Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi de commencer en soulignant le plaisir que j’éprouve à venir débattre ce matin avec vous de ce beau sujet qu’est la forêt française.
Vous l’avez dit, monsieur le sénateur Franck Menonville, les défis sont immenses ; la forêt est à la fois un patrimoine et un bien très précieux, comme l’est l’ONF. En ce début de propos, je veux saluer l’ensemble des femmes et des hommes qui y travaillent et que je soutiens.
La France est aussi un grand pays forestier, avec une forêt qui se cultive, qui est un élément très important de l’environnement dans lequel nous vivons et qui doit donc être protégée. Bref, la forêt française est indéniablement un très grand avantage, un actif, un trésor dans notre pays. Nous devons en prendre soin et savoir en tirer des bénéfices économiques, environnementaux ou sociaux.
Face à nous, dans ce contexte, se trouvent de nombreux défis.
Le premier est, évidemment, la question du changement climatique, qui se pose à tous les écosystèmes naturels, y compris à l’écosystème forestier. Monsieur Menonville, vous l’avez dit, les conditions climatiques ont favorisé ces dernières années l’amplification d’un certain nombre de maladies, notamment la maladie liée aux scolytes, que nous avons tous en tête. Songez que celle-ci a déjà fortement affecté près de 7 millions de mètres cubes d’épicéas. Certaines régions, comme Grand Est ou Bourgogne-Franche-Comté, sont particulièrement touchées.
Le changement climatique ne concerne évidemment pas seulement les résineux, notamment l’épicéa, mais aussi le frêne, le peuplier, qui a l’habitude de vivre dans des écosystèmes humides, le châtaignier et de nombreuses autres essences.
Nous sommes donc face à ce premier défi du changement climatique, qui nous conduit à nous demander comment nous pouvons rendre les écosystèmes forestiers plus résilients et mettre en œuvre une véritable stratégie d’adaptation. Il est d’abord nécessaire que nous parvenions à nous mettre d’accord sur les espèces résilientes que nous pourrions développer pour peupler, aujourd’hui et demain, nos filières françaises.
Une chose est certaine, toutefois, ce peuplement ne pourra se faire qu’avec la filière forestière, avec laquelle nous avons entrepris un travail très important pour qu’une feuille de route sur la résilience des parcelles forestières soit établie et que nous puissions avancer.
Cela nécessite, par exemple, de renforcer la coopération scientifique et les connaissances pour l’adaptation des forêts, mais aussi de donner une vision prospective, de long terme, sur les essences qui seront le mieux à même de peupler nos forêts en 2030, en 2050 et même en 2100. Il est également nécessaire d’investir dans nos forêts pour faire face, aujourd’hui, à ces dangers sanitaires qui impactent les peuplements.
C’est la raison pour laquelle, face à ce défi du changement climatique, je me suis battu et j’ai obtenu que 150 millions d’euros du plan de relance soient consacrés au repeuplement de nos forêts. Cette somme pourrait permettre de planter jusqu’à 50 millions d’arbres dans les forêts communales, domaniales ou privées. C’est probablement le plus grand investissement forestier depuis l’après-guerre en termes de repeuplement et c’était, à mes yeux, absolument indispensable.
Le deuxième défi est la réalité économique.
Je le dis avec beaucoup de conviction, une forêt, cela se cultive avec des ambitions. La question est la suivante : comment le bois peut-il accompagner la forêt en étant utilisé dans nos industries et exploitable sur plusieurs années ?
Relever ce défi impose d’abord de créer un lien indéfectible entre l’amont et l’aval de la forêt française et de réconcilier ces deux dimensions. Nous y sommes invités depuis plusieurs années, voire plusieurs décennies. La situation me semble – j’emploie ce terme à dessein – ubuesque : d’un côté, le taux de prélèvement est estimé à 50 % de l’accroissement biologique, ce qui signifie que, chaque année, la forêt avance, et c’est très bien ainsi ; de l’autre, en 2016, le déficit commercial de l’ensemble de la filière s’élevait à près de 6 milliards d’euros.
Lorsque, il y a vingt ans, j’ai fait des études d’ingénieur des eaux et forêts, on me disait : « La forêt avance, mais le bois recule. » C’était il y a vingt ans !