Intervention de Vincent Eblé

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 19 novembre 2020 à 9h05
Projet de loi de finances pour 2021 — Mission « culture » - examen du rapport spécial

Photo de Vincent EbléVincent Eblé, rapporteur spécial :

S'agissant du loto du patrimoine, excusez-moi, mais c'est l'arbuste qui cache la forêt ! Les montants, en effet, sont assez limités au regard des enjeux et de l'ensemble des financements liés au patrimoine. Cela dit, avec ce loto, la Française des jeux (FDJ) a découvert un nouveau segment de clientèle, très mobilisé autour de la problématique ; de ce point de vue, on peut observer un effet d'image et d'entraînement qui n'est pas inutile. Pour rappel, la mission de Stéphane Bern est adossée à la Fondation du patrimoine qui, de façon systématique, fait appel à des initiatives de proximité pour accompagner les financements publics.

Concernant ce que Roger Karoutchi appelle les « paquebots » du patrimoine, prenons l'exemple du château de Versailles : au moment du premier confinement, le site employait 69 sous-traitants. Ces « paquebots » n'ont pas pour vocation de thésauriser un pactole dans leurs caves ou greniers, il s'agit bien de dépenser l'argent au bénéfice d'entreprises. Si vous interrogez, par exemple, les entreprises membres du groupement des entreprises de restauration de monuments historiques (GMH), elles attendent toujours avec impatience les crédits de l'État pour les travaux.

Dans le budget 2021, on observe également une meilleure prise en compte des dépenses des collectivités territoriales, avec un fonds incitatif et partenarial doté de 15 millions d'euros. Le montant ne semble pas élevé ; il a vocation à trouver son facteur multiplicateur dans la mobilisation des financements territoriaux sur certains chantiers.

Antoine Lefèvre nous a interrogés sur la rénovation du château de Villers-Cotterêts. Des sommes très importantes - et justifiées sur le plan patrimonial - sont engagées sur ce chantier. Au-delà des financements propres aux travaux - 43 millions d'euros dans le cadre du plan de relance, 10,6 millions issus du budget et 30 millions du programme d'investissements d'avenir (PIA) -, on peut se poser la question du fonctionnement d'un tel équipement compte tenu de la géographie particulière du département de l'Aisne et de son éloignement de Paris. Attirer du public sur un sujet aussi important, mais peu attractif que la promotion de la langue française ne sera pas chose aisée. Nous sommes actuellement dans la phase de travaux, mais peut-être faudra-t-il songer, à terme, à des charges de fonctionnement et de programmes culturels pour soutenir la langue française et le développement de ce lieu nouveau dédié à la francophonie.

Pour répondre à Gérard Longuet, nous n'avons pas d'estimation de la recette de la taxe, payée par les opérateurs immobiliers, sur l'archéologie préventive. On observe, en revanche, une augmentation de 7 millions d'euros de la subvention pour charges de service public versée à l'Institut national de recherches archéologiques préventives, soit une légère montée en charge de la contribution publique. Mais l'esprit de la loi sur l'archéologie préventive vise à trouver l'essentiel des ressources à partir des opérations immobilières. L'idée est donc de modérer, autant que possible, la contribution publique directe. Cette politique n'a de sens que si elle est suivie d'un engagement patrimonial, scientifique et éventuellement d'une valorisation touristique pour les sites les plus importants. La France, leader dans ce domaine de l'archéologie préventive, vend son savoir-faire à l'étranger, ce qui complique la relation entre les opérateurs publics et privés, engagés dans des logiques de concurrence.

Pour répondre à Rémi Féraud, le chantier du Grand Palais a connu une révision complète de son programme, afin de répondre aux critiques sur le montant global du chantier qui s'élevait initialement à 466 millions d'euros. Et pourtant, même en ayant réduit sensiblement la voilure, nous arrivons exactement au même montant. Comment est-ce possible ? Comme toujours sur les grands chantiers, tout n'avait pas été budgété ; on avait, par exemple, omis de compter la rénovation, sur la partie haute de l'édifice, des corniches et des sculptures monumentales.

Dans le détail, ce chantier de rénovation est financé à hauteur de 123 millions par la mission « Culture », auxquels s'ajoutent 160 millions d'euros issus du troisième PIA ; 150 millions liés à un emprunt, qui devra être amorti par l'établissement public ; et 33 millions d'euros de mécénat, dont 25 millions par Chanel. L'enveloppe est conséquente. Le souci est maintenant de lancer le chantier, sachant à la fois les exigences de date - je pense à l'accueil de manifestations sportives durant les jeux Olympiques de 2024 - et l'impossibilité de laisser à l'abandon un monument aussi important et symbolique. Il faudra donc bien - quoi qu'il en coûte ! - en passer par ce chantier. Naturellement, cela ne signifie pas de méconnaître l'importance des charges et de ne pas s'évertuer à les limiter.

Concernant la restauration de la cathédrale de Notre-Dame de Paris, la vérité est que l'État ne met pas un centime. Or, il s'agit bien d'une mission de l'État. Je suis profondément choqué, d'autant que, sur le milliard d'euros de travaux prévus, il faut compter les 20 % de recettes de TVA, soit 200 millions d'euros qui vont tomber dans les caisses de l'État ! J'ai interrogé la ministre sur ce point : elle s'en tient aux strictes limites de son portefeuille ministériel, en ajoutant que, si elle devait dégager un budget, ce serait au détriment d'autre chose. La totalité du chantier de restauration sera donc financée par les généreux donateurs, avec des paiements échelonnés au fur et à mesure de l'avancement des travaux.

Se pose également la question particulière du financement de l'établissement public créé pour cette restauration. Le ministre, à l'époque, nous avait assuré que l'État paierait sa part et que l'argent ne serait pas pris aux donateurs : cela n'a pas été suivi d'effets. Aujourd'hui, seul le loyer de 213 000 euros est financé par l'État. L'établissement public étant logé au sein d'un immeuble appartenant aux services du Premier ministre, ce loyer est versé à France Domaines, l'État paye d'une main et récupère de l'autre ! Je le redis, parce que, bien sûr, il s'agit de le taire : zéro contribution de l'État pour cette restauration, pas plus dans ce budget que dans les précédents...

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