Ayant eu l’occasion d’expliciter de quelle manière nous souhaitons aborder la régulation de la modération, peut-être puis-je profiter de votre question, monsieur le sénateur Gold, pour évoquer un autre sujet, qui est central pour moi : la compétence et la capacité de l’État.
Aujourd’hui, les développeurs et les spécialistes de l’intelligence artificielle des GAFA sont les meilleurs du monde et sont payés plusieurs millions d’euros par an. La compétence disponible au sein de l’État pour ouvrir ou contrôler les boîtes noires, bien qu’elle ne soit pas nulle et que nous la développions, est, elle, relativement limitée.
Par conséquent, se pose la question de la capacité de l’État à se doter de moyens, pas seulement législatifs, et à proposer des conditions attractives aux gens de même niveau que les spécialistes des GAFA afin d’être en mesure de les recruter. Sans cela, tout ce dont nous discuterons ou que nous voterons sera complètement vain.
Nous avons commencé à travailler sur ce sujet en créant le pôle d’expertise de la régulation numérique.
Cette structure rassemble des spécialistes du big data et de l’intelligence artificielle au sein de l’administration. Elle est à la disposition de toutes les autorités indépendantes et de toutes les entités administratives, car la compréhension des algorithmes est un problème que rencontrent toutes les administrations – que ce soit la Direction de la législation et de la codification, l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse, la Commission nationale de l’informatique et des libertés, le Conseil supérieur de l’audiovisuel, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ou encore la Direction générale des entreprises. Ces compétences sont rares et chères.
À l’heure actuelle, le pôle compte une petite dizaine de personnes, mais il va monter en compétences. Notre idée consiste bien à en faire un pôle d’expertise, dans lequel les différentes institutions pourront venir piocher. Nous avons besoin de lois, mais aussi des capacités de les appliquer réellement, sur le terrain et en ligne.