amendement à l'article 24 du projet de loi de finances, visant à relever de 1 285 millions d'euros à 1 685 millions d'euros, soit 400 millions d'euros supplémentaires, le plafond de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) affecté à l'Afitf en 2021.
La TICPE est, en effet, une recette fiable sur laquelle l'Agence pourra compter de façon certaine. Si la situation est meilleure que ce que nous craignons, et que les autres recettes de l'Afitf sont perçues en tout ou partie, il sera toujours possible de réajuster à un niveau plus bas le plafond de la TICPE dans le collectif budgétaire de fin de gestion 2021.
À périmètre constant, les crédits du programme 203, qui financent principalement les services de transport, augmenteront fortement en 2021, de 18,8 % en autorisations d'engagement (AE), et de 7,9 % en crédits de paiement (CP), pour atteindre 3 722,8 millions d'euros. La subvention allouée à SNCF Réseau augmentera de 80 millions d'euros, et 170 millions d'euros pérennes sont prévus pour relancer durablement le fret ferroviaire.
Les crédits de l'ancien compte d'affectation spéciale (CAS) « Services nationaux de transports conventionnés de voyageurs », destinés au financement des trains d'équilibre du territoire (TET), sont rebudgétisés au sein du programme 203, à compter du présent projet de loi de finances pour 2021. Leur montant diminue de 6,3 %, pour s'établir à 293 millions d'euros, ce qui s'explique en partie par le transfert de certaines de ces lignes aux régions.
Le plan de relance prévoit une mobilisation financière sans précédent en faveur des infrastructures et mobilités vertes, avec notamment 650 millions d'euros pour le ferroviaire - petites lignes, trains de nuit, infrastructures multimodales de fret -, 900 millions d'euros pour les mobilités alternatives à la voiture - vélos, transports en commun -, 550 millions d'euros pour compléter les crédits de l'Afitf en faveur des infrastructures, 250 millions d'euros pour la modernisation du réseau routier national (RRN), 100 millions d'euros pour les ponts ou encore 175 millions d'euros pour le verdissement des ports.
Ces sommes sont considérables, encore faudra-t-il qu'elles puissent effectivement être dépensées en 2021 et 2022 pour avoir un véritable effet contracyclique et que les effectifs des opérateurs chargés des travaux soient suffisants.
En outre, nous serons très attentifs à ce que ces crédits du plan de relance viennent bien s'ajouter et non pas se substituer aux montants déjà prévus par la LOM.
Quelques mots précisément sur les trois grands opérateurs qui relèvent du programme 203 : SNCF Réseau, la Société du Grand Paris (SGP) et Voies navigables de France (VNF).
Le groupe SNCF, considérablement fragilisé par la crise sanitaire, devrait bénéficier d'une recapitalisation de 4,05 milliards d'euros d'ici à la fin de l'année 2020 ou début 2021, dont le montant sera immédiatement transféré à SNCF Réseau. Sur cette somme, 2,3 milliards d'euros devraient être directement dévolus au rétablissement de l'investissement annuel de régénération des voies, 1,5 milliard d'euros correspondent aux investissements relatifs à la fin de l'utilisation du glyphosate sur les voies, la sécurisation des ponts et les investissements de sécurité nécessaires et 300 millions d'euros devraient être dédiés aux petites lignes.
Nous serons très attentifs à ce que SNCF Réseau reçoive bien tous les financements dont l'entreprise a besoin pour poursuivre la modernisation du réseau structurant. Il s'agit là, en effet, d'une des principales priorités décidées par le Parlement dans le cadre de la LOM.
En ce qui concerne la dette de l'opérateur, l'État a repris, en 2020, 25 milliards d'euros de dette de SNCF Réseau, afin d'améliorer la situation financière de l'entreprise, et 1,7 milliard d'euros de principal devrait avoir été amorti d'ici à la fin de l'année 2020.
En 2021, l'État devrait amortir 1,3 milliard d'euros de principal et s'acquitter de 692 millions d'euros de charge d'intérêt, cette dernière somme étant retracée par le programme 355 « Charge de la dette de SNCF Réseau reprise par l'État ». De plus, 10 milliards d'euros de dette supplémentaire de SNCF Réseau seront transférés à l'État en 2022.
La Société du Grand Paris, chargée de construire pour 35,6 milliards d'euros le Grand Paris Express, a vu ses chantiers ralentis par la crise sanitaire, si bien que, compte tenu des retards préexistants, il paraît désormais impossible de mettre en service le système complet composé des tronçons des deux lignes 16 et 17 pour les jeux Olympiques (JO) et les jeux Paralympiques (JOP) de 2024, contrairement à l'objectif fixé par le Premier ministre, le 22 février 2018.
Une expertise indépendante doit venir confirmer dans le détail ce qui pourra ou non être réalisé à cette date. Nous serons très attentifs à ce que la SGP réalise dans les temps tout ce qui pourra l'être, sans dérives de coûts supplémentaires.
Comme l'ont montré nos collègues, membres du groupe de travail sur les coûts et le financement du Grand Paris Express, dans leur communication du 14 octobre dernier, les entreprises franciliennes, elles aussi durement touchées par la crise économique, expriment aujourd'hui un véritable ras-le-bol fiscal, à la suite des diverses hausses de taxes affectées à la SGP en 2019 et en 2020.
Dans ce contexte, l'objectif prioritaire de l'opérateur doit être de sécuriser ses financements de long terme en souscrivant des Green bonds sur les marchés pour bénéficier des taux exceptionnellement bas. Il y là, selon le président du directoire que nous avons entendu, des gisements d'économie potentiels très significatifs pour le projet.
Par ailleurs, la poursuite de la hausse des effectifs de la SGP, qui passeront de 585 équivalents temps plein travaillé (ETPT), en 2020, à 875 ETPT en 2021, va incontestablement dans le bon sens, compte tenu de l'ampleur des enjeux techniques et financiers à maîtriser.
L'établissement Voies navigables de France (VNF) continue à consentir d'importants efforts de réduction de ses personnels, avec 99 ETPT en moins en 2021, ce qui suscite des inquiétudes, de nombreuses installations nécessitant des interventions humaines.
Grâce aux crédits du plan de relance et de l'Afitf, VNF va pouvoir investir massivement pour remettre à niveau le réseau dont il a la charge. Selon nos informations, 160 projets ont déjà été identifiés. Tout l'enjeu va résider dans la capacité de l'établissement à les mener de front sur les seules années 2021 et 2022.
Nous en venons enfin au programme 205 « Affaires maritimes » qui joue un rôle économique et social important et porte des fonctions régaliennes essentielles, la France disposant du deuxième domaine maritime le plus vaste du monde, avec plus de 5 000 kilomètres de côtes et 10 millions de kilomètres carrés de zones économiques exclusives (ZEE), dont 97 % en outre-mer.
La création d'un ministère spécifiquement chargé de la mer vise à montrer que l'État entend enfin consacrer davantage d'attention à ce domaine stratégique pour l'avenir de notre pays.
La dotation du programme, en 2021, s'établit à 155,2 millions d'euros en AE et 159,4 millions d'euros en CP, en baisse de 2,9 % en AE et de 1 % en CP. Comme les années précédentes, le poste budgétaire essentiel de ce programme concerne les exonérations de cotisations sociales patronales pour la marine marchande, vitales pour le pavillon français dans un contexte de concurrence mondiale exacerbée.
Toutefois, la sécurité et la sûreté maritime bénéficieront de crédits importants dans le plan de relance, puisque 25 millions d'euros sont prévus pour moderniser les infrastructures des centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage (Cross), ainsi que 25 millions d'euros pour renouveler la flotte de baliseurs, avec un projet de navire à hydrogène qui nous laisse, pour le coup, un peu sceptiques quant à sa rapide réalisation.
En conclusion, et en dépit des critiques que nous avons émises sur l'opacité de l'Afitf et sur les incertitudes qui pèsent sur ses recettes, nous sommes favorables aux crédits des programmes 203, 205 et 355 que nous vous avons présentés, et nous appelons par conséquent à adopter les crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».
Vincent Capo-Canellas va nous présenter le programme 159 « Expertise, information géographique et météorologie » et le budget annexe « Contrôle et exploitation aériens ».
Monsieur le président, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, comme vient de le préciser le président, je vous présenterai pour ma part le programme 159 « Expertise, information géographique et météorologie », ainsi que le budget annexe « Contrôle et exploitation aériens ».
Le programme 159 regroupe, depuis 2017, les subventions pour charges de service public du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema), de l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN) et de Météo-France.
Si les trois opérateurs du programme se sont vu signifier, par le Gouvernement, des trajectoires financières très exigeantes d'ici à 2022, elles ont le mérite de rompre avec le manque de visibilité pluriannuelle dont ils souffraient jusqu'ici. Elles sont cependant difficiles à tenir.
Concernant Météo-France, qui joue un rôle essentiel pour la sécurité des personnes et des biens face à la multiplication des événements climatiques extrêmes, comme nous l'avons encore vu récemment avec les inondations de la vallée de la Roya, la subvention pour charges de service public portée par le programme 159 va diminuer, en 2021, pour s'établir à 185,1 millions d'euros. Dans le même temps, ses effectifs baisseront de 95 ETPT, un mouvement qui se poursuivra l'année prochaine.
Le réseau territorial évolue fortement dans le cadre du programme Action publique 2022. Ses effectifs vont diminuer de 40 %, de nombreuses activités étant regroupées dans la Métropole de Toulouse. Cette centralisation est rendue possible par les évolutions scientifiques et technologiques, qui permettent désormais de conduire un certain nombre de tâches météorologiques à distance. Une centralisation diversement vécue dans les territoires.
Pour rester un opérateur météorologique de rang mondial, Météo-France se procure actuellement un nouveau supercalculateur qui permettra de multiplier par 5,45 sa capacité de calcul. Un investissement important, qu'il conviendra de renouveler régulièrement. Ce nouveau matériel nécessite un investissement total de 144 millions d'euros sur la période 2019-2025. L'État versera, à ce titre, 8,3 millions d'euros de subvention à l'opérateur en 2021.
Si l'IGN voit sa subvention pour charges de service public augmenter légèrement en 2021, passant à 89,2 millions d'euros, ses effectifs seront en baisse, avec une suppression de 36 ETPT. Alors que son modèle économique est sévèrement fragilisé par l'avènement de l'open data, l'objectif de cet établissement, dans le cadre du programme Action publique 2022, est de devenir l'opérateur interministériel unique en matière de données géographiques souveraines.
Le Cerema, pour sa part, cherche à se réinventer dans un contexte où ses moyens diminuent fortement depuis sa création en 2014 et diminueront encore jusqu'en 2022, au rythme d'une réduction annuelle de 5 millions d'euros de sa subvention pour charges de service public - qui atteindra 195,1 millions d'euros en 2021 - et de 87 ETPT, le plafond d'emplois de l'opérateur sera de 2 507 ETPT en 2021.
Le principal enjeu pour cet opérateur consiste à mettre en oeuvre une collaboration beaucoup plus étroite avec les collectivités territoriales, ainsi qu'avec l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) en cours de création. Le projet stratégique que porte son directeur général devrait lui permettre d'y parvenir, si nous veillons à lui laisser les marges de manoeuvre financières dont il aura besoin en 2022 pour ne pas être confronté à de sévères difficultés.
J'en viens à présent au budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » (Bacea), qui porte les 2,3 milliards d'euros de crédits de la direction générale de l'aviation civile (DGAC). Il est exclusivement financé par le secteur du transport aérien. En conséquence, l'effondrement du trafic aérien provoqué, à partir de mars 2020, par la pandémie de la covid-19, a bouleversé son équilibre financier.
La crise sanitaire a en effet entraîné une quasi mise à l'arrêt du trafic aérien en Europe au printemps 2020. En dépit d'une légère reprise pendant l'été, la situation s'est rapidement dégradée à l'automne, avant de redevenir catastrophique avec l'instauration de nouveaux confinements, en fin d'année. Au total, la DGAC anticipait un recul du trafic de 65 % par rapport à 2019, mais les chiffres finaux devraient être encore plus négatifs ; au mois de novembre, les estimations évoquent 15 % de trafic. Le retour du trafic à son niveau d'avant-crise est désormais attendu pour 2024, au mieux, certaines hypothèses évoquant même la date de 2029. Les variables étant l'évolution de la pandémie et la création d'un vaccin.
La mise en place de tests a commencé. Mais ils doivent être validés par les pays de départ et d'arrivée, et permettre l'entrée sur les territoires - cela existe déjà avec les États-Unis. Une possibilité que les aéroports ont tenté de promouvoir avec les compagnies, dont la mise en place suppose des corridors sanitaires. Ces tentatives doivent être soutenues, même si elles n'auront que très peu d'impact sur le trafic.
Les compagnies aériennes françaises, déjà fragiles avant la crise, pourraient enregistrer 4 milliards d'euros de pertes en 2020. Après avoir apporté une aide massive à Air France-KLM de 7 milliards d'euros au printemps, l'État va probablement devoir intervenir d'ici à la fin de l'année, l'hypothèse d'une recapitalisation étant désormais largement évoquée pour sauver la compagnie nationale. Ce chiffre de 7 milliards d'euros se décompose comme suit : un prêt bancaire garanti par l'État, à hauteur de 90 %, pour 4 milliards d'euros et un prêt d'actionnaires réalisé par l'État, pour 3 milliards d'euros. La presse d'hier, notamment Le Monde, a diffusé d'autres informations, qui ne sont pas toujours communiquées spontanément.
Dans cette conjoncture exceptionnellement difficile, les recettes de la DGAC devraient s'effondrer de 80 %, en 2020. Pour construire son budget 2021, la direction s'est fondée sur un trafic inférieur de moins 30 % à celui de 2019, mais cette prévision paraît déjà caduque, et les 1 509,7 millions d'euros espérés hors de portée. Les recettes des diverses taxes perçues par la DGAC pour le compte de tiers - taxe de solidarité, taxe d'aéroport, taxe sur les nuisances sonores aériennes - ont également drastiquement diminué.
Si nous analysons le rebond du trafic en Asie, nous pouvons avoir quelques lueurs d'espoir, même si les prévisions restent aléatoires. Bien malin, celui qui peut parier sur l'ampleur du rebond attendu en matière de recettes. La prudence s'impose donc.
Les performances de la direction des services de la navigation aérienne (DSNA), encadrées par le droit européen dans le cadre du plan de performance RP2, restent insuffisantes, alors que va débuter, dans un contexte profondément altéré par la pandémie de la covid-19, la nouvelle période RP3.
Si le taux de la redevance de route est compétitif, les retards dus au contrôle aérien demeuraient trop élevés en 2019, en raison de l'obsolescence des équipements et de l'inadéquation de l'organisation du travail des contrôleurs aériens aux nouvelles caractéristiques du trafic. Cette année, bien évidemment, le retard sera considérablement réduit.
Pour mobiliser les équipes de la DSNA autour d'un projet ambitieux, il pourrait être utile de prévoir la conclusion d'une forme de contrat, analogue aux contrats d'objectifs et de performance (COP) des établissements publics, qui viendrait formaliser des objectifs précis et chiffrés pour que la direction soit à même de pleinement accompagner le trafic le jour où il repartira.
Comme en 2020, le schéma d'emplois 2021 de la DGAC ne prévoit aucune suppression d'emploi, ce qui est logique, sachant que le nombre de contrôleurs est insuffisant et qu'il faut cinq ans pour les former. Sa masse salariale diminuera légèrement de 6,2 millions d'euros, pour atteindre 932,6 millions d'euros. Compte tenu du contexte économique, les négociations du protocole 2020-2024 ont été suspendues, si bien que 1,6 million d'euros est prévu au titre des mesures catégorielles.
Pour accélérer la réalisation de ses grands programmes de modernisation des outils de la navigation aérienne, dont elle a profondément revu la gouvernance cette année, suite à la publication de mon rapport, la DGAC augmentera de nouveau, en 2020, son effort d'investissement pour le porter à 317 millions d'euros. Sur cette somme, 140,6 millions d'euros sont consacrés aux grands programmes de modernisation précédemment cités, dont le coût total, régulièrement revu à la hausse, représente 2 140,9 millions d'euros. L'échéance est comme l'horizon, toujours plus lointaine.
Faire enfin aboutir ces programmes doit constituer une priorité pour la DSNA, car, avant la crise, elle manquait chaque année un peu plus de capacités pour faire passer le trafic.
Compte tenu de l'effondrement de ses recettes, l'endettement de la DGAC serait susceptible de progresser de 1,4 milliard d'euros en 2020, pour atteindre l'encours sans précédent de 2,1 milliards d'euros, contre un maximum historique de 1,3 milliard d'euros atteint en 2014.
À ce stade, la DGAC estime qu'elle devra emprunter 761 millions d'euros supplémentaires en 2021, et 463 millions d'euros en 2022. Sur la base de ces hypothèses, le niveau de dette pourrait atteindre un pic à 2,8 milliards d'euros, au 31 décembre 2022.
Si je ne peux que saluer la volonté de la DGAC de désendetter le plus rapidement possible le Bacea, je suis très sceptique quant à sa réalisation effective, tant la soutenabilité de ce budget me paraît désormais menacée.
Ses recettes étant entièrement indexées sur le trafic aérien, la crise sans précédent de ce secteur - mais aussi l'instauration du travail à distance -, susceptible de se poursuivre pendant de longues années, pourraient durablement bouleverser le modèle économique sur lequel était fondé le financement de la DGAC. Par ailleurs, le bashing de la France sur le secteur aérien risque de lui coûter cher. Et lorsqu'un État ne soutient plus une industrie, celle-ci part s'installer à l'étranger.
C'est la raison pour laquelle il m'apparaît indispensable de réfléchir dès à présent aux solutions qui pourraient être envisagées pour éviter que ne s'installe une situation problématique qui verrait un budget annexe porter une dette toujours plus importante, qu'il deviendrait incapable de rembourser grâce aux recettes d'un secteur du transport aérien trop durablement affaibli.
En dépit de ces inquiétudes pour l'avenir, et de la quasi-certitude qu'il faudra autoriser à nouveau le Bacea à souscrire des emprunts complémentaires en 2021, à l'occasion de collectifs budgétaires, je souhaite que la commission propose au Sénat d'adopter les crédits du budget annexe.
Les opérateurs du programme 159 font l'objet de baisses de leurs subventions pour charges de service public et d'effectifs exigeantes, mais j'ai le sentiment que les stratégies mises en place par leurs directions respectives sont robustes.
Je suis donc favorable à l'adoption des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».
Je conclurai en évoquant l'article 54 septies rattaché au budget annexe « Contrôle et exploitation aériens », qu'il me revient de vous présenter et que je vous propose d'adopter.
D'abord, j'insisterai sur l'importance qu'il y a soutenir les aéroports, qui vont avoir besoin de mesures financières complémentaires.
Ensuite, cet article prévoit que le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la baisse des recettes de la taxe sur les nuisances sonores aériennes (TNSA) induite par la crise liée à l'épidémie, ainsi que sur ses conséquences sur le financement des aides à l'insonorisation des bâtiments situés à proximité de chaque aéroport concerné.
Les recettes de cette taxe sont en effet très affectées par la crise sanitaire provoquée par la covid-19, puisqu'elles sont estimées, en 2020, à moins de 20 millions d'euros seulement, contre 54,3 millions d'euros initialement prévus - soit une baisse de 65 % - , à 37,6 millions d'euros en 2021, contre 54,6 millions d'euros initialement prévus - soit une baisse de 31 %.
Sur la seule période 2020-2021, la perte de financement pour le dispositif d'aide à l'insonorisation des riverains est ainsi estimée à l'équivalent d'une année de recettes de la TNSA. En conséquence, 35 millions d'euros devraient faire défaut pour mener à bien la politique d'insonorisation prévue pour l'année 2020 et 17 millions d'euros devraient manquer en 2021.
Le rapport prévu par l'article 54 septies, qui sera remis quatre mois après la promulgation du présent projet de loi de finances pour 2021, doit permettre de faire le point sur les difficultés engendrées par cette baisse sans précédent des recettes de la TNSA sur l'insonorisation des logements des riverains des aéroports et proposer des solutions directement opérationnelles.
Ce n'est pas la mesure idéale, mais ne pouvant nier qu'il existe bien un sujet, l'Assemblée nationale a trouvé cette formule afin de le maintenir en discussion. Nous devrons ensuite nous interroger sur les suites que nous pourrons proposer demain.
Je saluerai tout d'abord les interventions des rapporteurs spéciaux, qui nous permettent de mesurer les enjeux de la mission, et le travail qu'ils ont d'ores et déjà accompli.
Christine Lavarde, comment interprétez-vous la baisse des crédits de la mission, à périmètre constant ? Je m'inquiète de voir ces crédits diminués, dans un domaine pour lequel le Gouvernement affiche de grandes ambitions.
Par ailleurs, s'agissant de VNF, le retard pris dans la modernisation du réseau est considérable. J'ai bien entendu la volonté du Gouvernement de développer, notamment dans le cadre du plan de relance, les voies navigables et d'élaborer un grand projet structurant.
Vous avez par ailleurs indiqué que 160 projets avaient été identifiés. L'ambition de les conduire dans un temps court vous paraît-elle à portée de budget et donc susceptible d'être réalisée ?
Enfin, concernant le Cerema - un outil souvent méconnu, alors que très utile dans l'aide à la décision, notamment des collectivités locales -, où en sommes-nous, par rapport au schéma d'emplois, quant à sa capacité de continuer à produire avec efficacité rapports et études ? Comment se passe l'articulation, par exemple, avec l'ANCT ?
Je voudrais également remercier nos rapporteurs spéciaux pour leur travail.
Je suis inquiet du constat établi par Vincent Capo-Canellas concernant notamment l'obsolescence des équipements de la navigation aérienne ; nous parlons là de la sécurité aérienne. Pouvons-nous évaluer à partir de quelle date, ou de quel niveau de sous-équipement ou non-renouvellement d'équipements, les problèmes de sécurité deviendront inquiétants ?
Compte tenu des perspectives financières indiquées dans le rapport, si un plan d'urgence sur la sécurité aérienne n'est pas mis en place, nous pourrons être sérieusement inquiets quant aux respects des règles de sécurité.
S'agissant de l'urgence qu'il y a à moderniser notre réseau routier non concédé - pour beaucoup l'utiliser, je sais à quel point il est fortement dégradé -, une application, dont je ne citerai pas le nom, nous permet de signaler les dégradations de voiries. D'après l'une de leurs études, nous connaissons aujourd'hui l'état du réseau national, qui est assez édifiant, de sorte que nous pouvons également nous inquiéter des problèmes de sécurité que posent ces dégradations, notamment lorsque nous connaissons les sommes prévues en matière d'investissement.
Enfin, concernant le projet du Grand Paris Express, j'ai bien entendu que les objectifs de mises en service ne seront pas atteints pour les Jeux Olympiques et paralympiques de 2024. Cependant, une partie de ces liaisons seront-t-elles finalisées pour 2024 ? Je rappelle qu'il s'agissait d'un élément essentiel dans le dossier présenté par la France.
Je regrette une fois encore la difficulté que nous avons, notamment en tant que rapporteurs spéciaux, à obtenir des informations que le Gouvernement et l'administration sont pourtant tenus de nous livrer.
Concernant le canal Seine-Nord Europe, un chantier à plusieurs milliards d'euros, qu'il a fallu défendre devant la Cour des comptes européenne, avez-vous de nouvelles informations à nous livrer ?
Enfin, qu'en est-il, concernant le fret ferroviaire, de cette fameuse ligne qui devrait relier Perpignan à Rungis en train de nuit ?
Ma question concerne l'article 54 sexies résultant d'un amendement du Gouvernement relatif au photovoltaïque. N'y a-t-il pas là un sujet particulier, de fond, qui n'est pas forcément financier ?
Que l'État puisse revenir sur des contrats signés il y a une vingtaine d'années n'est pas, selon moi, un message sympathique et incitatif envoyé à tous ceux qui pourraient, dans le futur, vouloir investir dans les énergies renouvelables. C'est aussi choquant que la possibilité qui existerait, pour une société d'assurance ou une banque, de revenir sur un contrat d'assurance ou un prêt bancaire. Lorsque ces contrats ont été établis, des études ont été réalisées et nous savions tous que le prix serait élevé. Mais il s'agissait d'une volonté de rendre ces engagements incitatifs.
Le rapport précise que les petits contrats, les contrats précaires, ne sont pas concernés ; mais pourquoi ne le seraient-ils pas demain, une fois cette jurisprudence appliquée aux contrats plus importants ?
Il s'agit en effet d'une question importante, et nous avons été nombreux à être sollicités. Il s'agit d'un vrai enjeu de confiance dans la signature de l'État.
Je remercie nos rapporteurs spéciaux pour leur travail, il est vrai que nous pourrions consacrer deux ou trois jours à l'ensemble de ces rapports.
Concernant les agences de l'eau, quelles sont leurs perspectives ? De nombreux projets sont identifiés au niveau des communes en termes d'amélioration du réseau d'eau potable et d'assainissement - les stations d'épuration, notamment. Or nous constatons un désengagement financier de la part des agences ; qu'en est-il ?
L'État a repris, en 2020, 25 milliards d'euros de la dette de SNCF Réseau. Le programme 355 précise les taux d'intérêt ; l'un d'eux est de 3,17 %. Je suis surpris, car les taux ont largement baissé depuis quelque temps. Ces emprunts sont-ils anciens ?
Toujours concernant la SNCF, la suppression du compte d'affectation spéciale « Services nationaux de transports conventionnés » entraînera-t-elle des économies ou un soutien actif, toutes les collectivités territoriales étant sollicitées pour financer les infrastructures ferroviaires, notamment les petites lignes ? Et quid des lignes capillaires du fret ?
S'agissant de VNF, je note une baisse permanente des effectifs, alors que le rapport précise bien que beaucoup d'installations sont tributaires des moyens humains.
L'Afitf est en partie financée par la taxe d'aménagement du territoire versée par les sociétés concessionnaires d'autoroutes, qui versent également une redevance domaniale ainsi qu'une contribution dite « volontaire ». Entre 2010 et 2019, leurs résultats ont augmenté, passant de 2,1 milliards d'euros à 2,6 milliards d'euros - avec des baisses certaines années, que je ne m'explique pas.
Avez-vous déjà une estimation de leurs résultats en 2020, le trafic autoroutier s'étant effondré depuis le premier confinement ? Les concessionnaires vous ont-ils informés du montant de leur participation financière au budget de l'Afitf ?
Je conclurai sur une citation du philosophe Alain : « Le pessimisme est d'humeur ; l'optimisme est de volonté. »
Mes questions s'adressent à Christine Lavarde.
À la lecture de son rapport, j'ai eu le sentiment qu'elle remettait en cause les baisses d'effectifs dans les agences - Agence de l'eau, Ademe, OFB. Des agences souvent décriées, notamment pour leur manque d'opérationnalité. Mais finalement, ne pensez-vous pas qu'elles ne font que s'adapter à la politique de réduction de la dépense publique ?
Le rapport évoque également la question des zones non interconnectées (ZNI), en précisant qu'il va être procédé à une évaluation de la rentabilité des capitaux investis dans les actifs productifs. Cela veut-il dire que tout ce qui concerne la production d'énergie renouvelable sera analysé ? De fait, ces territoires ne seraient plus des espaces d'expérimentation du développement d'énergies renouvelables ? Si tel est le cas, est-ce à dire que les inquiétudes sont focalisées sur les nouvelles installations de production d'énergies renouvelables ?
Concernant la SNCF, des investissements importants sont prévus dans le plan de relance. Est-elle est en capacité de mettre en oeuvre rapidement les actions prévues dans ce plan - la réouverture d'un certain nombre de lignes, des remises aux normes, l'amélioration du système de signalisation, etc. ?
S'agissant des questions maritimes, j'ai le sentiment que, dans les budgets qui nous sont proposés, l'effort sur la formation des marins, qu'ils soient destinés à la marine marchande ou à la pêche, est insuffisant, les crédits n'augmentant pas. Ai-je la bonne analyse ?
Ce manque de formation est préjudiciable pour le grand pays maritime qu'est la France, d'autant que ce secteur recèle des potentiels de développement importants. En ce qui concerne les ressources halieutiques, il est clair que si nous importons plus de la moitié des poissons que nous consommons, c'est bien parce que nous ne disposons plus de marins-pêcheurs.
Concernant le trafic transmanche, je n'ai pas le sentiment qu'il y ait, dans les budgets, de visibilité à long terme. Or aujourd'hui, le premier employeur de marins français est Brittany Ferries. Une compagnie importante pour les Hauts-de-France, la Normandie, la Bretagne, pour le désenclavement de la France, en général.
Cependant, comme dans le secteur aérien, les compagnies maritimes sont confrontées à la pandémie. Pouvons-nous entrevoir, dans les perspectives de crédits, des dispositifs qui leur permettraient de surmonter la crise ? Elles ont notamment contracté des prêts garantis par l'État (PGE) qu'elles devront rembourser.
Avec la création de l'ANCT, l'organisation actuelle du Cerema est-elle la bonne ou aurait-il fallu regrouper sous l'autorité de l'Agence un certain nombre de services d'État dont la mission est d'accompagner les collectivités dans l'ingénierie ?
Enfin, concernant le contrôle aérien, dont les difficultés ont été précisées, la DGAC profite-t-elle de l'atonie du trafic actuel pour engager les réformes qui sont indispensables et que nous avons déjà eu l'occasion d'évoquer à travers les différents rapports de Vincent Capo-Canellas, au fil des ans ?
Concernant la budgétisation du fonds Barnier, dont il convient de saluer la hausse des moyens, n'existe-t-il pas un risque que ce dispositif devienne plus opaque, puisqu'il ne serait plus qu'une petite ligne dans une mission pesant plusieurs milliards d'euros ?
Quand bien même les crédits seraient stables, nous constatons, année après année, un affaiblissement des divers opérateurs, avec la poursuite des diminutions drastiques des effectifs du ministère de l'écologie. De sorte que nous imaginons mal comment mener une politique ambitieuse et efficace, pourtant clairement affichée.
Je reviendrai sur la question de la régulation du transport aérien, puisque notre collègue Vincent Capo-Canellas nous a présenté un rapport, il y a quelques mois, indiquant que d'importants investissements avaient été réalisés dans l'outil informatique, mais que la production n'était pas à la hauteur, puisqu'aucun nouvel outil efficace n'est actuellement en service.
Quels sont les montants des crédits prévus pour 2021 pour poursuivre ces projets de modernisation des outils du contrôle aérien ?
Par ailleurs, des perspectives plus favorables pour aboutir à des outils réellement efficaces, lesquelles viendraient enfin couronner des années de travail et des centaines de millions d'euros investis, se dessinent-elles ?
Je remercierai tout d'abord les rapporteurs spéciaux pour le travail important qu'ils ont réalisé.
Concernant les infrastructures routières, le Premier ministre, par un décret du 14 août dernier, rend possible la privatisation de portions de routes nationales, afin notamment, dans le cadre d'accords avec des concessionnaires d'autoroutes, de réaliser des travaux que l'État n'est plus en capacité de financer.
Pouvez-vous nous donner plus d'informations sur cette question ? Avez-vous par ailleurs recueilli des éléments d'observation qui permettraient, dans les années à venir, de constater des mouvements financiers en ce sens ?
Le rapporteur général a raison : c'est un débat beaucoup plus philosophique. Les crédits du ministère baissent. Nous aurons certainement le débat en séance sur l'articulation entre le plan de relance et l'ensemble des missions.
Marc Laménie, concernant les agences de l'eau, si l'on observe un relèvement du plafond de recettes, c'est uniquement en raison de transferts, mais les moyens alloués restent les mêmes. Je n'ai pas entendu parler de tension. Par ailleurs, les agences se verront attribuer 300 millions d'euros dans le cadre du plan de relance, dont 250 millions d'euros en métropole, notamment pour les réseaux d'eau et la modernisation des stations d'assainissement.
Michel Canevet, sur la baisse des effectifs, les opérateurs participent déjà à l'effort. Par exemple, un onzième parc naturel a vu le jour l'année dernière sans faire l'objet d'une attribution d'effectifs ; une dotation de 1,5 million d'euros a été allouée au parc national de Forêts, créé en novembre 2019, permettant de financer ses dépenses de masse salariale (10 ETP/ETPT), de fonctionnement, d'intervention et d'investissement. Dans les agences de l'eau et au sein de l'OFB, un certain nombre de fonctionnaires exercent des missions de police - je pense aux agents de la police de l'eau, aux garde-chasses et autres. Si l'on excepte les agents de ces indispensables missions de contrôle, comme le contrôle des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE), il reste les agents du ministère pour faire fonctionner les dispositifs.
J'ai également entendu certaines critiques venant du monde économique. Des entreprises, par exemple, ont avancé que la trésorerie pour les certificats d'économie d'énergie (CEE) et les remboursements effectués par le pôle CEE ont connu beaucoup de retard. Nous nous retrouvons aujourd'hui avec des opérateurs du bâtiment moins enclins à réaliser de nouvelles opérations, alors que tel est l'objet du plan de relance. Mon message est donc le suivant : on ne peut pas à la fois communiquer sur l'écologie, mettre des milliards partout, et ensuite ne pas déployer les moyens humains, avec les conséquences sur le tissu économique.
Par ailleurs, certains ministères sont très en retard par rapport au monde de l'entreprise. Quand Élisabeth Borne dit que tout le monde doit faire du télétravail, sachez que, au ministère de la transition écologique, à la fin de l'année 2019, 20 % seulement des agents disposaient d'un ordinateur portable ; en 2020, des progrès énormes ont été effectués, puisqu'ils sont désormais 75 %. Dans d'autres ministères, les agents ne peuvent pas raccorder leur imprimante personnelle à leur ordinateur. Nous voyons bien, dans ce domaine, tous les efforts qu'il reste encore à accomplir au sein de la fonction publique. Mais, dans ce rapport, mon sujet était la correspondance entre les moyens humains et les actions que nous souhaitons mettre en oeuvre.
Concernant l'outre-mer, un arrêté, publié l'année dernière, précise que le taux de rémunération des capitaux investis dans les projets spécifiques à l'outre-mer doit s'établir en fonction du lieu d'implantation et de la technologie utilisée. Jusqu'alors, le taux s'élevait à 11 %. Sauf que, dans ces projets, on trouvait des installation de natures très différentes. Par exemple, des installations de géothermie en Guadeloupe et des opérations de brûlage de déchets à La Réunion génèrent des risques très différents. Les zones d'implantation ne sont pas les mêmes non plus, avec des risques cycloniques à La Réunion, que l'on ne trouve pas à Mayotte. L'idée de cet arrêté est de permettre une rémunération plus juste.
Isabelle Briquet, sur le Fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM), budgeté sur la nouvelle action n° 14 du programme 181, la gestion sera, à mon sens, plus lisible pour le Parlement. Nous aurons désormais la main à la fois sur les recettes et les dépenses, alors que, auparavant, un montant de recettes était affecté, inférieur au montant collecté au titre des polices d'assurance puisqu'il était plafonné. Depuis 2016, les dépenses du fonds sont supérieures au montant de ses recettes. Sans un relèvement du niveau des recettes, le fonds n'aurait pas pu passer l'année. Une contribution entre désormais dans le budget de l'État, qu'il reverse chaque année au fonds ; cette année, le montant affecté est plus élevé. L'année prochaine, en loi de règlement, nous saurons précisément ce qui a été dépensé, nous gagnerons en lisibilité.
Pour ce qui concerne Voies navigables de France (VNF) et sa capacité à réaliser les investissements, on peut en effet s'interroger sur la réalisation effective des travaux en 2021-2022. Pour rappel, après 175 millions d'euros en 2019 et 214 millions d'euros en 2020, 268 millions d'euros d'investissement sont prévus en 2021.
Un certain nombre de besoins paraissent évidents, notamment l'obsolescence de certains équipements sur des écluses ou des barrages. Des projets sont identifiés, mais la capacité à les mettre en oeuvre au cours de l'année 2021 reste encore clairement à démontrer.
Marc Laménie, la question de la baisse des effectifs de VNF s'inscrit dans le cadre d'une mutation assez profonde de cet établissement, notamment avec l'automatisation de certains dispositifs. Dans le prochain contrat d'objectifs et de performance (COP), le sujet devrait être abordé.
Antoine Lefèvre, concernant le Grand Paris Express, les lignes 16 et 17 ne seront pas livrées avant les Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024. En revanche, les lignes 15 Sud, 14 Nord et 14 Sud ne devraient pas voir leur calendrier bouleversé.
On recense aujourd'hui 130 chantiers actifs dans le cadre du Grand Paris Express. Les marchés de conception-réalisation ont permis, malgré les contraintes que nous connaissons, d'accélérer un certain nombre de ces travaux.
Michel Canevet, s'agissant de la formation maritime, les crédits sont stabilisés. Les lycées, notamment, conservent les mêmes moyens. Une réforme est engagée pour l'enseignement supérieur, avec un regroupement de sites et un siège basé au Havre, même si le plus important de ces établissements se situe à Marseille.
Antoine Lefèvre évoquait son inquiétude par rapport au non-renouvellement des investissements dans le domaine aérien ; il peut étendre son inquiétude à l'ensemble de nos infrastructures, aussi bien dans les domaines ferroviaire, fluvial que routier. Concernant le domaine routier, on peut se réjouir de l'augmentation des crédits, notamment dans le cadre de la LOM, témoignant d'une volonté de régénérer les réseaux à laquelle on ne peut que souscrire. J'ajouterai aussi la question des ponts, d'autant plus en ce jour du triste anniversaire de l'effondrement du pont de Mirepoix.
Concernant le manque d'informations fournies par les services de l'État, je partage le mécontentement de Sébastien Meurant. Je souhaite insister en particulier sur l'attitude scandaleuse de l'Afitf. Lors de son audition, son secrétaire général a été incapable de répondre à nos questions. Même en remontant au niveau du ministère et du directeur général des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM) nous n'avons pas obtenu davantage d'informations sur le budget de l'agence. Je le redis avec beaucoup de force et de véhémence : je suis scandalisé par ce manque de considération de l'État à l'égard du Parlement.
Marc Laménie, la suppression du compte d'affectation spéciale, quant à elle, tient à l'ouverture à la concurrence, qui ne permettait pas de conclure des contrats pluriannuels. Il s'agit donc d'une rebudgétisation et non d'une baisse des crédits conscacrés aux lignes d'aménagement du territoire.
S'agissant du taux des emprunts repris à SNCF Réseau, le dispositif est assez compliqué. Cela s'explique par le fait que, dans la dette reprise, se trouvent des emprunts historiques avec des taux élevés.
En ce qui concerne l'impact de la crise sur la fiscalité spécifique des sociétés concessionnaires d'autoroute, évoqué par Éric Bocquet, la perte s'élève à 90 millions d'euros sur les 560 millions d'euros de taxe d'aménagement du territoire. Par ailleurs, les sociétés concessionnaires d'autoroute auront à faire face à 2 milliards d'euros de recettes en moins.
Michel Canevet, concernant Brittany Ferries, l'aide de l'État est relativement modeste, de l'ordre de 30 millions d'euros, dont 15 cette année ; ce montant est complété par des garanties d'emprunts à hauteur de 117 millions d'euros. Par ailleurs, les régions Normandie et Bretagne ont apporté à Brittany Ferries un soutien complémentaire plus important que celui de l'État.
Au sujet de la privatisation des routes nationales, nous manquons d'informations. Je rappellerai ma position : je ne suis pas du tout favorable à la privatisation de voiries supplémentaires tant que les concessions seront aussi déséquilibrées. Les concessionnaires sont aujourd'hui dans une position très avantageuse, aussi bien sur le plan financier de la rentabilité que sur le plan juridique, où l'État a finalement assez peu de marges de manoeuvre - nous avons pu le constater en 2015 avec la suppression de l'augmentation des péages, dont le « rattrapage » a finalement coûté beaucoup plus cher aux automobilistes.
Un mot sur la ligne Perpignan-Rungis : le Premier ministre a annoncé une réouverture à l'été 2021.
Au-delà de la question de la privatisation, nous avons senti une écoute attentive sur les offres des collectivités faisant acte de candidature pour intégrer, dans leurs réseaux, les routes nationales.
Sur l'Afitf, nous avons proposé un amendement montrant notre volonté - malgré le manque d'informations - d'équilibrer les risques de pertes de recettes qui existeront encore en 2021. Au-delà des 90 millions d'euros de la taxe d'aménagement du territoire, il y a surtout les 230 millions d'euros d'écocontribution du transport aérien perdus en 2020 et qui ne seront sans doute pas rétablis en 2021 ; d'où cet amendement, afin de proposer une augmentation de TICPE de 400 millions d'euros au profit de l'Afitf, de manière à garantir l'exécution des engagements et des travaux sur le ferroviaire ou le routier.
S'agissant du Cerema, il est écrit dans le rapport : « La réduction des moyens du Cerema va se poursuivre au risque de menacer la soutenabilité financière de l'établissement. » Je pense que les choses sont clairement posées. Depuis 2018, la baisse du plafond d'emplois représente 100 ETPT par an pendant cinq ans, soit une chute de 17 % des effectifs sur la période et de 25 % entre 2015 et 2022.
Nous avons donc affaire à une saignée. Il y a des raisons budgétaires à cela, une volonté de rationalisation. Mais nous arrivons à l'os, c'est-à-dire au moment où l'outil lui-même est menacé. La baisse de la subvention, de l'ordre de 5 millions d'euros par an, va devenir difficile à supporter. On observe une fragilisation des compétences et une inquiétude sur l'investissement. En 2022, la subvention pour charge de service public sera inférieure de 9 millions d'euros aux charges de personnels. Il s'agit maintenant de stabiliser cette trajectoire.
Michel Canevet, concernant la relation entre le Cerema et l'ANCT, un projet de convention est actuellement en discussion. Une fusion n'est pas concevable, elle entraînerait de nouveaux traumatismes pour le Cerema qui, je le rappelle, est lui-même le résultat de la fusion de 11 entités. Un modèle économique est à construire, avec des flux financiers positifs vers le Cerema.
Au sujet de la direction des services de la navigation aérienne (DSNA), s'agissant de l'obsolescence des équipements et de l'impact potentiel sur la sécurité, je veux, autant que possible, tranquilliser Antoine Lefèvre. Cette confiance se justifie par des personnels de très bon niveau et par la robustesse des matériels qui, à ce jour, n'est pas mise en cause. Cela dit, nous risquons de devenir les derniers d'Europe en termes de capacités si nous ne modernisons pas nos matériels. Des questions se posent quant à notre capacité à avoir des routes plus directes, ce qui permet de réduire la pollution. Le Gouvernement fustige le transport aérien pour son impact écologique, mais il fait peu de choses pour améliorer les trajectoires des avions, alors qu'elles dépendent de lui.
Arnaud Bazin, en 2021, sur un investissement total de la direction générale de l'aviation civile (DGAC) de l'ordre 317 millions d'euros pour la DSNA, 140 millions d'euros seront consacrés aux grands programmes. Ces derniers se poursuivent, mais à un rythme trop lent, avec une garantie d'efficacité qui n'est pas apportée et une garantie de délais qui a volé en éclats depuis très longtemps. On pouvait espérer que les contrôleurs, profitant de cette période de moindre activité, seraient mobilisés pour des formations ; ce n'est pas le cas.
Un nouveau directeur général a été nommé à la DGAC ; le précédent, bible de l'aéronautique, avait dirigé cette maison pendant 12 ans. Aujourd'hui, il faut se poser la question de réformer la DGAC. Le nouveau directeur général a-t-il reçu un mandat pour le faire ? Cela reste un point d'interrogation. La réforme est difficile, car, singularité française, c'est une maison qui fait tout ; elle régule le contrôle aérien, vérifie, produit des normes, des services pour les compagnies... Est-ce le bon moment pour réformer ? Sans doute, car le trafic est moindre aujourd'hui ; en même temps, nous traversons une grave crise financière...
Article 33 (ÉTAT B)
Nous devons nous prononcer sur un amendement de crédit qui porte sur 20 millions d'euros, au sujet des ponts.
L'État lui-même a considéré que l'entretien des ponts nécessitait un budget de 120 millions d'euros. Avec les crédits supplémentaires du plan de relance, nous arrivons à peine à 100 millions d'euros ; d'où ce complément de 20 millions d'euros, déjà voté l'an dernier par le Sénat, sans résultat à l'Assemblée nationale. Le Gouvernement, à l'époque, considérait que nous étions à quelques dizaines de millions d'euros près ; aujourd'hui, comme nous ne semblons plus être à quelques centaines de milliards d'euros près, je suis certain que nous recevrons un avis favorable.
L'amendement n° II-3 est adopté.
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », sous réserve de l'adoption de son amendement.
Article 54 quinquies
Dans l'article 54 quinquies, l'Assemblée nationale a introduit une rationalisation de l'ensemble des dispositifs législatifs ayant trait au fonds Barnier, désormais rassemblés au sein d'un article unique du code de l'environnement. A également été introduite la possibilité de financer une expérimentation, visant le département des Alpes-Maritimes, pour laquelle un rapport est prévu dans trois ans. Ignorant si d'autres événements de ce type ne nécessiteront pas une mobilisation des crédits du fonds, je pense que l'on devrait commander un rapport d'étape plus tôt, pour le prochain PLF ; tel est le sens de cet amendement n° II-12.
L'amendement n° II-12 est adopté.
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption de l'article 54 quinquies, sous réserve de l'adoption de son amendement.
Article 54 sexies
L'article 54 sexies prévoit la remise en cause des contrats d'achat de l'électricité photovoltaïque signés sur la base des tarifs de 2006 et 2010 pour les installations de plus de 250 kilowatts. Il est indiqué un niveau de charge de services publics économisés de 2 milliards ; sauf qu'il s'agit d'un leurre, puisque les 2 milliards concernent l'ensemble des contrats.
Seuls 850 contrats seraient en fait visés par cette mesure : des contrats signés en métropole, entraînant des charges de services publics annuels de l'ordre de 737 millions d'euros. Quid, dès lors, des 200 contrats se trouvant en zones non interconnectées (ZNI) avec le territoire métropolitain et possédant les mêmes critères, à savoir plus de 250 kilowatts ? On croit également comprendre qu'un traitement individuel sera réservé pour chacun de ces 850 contrats, si les producteurs en font la demande. Aujourd'hui, la Commission de régulation de l'énergie (CRE) prétend avoir besoin de huit équivalents temps plein (ETP) pour procéder à cet examen ; à titre personnel, je pense que deux peuvent largement suffire.
Par ailleurs, chacun pourra faire état de difficultés particulières, car, dans ce secteur économique, les contrats sont cédés aux exploitants. La personne ayant investi au moment de la signature n'est pas forcément celle qui est aujourd'hui l'exploitant. Les exploitants actuels ont acheté sur la base d'une perspective de rendement qui, sauf à imaginer une tempête qui emporterait les toits de France, était certaine ; on les pénaliserait donc aujourd'hui, alors que ceux qui ont empoché la rente ne seraient pas atteints.
Il y a donc un sujet financier - avec ces 2 milliards d'euros pour les seuls contrats signés avant 2011, qui représentent 0,5 % de la production - et aussi un problème de respect de la signature de l'État. On ne peut pas déposer un amendement à la dernière minute, de manière à éviter des sous-amendements, sans débat, sans analyse du Conseil d'État, sans étude d'impact, sur un sujet aussi important. Pour toutes ces raisons, je vous propose cet amendement n° 3 visant à supprimer l'article.
L'amendement n° II-28 est adopté.
La commission propose au Sénat de supprimer l'article 54 sexies.
Article 54 septies
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption de l'article 54 septies sans modification.
La commission décide également de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits du compte d'affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale (FACÉ) », ainsi que les crédits du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens ».
La réunion est close à 12 h 35.
ANCIENS COMBATTANTS, MÉMOIRE ET LIEN AVEC LA NATION
Nous débutons cette réunion par l'examen des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », précédemment réservés, et de l'article rattaché 54.
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et lien avec la Nation ».
La commission décide également de proposer au Sénat l'adoption de l'article 54, rattaché à la mission « Anciens combattants, mémoire et lien avec la Nation » sans modification.
AVANCES À DIVERS SERVICES DE L'ÉTAT OU ORGANISMES GÉRANT DES SERVICES PUBLICS
Nous passons au compte de concours financiers « Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics ».
Ma préoccupation portait sur les avances prévues pour aider les aéroports, car le système de comptes d'avances ne me semblait pas totalement pertinent du point de vue de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). C'était donc plus un problème de forme que de fond et, après le court et brillant exposé de Vincent Capo-Canellas ce matin démontrant combien ces aides sont vitales pour le secteur aérien, j'émets un avis favorable.
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits du compte de concours financiers « Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics ».
SANTÉ
La commission décide de proposer au Sénat de ne pas adopter les crédits de la mission « Santé ».
Après concertation avec Annie Delmont-Koropoulis, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales, je vous propose l'amendement II-15, remplaçant l'aide médicale d'État par une aide médicale de santé publique. Il s'agit d'un dispositif reprenant les contours de l'amendement déposé par notre collègue Roger Karoutchi en juin 2018 et repris par Alain Joyandet en 2020 dans un amendement adopté par le Sénat avant d'être supprimé par l'Assemblée nationale. Il s'agit, tout simplement, de réduire le panier de soins à un certain nombre de soins d'urgence.
Vous ne serez pas étonné que mon groupe ne vote pas cet amendement - en m'excusant auprès de Roger Karoutchi, qui est la tête pensante de ce projet.
L'amendement II-15 est adopté.
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption d'un article additionnel après l'article 65.
SÉCURITÉS
Nous passons à la mission « Sécurités » et aux articles rattachés 66 et 67.
Après avoir eu confirmation que de nombreux crédits figureront dans la mission « Plan de relance », notamment en matière d'investissement, je propose un avis favorable.
La commission décide de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Sécurités ».
L'article 66, ajouté à l'Assemblée nationale, réécrit le dispositif permettant des cofinancements de l'État et des collectivités locales pour construire des casernes de gendarmerie et de pompiers, ou des commissariats. Cette réécriture emporte trois modifications : la pérennisation, bienvenue, de ce dispositif, qui devait s'arrêter fin décembre 2020 ; son élargissement aux besoins de la sécurité civile, qui est une bonne chose aussi ; et l'exclusion explicite du champ des baux emphytéotiques administratifs, également bienvenue. Sur le fond, je n'ai pas d'opposition particulière. Sur la forme, sa rédaction mérite d'être clarifiée. Je vous propose donc l'amendement II-16, qui garantit que les bâtiments construits pour les services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) à l'aide de ce dispositif soient bien mis à la disposition des SDIS, et non pas à celle de l'État.
L'amendement II-16 est adopté.
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption de l'article 66, ainsi modifié.
L'article 67, ajouté à l'Assemblée nationale, demande un rapport sur les secrétariats généraux pour l'administration du ministère de l'intérieur (Sgami). Le Sénat n'est généralement pas favorable aux rapports. En l'occurrence, c'est un député de la majorité qui le demande, avec un avis favorable du Gouvernement. C'est un peu une surprise, puisqu'il s'agit d'une mutualisation des moyens de la police et de la gendarmerie, qui crée des inquiétudes depuis trois ans. Si le Gouvernement a du temps à consacrer à un rapport sur ce sujet, je laisse faire, et nous verrons bien ce qu'il en ressortira ! Ce n'est pas une demande de notre part, et je trouve même que c'est inutile, mais ce n'est pas au Sénat de corriger les bonnes manières que le Gouvernement a pour sa majorité à l'Assemblée nationale...
On peut toujours compter sur Philippe Dominati pour trouver les bonnes formules ! Nous allons donc être d'accord avec un article qui commande un rapport que nous ne souhaitons pas...
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption de l'article 67, sans modification.
SPORTS, JEUNESSE ET VIE ASSOCIATIVE
Nous passons à la mission « Sports, jeunesse et vie associative » et aux articles rattachés 70 à 73.
L'Assemblée nationale n'a adopté aucune modification sur les crédits de la mission. Nos points d'inquiétude, relevés lors de l'examen en commission, subsistent. Pour autant, une vision plus globale du soutien au mouvement sportif et associatif doit conduire à envisager les crédits prévus par le quatrième projet de loi de finances rectificative. De plus, de nouvelles annonces ont été faites par le Président de la République hier et confirmées tout à l'heure lors des questions au Gouvernement par la ministre des sports. Une réunion a été organisée avec les acteurs du sport professionnel et du sport amateur. Je vous propose donc d'adopter les crédits de la mission. Après avoir fait le point sur les dernières annonces, je proposerai certainement des amendements de crédits en amont de l'examen en séance publique.
La commission décide de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Sports, jeunesse et vie associative ».
L'article 70, ajouté à l'Assemblée nationale, prévoit la mise en place d'un dispositif d'accompagnement des associations, sous le nom de groupements de compétences locaux, pour faciliter leurs démarches. Je vous propose de l'adopter.
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption de l'article 70.
L'article 71, ajouté à l'Assemblée nationale, demande la remise d'un rapport sur les effets du Fonds pour le développement de la vie associative, pour ce qui concerne les nouvelles missions de soutien aux associations, en remplacement de l'ancienne dotation d'action parlementaire. Nous avons déjà adopté une demande analogue dans les deux précédentes lois de finances. Mon amendement II-27 en propose une nouvelle rédaction : plutôt que d'adopter, chaque année, une demande de rapport, nous complèterions le contenu du jaune budgétaire consacré à l'effort financier de l'État en faveur de la vie associative.
Vous ne suivez donc pas la jurisprudence Dominati !
L'amendement II-27 est adopté.
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption de l'article 71, ainsi modifié.
L'article 72, ajouté à l'Assemblée nationale, demande la remise d'un rapport sur l'emploi associatif et les conséquences de la réduction du nombre d'emplois aidés. Je vous propose un amendement II-26 de suppression, car il s'agit d'un cavalier budgétaire : le rapport demandé ne relève pas du domaine des lois de finances.
La commission décide de proposer au Sénat de supprimer l'article 72.
L'article 73, ajouté à l'Assemblée nationale, demande la remise d'un rapport sur les moyens alloués à la lutte contre la radicalisation dans les associations sportives. Je vous propose de l'adopter.
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption de l'article 73, sans modification.
Présidence de Mme Christine Lavarde, vice-présidente -
Pour 2021, les crédits demandés au titre de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » (RCT) s'élèveraient à 3,8 milliards d'euros en autorisations d'engagement et à 3,9 milliards d'euros en crédits de paiement. Les crédits de la mission ne représentent en effet qu'une très faible part des transferts financiers de l'État aux collectivités territoriales, qui s'élèveraient à 104,4 milliards d'euros en 2021.
La première caractéristique du budget qui nous est proposé est, une fois n'est pas coutume, sa stabilité. En effet, les hausses de crédits constatées tiennent, pour l'essentiel, à des mesures de périmètre.
La principale action de la mission concerne les dotations d'investissement au bloc communal, au premier rang desquelles la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) et la dotation politique de la ville (DPV). Comme les années précédentes, les crédits alloués à ces dotations s'élèvent à 1,8 milliard d'euros.
La mission porte une partie du plan de relance, puisqu'elle permet de couvrir à hauteur de 100 millions d'euros les crédits de paiement afférents au milliard d'euros d'autorisations d'engagement consommées en 2020 au titre de la DSIL exceptionnelle votée dans le cadre de la troisième loi de finances rectificative.
Cette DSIL exceptionnelle devait financer des projets s'inscrivant dans trois priorités : la transition écologique, la résilience sanitaire et la rénovation du patrimoine. Au 15 octobre, 1 749 projets ont été programmés, pour un montant de 320 millions d'euros.
Je rappelle que, sur l'initiative du Sénat, il avait été prévu qu'à titre exceptionnel ces crédits puissent également financer des projets éligibles à la DETR. Ces derniers représentent à date environ 14 % des projets subventionnés.
Nous regrettons néanmoins que, malgré son caractère présenté comme exceptionnel, ce dispositif ne fasse l'objet d'aucun indicateur de performance spécifique, qui aurait pu retracer la rapidité de consommation des crédits, la typologie des projets financés ou encore son effet de levier sur l'investissement local, qui doit être un pilier de la réponse à la crise économique.
Comme les années précédentes, nous vous proposons d'adopter les crédits de la mission.
Nous examinons également le compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales », qui voit notamment transiter le produit des impositions locales versées mensuellement par l'État aux collectivités territoriales : 111,5 milliards d'euros sont prévus à ce titre pour 2021.
On constate une baisse de 1,3 % du montant de ces avances en 2021, qui traduit l'impact de la crise sur les impôts locaux, après plusieurs années de dynamisme.
Le compte de concours financiers comporte également en 2020 un nouveau programme retraçant les avances remboursables versées aux départements sur leurs recettes de droits de mutation à titre onéreux (DMTO) en application de la troisième loi de finances rectificative pour 2020. Le montant total provisionné pour 2020 et 2021 s'élève à 2,7 milliards d'euros. Mais le montant total avancé pourrait être bien inférieur puisque seuls 40 départements ont décidé de faire appel à ces avances à ce jour. Je rappelle à ce titre que, sur l'initiative du Sénat, une clause de retour à bonne fortune a été introduite : la période de remboursement prendra effet à compter de l'année suivant celle au cours de laquelle le montant des recettes fiscales de DMTO sera égal ou supérieur à celui constaté en 2019.
Nous vous proposons également de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de ce compte de concours financiers.
L'article 57 procède à la mise en oeuvre de l'automatisation du fonds de compensation pour la valeur ajoutée (FCTVA). Celle-ci était prévue pour le 1er janvier 2019 mais avait été repoussée par deux fois.
Au-delà de l'automatisation elle-même, la réforme redéfinit l'assiette des dépenses éligibles.
En effet, l'automatisation repose sur le traitement des dépenses imputées sur certains comptes ou subdivisions définis du plan comptable des collectivités locales.
Cette nouvelle approche conduit à exclure ou au contraire à inclure certains comptes et donc certaines dépenses dans le champ du FCVTA.
Par exemple, les dépenses retracées au compte 202 « Frais liés à la réalisation des documents d'urbanisme et à la numérisation du cadastre » ne seront plus éligibles. À l'inverse, celles du compte 2181 « Agencements et aménagements divers » le deviendront.
Au bilan, les collectivités locales pourraient bénéficier d'un peu plus de FCTVA qu'auparavant. Par exemple, en 2019, la réforme aurait conduit à un FCTVA supérieur de 170 millions à ce qu'il a été.
Nous vous proposons d'adopter sur cet article un l'amendement rédactionnel n° II-14.
L'article 58 contient plusieurs dispositions que je vais présenter succinctement. En premier lieu, il augmente la part « péréquation » de la dotation globale de fonctionnement (DGF) de 190 millions d'euros comme l'année dernière. Nous y sommes favorables. Chaque année, nous avons un débat sur cette augmentation, toujours à peu près du même montant.
En second lieu, il poursuit le rattrapage des montants versés aux communes d'outre-mer au titre de la péréquation. Le régime dérogatoire qui leur est appliqué leur était défavorable. Nous sommes favorables à cette mesure, même si nous aurions préféré que l'État assume le coût de ce rattrapage.
Nul doute que des amendements en première partie proposeront de majorer la DGF en ce sens - et nul doute qu'ils remporteront un succès d'estime...
En troisième lieu, l'article ajuste le montant de la DGF revenant à plusieurs départements pour tenir compte de la recentralisation de certaines compétences.
En quatrième lieu, il institue un mécanisme concernant la prise en compte de la population de Mayotte dans le calcul des dotations dans l'attente d'un recensement.
En cinquième lieu, il prévoit des modalités de neutralisation des effets de la réforme de la taxe d'habitation et des impôts de production sur les indicateurs de péréquation. Il est proposé d'introduire une formule de calcul du potentiel fiscal afférent à la taxe foncière qui tient compte de l'effet du coefficient correcteur, et de majorer pendant cinq ans les indicateurs de péréquation d'une fraction de correction.
Ces propositions rejoignent les conclusions des simulations proposées au comité des finances locales et ne s'appliqueront, en définitive, qu'à compter de 2022. Nous sommes favorables à leur adoption considérant que nous bénéficieront du temps nécessaire pour prévoir des ajustements.
En sixième lieu, l'article tend à suspendre pour 2021 la mise en oeuvre du fonds national de péréquation des ressources de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), qui ne pourra pas fonctionner en raison de la crise. De plus, il ajuste le plafonnement du prélèvement au titre du fonds de solidarité des départements de la région Île-de-France (FSDRIF) pour tenir compte de la mise en oeuvre du nouveau fonds de péréquation des DMTO. Nous en prenons acte.
Enfin, à la suite d'un amendement de M. Jean-René Cazeneuve adopté par l'Assemblée nationale, l'article 58 propose un ajustement de la péréquation régionale en 2021 dans le cadre de l'année de transition liée à la bascule entre CVAE et TVA. L'amendement dessine également les contours d'un nouveau système de péréquation à compter de 2022.
Même si nous partageons l'objectif d'un renforcement de la péréquation régionale, nous ne sommes pas favorables à ces dispositions, dont nous jugeons qu'elles ne respectent pas les termes de l'accord conclu entre l'État et les régions à cet égard. En outre, la préfiguration du futur système de péréquation préempte les négociations qui doivent être menées sur ce point. L'article opère en outre un renvoi très large au décret pour la définition des modalités de répartition du futur fonds, ce qui ne saurait nous satisfaire. C'est à ces problématiques que répond l'amendement de suppression n° II-13 que nous vous proposons.
L'article 59 modifie les règles de calcul des montants de DETR accordés aux départements pour rediriger la dotation vers les départements les plus ruraux. Ce changement fait suite à la mission de l'Assemblée nationale, qui vient de terminer ses travaux. La mission a notamment établi que plus de 3 300 communes urbaines bénéficiaient d'une subvention au titre de la DETR, alors que 151 communes rurales y étaient inéligibles.
Il semble indispensable de revenir à l'objectif de la DETR, c'est-à-dire préserver et soutenir l'investissement dans les territoires ruraux. C'est pourquoi nous vous proposons d'adopter cet article, en attendant une réforme de grande ampleur, qui ne peut être mise en place qu'après une concertation approfondie.
L'article 60, introduit à l'Assemblée nationale sur l'initiative du Gouvernement, prolonge pour cinq années supplémentaires le fonds d'aide pour le relogement d'urgence (FARU).
Doté d'un peu plus d'un million d'euros, il permet d'accompagner les collectivités locales qui proposent des solutions d'hébergement d'urgence. Il a été créé en 2006 et était censé s'éteindre en 2016. Son existence a déjà été prolongée jusqu'en 2020 et il est demandé, cette année, de le prolonger de cinq ans encore, ce qui nous semble pertinent.
Néanmoins, nous nous demandons si un fonds qui remplit une fonction aussi évidente, et qui est prolongé pour la seconde fois, ne devrait pas, tout simplement, être pérennisé.
Nous interrogerons le ministre sur ce point, mais vous invitons à adopter cet article sans modification.
L'article 61, introduit à l'Assemblée nationale, stabilise le schéma de flux financiers applicable au sein de la Métropole du Grand Paris (MGP). Par ailleurs, il prévoit d'instituer un versement exceptionnel de la dynamique de la cotisation foncière des entreprises perçue par les établissements publics territoriaux à la MGP afin de compenser les pertes de CVAE qu'elle subira en 2021. Bien que nous ayons quelques doutes sur la nécessité de cette contribution, nous vous proposons d'adopter l'article à ce stade et de renvoyer le débat à la séance.
L'article 62 a été introduit à l'Assemblée nationale, sur l'initiative du Gouvernement, afin de répondre à l'abrogation, par le Conseil constitutionnel, du dispositif de prélèvement spécifique opéré sur certains établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) depuis 2019.
Pour mémoire, entre 2013 et 2018, les EPCI participaient à l'effort de redressement des finances publiques au travers d'une diminution du montant de la dotation d'intercommunalité qu'ils percevaient. Ceux qui n'en percevaient pas contribuaient tout de même par ce que l'on a appelé la DGF négative.
En 2019, la dotation d'intercommunalité a été réformée et son montant global a été diminué de celui de la dernière contribution des EPCI au redressement des comptes.
Afin que les EPCI qui subissaient une DGF négative continuent de participer, ce prélèvement a été figé dans son montant et maintenu pour l'avenir.
Le législateur avait limité la possibilité de revoir le montant de ce prélèvement au seul cas d'une restructuration territoriale.
À l'occasion d'une récente question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel a estimé que ce dispositif était contraire au principe d'égalité et l'a donc abrogé.
L'article 62 est donc une réponse d'urgence à cette situation. Il prévoit que le montant du prélèvement spécifique pourra être réévalué si les recettes de fonctionnement par habitant de l'EPCI diminuent au-delà d'un pourcentage fixé par décret.
Nous sommes favorables à cette réponse, qui vise à trouver une issue à l'abrogation décidée par le Conseil constitutionnel et qui offre, il est vrai, de plus grandes garanties aux EPCI.
Nous vous invitons à adopter cet article sans modification.
L'article 63 a été introduit par l'Assemblée nationale sur l'initiative de notre collègue Jean-René Cazeneuve.
Il consiste à prolonger en 2021 le fonds de stabilisation des départements, dont l'objet est de soutenir les territoires confrontés à d'importants restes à charge d'allocation individuelle de solidarité.
En 2020, les crédits du fonds ont été portés à 200 millions d'euros. Il s'agit d'un dispositif qui intervient en complément de la fraction de 250 millions d'euros de TVA instituée en loi de finances pour 2020 au titre de 2021 et du fonds de péréquation des DMTO, qui met en répartition 1,6 milliard d'euros au profit des départements fragiles.
Nous sommes favorables à cet article, et vous invitons à l'adopter sans modification.
Depuis les dernières élections municipales, les communes nouvelles ne peuvent plus bénéficier des aides apportées par le fonds d'amortissement des charges d'électrification (FACé), dès lors que la fusion a entraîné un dépassement du seuil de 5 000 habitants. L'article 64 prolonge jusqu'en 2026 l'accès au FACé pour la partie du territoire des communes nouvelles qui y étaient éligibles avant leur création.
Je crois qu'il est indispensable, à terme, de trouver une solution pérenne à ce problème qui revient régulièrement : la marge laissée par cet article laisse le temps d'y réfléchir. Nous vous proposons dans l'intermédiaire de l'adopter sans modification.
Nous vous proposons l'amendement n° II-13 à l'article 58, qui vise à respecter pleinement les termes de l'accord de partenariat conclu entre l'État et les régions le 28 septembre 2020. Il reconduit les montants des attributions et prélèvements au titre de la péréquation pour assurer une stricte équivalence des montants entre CVAE et TVA. Il supprime aussi le dispositif transitoire prévu à l'article 58. L'idée est de laisser le temps à l'État et aux régions de se mettre d'accord sur leur dispositif de péréquation.
Cette mission sera examinée par la commission des lois mercredi prochain. Le contexte est connu de tous : c'est celui de la crise sanitaire que le pays traverse depuis le mois de mars. Je vais relayer le sentiment des collectivités territoriales, qui s'est exprimé lors des auditions que nous avons pu mener la semaine dernière, notamment en recevant l'essentiel des associations d'élus. Même s'il doit être salué, le soutien de l'État a paru générateur d'inégalités de traitement entre collectivités, comme l'a montré le soutien financier à l'achat des masques. De même, des incertitudes pèsent sur le montant réel des compensations proposées aux collectivités, qui sera inférieur aux annonces du mois de juillet, ce qui est compréhensible, le Gouvernement n'ayant pas de franche visibilité sur les évolutions du contexte financier. Elles n'en donnent pas moins l'impression d'un soutien faillible, au moment même où les collectivités formulent des inquiétudes légitimes sur l'évolution de leurs finances.
Dans ce contexte troublé, l'évolution des crédits alloués à la mission « Relations avec les collectivités territoriales » se caractérise néanmoins par une forme de stabilité haussière. D'abord, les crédits alloués aux programmes 119 et 122 s'établissent dans leur ensemble à un niveau équivalent à celui de 2020. Les principales dotations d'investissement voient leur niveau maintenu. Comme l'année dernière, je rappelle que, si cette stabilité est toujours préférable à une diminution, elle s'érode progressivement sous l'effet de l'inflation, qui demeure heureusement faible dans notre pays.
Les crédits de la mission augmentent, en autorisations d'engagement, de 6,82 %, essentiellement en raison de la hausse de la dotation générale de décentralisation des régions, et en crédits de paiement, de 12,88 %, principalement en raison de l'abondement de la DSIL exceptionnelle à hauteur de 100 millions d'euros pour 2021.
C'est ainsi par un abondement de cette part exceptionnelle de la DSIL que l'État a apporté l'un de ses principaux soutiens à l'investissement des collectivités territoriales. Mais cet abondement appelle deux interrogations. D'abord, sur les modalités de son décaissement, puisque seuls 100 millions d'euros de crédits de paiement sont demandés pour 2021. La clé de décaissement choisie concentrera donc la consommation des crédits sur les deux exercices 2022 et 2023. On peut se demander pourquoi seuls 10 % des crédits ont été demandés pour l'année prochaine. Les modalités de sa répartition, ensuite, font apparaître trois priorités : la préservation du patrimoine, la transition écologique et la résilience sanitaire. L'articulation avec les objectifs déjà poursuivis par la DSIL ordinaire pose question.
Enfin, l'examen de la mission est une occasion renouvelée de réfléchir aux modalités de répartition des dotations, en particulier de la DETR et de la DSIL. En ce qui concerne la DETR, les difficultés posées par sa répartition sont bien connues. Elles sont de deux ordres : la mission de notre collègue Christine Pires Beaune sur la répartition des enveloppes départementales de DETR a rendu ses premières conclusions, et l'amendement adopté à l'Assemblée nationale en ce sens est un premier pas, mais il ne semble pas que la question du ciblage de la dotation sur les territoires ruraux en soit pour autant résolue. Ce travail a donc vocation à se poursuivre.
Ensuite, la répartition par le préfet de département de l'enveloppe de DETR entre les différents projets portés par les communes et les EPCI, a fait l'objet de propositions de modifications lors de l'examen de la proposition de loi déposée par notre collègue Hervé Maurey, et adoptée par le Sénat le 22 octobre dernier.
Certaines de ces propositions rejoignent celles que j'ai pu formuler lors de mes précédents rapports pour avis, ces trois dernières années. Après consultation de Hervé Maurey et du rapporteur de la proposition de loi, Bernard Delcros, il est certain que nous aurons l'occasion de revenir en séance sur cette question.
En ce qui concerne la DSIL, je ne peux que déplorer que les critiques formulées, année après année, sur le mode de répartition de cette dotation - qui offre, certes, une souplesse de gestion aux services de l'État, mais au détriment de l'association des élus locaux - n'aient donné lieu à aucune évolution significative. Les mêmes causes entraînant toujours les mêmes effets, je proposerai donc à la commission des lois d'adopter les mêmes amendements que l'année dernière, qui visent à garantir l'association des collectivités locales aux décisions d'attribution.
Enfin, madame la présidente, sous réserve de ces propositions, au regard de l'augmentation des crédits, je proposerai à la commission des lois d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission.
Je note la prudence de nos rapporteurs spéciaux. La stabilité que vous avez évoquée dans les relations entre la métropole et les établissements publics territoriaux (EPT) n'a pas manqué de faire sursauter les élus de la petite couronne. Effectivement, nous aurons un débat très intéressant en séance publique, puisque nous déposerons un amendement visant à instaurer une vraie stabilité dans les relations entre la métropole et les EPT, dans l'attente d'une véritable réforme sur l'organisation de la région Île-de-France.
Par ailleurs, s'agissant de la péréquation tarifaire de la DGF, je ferai, comme chaque année, le même commentaire : quand nous modifions les parts d'un gâteau qui, lui, ne change pas de taille, certaines sont toujours plus petites. Et la DGF négative que vous avez évoquée pour les EPCI existe aussi pour les communes. Je vous propose donc de ne plus parler de DGF, car elle ne contribue pas, me semble-t-il, au bon fonctionnement des collectivités territoriales.
Des remarques préconclusives, madame la présidente, puisque vous évoquez également vos orientations.
Je vois que le monde des collectivités est parfaitement représenté au Sénat, avec des propos tout à la fois en sagesse et en savoir-faire - il y a même un peu d'esquive pour en laisser pour la séance publique. Soyez nombreux et préparez-vous, le débat pourrait durer un certain temps !
Vous avez évoqué la DSIL exceptionnelle votée dans le troisième projet de loi de finances rectificative (PLFR 3), de 1 milliard d'euros, ainsi que les trois priorités définies : la transition énergétique, la résilience sanitaire et la rénovation du patrimoine. Avez-vous réussi à en savoir plus sur la répartition présupposée de ces différentes thématiques ?
S'agissant de l'article 59, relatif à la DETR, quels en seront les effets sur les EPCI et les communes ?
Je remercie nos deux rapporteurs spéciaux pour leur intervention et leur soutien aux collectivités locales.
Concernant la péréquation, des modifications positives sont-elles à noter dans l'évolution des FPIC ?
S'agissant du soutien à l'investissement des collectivités locales, j'ai noté quelques changements relatifs à la répartition de la DETR ; un certain nombre de communes ne sont pas éligibles, alors que d'autres le sont. Quelles sont les conséquences de ce changement de bénéficiaires à la DETR ?
Par ailleurs, nous ne sommes pas forcément associés à la répartition de la DSIL ; qu'en sera-t-il à l'avenir ?
Je salue à mon tour les deux rapporteurs, qui maîtrisent parfaitement ces sujets.
Ma première question porte sur l'automatisation du FCTVA. J'avais cru comprendre qu'elle concernait uniquement, dans un premier temps, les communes qui bénéficiaient du FCTVA en année N ; est-ce bien le cas ? Si oui, quelles sont les collectivités concernées - les EPCI et les communes nouvelles, j'imagine ? Et quel est le calendrier pour les autres collectivités ?
Ma deuxième question est relative à la neutralisation de la réforme fiscale, à la suppression de la taxe d'habitation et maintenant à la baisse des impôts de production, sur le potentiel financier des collectivités. Le mécanisme proposé cette année est-il définitif ? J'ai cru comprendre qu'il y avait un glissement sur cinq ans.
Ma troisième question concerne la DSIL - dotée de 1 milliard d'euros affecté à la relance. Disposez-vous d'informations sur la répartition de cette DSIL, au fil des ans, entre les départements ? Par ailleurs, pensez-vous qu'une départementalisation de l'enveloppe DSIL serait utile ? Existe-t-il déjà des critères d'éligibilité des collectivités ? Sinon, conviendrait-il d'en définir ?
Enfin, je me réjouis pour notre collègue Loïc Hervé, élu d'un département contributeur, de l'augmentation de 180 millions d'euros de la péréquation au titre de la dotation de solidarité rurale (DSR) et de la dotation de solidarité urbaine (DSU).
J'ai la même interrogation que Bernard Delcros sur l'impact de la suppression de la taxe d'habitation sur le calcul des dotations de péréquation. Dans un premier temps, j'ai cru comprendre que vous aviez trouvé la formule magique qui réglait le problème mais, dans un second temps, j'ai également compris qu'il y avait un lissage sur cinq ans. Or, à chaque fois que ce mécanisme est mis en oeuvre, c'est en raison des effets de bord ; nous n'avons donc pas trouvé la martingale. J'aimerais comprendre le mécanisme !
Je souhaiterais revenir sur la péréquation horizontale, notamment des FPIC, des communautés d'agglomération, issues des ex-syndicats d'agglomération nouvelle (SAN). Chacun sait que les ex-SAN ont bénéficié de largesses ces trente dernières années, notamment pour construire des logements et procéder à des aménagements.
Un régime dérogatoire a été instauré lorsque les SAN sont devenus des communautés d'agglomération, qui devrait prendre fin en 2021, me semble-t-il.
J'ai un regard particulier sur un ex-SAN en Isère, celui de L'Isle-d'Abeau, qui est devenu la communauté d'agglomération Porte de l'Isère (CAPI). Avez-vous mené une réflexion sur la possibilité de lisser cette sortie du régime dérogatoire ?
Je remercie les deux rapporteurs pour, une fois de plus, leur esprit de responsabilité et leur prudence.
Pensez-vous que les propositions tiennent compte des évolutions démographiques ? De même, l'inflation a-t-elle était prise en compte dans les projections qui nous sont proposées ? Enfin, comment appréciez-vous cette « stabilité » ?
Je dois vous avouer que je fais partie de ceux qui sont très préoccupés par le recul de l'investissement public. Ressentez-vous une réelle présence de l'État aux côtés des collectivités territoriales pour se projeter dans de grandes ambitions d'investissements publics dans les mois et années à venir ?
Tout comme mon collègue Pascal Savoldelli, je suis inquiet du niveau de l'investissement public, notamment lorsque je vois que la DSIL est revenue au niveau des années précédentes. De fait, les collectivités ne bénéficieront pas du milliard d'euros alloué dans le cadre du plan de relance, qui aurait permis de concrétiser un certain nombre d'investissements. La relance tant attendue risque vraiment d'être compliquée pour les collectivités.
Avec Bernard Delcros, et nos collègues du groupe de l'Union centriste, nous tentons de rendre contemporain le FCTVA, considérant qu'il est discriminatoire que ce dispositif contienne trois systèmes : la récupération de l'année de l'investissement, l'année N, puis l'année N+1 et enfin l'année N+2.
Avez-vous une idée de la répartition des 6 milliards d'euros du FCTVA, entre les années N, N+1 et N+2 ? Instaurer un régime analogue pour toutes les collectivités ne vous semble-t-il pas plus légitime ? Pourquoi existe-t-il encore trois régimes, pénalisant ainsi les collectivités qui n'avaient pas pu réaliser les investissements en 2009 ?
Avez-vous d'autres informations à nous communiquer, sachant que le ministre a indiqué, lundi soir, en séance publique, qu'un régime identique était difficile à mettre en oeuvre, compte tenu du dispositif d'automatisation en cours ?
Enfin, si la taxe d'habitation a été supprimée, la taxe foncière a été conservée pour les communes. Les collectivités peuvent-elles encore lever cette taxe foncière ?
Monsieur le rapporteur général, au 15 octobre 2020 et d'après les informations qui nous ont été transmises, 320 millions d'euros de crédits étaient engagés et concernaient 1 749 projets - formellement programmés par les préfectures : 87,6 millions d'euros pour 694 projets relatifs à la transition écologique ; 50,7 millions d'euros pour 271 projets relatifs à la résilience sanitaire ; et 27 millions d'euros pour 263 projets de rénovation du patrimoine. Le montant total des projets s'élève à 1,3 milliard d'euros, et le taux de subvention est de 26 % en moyenne.
Cela m'amène à la question de M. Loïc Hervé qui demandait pourquoi 100 millions d'euros étaient inscrits. Les investissements pouvant s'étaler sur plusieurs années et les décaissements intervenant au fil des réalisations, il n'est pas étonnant que la consommation des crédits de paiement soit progressive.
L'amendement de Mme Pires Beaune sur la DETR nous interpelle, effectivement, mais sachez qu'il ne vise pas à modifier l'éligibilité des collectivités à cette dotation. Aucune commune ou aucun EPCI actuellement éligible ne sortira du dispositif. L'article modifie simplement des modalités de calcul de l'enveloppe globale par département, en tenant compte, essentiellement, des communes rurales, alors qu'auparavant étaient intégrées dans le calcul des communes urbaines, ce qui n'était pas normal. La DETR est par ailleurs bordée par un mécanisme de lissage.
Le montant de l'enveloppe ne peut, dans chaque département, excéder 105 % du montant de l'enveloppe versée au département l'année précédente, ni être inférieur à 95 %. L'amendement modifie simplement les pourcentages - 97 % et 103 %. Voici quelques exemples : la Haute-Marne et la Meurthe-et-Moselle vont perdre 1,5 euro par habitant ; et le Pas-de-Calais va en gagner 1. Il s'agit donc, non pas d'une opposition entre les collectivités rurales et urbaines, mais de tenir compte des communes rurales dans le calcul de l'enveloppe de la DETR par département.
La réforme de la péréquation est un sujet extrêmement fort. Depuis la suppression de la taxe d'habitation, nous savons qu'il y aura un problème sur le calcul du potentiel fiscal et sur les conséquences de la péréquation.
Plusieurs lectures sont possibles. La direction générale des collectivités locales (DGCL) et le Comité des finances locales sont favorables à la formule qui est proposée aujourd'hui. Celle-ci amène, effectivement, à une prise en compte d'un facteur de correction qui se modifie dans le temps et d'une nouvelle formule, pérenne, de calcul du potentiel fiscal afférent à la taxe foncière. Dès l'instant où les critères sont modifiés, il y a des perdants et des gagnants ; c'est écrit. Or il n'existe pas de solution de correction, à l'euro près. Ce système prend en compte le mieux possible la suppression de la taxe d'habitation dans le calcul. Cela étant dit, certains acteurs ont effectué des simulations qui montreraient certains écarts significatifs.
C'est la raison pour laquelle, j'ai ajouté que nous disposions encore d'un an pour tenter de réduire les écarts les plus importants. Nous avons bien évidemment éliminé les écarts les plus grands, dont les impacts étaient considérables. Les écarts sont aujourd'hui plus réduits, mais il nous reste une marge de manoeuvre pour tenter d'améliorer le dispositif, notamment d'ici au projet de loi de finances pour 2022.
La départementalisation de l'enveloppe DSIL est un sujet qui revient chaque année. Nous avons d'ailleurs, avec la commission des lois, un débat sur cette question ; parfois elle perd, parfois, elle gagne, mais en définitive, la départementalisation n'est jamais adoptée. Personnellement, je n'y suis pas favorable.
L'enveloppe DSIL a vocation à traiter une certaine taille de projets, et vient parfois en complément de l'enveloppe DETR. Mais il me semble qu'une certaine souplesse dans la répartition des enveloppes est nécessaire. Si une départementalisation peut paraître équitable, ce n'est pas forcément vrai en fonction de la qualité des projets. Je suis donc favorable au statu quo sur cette question.
S'agissant des projets subventionnés au titre de la DSIL, nous ne les avons pas ici, mais vous pouvez les trouver sur le site du ministère. Nous disposons des outils pour définir la répartition par département.
Concernant la prise en compte des évolutions démographiques, Pascal Savoldelli, aucune modification des règles régissant leur mesure n'est à noter, excepté à Mayotte comme évoqué précédemment.
La chute de l'investissement public, est la conséquence du rétrécissement des marges de manoeuvre financières des collectivités. Lorsqu'une collectivité dispose de moins de capacité d'autofinancement, l'investissement s'en ressent. Or, l'année 2020 étant marquée par une perte très significative de recettes, les craintes sur la capacité d'autofinancement des collectivités sont bien réelles.
Cependant, des améliorations peuvent encore être apportées. Certaines ont été effectuées lors de la troisième loi de finances rectificative : des pertes de recettes fiscales et domaniales ont fait l'objet de mesures de compensation. Il reste encore des problèmes sur les pertes de recettes subies par les régies, nous devons donc avancer sur cette question. Nous en avons débattu en commission mixte paritaire (CMP) hier, et nous avons senti que l'Assemblée nationale était prête à avancer sur un certain nombre de dossiers.
La question des transports est également très présente dans de nombreux EPCI, à savoir la capacité à compenser des pertes de recettes sur le versement mobilité d'un côté et les recettes tarifaires de l'autre.
Toutes ces mesures vont dans le bon sens : elles visent à redonner une marge d'appréciation aux collectivités, leur permettant éventuellement de redéployer de l'investissement.
Cela étant dit, la crise n'est pas terminée. Nous ne sommes pas dans un système en V qui revient, tout d'un coup, à un système en T. De nombreux présidents d'intercommunalité, de département et de région seront donc attentifs et prudents pour 2021.
La question de savoir s'il est prudent d'investir à nouveau est une question qui touche l'économie du pays, mais aussi les collectivités. Il me semble néanmoins que le Gouvernement et l'Assemblée nationale ont compris la nécessité de restaurer au mieux les comptes de résultat des collectivités, afin qu'elles puissent conserver une capacité d'autofinancement la meilleure possible.
Didier Rambaud, concernant les ex-SAN vous savez que certains bénéficient encore d'une décote appliquée à leur potentiel fiscal ce qui leur est favorable en matière de péréquation. Cette décote doit s'éteindre d'ici 2024 d'où une certaine inquiétude de leur part qui, pour l'instant, n'a pas donné lieu à des mesures en loi de finances.
Je souhaiterais remercier notre collègue Loïc Hervé pour son intervention.
Pour ce qui est des amendements récurrents sur la DETR et de la DSIL, nous aurons le débat en séance. Sachant que, personnellement, je reste dubitatif sur l'idée de rigidifier les règles ; cela ne nous donnera pas, à nous parlementaires, nécessairement plus de pouvoirs sur nos préfets.
Concernant l'évolution du FPIC, je fais partie de ceux qui souhaitent le réformer - nous pourrions le faire en parallèle. Cependant, nous ne devons pas nous focaliser sur cette question. Nous savons que cette péréquation, est bloquée à 1 milliard d'euros. Par le biais de la DETR, de la DSU, de la DSR, de la dotation nationale de péréquation (DNP) et autres dotations, nous allons parvenir à 6 milliards d'euros de péréquation, soi-disant verticale, mais qui, en réalité, est très horizontale puisque nous sommes à enveloppe constante même si la DSR et la DSU possèdent des qualités reconnues.
S'agissant de la FCTVA, les 6,5 milliards d'euros se partagent comme suit : 18 % sont attribués la première année, l'année N, 67 % l'année N+1, et 18 % l'année N+2. Ce qui vous donne une idée des masses concernées.
Par ailleurs, l'État avance une difficulté technique liée à l'automatisation pour justifier son refus de contemporanéiser les versements, l'argument le plus important semble plutôt être celui du coût d'une telle mesure. En effet, 80 % de cette somme sont attribués en N+1 et N+2 soit 5,2 milliards d'euros.
Y aura-t-il un jour une harmonisation ? Je ne sais vraiment pas. Mais il s'agit d'une question récurrente, nous devrions donc certainement y porter plus d'attention, les collectivités n'étant pas traitées de façon égalitaire.
Il est effectivement prévu d'instituer une fraction de correction des indicateurs de péréquation dégressive sur cinq ans. Cependant, d'ici là, nous espérons avoir trouvé d'autres solutions pour réformer le système. Les plus audacieux estiment que, pour l'instant, les collectivités sont relativement « tranquilles » par rapport à la crise que nous traversons, l'État devant nécessairement maintenir le niveau d'attribution - il me semble par ailleurs que des élections approchent, mais c'est un détail.
L'État essaie de contrebalancer les pertes de marges brutes que nous évoquions s'agissant de l'investissement, à grand renfort de DETR et de DSIL. Il me semble que c'est à partir de 2023 que nous devrons nous inquiéter, si un nouveau mécanisme de contractualisation ou de limitation de l'évolution des dépenses devait être instauré. Pour l'instant, l'État est conscient que les mesures prises par les collectivités locales pour la relance sont nécessaires pour le pays.
Concernant la question des ex-SAN, je confirme les éléments apportés par Claude Raynal.
L'automatisation du FCTVA en 2021 s'applique donc, si j'ai bien compris, uniquement aux collectivités qui sont soumises au régime de versement des attributions du fonds l'année du paiement de la dépense éligible ?
Oui tout à fait. À partir de 2022, ce sont les collectivités locales qui sont soumises au régime de versement des attributions l'année qui suit la dépense qui seront concernée. À compter de 2023 ce seront celles qui perçoivent les attributions deux ans après la dépense. Enfin, notre collègue Pascal Savoldelli évoquait l'inflation, mais il n'y en a pas en ce moment. Il n'y a donc pas de sujet.
EXAMEN DES ARTICLES RATTACHÉS
Article 57
L'amendement rédactionnel n° II-14 est adopté.
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption de l'article 57 ainsi modifié.
Article 58
L'amendement n° II-13 est adopté.
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption de l'article 58 ainsi modifié.
Article 59 (nouveau)
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, de l'article 59.
Article 60 (nouveau)
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, de l'article 60.
Article 61 (nouveau)
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, de l'article 61.
Article 62 (nouveau)
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, de l'article 62.
Article 63 (nouveau)
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, de l'article 63.
Article 64 (nouveau)
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, de l'article 64.
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » ainsi que du compte de concours financiers « Avance aux collectivités territoriales ».
Présidence de M. Claude Raynal, président -
Le document de référence que constitue la loi de programmation militaire (LPM) est respecté, puisque les crédits passent de 46,1 milliards d'euros à 47,7 milliards d'euros, soit une augmentation de 1,6 milliard d'euros.
Je souhaiterais tout d'abord faire un focus sur un sujet qui tient à coeur, à la fois, à la ministre et à la commission, celui de la fidélisation des personnels.
Une réforme de la rémunération a été engagée, avec la mise en place, entre autres, de la prime de lien au service (PLS), qui semble porter ses fruits. Malgré le contexte sanitaire, les recrutements se sont effectués dans des conditions correctes, les objectifs étant atteints. Les dispositifs d'accompagnement aux familles se mettent progressivement en place.
Je souhaiterais cependant partager avec vous une inquiétude, qui m'a été exprimée très clairement par le chef d'état-major de l'armée de terre : « Nous risquons de perdre la bataille de la fidélisation, compte tenu de notre incapacité à offrir des conditions d'hébergement convenables à nos militaires. »
J'ai bien entendu regardé les choses de plus près, mais je dois avouer que je n'ai pas été aidé par le secrétariat général pour l'administration du ministère des armées. J'ai cependant compris que nous étions dans un dispositif kafkaïen, qui consiste, dans la rénovation ou la création de bâtiments, à ne pas tenir compte de la spécificité du personnel des armées.
En effet, lorsqu'un bâtiment de trois étages est rénové, des études sont réalisées pour déterminer comment sera installé l'ascenseur, assurer la signalétique en braille, et comment vont être disposées les places de parking réservées aux personnes à mobilité réduite. Tout cela part d'un très bon sentiment, mais ne tient pas compte de la spécificité de nos personnels, qui devrait nous permettre de nous affranchir de ces règles, lesquelles expliquent l'enchérissement des coûts et l'allongement des délais.
Ensuite, ce qui m'inquiète dans le projet de budget pour 2021, ce n'est pas tant ce qu'il contient que ce qu'il ne contient pas.
Le premier point que je soulèverai est sans doute un marronnier, mais nous y sommes attachés : ce sont les modalités de gestion du surcoût entraîné par les opérations extérieures (OPEX). Je prends acte que la provision pour les OPEX est davantage conforme à ce que nous avons pu connaître par le passé.
Nous avions pris le soin, au Sénat, d'introduire un article 4 à la LPM, indiquant que le surcoût lié aux OPEX non prévu par la dotation initiale devrait faire l'objet d'un abondement de crédits interministériels en cours de gestion. Nous ne l'avons pas obtenu l'année dernière, nous ne l'aurons pas non plus cette année. Il s'agit là d'un manque de respect à l'égard du Parlement - et de 200 millions d'euros de moins au budget des armées ou, plus exactement, de 200 millions d'euros de dépenses supplémentaires qui devront être prélevés sur l'enveloppe. Des choix opérationnels devront donc être effectués.
Le deuxième point qui me préoccupe, et qui n'est pas évoqué dans la loi, concerne les avions que nous devons fournir à la Grèce.
Chacun a bien compris que l'équilibre de la LPM repose, en partie, sur la vente d'un certain nombre de Rafale. Or, comme nous avons quelques difficultés à les vendre - ou que nous avons placé trop haut notre ambition -, il a été décidé de vendre à la Grèce des avions d'occasion et d'en acheter des neufs. Ainsi, 12 avions de l'armée de l'air sont vendus dans l'optique d'en acheter 12 neufs.
Cependant, il ne vous aura pas échappé qu'un avion d'occasion vaut moins cher qu'un avion neuf. De sorte que nous sommes en train d'affaiblir notre capacité opérationnelle, sans la reconstituer, sauf à la prendre sur d'autres équipements. Cette opération risque de laisser subsister un surcoût d'au moins 600 millions d'euros pour les armées. Personnellement, je pense que nous serons plus proches du milliard d'euros.
L'autre conséquence, c'est qu'en attendant la livraison des avions neufs, d'ici à deux ou trois ans, nous perdons une capacité opérationnelle - nous avons toutes les peines du monde à ce que l'on nous fournisse un calendrier sur le retrait des avions actuellement opérationnels vendus à la Grèce, mais les livraisons devraient être réalisées en 2021. Et pas seulement une capacité d'intervention, mais aussi notre capacité à former et à entraîner nos personnels. Pour vous donner un ordre de grandeur, retirer 12 avions Rafale sur les 102 que compte l'armée de l'air revient à diminuer sa flotte de plus de 10 %.
Il nous a été alors expliqué que tout cela n'était pas grave, qu'il existait une clause de revoyure à la LPM, et que nous étudierons cette question dans ce cadre-là. Effectivement, il y a une clause de revoyure - normalement pour 2021 -, mais sans nouveaux crédits. Cela signifie que si nous voulons remplacer nos Rafale par des neufs, ce sera forcément au détriment d'autres équipements - et personne n'est capable de nous dire lesquels.
J'entends déjà une petite musique nous dire : ce n'est pas grave, parce que les Rafale neufs sont des avions d'une autre génération, qui disposent d'une meilleure capacité que les anciens. De fait, nous allons compenser, potentiellement, notre manque à gagner opérationnel par une amélioration de chacune des unités.
Par ailleurs, il nous a été également dit, que nous allions améliorer le maintien en conditions opérationnelles, ce qui est vrai. Cependant, le niveau du maintien était financé dans la LPM. Or je n'avais pas noté que l'objectif était de se défaire de moyens potentiels, en améliorant le maintien en conditions opérationnelles. Au contraire, nous avions la volonté d'être plus performants.
Troisième point préoccupant : la question du choix de la propulsion du porte-avions de nouvelle génération, le successeur du Charles-de-Gaulle.
Cette décision devrait intervenir, si nous voulons respecter l'échéance de 2038, avant la fin de l'année. Une décision importante : nucléaire ou pas nucléaire ? Derrière ce choix, il ne s'agit pas uniquement de la question de l'autonomie du futur porte-avions, c'est toute la filière nucléaire et, in fine, la dissuasion nucléaire, qui sont en cause.
Ce sont les raisons pour lesquelles nous aimerions connaître le choix qui sera fait et ses conséquences pratiques et opérationnelles dans la révision de la LPM. Certes, quelques crédits d'études ont été inscrits, mais selon le choix qui sera fait, les conséquences financières ne seront pas du tout les mêmes.
Je terminerai en vous exposant une dernière préoccupation. Nous devons revoir la LPM, certes, mais son objectif était d'atteindre 2 % du produit intérieur brut (PIB). Or je crains que nous arrivions à cet objectif malgré nous, par une diminution mécanique du PIB.
J'entends là aussi une petite musique, consistant à dire : de quoi vous plaignez-vous, le taux d'effort est respecté ! Mais depuis quand mesure-t-on le degré d'une menace en pourcentage de PIB ?
La question qui se pose est donc la suivante : dans le cadre de la révision de la LPM, devons-nous rester sur le taux de 2 % du PIB, ou devons-nous garantir en valeur absolue les sommes qui avaient été envisagées lors de son vote initial ?
Mes chers collègues, à ce stade, je serai tenté de conclure de la façon suivante : nous n'avons pas de raison budgétaire de considérer que le budget pour 2021 n'est pas respectueux, à ce stade, de la LPM. Cependant, je vous propose de conditionner notre vote favorable à une réponse claire, nette, précise et sans ambiguïté, à cinq questions.
Premièrement, la LPM sera-t-elle bien actualisée en 2021 ? Cette actualisation se fera-t-elle par la loi, et non par un décret ou, pire encore, par une décision d'un de ces nombreux conseils de défense ?
Deuxièmement, le produit de la vente des Rafale d'occasion reviendra-t-il au budget de la défense ? Il devrait être considéré comme une recette exceptionnelle, mais il serait préférable d'en avoir la confirmation.
Troisièmement, quelles vont être les conséquences opérationnelles d'une enveloppe inchangée, notamment pour l'armée de l'air ? J'aimerais obtenir des précisions de la ministre, qui ne soient pas la promesse qu'avec une diminution du nombre d'avions opérants, l'objectif du nombre de Rafale disponibles pour l'Armée de l'air fixés par la LPM à fin 2021 sera atteint en 2025 ou 2026. Après 2022, la marche à franchir chaque année sera non plus de 1,7 milliard d'euros, mais de 3 milliards.
Quatrièmement, je souhaiterais que la ministre nous confirme que la décision relative à la propulsion du Charles-de-Gaulle sera prise conformément au calendrier annoncé, c'est-à-dire pour la fin de l'année.
Cinquièmement, enfin, nous aimerions être rassurés sur le fait qu'une potentielle baisse du PIB ne se traduirait pas par une diminution, à due concurrence, des crédits alloués au ministère des armées.
Je salue Michelle Gréaume, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, qui assiste à notre réunion en visioconférence.
Nous serons attentifs aux réponses de la ministre aux questions soulevées par le rapporteur spécial, que je remercie.
Je voudrais revenir sur un incident survenu le 13 juin dernier : l'incendie sur le sous-marin nucléaire d'attaque (SNA) la Perle, qui était en réparation au chantier naval de Toulon auprès de l'armateur Naval Group. Alors que les causes de l'incendie sont imputables à l'armateur, j'ai été surpris de découvrir, dans l'arbitrage qui a été fait avec les assurances, que le coût de la réparation serait à la charge de l'État à hauteur de 60 %.
Sur les recrutements, les centres d'information et de recrutement des forces armées (Cirfa) ont été fermés pendant la crise sanitaire et le sont encore partiellement aujourd'hui. Quelles sont les options du ministère pour se préparer à la reprise des recrutements ? Une dynamique devra être assez rapidement mise en place pour rendre les carrières militaires de nouveau attractives auprès de nos jeunes concitoyens.
Ma question concerne l'hébergement des personnels militaires, sur lequel le rapporteur spécial a attiré notre attention. Ont été prévus 230 millions d'euros en autorisations d'engagement et un peu moins de 100 millions d'euros en crédits de paiement, ce qui est notoirement insuffisant. Le plan de relance prévoit 4 milliards d'euros pour les bâtiments publics : les services de l'armée ont-ils prévu de solliciter une partie des financements de ce plan pour lancer rapidement un certain nombre d'opérations urgentes ?
Le rapport établit un lien entre l'évolution des infrastructures et l'augmentation des personnels. Faut-il systématiquement accroître les personnels des services d'infrastructures pour mener ces opérations ? Ne peut-on faire appel à des opérateurs privés qui pourraient concevoir et réaliser des opérations pour le compte de l'armée ?
Je remercie le rapporteur spécial de son travail sur l'un des budgets les plus importants. On constate une augmentation d'un peu plus de 1 milliard d'euros en crédits de paiement, mais Dominique de Legge nous a fait part d'inquiétudes que nous pouvons partager.
En termes d'effectifs, quelle est la répartition entre l'état-major et les régiments présents sur le terrain ? Malheureusement, au fil des années, des régiments ont été dissous, et d'autres sont contraints d'effectuer des missions comme les OPEX et, dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, l'opération Sentinelle.
En termes de recrutement, quelles sont les perspectives ? Nous avons un état-major important, mais il faut aussi des fantassins.
Je tiens à remercier notre excellent collègue pour son rapport d'une très grande honnêteté sur l'effort gouvernemental, qui, en apparence, correspond à nos attentes mais pose en réalité des problèmes majeurs. En effet, la défense est confrontée à des rendez-vous qui n'avaient pas été prévus, en premier lieu desquels la fidélisation des engagés. Les carrières doivent être ni trop courtes ni trop longues. L'exercice est difficile, puisque, pour rebondir sur la question de Marc Laménie, il faut en effet des soldats, mais ceux-ci ne peuvent pas crapahuter jusqu'à un âge avancé !
La politique de fidélisation passe par le logement, tout particulièrement en Île-de-France. Dans les villes moyennes, la situation est plus facile que dans le sud-ouest et le sud-est, où sont concentrées des unités importantes destinées aux OPEX. Reste le problème lancinant du casernement des opérations Sentinelle en Île-de-France. Il faut interroger le ministre sur l'évolution de l'immense patrimoine foncier militaire, y compris en Île-de-France, qui est sous-utilisé, mal valorisé et souvent paralysé par des considérations extérieures aux besoins spécifiques de nos armées.
Le choix du mode de propulsion pour le successeur du Charles-de-Gaulle pose la question de la compétence de la France dans les SMR (small modular reactors), c'est-à-dire les petits réacteurs de 50 à 300 mégawatts. Il existe une continuité de compétences entre le savoir-faire militaire et le savoir-faire civil. Dans le domaine de l'énergie nucléaire, la demande mondiale porte sur des réacteurs de petite et moyenne dimensions. Notre compétence est excellente - je pense notamment à TechnicAtome -, et il serait insensé de l'abandonner, même si un porte-avions peut parfaitement fonctionner avec une énergie délivrant du CO2.
S'agissant du Rafale, il émet beaucoup de CO2, mais, pour l'instant, c'est le seul vecteur capable de porter une série d'armes utiles, d'observer et d'intercepter. L'affaire grecque pose en réalité le problème de l'OTAN. Nous avons le système qui va avec les Rafale français, ce qui ne sera pas le cas de la Grèce dans l'immédiat, ni même rapidement. Nous risquons de faire face à une diminution de nos moyens immédiats en attendant le remplacement de ces équipements sans que, pour autant, les moyens accordés à la Grèce puissent être tout de suite utilisables.
Il est tout à fait pertinent que le Sénat ait une seule commission des affaires étrangères et de la défense, car les armes ne sont utiles qu'à condition de ne pas servir : elles doivent jouer un rôle de dissuasion, qui n'est pas simplement nucléaire mais qui peut être aussi dans les moyens immédiats opposables à celui qui aurait la tentation de nous provoquer.
Je félicite le rapporteur spécial pour son exposé passionnant. La fidélisation des engagés, qui est peu ou prou en passe d'être atteinte, pose la question de l'hébergement. Quel est votre sentiment sur l'état d'esprit des personnels actuels ? Sont-ils apaisés, voire rassurés, quant à la réforme des retraites à venir ?
Je remercie Dominique de Legge pour la qualité de son rapport. Nous avons les mêmes points de vigilance.
De manière faciale, les objectifs du Gouvernement sont respectés. On sait à quel point, en matière d'équipements, il faut beaucoup d'argent. Les efforts paraissent toujours insuffisants par rapport aux objectifs.
Néanmoins, certaines mesures peuvent n'être qu'apparentes. Cela vaut pour le financement du surcoût des OPEX, pour la fidélisation des recrutements, pour le fléchage des recettes de la vente des Rafale à la Grèce. La LPM n'a pas été conçue sur la base d'un effondrement du PIB de 11 %...
Quels engagements chiffrés le rapporteur compte-t-il demander au Gouvernement sur la révision de la LPM en 2021 ? Le Gouvernement sera-t-il à même d'y répondre dans le cadre du débat budgétaire au Parlement de cet automne ? Ne voudra-t-il pas se donner davantage de temps ?
Antoine Lefèvre, l'idée est de greffer la partie avant d'un sous-marin retiré, le Saphir, sur la partie arrière de la Perle.
Sur l'aspect budgétaire, je me suis effectivement enquis de savoir qui allait payer : le contrat d'assurance de Naval Group est plafonné à 50 millions d'euros, ce qui explique que le budget des armées devra abonder le différentiel, estimé aux alentours de 60 millions d'euros.
Michel Canevet, le ministère des armées est exclu du plan de relance.
Sur la proposition de faire appel à des opérateurs privés pour l'amélioration de l'hébergement, je vous rappelle que la défense dispose d'un organisme HLM. Des marchés ont déjà été passés pour la rénovation des bâtiments. Ce que nos militaires ne supportent plus, c'est qu'il faille trois mois pour changer un chauffe-eau ! Il y a une dizaine d'années, nous avons fait le choix d'externaliser un certain nombre de prestations pour recentrer nos efforts. Quand il n'y a plus de personnel sur place, il faut faire appel à une entreprise ; or, dans certains endroits, il n'y en a pas ! Quel artisan acceptera de passer un marché pour changer les chauffe-eau d'un casernement sachant qu'il interviendra peut-être une fois tous les deux ans ? Face à la demande de montée en gamme et de confort, nous sommes tellement soucieux de faire les choses parfaitement que nous sommes incapables de gérer le quotidien.
Marc Laménie, sur la fidélisation des effectifs, on assiste incontestablement à une amélioration : le nombre de contrats renouvelés est plutôt satisfaisant. Nous avons dépensé en 2020 pratiquement toute l'enveloppe allouée à la rémunération des personnels, ce qui n'était pas le cas en 2019.
S'agissant de l'opération Sentinelle, le Président de la République a annoncé que les effectifs seraient portés de 5 000 à 7 000, avec un objectif potentiel de 10 000.
Je suis toujours gêné de répondre à Gérard Longuet, qui connaît mieux que moi, pour l'avoir vécu de l'intérieur, ces questions. Je partage son analyse sur la question du choix de la propulsion nucléaire. J'étais étonné que la question se pose, mais j'ai bien compris que c'était pour gagner du temps. Il est moins coûteux sur le papier d'avoir une propulsion « traditionnelle », mais, en termes de coût de fonctionnement, je n'en suis pas du tout certain : deux bateaux ravitailleurs sont en effet nécessaires.
Je rejoins Gérard Longuet pour considérer que si, par malheur, un autre choix était fait, il pourrait en aller demain de même pour les sous-marins. La dissuasion nucléaire a du plomb dans l'aile ! Selon moi, il faut conserver le nucléaire.
Sur la vente d'avions à la Grèce, je partage aussi ses propos. J'ajoute un point positif : les Grecs achètent des Rafale, et c'est tout de même mieux que des F15 ! Je me réjouis que des pays européens recourent enfin à du matériel français.
Sylvie Vermeillet m'a interrogé sur l'état d'esprit des personnels. J'ai répondu sur la fidélisation. En ce qui concerne les retraites, je les sens légèrement apaisés après les déclarations de la ministre et du Président de la République.
Rémi Féraud, je vous renvoie aux cinq points que j'ai développés dans mon propos liminaire. La ministre peut répondre à mes questions sur l'actualisation de la LPM et sur la saisine du Parlement. Une réponse dilatoire cacherait quelque chose !
Sur le retour de la recette de la vente des Rafale au budget du ministère, je devine que Bercy a une vision peut-être quelque peu différente, mais le Gouvernement peut prendre l'engagement de reverser cette recette exceptionnelle pour les armées.
Sujet plus compliqué sur lequel il sera intéressant d'entendre la réponse de la ministre, comment conjuguer une enveloppe inchangée et la nécessité de financer des Rafale neufs ?
Je ne vois pas ce qui retarde la décision concernant la propulsion du porte-avions. D'après mes contacts, cette décision serait imminente. La ministre pourrait donc également nous donner des informations sur ce point.
Sur l'indexation de la LPM sur le PIB, la réponse sera purement politique. Rien n'interdit à un ministre de prendre, au nom du Président de la République, un engagement sur ce point éminemment sensible.
Reste un point de discussion : comment revoir le contrat opérationnel compte tenu de la vente des Rafale ? C'est la raison pour laquelle j'insiste pour que le Parlement soit saisi de la révision de la LPM.
Je remercie à mon tour le rapporteur spécial. L'examen de la mission « Défense » permet à ceux qui ne sont pas spécialistes de ces questions de se tenir au courant des grands enjeux dans ce domaine stratégique.
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Défense ».
La réunion est close à 18 h 35.